Demander à ses partenaires commerciaux (contrat de distribution commerciale), un investissement, non prévu dans la convention annuelle, de certaines de milliers d’euros sous peine de déréférencement, sans contrepartie, est une pratique anticoncurrentielle sanctionnée (tentative de soumission économique).
Affaire Monoprix
Il a été jugé que la SARL Inca, la SAS AMC et la SAS Monoprix étaient coauteurs de la tentative de soumission de L’Oréal. La réalité des déréférencements, annoncés et effectivement mis en oeuvre étaient attestée par de nombreux échanges entre les parties.
Déréférencement fautif
La SAS AMC a notifié à L’Oréal les « listes rouges » de ses références, soit les listes des produits à faible niveau de performance susceptibles d’être déréférencés à défaut d’amélioration » rapide » dans le cadre de « l’optimisation d’assortiment annuelle », ces listes cumulant un total de 246 références. Par courriers, la SAS Monoprix notifiait à ce fournisseur, avec un préavis de trois mois, la cessation de leur collaboration pour ces références à raison des « faiblesses manifestes d’écoulements enregistrées ».
En réponse, L’Oréal et ses filiales concernées soulignaient l’indétermination des motivations réelles du groupe Casino et contestaient la décision de déréférencements au motif que la sous-performance alléguée de chaque produit était « directement liée aux conditions dans lesquelles le distributeur le présente à la vente ».
Interrogée sur ces pratiques, la SARL Inca indiquait ne pas être parvenue, faute de conserver systématiquement des traces écrites dans ses archives, à confirmer ou infirmer le montant des demandes dont elle admettait néanmoins le principe, sa démarche s’appuyant sur un » brief [non produit] élaboré par les maisons mères portant sur les contreparties pouvant être offertes : référencements, possibilités de communications et mises en avant additionnelles, flux poussés’ « , contreparties systématiquement validées par chaque maison mère dans l’ignorance des actions de l’autre. Elle était dans l’incapacité d’expliquer ces demandes d’investissement autrement que par le caractère évolutif des orientations propres à chaque maison mère qui déterminait seule sa politique commerciale.
Mesures de rétorsion sanctionnées
Ces éléments sont des indices graves et concordants valant présomption, au sens de l’article 1240 du code civil, du fait que les arrêts de commandes et les déréférencements annoncés et pratiqués constituaient des mesures de rétorsion servant directement la satisfaction de la demande d’investissement, et ce d’autant plus que les notifications avec préavis étaient adressées deux jours après l’envoi de la « liste rouge », délai dont la brièveté ne laissait aucune possibilité d’amélioration au fournisseur, en contradiction avec les termes des alertes antécédentes.
Or, ni le conflit existant avec L’Oréal, certes réel, ni les critiques générales les sociétés du groupe Casino, ne sont de nature, faute d’explication apportée sur les déférencements contestés, à combattre cette dernière qui vaut de ce fait pleine preuve.
De telles pratiques privent d’intérêt l’analyse de la part que représentait chaque référence menacée ou supprimée dans le chiffre d’affaires du fournisseur puisque leur seule annonce est de nature à laisser entrevoir d’autres mesures de rétorsion d’ampleur indéterminée, le climat ainsi créé étant par lui-même exclusif de toute possibilité de négociation effective.
Aussi, au regard de la structure du marché, de l’inexistence de toute raison autre qu’un désir d’obtenir un avantage financier sans contrepartie mesurable et commensurable fondant l’entrée en négociation prétendue ainsi que des mesures de rétorsion mises en oeuvre ou annoncées, le ministre chargé de l’économie a prouvé l’impossibilité de négocier de L’Oréal, et ainsi la réalité de la tentative de soumission de ce fournisseur.
Il est indifférent que ce fournisseur n’ait finalement pas accepté l’investissement sollicité puisque la tentative est par définition constituée sans concrétisation de son résultat et qu’il a subi des mesures de représailles sanctionnant son refus.
En outre, l’existence de ces dernières ou de la menace de leur mise à exécution étant en soi incompatible avec celle d’une négociation effective, la circonstance que L’Oréal ait réalisé des résultats positifs est sans pertinence, cette analyse valant pour l’ensemble des fournisseurs concernés.
Par ailleurs, l’obligation s’entendant classiquement du lien de droit par lequel le débiteur est tenu d’une prestation, y compris d’un paiement, envers le créancier en vertu notamment d’un contrat, l’engagement de payer une somme d’argent, qui aurait pu être accepté par le fournisseur dès sa proposition, est à l’évidence une obligation au sens de l’article L 442-6 I 2° du code de commerce, peu important son absence de contractualisation à raison de l’échec de la tentative.
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