Calquer son organisation juridique sur celle de Google présente un risque sur le terrain fiscal. Le redressement fiscal d’une société française de publicité digitale a été confirmé par le Conseil d’Etat.
Affaire Valueclick
La société Valueclick International Ltd, dont le siège est situé en Irlande et dont la dénomination sociale est aujourd’hui Conversant International Ltd, détenue à 100 % par la société de droit américain Valueclick Inc, exerce une activité de marketing digital, en particulier en Europe, par l’intermédiaire de sociétés soeurs et notamment, en France, par l’intermédiaire de la SARL Valueclick France.
La société irlandaise propose à ses clients des services dénommés » Media « , » Marketing par affiliation » et » Technologies « , un contrat de licence de droits de propriété intellectuelle avec la société Valueclick Inc l’autorisant à exploiter les droits relatifs à ces produits sur tous les marchés, hors Amérique du Nord.
En exécution d’un contrat de prestation de services ( » Intercompany Services Agreement « ) conclu entre les sociétés du groupe, la société française doit fournir à la société irlandaise les services suivants : » assistance marketing consistant à agir comme le représentant marketing de Valueclick International, ce qui inclut mais pas seulement, l’identification, la prospection et le signalement des clients potentiels à Valueclick International « , » services continus de management et services d’assistance back-office « , » assistance administrative, incluant la comptabilité, la gestion des ressources humaines, les technologies de l’information et la trésorerie » ; en contrepartie, elle est remboursée de ses frais ( » cost « ) et perçoit une rémunération égale à 8 % du montant de ces frais.
Vérification de comptabilité
A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé que la société Valueclick International Ltd exerçait en France une activité imposable, par l’intermédiaire d’un établissement stable constitué par la société Valueclick France. La société Valueclick International Ltd a en conséquence été assujettie à l’impôt sur les sociétés et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée a été mis à sa charge.
Lieu des prestations de services
Lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu’elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l’article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s’il est lui-même établi en France.
Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui satisfait aux critères légaux, lesquels demeurent pertinents sous l’empire des nouvelles dispositions, ainsi qu’il ressort notamment de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne Welmory du 16 octobre 2014 (C-605/12, points 53 à 58). Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n’y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu’un rattachement au siège de l’activité économique du prestataire.
En l’espèce, la société française Valueclick France dispose des moyens humains rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, notamment des moyens humains qui lui permettent de prendre la décision de conclure, avec un annonceur, un contrat lui ouvrant le bénéfice des services dont la société irlandaise assure l’exploitation.
Il ressort également du contrat proposé aux annonceurs, que si l’exécution des fonctionnalités de mise en relation en temps réel des annonceurs et des éditeurs de sites internet suppose une infrastructure technique, comprenant les logiciels nécessaires au fonctionnement des plateformes de mise en relation et des serveurs sur lesquels elles sont hébergées, implantés dans des centres de données, la création, le paramétrage et la gestion du compte client par les salariés de la société française, en application du contrat conclu avec un annonceur, suffisent pour ouvrir de manière effective à ce dernier un accès aux fonctionnalités prévues au contrat adapté aux besoins de ses programmes de publicité, sans restriction et sans qu’aucune intervention spécifique soit requise de la part de sociétés du groupe distinctes de la société française et de la société irlandaise, en charge du développement et de la maintenance des logiciels ou de l’exploitation des serveurs.
En conséquence, les salariés de la société française doivent être regardés comme disposant de moyens techniques adaptés rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, quand bien même aucun centre de données utilisé pour l’exécution des fonctionnalités de mise en relation n’est localisé en France, pas davantage d’ailleurs qu’en Irlande.