Nullité d’une cession de fonds de commerce

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Erreur sur les locaux cédés

Les parties à une cession de fonds de commerce ont commis une erreur sur la susbstance même de la chose objet du bail cédé qui n’incluait pas les locaux situés au numéro [Adresse 7], erreur déterminante du consentement de la société Reminisens puisque c’est dans ces locaux situés N° 22 que se situe la cuisine du restaurant et l’extraction sans lesquelles l’exploitation du restaurant était impossible.

L’annulation d’un contrat

L’annulation d’un contrat pour vice du consentement a pour effet de remettre les parties dans la situation antérieure à l’acte annulé et implique des restitutions entre elles, outre, le cas échéant des dommages et intérêts si des fautes sont établies dans leur comportement précontractuel ayant entraîné le vice du consentement. Les restitutions ne concernent pas les tiers au contrat, lesquels, le cas échéant, peuvent être condamnés à des dommages et intérêts s’ils ont une responsabilité dans la survenance de l’erreur ayant vicié le consentement d’une partie.

Autorisation de la copropriété

La configuration des locaux telle qu’elle apparaît sur les plans et photographies et se trouve décrite par le constat d’huissier du 1er décembre 2016 permettait de constater sans ambiguité que la cuisine, l’arrière cuisine et la partie arrière de la salle principale du restaurant de l’établissement en cause sont situées dans l’immeuble du N[Adresse 7] à façade en briques distincte de la façade peinte de l’immeuble situé au [Adresse 6] où se situe les autres locaux du restaurant, situation qui n’a pu être cachée à la société Reminisens lors de la conclusion du bail. Ainsi, Mme [R], gérante de la société Reminisens, ayant observé que l’extraction de la cuisine traversait l’immeuble du [Adresse 7] a d’ailleurs interrogé les consorts [M] quant à l’existence d’une autorisation de la copropriété de cet immeuble pour procéder à l’entretien de cette extraction.

Cependant, dès lors que la société Reminisens a eu recours à différents professionnels pour élaborer son projet notamment l’agence Century 21, un avocat rédacteur de l’acte, qu’elle a interrogé à plusieurs reprises la société cédante sur les possibilités d’entretenir l’extraction qui traverse la propriété voisine et qu’elle a été rassurée par la société MJS si bien qu’il a été expressément inscrit dans l’acte de cession pour éviter toute ambiguité la clause selon laquelle ‘nonobstant la description résultant du bail commercial, le local objet de la présente cession comporte également une cuisine existante dépendante d’un autre immeuble et salle du fonds côté impasse Duplessis tels que cela ressort des plans établis par Mme [G] [O], géomètre expert’, Mme [R] a pu croire que les vérifications nécessaires avaient été effectuées. La démonstration n’est donc pas faite de l’existence d’une erreur inexcusable de sa part faisant obstacle à l’annulation de l’acte litigieux pour erreur sur la substance de la chose cédée.

L’exploitation précaire

La circonstance que la société Reminisens ait pu exploiter dans les locaux, de façon au demeurant précaire, n’est pas de nature à faire obstacle aux effets de l’erreur sur la validité de l’acte de cession de bail. De même, le moyen selon lequel le bail de la chose d’autrui est néanmoins valable est inopérant en l’espèce puisque l’acte litigieux n’est pas un bail mais une cession de bail, le bail lui même ne portant pas sur la chose d’autrui.

Nullité de l’acte de cession du droit au bail

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité de l’acte de cession du droit au bail et de la licence conclu le 30 mai 2016 entre la société MJS et la société Reminisens.

Dès lors que conforméent à la demande de la société Reminisens, le jugement est confirmé en ce qu’il a annulé l’acte de cession du 30 mai 2016, les fins de non recevoir opposées aux demandes des consorts [M] visant à infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité de l’acte de cession du 30 mai 2016 conformément à leurs conclusions de première instance, tirées notamment du caractère nouveau de leurs demandes ou du défaut de respect l’obligation de concentration des moyens, sont devenues sans objet .

La responsabilité du locataire

Selon l’article 1165 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au contrat du 24 octobre 2023 et dont le principe est repris au nouvel article 1199 du même code, les contrats , ne créent d’obligation qu’entre les parties contractantes. Il en résulte que les tiers ne peuvent être contraints de les exécuter, ni en demander l’exécution ou l’annulation.

Toutefois, la situation créée par le contrat constitue un fait juridique que les tiers doivent respecter ou peuvent invoquer lorsqu’il a des conséquences à leur égard. Ainsi, en application des anciennes dispositions des articles 1382 et suivants du code civil dont les principes sont repris aux articles 1240 et suivants, le tiers à un contrat complice d’une violation contractuelle peut être condamné in solidum avec le contractant en faute pour réparer l’entier préjudice résultant du concours des fautes contractuelles et délictuelles. De même, le tiers à un contrat est fondé à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci si elle lui cause un dommage.

Les consorts [M] ne sont pas parties à l’acte de cession du 30 mai 2016 de droit au bail et de la licence de restaurant. Elles n’ont fait que donner leur accord à la cession du bail du 24 octobre 2013, à la despécialisation partielle et à la réalisation de travaux.

Or, ce bail du 24 octobre 2013 faisait clairement référence à l’ouverture donnant accès au bâtiment situé [Adresse 7] et à la nécessité de s’adresser au propriétaire de ce local. Il est inopérant de souligner que les consorts [M] avaient connaissance de l’existence des deux baux depuis l’acte de partage successoral de 2008 puisqu’elles en ont tenu compte dans le bail de 2013. De même, dès lors que le bail faisait état de l’ouverture sur l’immeuble voisin dont l’adresse est différente, la circonstance que, selon l’expert, le prix du bail consenti en 2013 étant élevé, il pouvait s’entendre de l’ensemble des locaux, ne permet pas de démontrer que telle était effectivement l’intention des parties lors de la conclusion de ce bail.

Les consorts [M] n’avaient aucun rôle dans la rédaction de l’acte de cession de bail de mai 2016 ni aucun devoir de conseil ou d’information à l’égard de la cessionnaire, et ce, d’autant moins que différents professionnels de l’immobilier, notamment une agence Century 21 ayant reçu de Mme [R] le 4 décembre 2015 un ‘mandat de recherche d’un bien’, des avocats et un géomètre, sont intervenus pour l’établissement de cet acte.

La circonstance que Maître Villefayot, avocat des consorts [M], n’ait pas fait d’observation dans ses courriers quant à la correspondance entre les locaux où est exploité le fonds de commerce cédé et ceux appartenant à ses clientes ne permet pas de caractériser l’existence d’une maneuvre dolosive de la part de ces dernières quant à la consistance des locaux loués, puisque les intérêts à protéger de ses clientes portaient principalement sur la demande d’autorisation de despécialisation partielle et de travaux et non sur la consistance des locaux. Ainsi, sa lettre du 3 mai 2016 autorisant la despécialisation et indiquant que les autorisations des travaux envisagés ne devraient pas poser de difficulté, tout en sollicitant le dossier des travaux, et le fait que les travaux aient été autorisés ne permettent pas d’en déduire que les bailleresses se seraient présentées de façon trompeuse comme propriétaires de la cuisine pour laquelle il était prévu ‘la fermeture complète’ et la ‘probable réduction’, puisque ces travaux de cuisine ne constituaient qu’une partie d’un ensemble de travaux concernant aussi les locaux des bailleresses tels que des ‘travaux de façade’, ‘des travaux intérieurs’, la ‘suppression de piliers non porteurs (…)d’alcôves d intérieures décoratives (…) tous les travaux permettant l’accès PMR dont notamment le transfert des toilettes au rez-de-chaussée’.

La société Reminisens se prévaut d’échanges de courriels dont il ressort que le 26 février 2016, sa gérante, Mme [R], a demandé aux consorts [M] de lui indiquer comment se réalisait le nettoyage de l’extraction de la cuisine ‘dont les conduits sont situés dans un autre immeuble de la rue (possiblement le [Adresse 7]) ‘ et de lui transmettre un compte rendu de la copropriété de cet immeuble autorisant l’accès à ses parties communes; que Mme [A] [M] lui a écrit le 1er mars 2016 ‘nous ne savons pas grand chose, l’ensemble des installations a été réalisé par les locataires précédents et nous n’avons aucune connaissance des modalités pratiques des installations initiales et actuelles liées à l’activité de restauration ni de l’entretien de l’existant. Il faut demander au vendeur pour obtenir des précisions complémentaires’; que le 2 mars 2016 Mme [R] lui a demandé ‘d’obtenir un accord écrit en contactant les propriétaires actuels et/ou le syndic de copropriété de cette immeuble (les cuisines du restaurant du [Adresse 6] étant entièrement dans l’immeuble du [Adresse 7]) pour obtenir une autorisation écrite qu’ils ne voient pas d’inconvénients aux interventions d’entretien et de réparation de cet élément indispensable à mon activité ”; que le jour même Mme [A][M] lui a répondu :’ je ne sais pas si nous pourrons vous êtes d’une aide significative . Je ne m’y connais pas du tout. Contactez [L] [N] notre administrateur de biens qui pourra peut être vous renseigner. Il est en copie. Je pense tout de même que la balle est dans le camp du vendeur’.

Par ailleurs, M. [N] de la Sté CGA mandataire des bailleresses interrogé par Mme [R] lui a répondu le 3 mars 2016: ‘j’ignore tout de la propriété de l’immeuble voisin. Il me semble avoir vu sur l’immeuble la plaque d’une Sté d’HLM. Je vous invite à la contacter pour obtenir les moyens d’accès qui vous sont nécessaires’. Mme [R] lui a aussitôt répondu ‘je vous remercie je vais contacter cette société’.

Cette attitude consistant à se déclarer mal informée et à adresser le futur cessionnaire au cédant puis à la propriétaire de l’immeuble voisin ne caractérise pas une intention de tromper ni même une réticence dolosive de la part de la bailleresse et de son mandataire sur la configuration des locaux donnés à bail puisqu’elle invite la future cessionnaire à rechercher des informations.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la démonstration n’est pas faite que les consorts [M] auraient engagé leur responsabilité par une attitude fautive contribuant à provoquer l’erreur viciant le consentement de la société Reminisens lors de la conclusions de l’acte de cession de bail du 30 mai 2016.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il les a condamnées in solidum à payer à la société Reminisens la somme de 737.084,17 € en réparation de son préjudice et de débouter la société Reminisens de sa demande aux fins de voir condamner in solidum les consorts [M] au paiement d’une somme de 1.685.700,30 € à titre de dommages et intérêts.

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