Notification préalable du jugement à l’avocat
Il est nécessaire, lorsque la représentation est obligatoire, de notifier préalablement le jugement aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, sous peine de nullité de la notification à partie.
Modalités de notification à l’avocat
La notification préalable à l’avocat peut être effectuée par huissier de justice, par remise directe de l’acte signé, ou par voie électronique avec avis de réception.
Contestation de la notification
La société Bee’s développement n’a pas respecté les modalités de notification à l’avocat, ce qui a entraîné une contestation de la part de la société [E] [L].
Preuve de la notification
La notification du jugement à l’avocat par mail est reconnue, mais la société [E] [L] prétend qu’elle aurait dû être faite par le RPVA et la plate-forme e-barreau.
Nullité de la signification
La nullité de la signification est encourue en raison de l’irrégularité de la notification à l’avocat, sauf si un grief en lien causal avec cette irrégularité est justifié.
Préjudice et interjet d’appel tardif
Le préjudice subi par la société [E] [L] en raison d’un interjet d’appel tardif n’est pas lié à l’irrégularité de la notification à l’avocat.
Décision de la cour
L’ordonnance de nullité de l’acte de signification est infirmée, l’appel étant jugé irrecevable en raison de sa tardiveté. La société [E] [L] est condamnée aux dépens et à une indemnité pour frais irrépétibles.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT SUR DEFERE
DU 09 FEVRIER 2023
N°2023/24
Rôle N° RG 22/09319 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJUXM
SAS BEE’S DÉVELOPPEMENT
C/
S.A.S. [E] [L] (CYCLOPANET)
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Olivier TARI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du conseiller de la mise en état de la chambre 3-3- de la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE en date du 16 juin 2021
Demanderesse au déféré
SAS BEE’S DÉVELOPPEMENT, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Audrey FREEMAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituant Me Benoît PHILIPPE de la SCP O. RENAULT & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Défenderesse
S.A.S. [E] [L] (CYCLOPANET) prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [E] [L]
dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Olivier TARI de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE et assistée de Me Justine CESARI, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Olivier TARI, avocat
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a :
– prononcé la résiliation du contrat de franchise signé le 31 mars 2018 aux torts de la SASU [L] [E],
– débouté M. [E] [L] pris en sa qualité de liquidateur amiable de la SASU [L] [E] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la SASU [L] [E] en liquidation amiable, représentée par M. [E] [L] en qualité de liquidateur amiable à régler à la société Bee’s développement la somme de 10725 euros au titre des factures de redevances 2019 et 2020 outre les intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2020,
– débouté la société bee’s développement de sa demande de perte de revenu subie suite à la rupture anticipée du contrat,
– débouté la société Bee’s développement de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image,
– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SASU [L] [E] en liquidation amiable, représentée par M. [E] [L] en qualité de liquidateur amiable aux entiers dépens de la présente instance.
La SAS Bee’s développement a fait signifier le jugement à la SASU [E] [L] par acte du 23 juillet 2021.
La SASU [E] [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 août 2021.
La SAS Bee’s développement a saisi le magistrat de la mise en état aux fins d’entendre :
– déclarer nulle la déclaration d’appel déposée le 27 août 2021 par la société [L] [E] sans indication de sa représentation par son liquidateur amiable,
– déclarer irrecevable comme tardif l’appel formé par déclaration du 27 août 2021 à l’encontre du jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 5 juillet 2021,
subsidiairement,
– prononcer la radiation du rôle de l’affaire,
en toutes hypothèses,
– condamner la société [L] [E] en liquidation amiable, représentée par M. [E] [L] ès qualités de liquidateur amiable de la société [L] [E], à régler à la société Bee’s développement la somme de cinq mille euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [L] [E] en liquidation amiable, représentée par M. [E] [L] ès qualités de liquidateur amiable de la société [L] [E] aux entiers dépens.
M. [E] [L], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la SASU [L] [E], demandait au magistrat de la mise en état de :
– déclarer recevable l’appel interjeté par la SASU [L] [E] prise en la personne de son liquidateur amiable, M. [L] [E],
– dire et juger que la déclaration d’appel formalisée le 27/08/2021 n’est pas nulle,
– dire et juger que l’acte de signification à partie du 23/07/2021 est nul,
– débouter la société Bee’s développement de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société Bee’s développement à payer à M. [L] ès qualités de liquidateur amiable de la SASU la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Tari sur son affirmation de droit.
Par ordonnance du 16 juin 2022, le magistrat de la mise en état de la chambre 3-3 a :
– annulé la signification du jugement du 23 juillet 2021 effectuée par acte de la SELARL Kaliact Coutant et associés, titulaire d’un office d’huissier de justice,
– dit que le délai d’appel du jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence n’a pas couru,
– déclaré en conséquence recevable l’appel interjeté le 27 août 2021 par la SASU [L] [E], représentée par son liquidateur amiable M. [E] [L],
– condamné, vu l’article 700 du code de procédure civile, la SAS Bee’s développement à payer à la SASU [L] [E], représentée par son liquidateur amiable M. [E] [L], la somme de 2000 euros,
– condamné la SAS Bee’s développement aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le magistrat de la mise en état a retenu à cet effet :
– sur la nullité de l’appel, que contrairement à ce qui est soutenu par l’intimée, la mention de ce que l’appelante, qui est en liquidation, est représentée par son liquidateur amiable, figure en clair sur la déclaration d’appel, de sorte que la nullité alléguée à ce titre n’est pas encourue,
– sur le caractère tardif de l’appel :
que la mention d’une signification entre avocats effectuée le 21 juillet 2021 figurant sur l’acte de signification à partie ne saurait être considérée à elle seule comme la preuve de sa réalisation effective et conforme aux articles 671 et suivants, 748-1 à 748-3 du code de procédure civile,
qu’il n’a été produit, en pièce 4 par l’intimée, qu’un courriel émis le 21 juillet 2021, hors le RPVA et la plate-forme ‘e-barreau’, de sorte qu’il n’a pas fait l’objet d’un avis électronique de réception qui indique la date et le cas échéant l’heure de celle-ci, tel que prévu à l’article 748-6 du code de procédure civile ; que la seule transmission par courriel d’un jugement à l’avocat adverse ne vaut pas notification entre avocats au sens des articles 671 et suivants du code de procédure civile ; que faute de notification régulière du jugement entre avocats, la nullité de la signification du jugement à partie est encourue; que l’absence de notification entre avocats conforme aux dispositions du code de procédure civile susvisées, a causé à la SAS [L] [E] un grief certain dans la mesure où elle n’a pu former appel dans le délai de l’article 538 du code de procédure civile.
La SAS Bee’s développement a déféré cette ordonnance à la cour par requête du 28 juin 2022.
Les parties ont été convoquées par le greffe à l’audience de la chambre 3-4 du 13 décembre 2022.
Par conclusions déposées et notifiées le 12 décembre 2022, la SAS Bee’s développement demande à la cour, vu les articles 114, 524, 538, 690, 901 du code de procédure civile, de :
– réformer l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 16 juin 2022 en toutes ses dispositions,
– déclarer irrecevable comme tardif l’appel formé par déclaration du 27 août 2021 à l’encontre du jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 5 juillet 2021,
– subsidiairement, réparer l’omission de statuer entachant l’ordonnance déférée et prononcer la radiation du rôle de l’affaire,
– en toutes hypothèses, condamner la société [L] [E] en liquidation amiable, représentée par M. [E] [L] ès qualité de liquidateur amiable de la société [L] [E] à régler à la société Bee’s développement la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 6 décembre 2022 la SASU [E] [L] prise en la personne de son liquidateur amiable demande à la cour, vu les articles 524, 678, 853, 671 à 673, 748-1 du code de procédure civile de :
– confirmer l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 16 juin 2022 en toutes ses dispositions,
– déclarer recevable l’appel interjeté par la SASU [E] [L] prise en la personne de son liquidateur amiable M. [E] [L],
– dire et juger que l’acte de signification à partie du 23 juillet 2021 est nul,
– débouter la société Bee’s développement de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société Bee’s développement à payer à M. [L] ès qualités de liquidateur amiable de la SASU la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Tari.
MOTIFS
Il résulte des dispositions de l’article 678 du code de procédure civile que lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit être préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, à peine de nullité de la notification à partie, la mention de l’accomplissement de cette formalité devant être portée dans l’acte de signification destinée à la partie.
Il n’est pas contesté que s’agissant d’une instance introduite en première instance le 5 juin 2020, soit postérieurement à la date d’entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 modifiant l’article 853 du code de procédure civile, les parties étaient tenues de constituer avocat, de sorte que la formalité de la notification préalable du jugement à l’avocat était applicable.
Il s’évince des articles 678, 672, 673 et 748-1 et 748-3 du code de procédure civile que cette notification préalable à l’avocat peut-être effectuée :
– soit par huissier de justice selon les modalités prévues à l’article 672,
– soit par notification directe par remise de l’acte en double exemplaire dont l’un est daté, signé et restitué par l’avocat destinataire conformément à l’article 673,
– soit par notification par voie électronique faisant l’objet d’un avis de réception adressé par le destinataire qui indique la date et l’heure de celle-ci.
En l’espèce, l’acte d’huissier du 23 juillet 2021 portant signification de jugement à la SASU [E] [L] mentionne que le jugement a été signifié à avocat le 21 juillet 2021.
Si cette mention permet d’établir l’existence d’une notification à avocat préalable à la signification à partie, elle n’a aucun caractère probant quant à la régularité formelle de cette notification qui peut être contestée par la partie destinataire.
La société Bee’s développement reconnaît ne pas avoir procédé à une notification à avocat par le RPVA et la plate-forme e-barreau et prétend que le RPVA du tribunal de commerce ne permet pas une telle notification entre avocats, ce que la partie adverse conteste.
Si la cour ne dispose pas des éléments techniques lui permettant d’appréhender l’ensemble des fonctionnalités du RPVA du tribunal de commerce, il sera relevé que si l’impossibilité alléguée était avérée, le conseil de la société Bee’s développement devait alors procéder comme il est dit à l’article 673 précité, ce qu’il n’a pas fait.
La nullité de la signification est en conséquence encourue, à charge pour la partie qu’il invoque de justifier, conformément aux dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, d’un grief en lien causal avec cette irrégularité.
Outre le fait que le jugement est transmis aux avocats par le greffe du tribunal de commerce et fait partie des documents consultables sur le portail i-greffes ainsi qu’il résulte de la capture d’écran produite en pièce n°8 de la société Bee’s développement, la société [E] [L] reconnaît que la société Bee’s développement a notifié le jugement à Maître [D] [M] par un mail adressé à ce dernier le 21 juillet 2021 à 11h53 avec en objet ‘20.21967 – [L] [E] c/ Bee’s développement’ et en pièce jointe ‘jugement Tcom Aix.pdf’, dont elle verse elle-même la copie aux débats.
Dès lors que le jugement a effectivement été communiqué à l’avocat de la société [E] [L] par mail du 21 juillet 2021 dont la réception n’est pas contestée, il n’est démontré aucun grief résultant directement du fait que cette notification a été faite par un réseau de messagerie autre que le RPVA et la plate-forme e-barreau, sans émission d’un avis de réception.
La société [E] [L] prétend que le grief est constitué puisqu’elle n’a pu interjeter appel dans le délai de l’article 538 du code de procédure civile, d’autant que le jugement ayant été signifié à l’adresse du siège de la société, inoccupé du fait de la liquidation amiable, et non au domicile du liquidateur, elle n’en a pas eu connaissance en temps utile.
Il sera relevé que bien que critiquant les modalités de la signification à partie effectuée par acte du 23 juillet 2021, la société [E] [L] n’en soulève pas la nullité pour ce motif.
Ainsi que le fait valoir la société Bee’s développement, l’huissier a valablement signifié l’acte à l’adresse figurant au RCS comme étant le siège de la société, confirmé par le commerçant voisin, conformément aux dispositions de l’article 690 du code de procédure civile, et n’avait aucune obligation de signifier l’acte au domicile personnel du liquidateur amiable.
La jurisprudence citée par la société [E] [L] concernant la signification d’un acte à une société en liquidation judiciaire n’est pas transposable à la signification d’un acte à une société en liquidation amiable dont les effets juridiques ne sont pas comparables.
Le préjudice constitué par le fait que la société [E] [L] n’a pas interjeté appel dans le délai utile résulte ainsi du fait que n’ayant pas pris les dispositions nécessaires pour un transfert de siège social ou à tout le moins un transfert de courrier, elle n’a pas eu immédiatement connaissance de la signification du 23 juillet 2021.
Ce préjudice est dépourvu de lien causal avec le non-respect des modalités prescrites pour la notification préalable du jugement à son avocat.
L’ordonnance déférée sera en conséquence infirmée en ce qu’elle a prononcée la nullité de l’acte de signification du 23 juillet 2021.
L’appel formé plus d’un mois après la signification du jugement est irrecevable comme tardif conformément aux dispositions des articles 528 et 538 du code de procédure civile.
Partie succombante, la société [E] [L] sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Déboute la société [E] [L], représentée par son liquidateur amiable M. [E] [L], de son exception de nullité de l’acte de signification du jugement dont appel,
Déclare l’appel formé par la société [E] [L], représentée par son liquidateur amiable M. [E] [L], irrecevable comme tardif,
Condamne la société [E] [L], représentée par son liquidateur amiable M. [E] [L], à payer à la société Bee’s développement la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [E] [L], représentée par son liquidateur amiable M. [E] [L], aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT