Obligation d’exploiter une marque : la CJUE saisie

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Perte des droits sur la marque « Saint Germain »

Même en cas de non exploitation de sa marque, il n’est pas exclu qu’un déposant de marque puisse obtenir la réparation de son préjudice en cas de contrefaçon par un tiers pendant la période de non exploitation de ladite marque. Le fondateur d’une société, titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » pour désigner des boissons alcoolisées (crème de cognac) a obtenu le renvoi de son affaire devant la CJUE. Le titulaire, avait préparé le lancement de son produit mais sans réellement l’avoir mis au contact avec le public, ni exploité commercialement.

Suite à l’exploitation de la même marque par un autre établissement, le titulaire initial de la marque, débouté de son action en contrefaçon, a été déchu de ses droits pour défaut d’exploitation.  Le titulaire n’a pas mis à profit le délai de grâce de cinq ans prévu par l’article L. 714-5 du CPI, pour entamer un usage sérieux de sa marque, au point d’être déchu de ses droits à l’expiration de ce délai.

Préjudice de contrefaçon

Le titulaire a demandé l’indemnisation de son préjudice pour la période portant de l’enregistrement de sa marque jusqu’à sa déchéance, question inédite devant la Cour de cassation. La CJUE devra déterminer si le titulaire d’une marque, qui n’en a jamais fait usage et s’est vu déchoir de ses droits, peut, au seul motif tenant au droit exclusif conféré par l’enregistrement de la marque jusqu’à la date d’effet de la déchéance, obtenir la condamnation pour contrefaçon, du tiers qui a utilisé, au cours de cette période, un signe similaire à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels celle-ci avait été enregistrée.

Question inédite

Par un arrêt du 21 décembre 2016 (Länsförsäkringar, C-654/15), la CJUE a précisé qu’au cours de la période de cinq ans qui suit l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, son titulaire peut, en cas de risque de confusion, interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque pour tous les produits et les services identiques ou similaires à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services ».  Elle a, à cet égard, relevé qu’en établissant à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 une règle de déchéance de la marque de l’Union européenne pour défaut d’usage quinquennal, le législateur de l’Union a entendu soumettre le maintien des droits liés à la marque de l’Union européenne à la condition qu’elle soit effectivement utilisée, et que cette condition s’explique par la considération qu’il ne serait pas justifié qu’une marque non utilisée fasse obstacle à la concurrence en limitant l’éventail des signes qui peuvent être enregistrés par d’autres en tant que marque et en privant les concurrents de la possibilité d’utiliser un signe identique ou similaire à cette marque lors de la mise sur le marché intérieur de produits ou de services identiques ou similaires à ceux qui sont protégés par la marque en cause.

Elle a en outre considéré que le délai de cinq ans après l’enregistrement de la marque, pendant lequel le titulaire ne saurait être déclaré déchu de ses droits, constitue un délai de grâce donné au titulaire pour entamer un usage sérieux de sa marque, au cours duquel il peut se prévaloir du droit exclusif conféré par celle-ci, pour l’ensemble de ces produits et services, sans devoir démontrer un tel usage.

Pour déterminer si les produits ou les services du prétendu contrefacteur présentent une identité ou une similitude avec les produits ou les services couverts par la marque de l’Union européenne en cause, il convient d’apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l’enregistrement de la marque de l’Union européenne, l’étendue du droit exclusif conféré en vertu de cette disposition en ayant égard aux produits et aux services, tels que visés par l’enregistrement de la marque, et non pas par rapport à l’usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période.

Cependant, la situation dont la CJUE a eu à connaître dans l’arrêt Länsförsäkringar, dans laquelle la période de cinq ans n’était pas encore écoulée et dans laquelle aucune demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux n’avait, par hypothèse, pu être formée, n’était  pas la même que dans cette affaire qui pose la question de savoir si celui, qui n’a jamais exploité sa marque et qui a été déchu de ses droits sur celle-ci à l’expiration du délai de cinq ans, peut se plaindre d’avoir subi une atteinte à la fonction essentielle de sa marque et un préjudice, à raison de l’usage qui aurait été fait, par un tiers, d’un signe identique ou similaire au cours de la période de cinq ans ayant suivi l’enregistrement de la marque, et demander des dommages-intérêts.

Le litige posait bien une difficulté sérieuse quant à l’interprétation des articles 5, paragraphe 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 notamment au regard de son objectif, de prévoir qu’une marque ne puisse être valablement invoquée dans une procédure en contrefaçon s’il est établi, à la suite d’une exception, que le titulaire de la marque pourrait être déchu de ses droits.

Fonctions de la marque

Selon une jurisprudence constante de la CJUE, la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance (18 juin 2002, Philips, C-299/99 ; 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01).  Constitue un risque de confusion, au sens de l’article 5 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (22 juin 1999, C-342/97, Lloyd D ; 6 octobre 2005, C-120/04, Medion).

La CJUE a ainsi jugé, en ce qui concerne la contrefaçon par imitation, que l’usage du signe identique ou similaire à la marque, qui fait naître un risque de confusion dans l’esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque (12 juin 2008, O2 Holdings Limited, C-533/06). La protection conférée contre la contrefaçon par reproduction, en ce qu’elle est absolue et réservée aux atteintes portées, non seulement à la fonction essentielle de la marque, mais également aux autres fonctions, comme celles, notamment, de communication, d’investissement ou de publicité, est plus étendue que la protection prévue contre la contrefaçon par imitation, dont la mise en œuvre exige la preuve de l’existence d’un risque de confusion et donc la possibilité d’une atteinte à la fonction essentielle de la marque (18 juin 2009, L’Oréal, C-487/07).  Une marque est toujours censée remplir sa fonction d’indication d’origine, tandis qu’elle n’assure ses autres fonctions que dans la mesure où son titulaire l’exploite en ce sens, notamment à des fins de publicité ou d’investissement (22 septembre 2011, Interflora, précité, C-323/09).

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