Notification de la cession du fonds de commerce

Notez ce point juridique

Sur la recevabilité de l’action de la société MRP

La société MRP a acquis le fonds de commerce de la société Rosny Optique, mais la société DB Audition conteste le transfert automatique des contrats. Elle affirme ne pas avoir donné son accord pour la cession et soutient ne pas avoir manifesté sa volonté d’accepter la cession. La société DB Audition affirme également que la société MRP n’a pas acquis un fonds de commerce d’audioprothèse. En réponse, la société MRP soutient avoir un intérêt à agir, car la société DB Audition a continué son activité avec elle après la cession du fonds de commerce.

Sur la demande de remise du fichier clients

La société DB Audition conteste la demande de remise du fichier clients de la société MRP, affirmant qu’elle n’a jamais été en possession du fichier client « optique » de la société Rosny Optique. Elle soutient que le contrat de mise à disposition ne lui faisait pas obligation de donner son propre fichier de clientèle à la société Rosny Optique. En réponse, la société MRP affirme que les deux sociétés utilisaient le même service d’encaissement, le même logiciel de fichiers clients et le même mobilier, ce qui constituerait un acte de concurrence déloyale.

Motifs de la décision

Le tribunal constate que la société MRP n’a pas notifié à la société DB Audition la cession du fonds de commerce ni sollicité son accord pour le transfert du contrat. Il estime que la contestation de la société DB Audition est sérieuse et qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé. Par conséquent, il n’y a pas lieu à référé sur les demandes de la société MRP de restitution du fichier client et d’interdiction de démarchage. La société MRP est condamnée à supporter les dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser une somme de 4 000 euros à la société DB Audition sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n° 22/06389

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 22/06389 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VPGE

AFFAIRE :

S.A.R.L. DB AUDITION

C/

S.A.R.L. MRP

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 19 Octobre 2022 par le Président du TC de VERSAILLES

N° RG : 2022R00171

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.05.2023

à :

Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. DB AUDITION

prise en son établissement secondaire situé [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

N° SIRET : B 450 812 250 (RCS Nanterre)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Ayant pour avocat plaidant Me Claire BROUILLER, du barreau de Rouen

APPELANTE

****************

S.A.R.L. MRP

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 905 382 370 (RCS Versailles)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 20220127

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane JOFFROY du barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président ayant été entendue en son rapport, et Madame Marina IGELMAN, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Lucile GRASSET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société DB Audition, qui exerce une activité d’audioprothésiste, exerçait son activité dans les locaux de la société Rosny Optique situés au [Adresse 5] à [Localité 4] sous l’enseigne Optic 2000, dans le cadre d’un protocole d’accord prévoyant la mise à disposition de locaux en date du 16 septembre 2011.

Par acte du 28 janvier 2022, la société MRP a fait l’acquisition du fonds de commerce de la société Rosny Optique.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 février 2022 adressée à la société DB Audition, la société MRP a résilié la convention conclue entre Rosny Optique et la société DB Audition.

La société DB Audition a quitté le local le 21 mai 2022 et s’est installée à proximité immédiate, sous sa propre enseigne.

Par acte d’huissier de justice délivré le 8 juillet 2022, la société MRP a fait assigner en référé la société DB Audition aux fins d’obtenir principalement de lui voir enjoindre de supprimer les présentoirs utilisés, supprimer sur internet toute référence au magasin Optic 2000 sis à [Localité 4] en rapport avec ses publications, supprimer sur internet toute référence à l’adresse du [Adresse 5] à [Localité 4], la condamner à lui restituer son fichier client, lui faire interdiction de démarcher ses clients, le tout sous astreinte.

Par ordonnance contradictoire rendue le 19 octobre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

au principal,

– renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

dès à présent,

– condamné la société DB Audition à restituer le fichier client à la société MRP,

– interdit à la société DB Audition de démarcher les clients contenus dans ce fichier,

– condamné la société DB Audition à payer à la société MRP 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société DB Audition aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 40,66 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 21 octobre 2022, la société DB Audition a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société DB Audition demande à la cour, au visa des articles 31, 122 et 873 du code de procédure civile, de :

– recevoir la société DB Audition en l’ensemble de ses demandes,

– infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles le 19 octobre 2022 des chefs de jugement ayant :

(i) condamné la société DB Audition à restituer le fichier client à la société MRP,

(ii) interdit à la société DB Audition de démarcher les clients contenus dans ce fichier,

(iii) condamné la société DB Audition à payer à la société MRP 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

(iv) condamné la société DB Audition aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 40,66 euros.

statuant à nouveau,

– débouter la société MRP de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société MRP à 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 28 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société MRP demande à la cour, de :

– déclarer la société DB Audition mal fondée en son appel et l’en débouter intégralement ;

– confirmer l’ordonnance de référé du 19 octobre 2022 condamnant la société DB Audition à restituer le fichier client à la société MRP,

en conséquence,

– débouter la société DB Audition de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– confirmer l’ordonnance de référé du 19 octobre 2022 interdisant la société DB Audition de démarcher les clients contenus dans ce fichier,

en conséquence,

– débouter la société DB Audition de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– confirmer l’ordonnance de référé du 19 octobre 2022 condamnant la société DB Audition à payer à la société MRP 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

– débouter la société DB Audition de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– confirmer l’ordonnance de référé du 19 octobre 2022 condamnant la société DB Audition aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 40,66 euros,

en conséquence,

– débouter la société DB Audition de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

y ajoutant en cause d’appel,

– condamner la société DB Audition à payer à la société MRP la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société DB Audition aux entiers dépens dont distraction au profit de la Maître Philippe Châteauneuf, avocat à la cour, conformément aux dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’action de la société MRP

Reconnaissant que la société MRP a acquis le fonds de commerce de la société Rosny Optique, la société DB Audition soutient que la cession de fonds de commerce n’opère pas un transfert automatique des contrats, la cession d’un contrat à un tiers supposant l’accord du contractant cédé, ce qui n’a pas été le cas puisqu’elle n’a reçu ni demande de transfert du contrat ni même signification de la cession de fonds de commerce.

L’appelante en déduit être en droit d’opposer à la société MRP une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt ou de qualité à agir.

Elle soutient n’avoir jamais manifesté sa volonté d’accepter la cession puisqu’elle a été informée concomitamment de la cession et de la fin de son contrat d’occupation et n’a donc réglé son loyer à la société MRP que durant les 3 mois du préavis, ce qui ne peut caractériser une volonté sans équivoque de poursuivre l’exécution du contrat avec elle.

La société DB Audition affirme que la société MRP n’a pas acquis un fonds de commerce d’audioprothèse, dès lors que la société Rosny Optique n’exploitait pas un tel fonds de commerce, ne disposant pas des qualifications nécessaires.

Elle expose que les termes de la cession intervenue entre les sociétés MRP et Rosny Optique ne lui sont pas opposables, que la société MRP ne pouvait ignorer acquérir un fonds de commerce d’optique au regard du chiffre d’affaires et des résultats de la société et que le contrat qu’elle avait conclu avec la société Rosny optique interdisait en son article 7 à l’opticien de créer, développer ou reprendre une activité en audioprothèse.

La société DB Audition affirme que c’est par erreur que le premier juge a considéré qu’elle aurait assuré des prestations pour le compte de la société Rosny Optique, alors qu’en réalité, la société Rosny Optique exerçait une activité d’optique tandis qu’elle assurait indépendamment son activité d’audioprothèse.

La société MRP soutient en réponse avoir intérêt à agir, au motif que la société DB Audition aurait poursuivi avec elle les relations contractuelles entamées avec la société Rosny Optique, en lui réglant les loyers et en continuant son activité, postérieurement à la cession du fonds de commerce du 28 janvier 2022, le cédé ayant ainsi manifesté sans équivoque sa volonté d’accepter la cession du contrat.

Elle indique que le contrat qu’elle a conclu avec la société Rosny Optique mentionnait l’activité d’audioprothèse et que son Kbis précise cette activité principale.

Sur ce,

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, ‘l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé’.

La société MRP justifie avoir acquis le fonds de commerce de la société Rosny Optique, comprenant, aux dires du contrat, une activité d’audioprothèse. Il est constant que la seule activité d’audioprothèse exercée au sein du local litigieux était celle de la société DB Audition, qui avait elle-même conclu une convention avec la société Rosny Optique à ce titre.

En conséquence, et dès lors que la société MRP a engagé une action sur le fondement du respect par la société DB Audition de ses engagements pris dans le cadre de cette convention, celle-ci disposait d’un intérêt à agir à son encontre, la question du bien-fondé des demandes de la société MRP étant sans incidence à ce stade du raisonnement. La fin de non-recevoir invoquée sera donc rejetée et l’ordonnance attaquée confirmée sur ce point.

Sur la demande de remise du fichier clients

La société DB Audition soulève une confusion dans les termes de l’ordonnance quant au terme de ‘fichier clients’, indiquant qu’elle disposait sur Doctolib d’un compte personnel exclusivement dédié à l’activité de l’audioprothèse, distinct de celui de la société Rosny Optique, l’abonnement à cette plate-forme ayant en outre pour seule fonction d’assurer la prise de rendez-vous et non de gérer un fichier clients.

Elle soutient que le fichier client rattaché au fonds de commerce cédé à la société MRP, tel que cela ressort de la convention, ne peut porter que sur l’activité optique de la société Rosny Optique puisque celle-ci n’exploitait pas un fonds de commerce d’audioprothèse à cette adresse.

Elle reconnaît à l’inverse que la société Rosny Optique exploitait une activité d’audioprothèse dans son second local sis [Adresse 2] à [Localité 4], établissement qu’elle lui avait proposé à la vente et qui a finalement été racheté par la société V et A.

Rappelant qu’aux termes du contrat de mise à disposition, la société Rosny Optique s’était engagée à ne pas créer, développer ou reprendre une activité en audioprothèse, obligation déterminante pour les parties selon elle, la société DB Audition en déduit que celle-ci ne pouvait donc exploiter de fonds de commerce d’audioprothésiste.

L’appelante soutient que la mention du contrat de mise à disposition aux termes de laquelle ‘Il est entendu entre les parties que la clientèle développée autour du fonds d’audioprothèse par (sic) reste la propriété exclusive de l’opticien’ n’est pas claire et ne peut être interprétée par le juge des référés.

Elle affirme que la société MRP ne peut se prévaloir d’aucun fondement à sa demande puisque, d’une part, il n’existe pas de lien contractuel entre elles et d’autre part le contrat qu’elle a conclu avec la société Rosny Optique a pour objet exclusif la mise à disposition des locaux.

La société DB Audition indique n’avoir jamais été en possession du fichier client ‘optique’ de la société Rosny optique, les deux sociétés travaillant de façon indépendante sans utiliser de logiciels communs.

Exposant avoir son propre compte d’accès au site Doctolib, dédié à ses seuls clients pour l’audioprothèse, l’appelante explique avoir confié un accès aux collaborateurs de la société Rosny Optique pour faciliter les prises de rendez-vous auprès d’elle et avoir fermé cet accès lors de la rupture de leurs relations commerciales.

Elle en conclut avoir exploité son commerce de façon totalement indépendante de celle de la société Rosny Optique dans le cadre de deux activités complémentaires, soumises à des réglementations différentes et indique ne pas contester la possibilité pour la société MRP de créer une activité d’audioprothèse concurrente à la sienne.

La société DB Audition affirme que le contrat de mise à disposition ne lui faisait pas obligation de donner son propre fichier de clientèle à la société Rosny Optique et ne prévoyait pas davantage de clause de non-concurrence, de non-rétablissement ou de non-démarchage à son terme.

Elle soutient que la société MRP tente de s’octroyer des droits inexistants et en déduit l’absence de tout trouble manifestement illicite au titre du non-respect du contrat de mise à disposition.

La société DB Audition conteste ensuite toute imitation des codes de présentation d’Optic 2000, faisant valoir qu’elle n’a fait que recycler des présentoirs en ôtant les signes distinctifs, elle affirme n’avoir pas créé de confusion avec Optic 2000 et n’avoir réalisé aucun démarchage.

La société MRP expose en réponse que les termes des contrats sont clairs et ne nécessitent aucune interprétation.

Affirmant que les activités d’optique et d’audioprothèse sont complémentaires, l’intimée soutient que le contrat conclu entre la société Rosny Optique et la société DB Audition ne concernait pas qu’une simple mise à disposition de locaux mais que les deux sociétés utilisaient le même service d’encaissement, le même logiciel de fichiers clients, le même mobilier.

Elle expose que, des circonstances de fait (aucun signe distinctif sur la façade, aucun aménagement pour DB Audition à l’intérieur du magasin, ligne téléphonique commune pour les sociétés DB Audition et Rosny Optique, formation du personnel Optic 2000 à la réparation d’audioprothèse, matériel commun), il peut être déduit l’existence d’un même logiciel de gestion clients et d’un seul fichier client, qui a été emporté par la société DB Audition.

Elle fait valoir au surplus que par son compte Doctolib, elle avait accès aux rendez-vous d’audioprothèse, la prise de rendez-vous étant assurée par son personnel.

Se prévalant d’actes de concurrence déloyale commis par la société DB Audition constitutifs d’un trouble manifestement illicite, la société MRP expose que, bien que l’appelante ait modifié ses présentoirs et son site internet postérieurement à son assignation, il est cependant établi que celle-ci a utilisé ses codes de présentation, communiqué en utilisant les photographies du magasin Optic 2000, démarché ses clients et bloqué son accès à Doctolib, alors que les sociétés exercent dans le même domaine d’activité, que leurs produits sont concernés par la même classe et qu’enfin la société DB Audition s’est installée à 100 mètres de ses locaux.

Elle soutient que l’appropriation et l’exploitation de son fichier client par la société DB Audition constitue également un acte de concurrence déloyale, indiquant au surplus, pour étayer sa mauvaise foi, que la société Rosny Optique avait proposé à la société DB Audition de racheter sa clientèle d’audioprothèse, ce qu’elle a refusé.

La société MRP explique que son fichier client était un accès à un agenda Doctolib, sur lequel étaient rédigés les coordonnées des clients.

Sur ce,

Aux termes de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Le dommage est réalisé et il importe d’y mettre un terme.

L’illicéité du trouble suppose la violation d’une obligation ou d’une interdiction préexistante et doit être manifeste. Il appartient à la partie qui s’en prévaut d’en faire la démonstration avec l’évidence requise devant le juge des référés.

L’existence de ce trouble est appréciée au jour où le juge statue et le juge des référés ne peut prononcer que les mesures conservatoires strictement nécessaires pour préserver les droits d’une partie.

Il appartient à la société MRP d’établir l’existence du trouble manifestement illicite dont elle se prévaut.

Celle-ci verse aux débats :

– le ‘protocole d’accord’ conclu le 16 septembre 2011 entre la société Rosny Optique et la société déclaration d’appel Audition qui prévoit notamment :

‘ Article 1 :mise à disposition

L’opticien met à disposition par les présentes, à l’audio, qui accepte le local ci-dessous désigné, faisant partie des locaux compris dans le bail principal, dépendant d’un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 4] et comprenant une pièce de 8 m2.

Cette mise à disposition du local permettra à l’audio d’assurer la promotion de ses activités.

Article 3 : description du local objet de la mise à disposition

Au titre des présentes, l’opticien consent à l’audio un droit d’occupation sur la partie du

local principal ci-après désigné :

Une pièce de 8 m2.

Article 4 : conditions générales de la mise a disposition :

L’audio prendra le local dans l’état où il se trouvera au moment de l’entrée en jouissance.

L’audio sera réputé l’avoir reçu en bon état.

L’opticien devra garantir en toutes circonstances la jouissance paisible par l’audio du local mis à disposition.

Il est interdit à l’audio :

-de concéder la jouissance des lieux loués à qui que ce soit, sous quelque forme que ce soit, même à titre gratuit et précaire.

-de sous-louer en tout ou partie.

-de céder son droit à la présente mise à disposition, même à son successeur, dans son fonds de commerce.

Il est entendu entre les parties que la clientèle développée autour du fonds d’audioprothèse par reste la propriété exclusive de l’opticien.

Le matériel laissé en dépôt dans le local par l’audio reste la propriété de l’audio.(…)

Article 6 : rémunération :

En contrepartie de la mise à disposition du local, l’opticien percevra une rémunération de 130 euros (cent trente euros) hors taxe par prothèse non cmu vendue par l’audio dans le local mis à la disposition de l’audio.

Cette rémunération sera calculée à la fin de chaque mois civil, et sera réglée le mois suivant

sur présentation de facture. Ladite facture sera établie sur la base du relevé mensuel adressé

par l’audio.

Article 7 : non concurrence :

Pendant toute la durée du présent protocole, l’opticien s’engage à ne pas créer, développer ou reprendre, pour son propre compte, une activité en audioprothèse de même nature que celle de l’audio. Il est de même pour l’audio’.

– le contrat de cession de fonds de commerce conclu entre la société Rosny Optique et la société MRP le 28 janvier 2022 qui mentionne que le cédant déclare ‘être propriétaire d’un fonds de commerce de détail d’optique, lunetterie, photographie et accessoires, audioprothèse connu sous l’enseigne ‘Optic 2000″ qu’il exploite au [Adresse 5] à [Localité 4]’ et stipule à son article 6.7 ‘il n’existe aucun contrat de publicité ou de gardiennage ni aucun contrat avec des fournisseurs ayant pour objet une obligation d’achat de marchandises ou de prestations de services à l’exception des contrats d’alarme, de TPE, d’assurances, Optic 2000 et audioprothésiste’;

– la lettre recommandée adressée à la société DB Audition par la société MRP le 17 février 2022, avant pour objet ‘arrêt protocole d’accord de mise à disposition d’un local pour activité d’audioprothèse’ par laquelle elle lui indiquait : ‘nous souhaitons mettre fin à cette convention que vous avez conclue avec Rosny Optique et que nous avons reprise dans le cadre de la cession du fonds de commerce. (…) Je vous rappelle que la clientèle est la propriété du fonds de commerce que nous avons racheté.’

La société MRP ne justifie ni avoir notifié à la société DB Audition la cession du fonds de commerce ni avoir sollicité son accord pour le transfert du contrat, ne produisant, comme première prise de contact avec l’appelante, que son courrier susmentionné du 17 février 2022 par laquelle elle résiliait la mise à disposition.

C’est donc à juste titre que la société DB Audition fait valoir que la circonstance qu’elle ait réglé à la société MRP les loyers durant le temps du préavis ne peut être interprétée comme l’expression de sa volonté non équivoque de poursuivre l’exécution du contrat avec la société MRP puisqu’au contraire le contrat était résilié à cette période.

Dès lors, doit être qualifiée de sérieuse la contestation de la société DB Audition relative à l’opposabilité de cette cession, et donc la possibilité pour la société MRP de demander le respect par la société DB Audition des obligations convenues avec la société Rosny Optique, la cession d’un fonds de commerce n’entraînant pas de plein droit la transmission des contrats conclus par le cédant, sauf dans les cas où elle est légalement prévue.

Au surplus, le ‘protocole d’accord’ conclu entre la société Rosny Optique et la société DB Audition ne portent que sur la mise à disposition d’un local en contrepartie d’un loyer, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de requalifier ce contrat, et il existe également une contestation sérieuse quant à l’interprétation de la clause ‘Il est entendu entre les parties que la clientèle développée autour du fonds d’audioprothèse par reste la propriété exclusive de l’opticien.’, la notion de ‘clientèle développée autour du fonds d’audioprothèse’ n’étant pas univoque dans ce contexte où sont discutées les modalités pratiques de son exercice par la société DB Audition de son activité au sein des locaux de la société Rosny Optique.

Enfin et de façon surabondante, l’existence même d’un fichier client n’est pas démontrée par la société MRP, celle-ci exposant en cause d’appel qu’elle sollicite en réalité un accès au site Doctolib, ce qui ne correspond pas à la notion de ‘fichier’ telle que figurant dans ses demandes, étant précisé que la société DB Audition justifie avoir souscrit à son nom un abonnement Doctolib, lequel ne constitue pas, selon le courriel de la société Doctolib ‘pas un logiciel de gestion de clientèle mais un logiciel de plate-forme de pris de rendez-vous et d’organisation’.

La société MRP ne justifie pas en conséquence de l’existence d’une violation manifeste par la société DB Audition des stipulations contractuelles ou de la règle de droit et aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé. Il sera donc dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société MRP de restitution du fichier client et d’interdiction de démarchage et l’ordonnance querellée sera infirmée.

Sur les demandes accessoires

La société DB Audition étant accueillie en son recours, l’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société MRP ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société DB Audition la charge des frais irrépétibles exposés. L’intimée sera en conséquence condamné à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme l’ordonnance déférée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de remise de fichier client et d’interdiction de démarchage formées par la société MRP ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société MRP à verser à la société DB Audition la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société MRP à payer les dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président, et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Le greffier, Le président,

 

 

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