Sanctions pécuniaires de l’AMF
Les sanctions pécuniaires de l’AMF (de 15 000 à 160 000 euros) prononcées à l’encontre de plusieurs personnes physiques au titre de manquements d’initiés ont été confirmées par la Cour d’appel de Paris. Ces derniers avaient manqué à leur obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée (rachat d’actions suivie d’une OPA).
Enquête à l’international
Les investisseurs en cause résidant à Singapour et pour établir les faits, l’AMF s’est adressée à son homologue singapourien, la MAS, signataire comme elle, de l’accord multilatéral portant sur la coopération et l’échange d’informations de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs mobilières (OICV), afin qu’elle procède à leurs auditions.
Cet accord, conclu pour conduire des activités de surveillance, de contrôle et d’enquêtes à la demande d’autorités étrangères, prévoit que les informations et documents demandés sont rassemblés conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise (règlement de l’AMF).
Question des droits de la défense
En l’espèce, les auditions des enquêteurs de la MAS ont été validées. Aucune atteinte aux droits de la défense garantis par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme n’a été retenue. Ces droits ne sont applicables qu’à la procédure de sanction ouverte par la notification des griefs et non à la phase préalable d’enquête. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, une enquête administrative qui n’implique pas elle-même une décision sur une accusation en matière pénale, au sens de l’article 6 n’est pas assujettie aux garanties d’une procédure judiciaire énoncées au même article (CEDH, arrêt du 17 décembre 1996, Saunders c. RoyaumeUni, req. n°’19187/91, § 67).
S’il est constant que l’enquête de l’AMF doit être loyale de façon à ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense, le fait de demander à la MAS de procéder à l’audition des investisseurs à un stade de l’enquête où l’AMF n’était pas assurée que des manquements avaient été commis à l’occasion du rachat de la société, n’était pas en soi constitutif de déloyauté.
Ensuite, s’il est vrai que les investisseurs n’ont pas été préalablement informés par la MAS des raisons de leurs auditions et qu’ils n’ont pas bénéficié du droit d’être assistés par un conseil de leur choix, et se sont vu menacer de poursuites pénales s’ils ne répondaient pas à la convocation, il leur était loisible de contester, dès la notification des griefs, et tout au long de l’enquête du rapporteur, l’utilisation de leurs auditions par les enquêteurs de la MAS.
Faisceau d’indices graves
A défaut de preuves directes, difficiles, voire impossibles, à réunir eu égard au caractère nécessairement secret et volontairement dissimulé des éléments constitutifs d’un manquement d’initiés, la détention, la communication et l’utilisation de l’information privilégiée peuvent être établies par un faisceau d’indices graves, précis et concordants, dont il résulte que seule cette détention permet d’expliquer les opérations auxquelles les personnes mises en cause ont procédé. Sur la base de l’existence de ces indices, les juges ont confirmé que l’achat des actions ne pouvait s’expliquer que par la détention d’une information privilégiée. L’information relative à l’offre de la société concernant le rachat d’une participation, suivie d’une offre publique d’achat est une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, tant qu’elle n’est pas rendue publique.
En l’occurrence, le détenteur d’actions de la société rachetée a eu une conversation concernant la société avec un tiers, ce qui constitue à l’évidence un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée. Il avait été suggéré que « quelque chose pourrait bien se passer autour de cette société » et qu’il existait des « rumeurs alimentant le marché ». Les circonstances de l’urgence du passage d’ordre étaient également suspicieuses. Ces achats étaient également atypiques eu égard au profil des investisseurs et à la composition habituelle de leur portefeuille d’actions.
Proportionnalité des sanctions
Il est acquis qu’en la matière, limiter la sanction pécuniaire infligée pour manquement d’initiés à la plus-value réalisée la priverait de tout effet dissuasif. Pour autant, le principe constitutionnel d’individualisation des peines impose que les sanctions pécuniaires infligées par la Commission des sanctions soient déterminées en fonction de la situation personnelle de la personne sanctionnée. Il ne découle d’aucune disposition légale ou réglementaire que le montant des sanctions infligées pour manquements d’initiés doit être automatiquement réduit à chaque étape de la transmission de l’information privilégiée. Au regard de la gravité des manquements, toutes les sanctions prononcées ont été validées.
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