La société Maisons du Monde a été déboutée de ses demandes de condamnation de l’enseigne Leroy Merlin au titre de la commercialisation d’un modèle de paillasson et de meubles de style industriel.
Le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux, qui ne font pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, distribués par un concurrent relève de la liberté du commerce et n’est pas fautif, dès lors que cela n’est pas accompagné de manoeuvres déloyales constitutives d’une faute telle que la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Il résulte de l’examen auquel s’est livrée la cour, que si les paillassons en cause comportent des éléments communs comme le terme ‘Bienvenue’ qui est banal pour un paillasson, souvent posé à l’entrée d’une habitation, et une grande horloge de gare sur la gauche, ainsi qu’une représentation de la tour Eiffel sur la droite et le nom de la ville de Paris, ces éléments sont représentés de manière très différente, horloge tronquée et effacée venant en surimpression sur un long texte ‘maison Fondée en 1909 Atelier d’architecte […]’ dans le Paillasson Maisons Du Monde, lui conférant une allure rétro renforcée par la représentation esquissée de la tour Eiffel également tronquée, alors que le paillasson incriminé comprend une horloge en caractère gras occupant la moitié de sa surface, une photographie de la tour Eiffel de plain pied , sans aucun autre vocable que ‘Paris’ en gros caractères soulignés lui donnant une impression d’ensemble très contemporaine, sans créer un risque de confusion pour le consommateur.
Ce risque de confusion est d’autant moins avéré que la société Maisons du Monde a commercialisé son paillasson en 2011, et qu’il n’est pas justifié de ventes postérieurement à la fin de l’année 2012, ni d’une notoriété particulière auprès des consommateurs, et ce alors que le paillasson incriminé a été offert à la vente en mars 2016 soit plus de trois après, le consommateur n’ayant pu dès lors garder en mémoire le paillasson de la société Maisons Du Monde, l’ensemble de ces éléments étant exclusifs de la recherche fautive d’un risque de confusion ou même d’un risque d’association entre les entreprises en cause, que la production d’un sondage présentant de façon artificielle les deux paillassons côte à côte, alors que le consommateur ne les a pas sous les yeux en même temps, compte tenu des enseignes et des périodes de commercialisation distinctes, n’est pas davantage susceptible d’établir.
Les demandes de la société Maisons Du Monde formées sur le fondement de la concurrence déloyale seront donc rejetées, et le jugement infirmé en ce qu’il a dit les sociétés Leroy Merlin et Benoit Le Tapis Brosse coupables d’actes de concurrence déloyale, et a condamné la société Leroy Merlin à payer des dommages-intérêts et la société Benoit Le Tapis Brosse à la garantir.
les meubles en cause s’inscrivent dans un même style industriel également dénommé ‘factory’, issu notamment des meubles de métier, en vogue depuis les années 1980, caractérisé notamment par l’apposition d’inscriptions telles que ‘Rue’, Atelier’, ‘Artiste’, ‘Industriel’ dans une typographie dite au pochoir, et sur lequel la société Maisons Du Monde ne dispose pas de droits privatifs. Il résulte de l’examen auquel s’est livrée la cour que les mobiliers en cause n’ont pas le même format ni le même agencement, la société Maisons Du Monde invoquant une grande étagère, un meuble buffet et un bureau dont les éléments de rangement ont des tailles différentes, alors que les meubles ‘Multikaz’sont des caissons modulables proposés en trois formats, 1, 3 ou 4 caissons de taille identique, qu’ils ne sont pas composés des mêmes matières, structure en métal et aspect ‘bois de palette’ pour les meubles de la société Maisons Du Monde, mélaminé noir sans métal pour les meubles incriminés, ni ne comportent des poignées et des inscriptions identiques, de sorte que l’impression d’ensemble pour le consommateur visé est très différente, excluant tout risque de confusion, et même tout risque d’association entre les entreprises en cause. La production d’un sondage présentant de façon artificielle les meubles côte à côte n’est pas susceptible d’établir le risque de confusion fautif alors que le consommateur n’a pas les produits en cause sous les yeux en même temps, les dits produits étant vendus dans des enseignes différentes, et ne se livre donc pas à un examen attentif de leurs ressemblances alors que leurs impressions d’ensemble diffèrent.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 15 JUIN 2021
Numéro d’inscription au répertoire général:19/11532 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CACOC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – 15e chambre – RG n° 201654792 et 2017002519
APPELANTE
SAS MAISONS DU MONDE FRANCE
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 383 .19 6.6 56
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Lieu-Dit Le Portereau
[…]
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Pierre MASSOT et Me Pierre LOUEMBE de la SELARL ARENAIRE, avocats au barreau de PARIS, toque : G0252
INTIMÉES
SA LEROY MERLIN
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LILLE METROPOLE sous le numéro 384 560 942
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
Assistée de Me Arnaud CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0177
SAS BENOIT LE TAPIS BROSSE venant aux droits de la SAS SWEETSOL
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 965 506 991
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assistée de Me Jonathan DENIZOU de la CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON substituant Me Laurent ROMANO, avocat au barreau de LYON
SAS ALSAPAN
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAVERNE sous le numéro 392 213 146
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Assistée de Me Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0451
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
• Contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON,
Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 8 avril 2019 par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l’appel interjeté le 3 juin 2019 par la société Maisons du Monde France (Maisons Du Monde),
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 5 mars 2021 par la société Maisons du Monde, appelante et intimée incidente,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 novembre 2019 par la société Benoit Le Tapis Brosse, intimée,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 18 décembre 2020 par la société Leroy Merlin France (Leroy Merlin), intimée et appelante incidente,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 mars 2021 par la société Alsapan, intimée,
Vu l’ordonnance de clôture du 16 mars 2021,
SUR CE, LA COUR’:
La société Maisons du Monde est une société spécialisée dans l’équipement et la décoration de la maison, comptant aujourd’hui plus de 4500 salariés, et plus de 260 magasins en France et en Europe.
La société Leroy Merlin est une enseigne de grande distribution spécialisée dans la construction, le bricolage et le jardinage.
La société Alsapan est une société familiale implantée en Alsace depuis 1972, qui dispose de 5 usines en France, et fabrique des meubles prêts à monter, qu’elle commercialise dans le monde entier.
La société Benoit Le Tapis Brosse, dont les origines remontent à 1850, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de tapis brosse. Elle a racheté en 2011 la société Sweetsol, qui commercialisait des tapis d’entrée dans les grandes surfaces spécialisées.
La société Maisons du Monde expose avoir découvert dans le courant de l’année 2016 que la société Leroy Merlin commercialisait des copies de son modèle de paillasson ‘Atelier’. Après l’avoir mise en vain en demeure par lettres du 20 avril et du 20 mai 2016, la société Maisons du Monde a assigné la société Leroy Merlin par acte du 1er septembre 2016, devant le tribunal de commerce de Paris.
La société Maisons du Monde expose avoir découvert un problème identique, en cours de procédure, concernant ses meubles ‘Docks’.
La société Leroy Merlin a procédé à un appel en garantie, et assigné en intervention forcée, son fournisseur de paillassons la société Sweetsol, désormais nommée la société Benoit Le Tapis Brosse, ainsi que la société Alsapan qui lui fournit les meubles «’Multikaz’».
Par jugement rendu le 8 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
— Dit que la société Leroy Merlin et la société Benoit Le Tapis Brosse se sont rendues coupables d’actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Maisons du Monde relativement au paillasson «’Atelier » ;
— Condamné la société Leroy Merlin à payer à la société Maisons du Monde la somme de 8 125 euros en réparation de son préjudice ;
— Condamné la société Benoit Le Tapis Brosse à garantir la société Leroy Merlin des effets de la dite condamnation ;
— Dit que la société Leroy Merlin et la société Alsapan n’ont pas accompli d’actes de concurrence déloyale, ni d’actes parasitaires à l’encontre de la société Maisons du Monde relativement au mobilier «’Docks » ;
— Débouté la société Maisons du Monde de toutes ses demandes relatives au mobilier «’Docks» ;
— Débouté la société Leroy Merlin de sa demande de dommages et intérêts ;
— Dit qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
— Ordonné l’exécution provisoire ;
— Condamné la société Leroy Merlin aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés a la somme de 122,83 € dont 20,26 € de TVA.
Sur la concurrence déloyale
Sur le paillasson
La société Maisons du Monde soutient qu’en commercialisant un paillasson qui reprend la combinaison d’éléments distinctifs de son modèle «’Atelier’», à savoir une large bande de couleur grise qui encadre le centre clair du paillasson délimitant ainsi les bords de ce dernier ; le terme « BIENVENUE » en lettres capitales droites de couleur claire, de manière répétitive, sur ladite bande, dans une police de caractère quasi-identique ; une horloge comportant des chiffres romains sur la partie gauche du paillasson ; la Tour Eiffel sur la partie droite du paillasson ; le terme « PARIS » en lettres capitales droites au centre de la partie inférieure du paillasson, dans une même police de caractères ; des couleurs de gris, noir et nuances de beige pour le fond du paillasson, la société Leroy Merlin a commis un acte de concurrence déloyale, en créant un risque de confusion et d’association auprès du consommateur d’attention moyenne.
En réponse aux arguments des intimées, l’appelante fait notamment valoir que’l’originalité n’est pas une condition de la recevabilité ou du bien-fondé de l’action en concurrence déloyale, que c’est la combinaison spécifique d’éléments du modèle de paillasson qui le distingue des autres produits du marché et les rendent attractifs auprès de la clientèle, les quelques différences de détails relevées ne modifiant pas l’impression visuelle d’ensemble et n’écartant pas les risques de confusion et d’association.
La société Leroy Merlin soutient que l’intégralité des éléments revendiqués par l’appelante sont banals et appartiennent au domaine public’ de sorte que, conformément à la jurisprudence constante, n’importe quel acteur du marché de la décoration intérieure est en droit d’en faire usage dans le cadre de la liberté de commerce. Elle prétend qu’il existe plusieurs articles sur le marché comportant les mêmes éléments’ à savoir notamment la reproduction de la Tour Eiffel, de l’horloge des gares parisiennes, l’inscription des mots «’Paris’» et «’Bienvenue’». Elle relève des différentes existantes entre les paillassons, et conclut que son paillasson dégage une impression d’ensemble différente sur le consommateur que celle produite par le paillasson Maisons Du Monde, écartant donc tout risque de confusion.
La société Benoit Le Tapis Brosse considère que les éléments tels que la Tour Eiffel, l’inscription «’BIENVENUE’», l’horloge y figurant, pris individuellement ou en combinaison, sont parfaitement banals. En outre, elle relève qu’en raison des différences entre les deux modèles de paillasson, ils donnent une impression visuelle d’ensemble différente, à savoir un style ancien, classique pour le paillasson ‘Atelier’de Maisons Du Monde, et un style contemporain pour l’autre. Elle demande l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il retenu l’existence d’un risque de confusion entre les deux modèles en cause.
Sur les meubles
La société Maisons du Monde considère que les meubles de la gamme ‘Multikaz’ de la société Leroy Merlin reprennent la combinaison d’éléments de sa gamme ‘Docks’ à savoir:
— une association entre une matière de couleur noire et du bois brut façon palette, avec les mêmes jeux de contrastes entre le métal et le noir de la structure et le bois brut clair, plus chaleureux, des portes ;
— les mêmes chiffres inscrits sur les portes des meubles, de la même manière ;
— des inscriptions quasi-identiques peintes en noir, en lettres capitales, dans une police de caractères de style pochoir, et ce avec une disposition similaire.
En réponse aux arguments des intimées, l’appelante soutient avoir réalisé des choix esthétiques dans le cadre de sa propre interprétation du style industriel afin de distinguer ses produits de ceux de ses concurrents. Elle ajoute que les différences de nature, de structure et ou de taille entre les meubles ‘Docks’ et le produit ‘Multikaz’ de Leroy Merlin sont inopérantes dès lors que ces produits apparaissent comme des déclinaisons de la gamme ‘Docks’.
Elle soutient que la reprise de la combinaison des caractéristiques par le meuble ‘Multikaz’ de la société Leroy Merlin entraîne un risque de confusion dans l’esprit du consommateur qui peut croire que les produits concernés sont issus d’une même gamme, risque de confusion d’autant plus grave que les produits ‘Atelier’ et ‘Docks’constituent ses produits phares. Elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes en concurrence déloyale relativement au mobilier ‘Docks’.
La société Leroy Merlin soutient que les éléments revendiqués par l’appelante sont des éléments des meubles de style industriel présents sur le marché mobilier depuis longtemps, communément constitués de bois et de métal, avec un effet vieilli, donnant un esprit dit ‘Atelier’, et présentent souvent des compartiments numérotés permettant le classement des pièces et objets destinés à l’exercice du métier correspondant. Elle ajoute que la typographie des chiffres n’est pas spécifique contrairement à ce qui est prétendu par la société Maisons Du Monde, et produit des exemples de meubles comportant des chiffres apposés en noir dans un style «’pochoir’» sur leur façade, et soutient que l’appelante ne saurait s’arroger un monopole sur ces éléments qui relèvent du style industriel.
Elle fait valoir qu’outre les caractéristiques appartenant au fond commun du mobilier industriel, les étagères modulables ‘Multikaz’ qu’elle commercialise ne reproduisent aucune des caractéristiques des meubles de l’appelante en raison des différences existantes entre les meubles en cause. Elle ajoute que la clientèle visée n’est pas la même puisque les meubles ‘Multikaz’ sont destinés à des acheteurs de meubles modulables et personnalisables à bas coût, ce qui n’est pas le cas des meubles ‘Docks’ de la société Maisons Du Monde. Elle conteste la force probante des sondages produits par l’appelante en soutenant que l’échantillon de la population sondée constitué de 1054 personnes, est peu représentatif et que les questions sont orientées.
La société Alsapan, relève que les meubles ‘Docks’, constitués d’une structure en métal noir
combinée à un coffrage en bois brut, s’inscrivent dans une tendance actuelle inhérente au style industriel utilisé par différents acteurs du secteur. Elle explique que les étagères ‘Multikaz’ sont des cubes de rangement modulables qui ne comportent ni métal ni bois brut de façon palette, de sorte que les seuls points communs entre les meubles concernés sont des éléments inhérents au style industriel tel que l’apposition d’inscription au style «’pochoir’». Elle conteste l’existence d’un risque de confusion en soulignant que les produits en cause sont exclusivement vendus dans les magasins aux enseignes «’Maisons Du Monde’» et «’Leroy Merlin’» ou sur leur site internet et à des prix qui n’ont rien de commun.
La cour rappelle que le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux, qui ne font pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, distribués par un concurrent relève de la liberté du commerce et n’est pas fautif, dès lors que cela n’est pas accompagné de manoeuvres déloyales constitutives d’une faute telle que la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Sur le paillasson
Il résulte de l’examen auquel s’est livrée la cour, que si les paillassons en cause comportent des éléments communs comme le terme ‘Bienvenue’ qui est banal pour un paillasson, souvent posé à l’entrée d’une habitation, et une grande horloge de gare sur la gauche, ainsi qu’une représentation de la tour Eiffel sur la droite et le nom de la ville de Paris, ces éléments sont représentés de manière très différente, horloge tronquée et effacée venant en surimpression sur un long texte ‘maison Fondée en 1909 Atelier d’architecte […]’ dans le Paillasson Maisons Du Monde, lui conférant une allure rétro renforcée par la représentation esquissée de la tour Eiffel également tronquée, alors que le paillasson incriminé comprend une horloge en caractère gras occupant la moitié de sa surface, une photographie de la tour Eiffel de plain pied , sans aucun autre vocable que ‘Paris’ en gros caractères soulignés lui donnant une impression d’ensemble très contemporaine, sans créer un risque de confusion pour le consommateur.
Ce risque de confusion est d’autant moins avéré que la société Maisons du Monde a commercialisé son paillasson en 2011, et qu’il n’est pas justifié de ventes postérieurement à la fin de l’année 2012, ni d’une notoriété particulière auprès des consommateurs, et ce alors que le paillasson incriminé a été offert à la vente en mars 2016 soit plus de trois après, le consommateur n’ayant pu dès lors garder en mémoire le paillasson de la société Maisons Du Monde, l’ensemble de ces éléments étant exclusifs de la recherche fautive d’un risque de confusion ou même d’un risque d’association entre les entreprises en cause, que la production d’un sondage présentant de façon artificielle les deux paillassons côte à côte, alors que le consommateur ne les a pas sous les yeux en même temps, compte tenu des enseignes et des périodes de commercialisation distinctes, n’est pas davantage susceptible d’établir.
Les demandes de la société Maisons Du Monde formées sur le fondement de la concurrence déloyale seront donc rejetées, et le jugement infirmé en ce qu’il a dit les sociétés Leroy Merlin et Benoit Le Tapis Brosse coupables d’actes de concurrence déloyale, et a condamné la société Leroy Merlin à payer des dommages-intérêts et la société Benoit Le Tapis Brosse à la garantir.
Sur les meubles
Ainsi que l’a relevé le tribunal, les meubles en cause s’inscrivent dans un même style industriel également dénommé ‘factory’, issu notamment des meubles de métier, en vogue depuis les années 1980, caractérisé notamment par l’apposition d’inscriptions telles que ‘Rue’, Atelier’, ‘Artiste’, ‘Industriel’ dans une typographie dite au pochoir, et sur lequel la société Maisons Du Monde ne dispose pas de droits privatifs. Il résulte de l’examen auquel s’est livrée la cour que les mobiliers en cause n’ont pas le même format ni le même agencement, la société Maisons Du Monde invoquant une grande étagère, un meuble buffet et un bureau dont les éléments de rangement ont des tailles différentes, alors que les meubles ‘Multikaz’sont des caissons modulables proposés en trois formats, 1, 3 ou 4 caissons de taille identique, qu’ils ne sont pas composés des mêmes matières, structure en métal et aspect ‘bois de palette’ pour les meubles de la société Maisons Du Monde, mélaminé noir sans métal pour les meubles incriminés, ni ne comportent des poignées et des inscriptions identiques, de sorte que l’impression d’ensemble pour le consommateur visé est très différente, excluant tout risque de confusion, et même tout risque d’association entre les entreprises en cause. La production d’un sondage présentant de façon artificielle les meubles côte à côte n’est pas susceptible d’établir le risque de confusion fautif alors que le consommateur n’a pas les produits en cause sous les yeux en même temps, les dits produits étant vendus dans des enseignes différentes, et ne se livre donc pas à un examen attentif de leurs ressemblances alors que leurs impressions d’ensemble diffèrent.
Les demandes de la société Maisons Du Monde formées du chef des meubles Multikaz seront donc rejetées, et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur la concurrence parasitaire
La société Maisons Du Monde expose avoir investi des sommes considérables pour concevoir des modèles exclusifs et les promouvoir, notamment par le biais de ses catalogues, ce qui confère une attractivité particulière à ses produits, et reproche aux intimées d’avoir mis sur le marché les produits litigieux une fois que le succès commercial de ses modèles ‘paillasson atelier’ et ‘meubles docks »» était établi en captant ainsi la valeur économique desdits modèles.
La société Leroy Merlin conteste avoir commis des actes de parasitisme en soulignant le caractère banal des meubles litigieux et reproche à l’appelante ne pas avoir démontré les investissements qu’elle aurait engagés pour son paillasson ‘Atelier’ et ses meubles ‘Docks’ puisque toutes les pièces que cette dernière verse portent sur des coûts généraux d’un «’bureau de style intégré’» ou sur des catalogues annuels réalisés, et non pas sur les produits invoqués dans le cadre de la présente instance.
La société Alsapan fait également valoir que la société Maisons Du Monde échoue à démontrer que les meubles ‘Docks’ auraient fait l’objet d’investissements publicitaires spécifiques par rapport aux autres produits qu’elle offre en vente.
Concernant les paillassons, la société Benoit Le Tapis Brosse soutient que l’appelante ne fournit aucun document prouvant que son paillasson ‘Atelier’ aurait été conçu par son bureau de style et prétend que ce produit devrait en réalité avoir été créé et fabriqué par un fournisseur tiers. En outre, elle soutient que l’appelante ne démontre pas avoir consacré des investissements à la promotion de ses paillassons en relevant notamment que le paillasson invoqué n’est présent dans aucun de ses catalogues des années 2010 à 2017. Enfin, elle prétend avoir créé le paillasson litigieux de façon indépendante en s’inspirant du style de la signalétique et des stickers muraux en rappelant qu’elle dispose elle-même d’un bureau d’études qui a pour mission de concevoir des produits originaux.
La cour rappelle que le parasitisme consiste à capter une valeur économique d’autrui individualisée, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements et à se placer ainsi dans son sillage pour tirer indûment parti des investissements consentis ou de la notoriété acquise.
En l’espèce, la circonstance non démontrée que le bureau de style de la société Maisons Du Monde aurait conçu le paillasson Atelier en 2010, l’attestation peu précise d’une styliste du bureau de style qui indique ‘avoir créé divers modèles de tête de lits, table, bibliothèque etc … , sur informatique, que j’ai intégrés dans des pièces de lofts pour leur donner toute leur dimension’, le fait que ces paillassons et ces meubles ont été mis en vente dans l’ensemble des magasins de l’enseigne Maisons Du Monde et qu’ils soient présents sur une ou deux pages des catalogues qui en comptent plus de 150, ce qui n’est même pas le cas pour le paillasson, sans être particulièrement mis en avant puisque les meubles ‘Docks’ ne figurent pas sur la page de couverture des dits catalogues, et le fait qu’ils aient bénéficié de parutions ponctuelles sur le site internet Elle Décoration, en ce qui concerne le paillasson, et sur les réseaux sociaux Pinterest et You Tube en ce qui concerne les meubles Docks, démontrent des efforts de promotion et de commercialisation nécessaires à l’activité de la société Maisons Du Monde, mais ne justifient ni d’efforts créatifs individualisés sur les dits produits, ni d’un succès commercial d’ampleur ni d’une notoriété particulière pour les produits revendiqués, ni surtout d’une captation fautive par les sociétés Leroy Merlin, Benoit Le Tapis Brosse et Alsapan.
Les demandes de la société Maisons Du Monde sur le fondement de la concurrence parasitaire seront donc rejetées, et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
Sur la procédure abusive
La société Leroy Merlin prétend que la procédure engagée par la société Maisons Du Monde est abusive en ce qu’elle connaissait la banalité de ses produits, qu’elle a attendu pour agir, et a présenté en cours de procédure des nouvelles demandes relatives aux mobiliers ‘Dock’ afin de suppléer à l’inanité de ses premières demandes au titre de son paillasson ‘Atelier’.
Il n’est cependant pas démontré que la société Maisons Du Monde ait agi avec une évidente mauvaise foi, une absence de tout fondement ou de façon malveillante avec une intention de nuire, de nature à faire dégénérer en abus son action en justice, de sorte que la demande de la société Leroy Merlin de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a dit que les sociétés Leroy Merlin et Benoit Le Tapis Brosse sont coupables d’actes de concurrence déloyale relativement au paillasson ‘Atelier’, a condamné la société Leroy Merlin à payer des dommages-intérêts de ce chef et la société Benoit Le Tapis Brosse à la garantir, et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant ;
Déboute la société Maisons Du Monde de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire relatives au Paillasson Atelier ;
Déboute la société Leroy Merlin de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société Maisons Du Monde aux dépens d’appel et, vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel une somme de 15 000 euros à la société Leroy Merlin, et une somme de 10 000 euros à chacune des sociétés Benoit Le Tapis Brosse et Alsapan.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE