L’Essentiel : Le litige oppose une demande d’annulation de mariage formulée par une victime à l’encontre de son époux. Le mariage, célébré le 7 mai 2022, a été marqué par des pressions psychologiques exercées par l’entourage de la victime. Celle-ci a assigné son époux devant le tribunal judiciaire, arguant que son consentement était vicié par des contraintes morales. Elle demande la constatation de la nullité du mariage et des dommages et intérêts pour préjudice moral. L’époux conteste ces allégations, affirmant que le consentement était libre. Le tribunal a finalement annulé le mariage, mais a rejeté la demande de dommages et intérêts.
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Contexte du LitigeLe litige oppose une demande d’annulation de mariage formulée par une victime à l’encontre de son époux. Le mariage a été célébré le 7 mai 2022, après une relation débutée en 2015, marquée par des pressions psychologiques exercées par l’entourage de la victime, notamment sa mère et son beau-père. Demande d’AnnulationLa victime a assigné son époux devant le tribunal judiciaire, arguant que son consentement au mariage était vicié par des contraintes morales. Elle demande la constatation de la nullité du mariage, la transcription de la décision sur les registres de l’état civil, ainsi que des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi. Arguments de la VictimeLa victime soutient avoir été manipulée et soumise à des pressions psychologiques, notamment en raison de la forte influence religieuse de sa famille. Elle a exprimé des doutes sur la relation et a tenté de se rétracter à plusieurs reprises, mais a finalement été contrainte de poursuivre le mariage religieux. Elle a quitté le domicile conjugal en novembre 2022 et a initié un suivi psychologique. Réponse de l’ÉpouxL’époux conteste les allégations de la victime, affirmant que son consentement était libre et éclairé. Il présente des preuves de leur relation amoureuse et souligne que les doutes exprimés par la victime sont normaux avant un engagement. Il rejette également la demande de dommages et intérêts, arguant qu’il n’a commis aucune faute. Décision du TribunalLe tribunal a décidé d’annuler le mariage, ordonnant la transcription de cette décision sur les registres de l’état civil. Cependant, il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la victime, laissant chaque partie responsable de ses propres dépens. L’exécution provisoire de la décision a été maintenue. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’annulation du mariage en raison d’un consentement vicié ?L’annulation d’un mariage peut être demandée lorsque le consentement d’un des époux a été vicié. Selon l’article 180 du Code civil, « le mariage ne peut être contracté qu’avec le consentement libre et éclairé des époux ». En l’espèce, la demanderesse soutient que son consentement a été vicié par des pressions morales et psychologiques exercées par son entourage, notamment sa mère et son futur époux. L’article 181 du Code civil précise que « le consentement est vicié par l’erreur, le dol ou la violence ». Dans ce cas, la contrainte morale peut être assimilée à une forme de violence, rendant le consentement non valide. Ainsi, si le tribunal constate que la pression psychologique a empêché la demanderesse de donner un consentement libre et éclairé, il pourra prononcer l’annulation du mariage. Quelles sont les conséquences de l’annulation du mariage sur l’état civil ?L’annulation d’un mariage a des conséquences directes sur l’état civil des époux. Selon l’article 202 du Code civil, « l’annulation du mariage produit les effets d’un divorce ». Cela signifie que le mariage est considéré comme n’ayant jamais existé, et les époux retrouvent leur état civil antérieur. Le tribunal a ordonné la transcription de la décision d’annulation sur les registres de l’état civil, conformément à l’article 1316-1 du Code civil, qui stipule que « les actes de l’état civil sont tenus par les officiers de l’état civil ». Cette transcription est essentielle pour garantir la transparence et la légalité de l’état civil des parties concernées. Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages et intérêts en cas d’annulation de mariage ?Pour obtenir des dommages et intérêts, il est nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice et la responsabilité de l’autre partie. L’article 1240 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans cette affaire, la demanderesse a sollicité des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi en raison des pressions psychologiques. Cependant, le tribunal a rejeté cette demande, considérant que la responsabilité de l’époux n’était pas engagée. Il est donc crucial de démontrer que le préjudice est directement lié à la faute de l’autre partie pour obtenir réparation. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Cet article stipule que « le juge peut, dans sa décision, condamner la partie qui perd à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle ». Dans ce cas, la demanderesse a demandé des frais sur le fondement de cet article, mais le tribunal a décidé de ne pas faire droit à cette demande. Cela signifie que chaque partie devra supporter ses propres frais, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur les parties impliquées dans le litige. Il est donc important de bien évaluer les chances de succès d’une demande d’indemnisation sur ce fondement avant d’engager des procédures judiciaires. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
03 FEVRIER 2025
N° RG 23/04876 – N° Portalis DB22-W-B7H-RQPE
Code NAC : 23K
DEMANDERESSE :
Madame [M], [F] [D] épouse [O]
née le 17 Mai 1996 à [Localité 8] (95)
demeurant [Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Ilhem SAKHRI, avocat au barreau de VAL D’OISE
DEFENDEUR :
Monsieur [S] [U], [K] [O]
né le 20 Juillet 1994 à [Localité 9] (95)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Caty RICHARD de la SELARL CABINET CATY RICHARD, avocat au barreau de VAL D’OISE
PARTIE INTERVENANTE :
MADAME LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 2]
[Localité 3]
dispensée du ministère d’avocat
ACTE INITIAL du 18 Août 2023 reçu au greffe le 04 Septembre 2023.
DÉBATS : A l’audience tenue en chambre du conseil le 10 Décembre 2024, Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 03 Février 2025.
MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame LE BIDEAU, Vice Présidente
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge
Madame [M], [F] [D], née le 17 mai 1996 à [Localité 8] (95) et Monsieur [S], [U], [K] [O], né le 20 juillet 1994 à [Localité 9] (95) ont contracté mariage le 07 mai 2022 devant l’officier d’état civil de la mairie d’[Localité 7] (95).
Par acte de commissaire de justice en date du 18 août 2023, Madame [M], [F] [D] a fait assigner Monsieur [S], [U], [K] [O] devant le tribunal judiciaire de Versailles en annulation de mariage. Elle demande au Tribunal de :
– CONSTATER que le consentement de Madame [M] [D] a été vicié en raison de la contrainte morale et des pressions exercées par son entourage sur sa personne,
– CONSTATER que le mariage contracté entre Madame [M] [D] et Monsieur [S] [O] est nul comme n’en remplissant pas toutes les conditions,
Et en conséquence,
– PRONONCER l’annulation du mariage conclu entre Madame [M] [D] et Monsieur [S] [O] le 7 mai 2022 par devant l’officier d’état civil de la mairie d'[Localité 7] (95) avec toutes les conséquences de fait et de droit,
– ORDONNER la transcription du dispositif de la décision à intervenir sur les Registres de l’état civil,
– CONDAMNER Monsieur [S] [O] à lui payer la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– CONDAMNER Monsieur [S] [O] à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir
– CONDAMNER enfin Monsieur [S] [O] en tous les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Au soutien de ses prétentions réitérees au terme de ses conclusions en demande N°1 signifiées par RPVA le 22 mars 2024, Madame [M], [F] [D] expose avoir rencontré Monsieur [S] [O] en 2015 à l’université l’année du décès de son père et qu’il est apparu comme un soutien psychologique mais qu’elle n’a jamais eu de sentiment amoureux, lui étant attaché notamment eu égard à leurs valeurs chrétiennes communes. Elle précise qu’elle a évolué au sein d’un foyer protestant évangélique très pratiquant, sa mère étant pasteur ; que celle-ci, se disant messager message direct de Dieu, s’était au début opposée à la relation de sa fille avec Monsieur [O], lui indiquant qu’on ne se met en couple que par la volonté de Dieu et qu’elle n’avait pas reçu le « feu vert de Dieu » ; qu’elle avait finalement indiqué à son fille en 2020 qu’elle avait reçu « la prophétie » et le « feu vert de Dieu » et que les préparatifs de mariage avaient alors débuté. Madame [D] ajoute que dès 2019, elle avait exprimé ses doutes et ses craintes à Monsieur [O] sur l’avenir de leur relation, envisageant d’y mettre fin ; que tout au long des préparatifs du mariage, elle a exprimé ses doutes et son envie de se rétracter à ses proches. Elle soutient avoir subi des pressions psychologiques de la part de sa mère, de son beau-père et de Monsieur [O] qui invoquaient systématiquement la volonté de Dieu, et elle produit les attestations de ses frères en ce sens, décrivant sa tristesse le jour du mariage civil. Elle souligne qu’alors qu’elle devait se marier religieusement le 21 mai 2022, elle a annoncé à son mari qu’il n’y aurait pas de mariage religieux, qu’elle ne voulait pas se marier avec lui et qu’elle allait informer le pasteur et les prestataires, partant de chez elle pour un hôtel puis prenant un logement Airbnb. Elle ajoute qu’après avoir rencontré le pasteur le 16 mai 2022 puis parlé avec sa mère, elle était retournée au domicile familial et que le mariage religieux avait eu lieu. Elle indique que la situation ne s’est pas arrangée, qu’elle était triste et multipliait les séjours chez sa mère qui, avec son beau-père, continuaient les pressions, lui disant que telle était la volonté de Dieu, lui faisant écrire “Au nom de Jésus je ne vais pas quitter [S], au nom de Jésus je ne vais pas divorcer”, affirmant qu’elle était possédée. Madame [D] ajoute qu’elle a quitté définitivement le domicile conjugal le 1er novembre 2022, le signalant en effectuant une main courante le 1er avril 2023, qu’elle a initié un suivi psychologique, les pressions continuant et Monsieur [O] apparaissant même harcelant.
En substance, elle fait valoir que son consentement n’a pas été donné librement ni de manière éclairée mais qu’il a été vicié par la pression psychologique exercée sur elle par sa mère et son beau-père mais également par son futur mari et qu’elle a été manipulée pour consentir à son mariage.
Elle demande des dommages et intérêts à Monsieur [O] pour le préjudice moral et psychologique subi depuis l’annonce de son mariage en 2020, faisant état de la dégradation de son état de santé physique et mental attesté par ses proches, outre sa condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles.
En défense, et aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA le 15 décembre 2023, Monsieur [S] [U] [K] [O] conclut au débouté de l’intégralité des demandes de Madame [D] en faisant valoir que son consentement était parfaitement libre et éclairé. Il expose que le mariage a été contracté 7 ans après leur rencontre ; qu’il ne s’agit pas d’un mariage arrangé même si la religion était très présente dans leurs familles respectives ; qu’il communique des photographies et des messages échangés démontrant la relation amoureuse du couple, Madame [D] employant des surnoms amoureux, indiquant l’aimer et vouloir maintenir leur relation. Il souligne que les craintes et les doutes exprimés par Madame [D], bien normaux à l’approche de leur engagement, démontrent sa capacité de réflexion et son consentement le jour du mariage, consentement recueilli devant l’officier d’état civil qui aurait suspendu la célébration s’il avait douté de sa sincérité. Il relève que le mariage religieux a eu lieu, soulignant la teneur joyeuse du message que Madame [D] lui avait spontanément adressé le matin même. Monsieur [O] ajoute avoir toujours souhaité faire le maximum pour sauver leur union. Il précise que les pressions psychologiques que Madame [D] dénonce à l’occasion de leur mariage religieux ne doivent pas être prises en compte, dès lors que la demande d’annulation concerne le mariage civil. Il s’oppose à toute demande de dommages et intérêts au motif qu’il n’a commis aucune faute et que les pressions sont imputables, aux dires de Madame [D], à sa mère et à son beau-père.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures et leurs observations orales conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture en date du 25 juin 2024 a fixé les plaidoiries au 10 décembre 2024.
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Annule le mariage de Madame [M], [F] [D] avec Monsieur [S] [U] [K] [O] célébré le 7 mai 2022 par devant l’officier d’état civil de la mairie d'[Localité 7] (95) ;
Ordonne la transcription de la présente décision sur les registres de l’état civil et en marge de l’acte de mariage de la mairie d’[Localité 7] (95) ;
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Madame [M], [F] [D] à l’encontre de Monsieur [S] [U] [K] [O] au titre de son préjudice moral;
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 FEVRIER 2025 par Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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