Nullité du contrat de franchise

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Information précontractuelle

 

L’article L 330-3 du code de commerce pose que toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun, de lui fournir un certain nombre d‘informations précontractuelles. L’article L 330-3 du code de commerce n’impose pas au fournisseur de remettre au client une étude de marché et un compte prévisionnel, documents qui ne se confondent pas avec la présentation de l’état du marché et de ses perspectives de développement : ceux-ci, exigibles en vertu dudit article L 330-3, correspondent au recueil de données brutes et objectives, ceux-là résultent d’une analyse de ces données.

Documents sérieux et chiffres vérifiables

Toutefois, dès lors que le fournisseur a remis au client une étude de marché et un prévisionnel il lui appartient de justifier du caractère sérieux et sincère de ces documents, qui ne doivent pas être réalisés de façon fantaisiste, mais sur la base d’éléments pertinents. En l’espèce, il est incontestable que, contrairement à leur co-contractant, les époux ayant intégré la franchise   étaient novices dans le domaine de la grande distribution alimentaire ; leur formation en école de commerce suivie de l’exercice de responsabilités au sein du groupe Darty dans le domaine de la grande distribution en électroménager, ne leur garantissaient pas la connaissance de la méthode de gestion d’un commerce alimentaire de proximité dont les spécificités, au niveau de l’achalandage, la connaissance du produit et l’approche commerciale, sont fort différentes.

Avant signature du contrat, la SAS Codi France a communiqué aux franchisés une étude de marché et un prévisionnel prévoyant, sur trois ans, un chiffre d’affaires annuel de 1,4 M€, 1,58 M€ et 1,66 M€ censé permettre, grâce à un taux de marge de 24 % la première année et de 25 % les deux années suivantes, à un apport personnel de 100.000 € et à une participation financière de Codi France à hauteur de 40.000 € : i) l’embauche de deux responsables rémunérés mensuellement 2.400 € bruts et de trois employés à 1.250 € bruts, ii) le financement de travaux de gros-oeuvre pour 200.000 € amortis sur 10 ans, de travaux d’agencement pour 110.000 € amortis sur 7 ans, d’un stock d’implantation de 70.000 €, d’un droit d’entrée et des frais d’agence de 32.600 € et d’un emprunt de 273.000 € au taux de 4,5 %, iii) la réalisation d’un résultat net de, respectivement, 67.002 €, 108,410 € et 118.991 € les trois premières années d’exploitation.

Or, il ressort de l’expertise diligentée que cette étude de marché et ce prévisionnel ont manifestement i) sous-estimé la concurrence dès lors qu’ils n’ont pris en compte que les concurrents directs de CocciMarket et aucun concurrent indirect comme les grandes surfaces ou les supermarchés ne faisant pas partie de la zone de chalandise, ii) surestimé les achats alimentaires moyens annuels de la zone d’implantation, iii) surestimé la cible clients CocciMarket qui ne correspond pas à la réalité d’un commerce de proximité et de centre-ville à cette enseigne.  Ils se sont, en outre, appuyés sur une étude beaucoup trop générale prenant en compte des chiffres macro-économiques parfois nationaux alors qu’ils auraient dû être davantage ciblés, adaptés au contexte d’un commerce de proximité local.

L’expert judiciaire a ainsi déterminé que le potentiel de chiffre d’affaires sur les trois premières années ne pouvait pas dépasser, en hypothèse haute, respectivement, 300 K€, 400 K€ et 500 K€ de sorte qu’avec une marge, elle réaliste, de 24 à 25 %, il était totalement impossible de faire face aux frais généraux, au remboursement du loyer s’élevant à lui seul à 42.000 € par an, au remboursement du prêt et à la rémunération des employés et des dirigeants. Il en a conclu que ce projet n’était pas viable dans les locaux choisis avec les travaux engagés pour la rénovation du magasin et la mise aux normes de l’enseigne et qu’il n’aurait jamais dû voir le jour. Ces données, très exagérément optimistes, et partant grossièrement erronées, portent sur la substance même du contrat d’approvisionnement pour lequel l’espérance de gain était déterminante.

Il s’ensuit que l’erreur substantielle commise par les franchisés sur la rentabilité de l’entreprise qu’ils souhaitaient exploiter, induite par les données irréalistes qui leur ont été communiquées par leur co-contractante pourtant au fait des potentialités réelles d’un fonds de commerce de ce type dès lors qu’elle exploite en propre ou est liée par contrat d’approvisionnement à 200 magasins, a vicié leur consentement de sorte que la nullité du contrat de franchise a été prononcée.

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