Sur le rappel au titre des frais professionnels
La salariée a justifié des frais professionnels engagés lors d’un déplacement en Asie, et la société doit les rembourser. Le montant des frais professionnels justifiés s’élève à 1 955,29 euros, qui seront inscrits au passif de la procédure collective de la société. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de remboursement de frais professionnels.
Sur le rappel au titre des heures supplémentaires
La salariée a effectué un total de 55,5 heures supplémentaires impayées, pour lesquelles elle a fourni un tableau précis. L’employeur n’a pas apporté d’éléments de décompte des heures effectuées par la salariée, en conséquence, la cour retiendra l’intégralité des heures supplémentaires invoquées. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et d’indemnité de congés payés afférente.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
La salariée a été partiellement déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, mais a obtenu une indemnisation de 500 euros pour le retard de paiement des salaires. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour le retard de paiement des salaires.
Sur la rupture du contrat de travail
Le licenciement pour faute grave de la salariée a été confirmé, excluant les indemnités de rupture. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
Sur les dommages et intérêts au titre de l’impossibilité de restitution des affaires personnelles de Mme [J]
La demande de dommages et intérêts au titre du préjudice consécutif à l’absence de restitution d’objets personnels est déclarée irrecevable en appel. La demande de restitution d’un ordinateur Apple et d’un Imac est rejetée.
Sur la garantie de l’AGS-CGEA
La salariée est éligible au plafond 4 de l’AGS, et la garantie sera cantonnée à ce plafond en cas de condamnation.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SELAFA Mandataires judiciaires associés sera condamnée aux entiers dépens de l’appel. La demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
22 novembre 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n° 20/05244
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/05244 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NFDB
[U]
C/
Société MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D ILE DE FRANCE OUEST
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 17 Septembre 2020
RG : 18/03005
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2023
APPELANTE :
[L] [J]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Société MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES représentée par Me [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MAISON KOTO
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Pierre LAMY de la SELARL SOCIUM AVOCATS, avocat au barreau de LYON, Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D ILE DE FRANCE OUEST
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Septembre 2023
Présidée par Catherine MAILHES, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Catherine MAILHES, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 Novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [J] était gérante de la société Koto Parfums, depuis le 13 janvier 2014.
Par jugement en date du 25 janvier 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé le
redressement judiciaire de la société Koto Parfums.
La Société CSS consulting a présenté une offre de reprise le 16 avril 2018 et, par jugement du 30 mai 2018, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté le plan de cession de la société Koto Parfums au bénéfice de la société CSS consulting.
La date d’entrée en jouissance est intervenue le 1er juin 2018, et l’acte de cession a été signé le 25 juillet 2018.
En date du 7 mai 2018, la société CSS consulting a fait une promesse d’embauche à Mme [J] en vue de l’engager, à compter du 1er juin 2018, en qualité de directrice générale commerce et partenariats, suivant contrat de travail à durée indéterminée.
Par acte de cession de fonds de commerce du 25 juillet 2018, le contrat de travail de la salariée a été transféré à la société Maison Koto.
Le 14 août 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 4 septembre 2018, et la société lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire à cette occasion, lui demandant par ailleurs expressément de ne plus avoir de contact avec les fournisseurs/clients ou partenaires de la société durant cette période.
Par courrier recommandé du 22 septembre 2018, la société lui a notifié son licenciement pour
faute grave, dans les termes suivants :
« /’/ – Vous avez effectué un voyage professionnel en Asie entre le 12 juillet et le 23 juillet 2018, pour rencontrer différents prospects, clients et partenaires de la société Maison Koto.
– Vous vous êtes rendu notamment le 18 juillet dernier dans les locaux du bureau de Sanrio Taiwan, bureau en charge de délivrer des autorisations de licences d’exploitation des produits
Hello Kitty sur le territoire de Taiwan. Vous aviez obtenu en effet l’aval de votre direction générale pour y rencontrer des personnes afin de discuter des modalités de signature d’un nouveau contrat de distribution de la licence Hello Kitty sur le territoire de Taiwan, bureau avec lequel les relations étaient bloquées en raison (i) d’une part d’impayés résiduels de votre ancienne société Koto Parfums et (ii) de non apposition de stickers sur les produits qui avaient
été distribués par votre ancienne société sur le territoire de Taiwan.
– Vous avez rencontré Mme [S] [V], le 18 juillet 2018. A l’issue de ce rendez-vous, vous avez envoyé des messages téléphoniques en vous félicitant d’avoir reçu un accord pour la signature d’un nouveau contrat, sans en détailler pour autant les modalités.
– Vous êtes rentrée en France le 23 juillet 2018, Monsieur [E] [O], président de la société Maison Koto, vous a demandé de lui communiquer un compte-rendu de votre voyage en Asie le 30 juillet, demande réitérée le 8 Août 2018, car vous n’aviez formalisé à cette date aucun compte rendu précis sur vos différentes rencontres et suites à donner à votre voyage professionnel.
– Le 25 juillet 2018, vous avez demandé à Madame [Y] [M] en charge de l’ADV export de Maison Koto, de transmettre à Monsieur [W] [X], Directeur Général de la société Maison Koto, une facture émise par Sanrio Taiwan à l’égard de Maison Koto, facture à régler
sans délai et correspondant aux montants exacts des passifs résiduels dus par votre ancienne société Koto Parfums à ce même tiers.
– Monsieur [W] [X] apprend à cette date par transmission des emails successifs échangés entre vous-même et le bureau de Sanrio Taiwan que vous vous êtes engagés, sans jamais en référer à votre hiérarchie :
– A faire établir par la société Sanrio Taiwan une facture adressée à Maison Koto correspondant au passif dû par votre ancienne société, au titre de l’ancien contrat liant votre
ancienne société Koto Parfums et la société Sanrio Taiwan, pour un montant de 9187,5 US$ (votre mail du 4 juillet 2018 adressé à Mme [S] [V]), sans que ni Monsieur [X], ni moi-
même ne soyons informés ou mis en copie de vos échanges.
– A régler sans délai cette facture dès réception (votre mail du 24 juillet 2018 adressé à Madame [S] [V])
Ces engagements pris à votre seule initiative, sans même connaître à cette date les conditions de signature d’un nouveau contrat.
– Début août, Monsieur [W] [X] ayant eu connaissance de ces échanges vous informe oralement qu’il n’est pas question de payer ce passif et qu’il ne connaît même pas les conditions de signature d’un nouveau contrat.
– Vous transmettez alors un mail à Sanrio Taiwan en déformant les propos de Monsieur [X]
et en affirmant que ce dernier veut payer le passif et le nouveau contrat dans le même temps (votre mail du 08 août 2018, encore une fois sans mettre votre hiérarchie en copie de cet échange).
– Vous transmettez finalement les suites de cet échange à Monsieur [X] le 09 août 2018, après avoir été relancés par Sanrio Taiwan sur le paiement du passif.
Monsieur [X] me fait part de l’ensemble de ces échanges dans l’heure le 09 août 2018.
Ces changements pris de manière unilatérale, sans concertation avec votre hiérarchie, ont
conduit à mettre la société et ses dirigeants devant le fait accompli et d’imposer le paiement
d’un passif, option qui n’avait jamais été accordée ni même évoquée.
Ces promesses, prises à votre seule initiative, ont évidemment fortement obéré la capacité de Maison Koto à signer un contrat avec Sanrio Taiwan dans des conditions différentes de celle de payer du passif lié à votre ancienne société.
Cette situation inacceptable est la conséquence de vos agissements strictement personnels, non approuvés et non concertés avec votre hiérarchie.
Vous avez peut-être mélangé votre intérêt personnel avec ceux de la société Maison Koto au nom de votre relation de longue date avec votre interlocuteur taïwanais.
En effet, dans un mail adressé le 31 août 2018, depuis une de vos adresses personnelles et
durant votre période de mise à pied conservatoire :
– vous confirmez avoir tenté de faire payer par Maison Koto des montants « dus »’.., en insistant à plusieurs reprises auprès de Monsieur [X], ce dernier n’ayant effectivement jamais eu l’intention d’accepter le règlement d’un quelconque passif à l’égard de Sanrio Taiwan.
Extrait du mail du 31 août 2018 envoyé depuis votre adresse mail personnelle à Madame [S] [V] de Sanrio Taiwan :
« (‘) As our relationship is for now since many years, I can’t keep you not informed about the situation.
Since our appointment, I raise every day Mr [W] [X] to pay the amount due, including
the MG contrat (‘) ».
Compte tenu de ces faits graves, nous avons décidé de procéder à votre mise à pied conservatoire par un courrier recommandé envoyé le 16 août 2018, suspendant ainsi votre accès aux locaux de l’entreprise, à vos messageries professionnelles et vous rappelant de ne pas échanger de messages écrits ou téléphoniques à caractère professionnel durant cette période.
Pourtant, le 21 août 2018, Maison Koto a constaté l’inaccessibilité à la gestion du domaine www.kotoparfums.com pour lequel les codes d’accès administrateurs viennent d’être modifiés.
Ce domaine fait partie des actifs transférés dans le cadre de la cession ordonnée par le tribunal de commerce de Lyon le 30 mai dernier.
Soupçonnant une opération frauduleuse, nous avons immédiatement contacté le service client de 1&1, prestataire en charge de l’hébergement du domaine en question, pour leur signaler une fraude.
Nous avons alors appris de la part du Département Juridique de 1&1 les éléments suivants :
1/ Vous, [L] [J], avez contacté le 20/08/2021 la société 1&1, prestataire de service de messagerie fournissant l’hébergement des emails du domaine www.kotoparfums.com pour lui déclarer que vous étiez victime d’un « piratage » des accès au compte client du domaine www.kotoparfums.com.
2/ Vous avez demandé, au prestataire 1&1, la restitution des codes d’accès du compte client de ce domaine à votre profit en lui cachant volontairement la cession des actifs intervenue au profit de Maison Koto quelques mois plus tôt.
3/ 1&1 vous a ré-affecté l’administration du compte client le 21/08/2018 et vous avez modifié
les codes d’accès à votre ancienne messagerie [Courriel 8] afin d’y accéder à nouveau.
A la suite de ces informations, Monsieur [W] [X] vous a demandé par email de restituer sous 24H ces codes d’accès à Maison Koto, propriétaire du domaine. Cet email restera sans réponses de votre part et par conséquent sans restitution des codes d’accès.
Maison Koto a dû entreprendre des démarches administratives auprès de 1&1 afin de récupérer ces accès que vous aviez volés.
Pendant notre entretien du 4 septembre 2018, vous nous avez affirmé avoir vous-même demandé la restitution de vos accès. Après avoir interrogé le prestataire 1&1, celui-ci nous a indiqué par écrit n’avoir jamais reçu aucune instruction ou demande de restitution de votre part.
Le 31 août 2018, Monsieur [W] [X], reçoit un email de Mme [S] [V] de la société Sanrio Taiwan. Cet email fait suite à un courriel expédié quelques heures avant depuis votre messagerie personnelle portant les mentions « Confidential/Situation ».
Dans ce message, émis depuis votre adresse personnelle [Courriel 9],
vous tenez délibérément des propos visant à nuire à la société Maison Koto et vous demandez par ailleurs à ce destinataire que votre adresse mail personnelle depuis laquelle vous lui écrivez ne figure pas dans la suite des échanges. Vous demandez également de rester informée de la suite donnée à votre courriel.
En agissant de la sorte, vous avez non seulement ignoré les consignes et règles à respecter consécutivement à la mise à pied conservatoire, mais plus grave encore vous avez également conduit la société Sanrio Taiwan à poser un ultimatum aux négociations commerciales en cours, nuisant encore une fois et ce intentionnellement aux intérêts de la société Maison Koto. /’/ ».
Le 2 octobre 2018, Mme [J], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud’hommes de LYON aux fins de voir la société Maison Koto condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement abusif (20 001 euros), une somme à titre d’indemnité compensatrice de préavis (20 001 euros) outre l’indemnité de congés payés afférents (2 000 euros), un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire du 16 août au 22 septembre 2018 (8 333,75 euros), outre une somme à titre de congés payés afférents (833,37 euros), des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (40 000 euros), une somme à titre de rappel d’heures supplémentaires (3 143,31 euros), outre l’indemnité de congés payés afférents (314,31 euros), le remboursement d’une somme au titre du règlement des frais professionnels (148,63 euros), et aux fins de voir la société Maison Koto condamnée à lui remettre ses effets personnels, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 4 octobre 2018 la société Maison Koto a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 5 octobre 2018.
La société Maison Koto a été placée en liquidation judiciaire le 24 octobre 2018 et la SELAFA
MJA a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
La SELAFA MJA, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison Koto, s’est opposée
aux demandes de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celle-ci au versement de la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 17 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de LYON a :
‘ dit que le licenciement pour faute grave de Madame [J] est fondé ;
‘ dit qu’il n’y a pas d’exécution déloyale du contrat de travail par la SAS MAISON KOTO ;
‘ dit que l’existence d’heures supplémentaires n’est pas établie ;
‘ dit que la SAS MAISON KOTO reste redevable de remboursement de frais
professionnels pour un montant de 148,63 euros à Madame [J] ;
‘ dit que les effets personnels de Madame [J] doivent lui être restitués selon la liste qu’elle produit ;
en conséquence,
‘ fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS MAISON KOTO la somme de
148,63 6 à titre de remboursement de frais professionnels ;
‘ ordonné à la liquidation judiciaire de la SAS MAISON KOTO la restitution des effets
personnels de Madame [J] :
– Un ordinateur APPLE, modèle MAC BOOK de bureau
– Des cartons de décoration
– Des tableaux
– Un IMAC personnel avec clavier souris
– Des dossiers personnels et objets de décoration de son ancien bureau (le tout dans des cartons dans son ancien bureau avec un porte revue blanc)
– Des livres d’art et de design (5/6 livres étant à l’ancien service création)
– Un nuancier PANTONE + collection de feutres
– Collection de magazine MILK + Marie-Claire idée
– Un ensemble de cadres photos
– 6 tabourets roses
– Des peluches Hello Kitty et Anges Lapin
– 1 tableau blanc
– Une carte du monde Ikea
– Un porte manteau blanc
‘ débouté Madame [J] du surplus de ses demandes.
‘ débouté la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [R] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ déclaré le présent jugement opposable à l’Association UNEDIC DELEGATION
AGS/CGEA ILE-DE-FRANCE OUEST sur la base des indemnités salariales brutes
garanties par l’AGS dans la limite des dispositions des articles L.3253-6, L.3253-8 et
suivants du code du travail ;
‘ dit que la garantie de l’AGS ne pourra s’exercer que dans la limite des plafonds légaux et notamment des articles L.3253-10, L.3253-11, L.3253-12, L.3253-13, L.3253-17, D.3253-5 et D.3253-2 du code du travail ;
‘ laissé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS MAISON KOTO la charge des
entiers dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 1er octobre 2020,
Mme [J] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 17 septembre 2020, aux fins d’infirmation en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes
de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité pour exécution déloyale, de rappel au titre des heures supplémentaires et en ce qu’il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS MAISON KOTO la somme de 148,63 euros à titre de remboursement de frais professionnel et l’a déboutée du surplus de ses demandes.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 juin 2023, Mme [J] demande à la cour de :
‘ dire recevable et bien fondé son appel interjeté à l’encontre du jugement rendu le 17 septembre 2020 par le Conseil des prud’hommes de Lyon ;
‘ réformer ledit jugement en ce qu’il a :
– dit que son licenciement pour faute grave est fondé
– dit qu’il n’y a pas d’exécution déloyale du contrat de travail par la SAS Maison
Koto
– dit que l’existence d’heures supplémentaires n’est pas établie
– dit que la SAS Maison Koto reste redevable envers elle du remboursement de frais professionnels pour un montant de 148,63 euros
en conséquence,
– fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Maison Koto la somme de
148,63 euros à titre de remboursement de frais professionnels,
– l’a déboutée du surplus de ses demandes,
statuant à nouveau,
dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
en conséquence :
‘ fixer les créances suivantes au passif de la procédure collective de la société Maison Koto :
– 503,26 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 7 949,13 euros au titre des salaires impayés sur la période de mise à pied conservatoire, outre 794,91 euros au titre des congés payés afférents,
– 19 335,72 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 933,57 euros au titre des congés payés afférents,
– 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 2 248,32 euros à titre de remboursement de frais professionnels payés mais non remboursés en juillet et août 2018,
– 3 143,14 euros au titre des heures supplémentaires non payées,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts compensant l’impossibilité manifeste de restitution de ses effets personnels par la procédure collective,
‘ condamner la société MJA es-qualités de liquidateur de la société Maison Koto à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
‘ dire et juger l’arrêt à intervenir opposable à l’Association Unedic délégation AGS
CGEA Ile-de-France Ouest.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 29 mars 2021, la société MJA, prise en la personne de Maître [R] [D] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison Koto ayant fait appel incident en ce que le jugement a fixé au passif de la société la somme de 148,63 euros à titre de remboursement de frais professionnels, ordonné la restitution d’un ordinateur Apple, modèle Mac Book, et d’un IMAC personnel avec clavier et souris, demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
‘ débouter Mme [J] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
à titre reconventionnel et dans tous les cas :
‘ de condamner Mme [J] à verser à la SELAFA MJA la somme de 1 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ de condamner Mme [J] aux entiers dépens.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 21 juin 2023, l’UNEDIC délégation AGS-CGEA d’Ile-de-France Ouest demande à la cour de :
‘ dire non fondé l’appel formé par Mme [J] ;
‘ dire irrecevables aux visas des articles 564 et suivants du code de procédure civile comme demandes nouvelles, les demandes à titre d’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour non-restitution d’objets personnels ;
confirmer le jugement entrepris ;
rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires ;
débouter Mme [J] de ses chefs de demandes ;
en tout état de cause,
‘ dire que le montant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse éventuellement prononcé sera en tout état de cause plafonné à un mois de salaire en application de l’article L. 1235-3 du code du travail ;
‘ dire que Mme [J] est éligible au plafond 4 de l’AGS et qu’en cas de condamnation, la garantie des salaires sera cantonnée à ce plafond ;
‘ dire que l’article 700 du Code de Procédure Civile n’est pas garanti par l’AGS ;
‘ dire que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du Travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail ;
‘ dire que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire ;
‘ mettre les concluants hors dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 22 juin 2023 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 18 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exécution du contrat de travail
1- Sur le rappel au titre des frais professionnels
Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il a limité le remboursement des frais professionnels, Mme [J] fait valoir que :
– elle a engagé des frais dans le cadre de son déplacement professionnel en Asie du 12 au 23 juillet 2018, dont elle a justifié s’être acquittée, mais qui ne lui ont jamais été remboursés ;
– l’ordonnance de référé rendu en novembre 2018 ne saurait avoir autorité de la chose jugée au principal.
La SELAFA MJA, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison Koto, fait valoir que la salariée ne démontre pas le bien fondé de sa demande alors que la charge de la preuve pèse sur elle.
La délégation UNEDIC AGS/CGEA d’Ile-de-France fait valoir que les éléments et fiches de notes de frais produits postérieurement à l’ordonnance de référé du 7 novembre 2018 ne comportent aucune validation par l’employeur, et Mme [J] ne justifie pas qu’il s’agit de frais mis en ‘uvre dans le cadre de ses fonctions au bénéfice de son employeur.
Il est de principe que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.
Ces frais professionnels qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés et, d’autre part que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au mois égale au Smic.
Lors de la saisine du conseil de prud’homme dans sa formation de référé le 20 septembre 2018, la salariée avait notamment sollicité la condamnation de la société à lui verser la somme de 148,63 euros à titre de reliquat de notes de frais. Par ordonnance du 7 novembre 2018, le conseil de prud’homme en sa formation de référé a considéré qu’il existait une contestation sérieuse sur ce point en l’absence de justificatifs et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond.
En l’espèce, la note de frais émise par la salariée pour un montant de 2 054,81 euros comprend les frais d’assurance de voyage exposés le 10 juillet 2018, de billet aller-retour [Localité 10] par Expédia le 11 juillet 2018, les frais de déplacement en TGV [Localité 7] et [Localité 10] le 18 juillet 2018, la réservation le 13 juillet 2018 de l’hôtel Muse à [Localité 7] du 18 au 23 juillet 2018, les frais d’hôtel à [Localité 7], [Localité 10], Kaosiung exposés entre le 15 et le 17 juillet 2018, des dîners et déjeuners à [Localité 7] les 18, 19, 20 juillet 2028, une facture de l’opérateur de téléphonie mobile Orange du 20 juillet 2018 pour juin 2018, des frais Uber des 23 et 24 juillet 2018.
Il est constant et avéré par les termes de la lettre de licenciement que la salariée a effectué un voyage professionnel en Asie entre le 12 juillet et le 23 juillet 2018 pour rencontrer différents prospects, clients et partenaires de la société. Ce faisant, les frais de déplacement que se soient les frais de voyage aller/retour avec la France ou entre [Localité 10] et [Localité 7], de même que les frais d’hébergement et de restauration pendant cette période outre les frais Uber de retour de l’aéroport le 23 juillet 2018, dont les factures ou facturettes sont produites, sont justifiés par la nature professionnelle du voyage et seront remboursés par la société.
En revanche, il n’est aucunement justifié du caractère professionnel des déplacements du 24 juillet 2018, en l’absence d’élément relatif à l’existence même de la réunion alléguée, pas plus qu’il a été convenu par les parties de la prise en charge par la société de frais afférents à une ligne téléphonique professionnelle pour un portable, dédiée personnellement à la salariée et à son nom. En définitive, le montant de la créance de frais professionnels justifiés s’élève à la somme de 1 955,29 euros qui sera inscrite au passif de la procédure collective de la société.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de toute demande en remboursement de frais professionnels.
2- Sur le rappel au titre des heures supplémentaires
Mme [J] fait valoir que la société a toujours refusé de régulariser un contrat de travail écrit, leur relation de travail ne reposant dès lors que sur sa promesse d’embauche acceptée. Elle indique produire un tableau précis des heures supplémentaires réalisées et un listing des courriels échangés à compter du mois de juin 2018, documents desquels il résulte qu’elle a effectué un total de 55,5 heures supplémentaires alors même que la société ne produit aucun document susceptible de remettre en cause ses tableaux, en sorte qu’elle estime qu’il doit ête fait droit à sa demande.
La SELAFA MJA, en qualité de mandataire judiciaire de la société Maison Koto, fait valoir que les éléments fournis par la salariée ne permettent pas d’apprécier le nombre d’heures réellement effectuées par jour et ne sont pas probants car corroborés par aucune pièce justificative, soutenant que nul ne saurait se constituer de preuve à soi-même.
La délégation UNEDIC AGS/CGEA d’Ile-de-France fait valoir que les demandes de Mme [J] ne s’appuient que sur un tableau effectué par ses soins pour les besoins de la cause, sans qu’aucune autre pièce ne vienne corroborer ledit tableau.
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.
En l’absence d’accord collectif, les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.
La durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, la salariée était soumise à la durée légale du travail. Elle affirme avoir accompli un toal de 55,5 heures supplémentaires impayées sur la période dont 47 heures entre 35 et 43 heures hebdomadaires et 8,5 au-delà de 43 heures hebdomadaires.
Elle verse aux débats un tableau des heures travaillées par semaine de la semaine 23 de l’année 2018 à la semaine 31, mentionnant pour chacune des semaines le nombre d’heures supplémentaires impayées en détaillant les heures supplémentaires selon les majorations de 25% et 50%, suffisamment précis pour permettre à l’employeur de fournir ses propres éléments.
La règle selon laquelle nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ne s’applique pas à la preuve des faits juridiques mais uniquement à la preuve des actes juridiques, en sorte que ce moyen allégué pour contrecarrer un élément de preuve des heures de travail accomplies et non rémunérées, s’agissant de la preuve de faits juridiques, sera rejeté. Il sera donc tenu compte des éléments mentionnés sur ce tableau.
Or l’employeur n’apporte aucun élément de décompte des heures effectuées par la salariée en dépit de ses obligations, en sorte que la cour retiendra l’intégralité des heures supplémentaires invoquées correspondant à 47 heures supplémentaires majorées à 25% et 8,5 heures supplémentaires majorées à 50%, correspondant au regard du salaire brut horaire de base non contesté de 43,96 euros à une créance de rappel de salaire de 3.143,14 euros outre une créance de 314,31 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente qui seront fixée au passif de la procédure collective de la société.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et d’indemnité de congés payés afférente.
3-Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Mme [J] fait valoir que la société a adopté une attitude totalement inadmissible :
– en refusant de procéder à la régularisation de son contrat de travail ;
– en lui réglant partiellement ses salaires des mois de juin, juillet et août 2018 ;
– en refusant de lui rembourser ses frais professionnels, de payer ses heures supplémentaires et de lui restituer son matériel personnel à la suite de sa mise à pied conservatoire ;
– en exploitant sans son consentement la marque Koto Parfums sans contrepartie financière ;
– en portant à son encontre des accusations calomnieuses dans le cadre de la procédure et devant le personnel.
La SELAFA MJA, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison Koto, fait valoir que
Mme [J] ne produit aucun élément susceptible de démontrer le moindre préjudice à l’appui de sa demande dommages et intérêts pour préjudice moral, et elle a fait preuve de diligence envers cette dernière.
La délégation UNEDIC AGS/CGEA d’Ile-de-France fait valoir que :
– l’exploitation sans le consentement de la marque Koto Parfums concerne un litige commercial
entre les parties, l’exploitation de marque ne relevant pas du contentieux prud’homal ;
– les prétendues accusations calomnieuses portées à l’encontre de Mme [J], sur une période où elle n’était plus salariée, ne relèvent pas d’une exécution déloyale du contrat de travail, la demande n’étant pas ailleurs corroborée par aucun élément démontrant une faute de l’employeur et corrélativement un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.
Selon les dispositions de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La charge de la preuve de l’exécution déloyale incombe à celui qui l’invoque.
La salariée ne justifie pas du caractère déloyal de l’absence de régularisation de contrat de travail écrit, ne justifiant pas la réclamation d’un tel écrit.
Il est constant que la société avait réglé partiellement les salaires de juin et juillet 2018, n’avait que partiellement régularisé les sommes au mois d’août 2018. Le défaut de paiement à l’échéance mensuel du montant du salaire s’agissant de l’obligation principale de l’employeur en contrepartie du travail accompli, caractérise un manquement à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail de nature à causer, au regard de l’arrêt des intérêts moratoires lors de l’ouverture de la procédure collective de la société, un préjudice moral et financier qui sera entièrement réparé par la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.
En revanche, la salariée ne caractérise aucun préjudice qu’il soit moral ou financier résultant du non paiement des heures supplémentaires qu’elle n’a réclamées que dans le cadre de cette procédure, de l’absence de remboursement des frais professionnels dont certains n’étaient justifiés.
Il ressort du courriel de M. [O] à la salariée du 3 octobre 2018, que la société avait informé cette dernière de la mise à disposition des effets personnels qu’elle avait inventoriés au sein de la liste du 4 septembre 2018, à l’exception de l’ordinateur et lui avait demandé de bien vouloir lui indiquer une date pour venir les récupérer.
La salariée ne justifie pas avoir repris contact pour qu’un rendez-vous soit fixé à cette fin de restitution, en sorte que l’absence de restitution de ses effets personnels n’est pas imputable à la société, malgré le litige portant sur l’ordinateur. Aucun manquement de la société à son obligation d’exécution déloyale n’est donc établi à ce titre.
Par ailleurs, le litige portant sur l’exploitation de la marque Koto Parfum sans son consentement ne découle pas du contrat de travail et ne relève pas de la juridiction prud’homale.
Elle ne justifie pas plus ni caractérise l’existence d’accusations calomnieuses portées à son encontre dans le cadre de la présente procédure et devant le personnel.
En définitive, la créance de la salariée au passif de la procédure collective de la société sera fixée à la somme de 500 euros en réparation du préjudice moral et financier résultant du retard de paiement des salaires.
Le jugement entrepris qui l’a déboutée de ce chef sera infirmé.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [J] conteste le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave était justifié en faisant valoir que :
– l’engagement de faire payer par la société Maison Koto une dette de la société Koto Parfums, envers la société Sanrio Taiwan, a été pris en toute transparence vis-à-vis de MM. [X] et [O], conformément aux engagements pris par ces derniers devant le tribunal de commerce de Lyon ;
– la reprise du passif par la société Maison Koto n’était qu’un argument de vente convenu avec sa direction en vue du renouvellement des contrats de licence de marque, objet de son déplacement au siège de la société Sanrio Taiwan ;
– elle a répondu à un courriel professionnel pendant sa période de mise à pied conservatoire par simple courtoisie envers un partenaire de longue date, aux simples faits de lui indiquer qu’elle ne faisait momentanément plus partie de la société et sans jamais tenir de propos dénigrant à l’égard de son employeur ;
– les dirigeants de la société Maison Koto ont produit un faux en écriture stipulant qu’ils seraient
parvenus à un accord pour l’utilisation de la marque Koto Parfums, la marque Koto Parfums étant associé au nom de domaine litigieux, elle était légitime à demander la communication des codes d’accès du domaine.
La SELAFA MJA, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison Koto, fait valoir que :
– Mme [J] a, de sa propre initiative, sans aucune concertation avec la direction de la société Maison Koto, pris la décision unilatérale d’engager la société à régler les passifs de son ancienne société ;
– elle s’est vue imposer le règlement d’un passif qui n’a fait l’objet ni de concertation ni d’accord
préalable, l’ayant mis ainsi en péril et, au contraire, elle a fait part de son refus exprès d’avoir à s’acquitter des passifs résiduels résultant de la société Koto Parfums ; les passifs litigieux n’ont pas été mis à sa charge par le jugement du tribunal de commerce du 30 mai 2018 visés par Mme [J] ;
– le comportement fautif de Mme [J] pendant la période de mise à pied conservatoire a eu des conséquences sur ses relations professionnelles avec la société Sanrio Taiwan et a nui à ses négociations commerciales avec celle-ci ;
– le domaine www.kotoparfums.com fait partie des actifs transférés dans le cadre de la cession ordonnée par le tribunal de commerce de Lyon le 30 mai 2018 et, compte tenu des agissements frauduleux de Mme [J] auprès de l’opérateur 1&1 pour que lui soient restitués les codes d’accès au domaine, elle a dû entreprendre des démarches administratives pour récupérer lesdits accès.
La délégation UNEDIC AGS/CGEA d’Ile-de-France fait valoir qu’il est avéré que Mme [J] a pris l’engagement auprès de la société Sanrio Taiwan de faire régler par la société Maison Koto des dettes afférentes à l’entreprise, que le gérant de la société Maison Koto n’a jamais pris l’engagement de régler la moindre dette antérieure au plan de cession, que Mme [J] a laissé croire à la société Sanrio Taiwan que la société Maison Koto allait régler les sommes en cause et tenté de récupérer auprès de la société 1&1 les codes d’accès du nom de domaine kotoparfums.com.
Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.
Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur et tel est le cas d’espèce.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
*sur l’engagement de prise en charge pour le compte de la société d’une dette de la société Koto Parfums
La salariée reconnaît avoir pris l’engagement de faire payer par son employeur la dette de la société Koto Parfums auprès de la société Sanrio Taiwan mais conteste que cela l’ait été à l’insu de sa direction.
Certes, la dette de 9.188,00 US $ que la société Koto parfums avait sur la société Sanrio Taïwan était connue de la société Maison koto comme il ressort du point effectué sur les licences et dettes du 29 avril 2018 par Mme [J] auprès de M. [O]. Néanmoins et contrairement à ce que prétend la salariée, le repreneur n’avait pas accepté de prendre en charge les sommes dues au créancier Sanrio Taïwan, seules des créances Sanrio Europe et Chine avaient été acceptées, distinctes de celle-là. D’ailleurs, il ressort du courriel de Mme [I] du 10 juillet 2018 que cette dernière se demandait comment débloquer la situation à Taïwan et lui demandait si un contact téléphonique était prévu pour parler finance avec les dirigeants concernant le solde de 8750 $ restant à payer. Les courriels versés aux débats n’établissent pas que la salariée avait eu l’accord de sa direction pour proposer le règlement sans délai de la dette reprise afin de débloquer la poursuite du contrat de concession. En outre, l’attestation dactylographiée de Mme [N] est illisible et ne permet à la cour de s’assurer de la conformité de la retranscription au sein des écritures, en sorte qu’elle ne présente aucun caractère probant de l’accord de la direction invoqué par la salariée.
Ce grief est en conséquence établi et caractérise un comportement fautif.
* sur la réponse à un courriel professionnel pendant la période de mise à pied conservatoire
Il est établi que la salariée a répondu le 31 août 2018 à un courriel de la correspondante de la société Sanrio Taïwan ([S]) sur son adresse personnelle en lui indiquant les propos mentionnés dans la lettre de licenciement. Elle ne saurait prétendre qu’il ne s’agissait que d’un courriel de courtoisie puisqu’elle tenait informée sa correspondante de la situation portant sur ses démarches auprès d’un des dirigeants pour payer la créance de la société Sanrio Taïwan.
Ce faisant, elle a accompli une démarche d’ordre professionnel au mépris de la mise à pied conservatoire à laquelle elle était soumise, caractérisant un manquement fautif à ses obligations issues du contrat de travail.
Ces faits caractérisent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise, justifiant le licenciement pour faute grave exclusif des indemnités de rupture.
La pièce n°35 versée aux débats par la salariée et intitulée Plan de trésorerie Maison koto juillet et août 2018 est un tableau Exel ne présentant aucune valeur comptable, en sorte que la salariée ne justifie pas que son licenciement était prémédité et reposait sur les difficultés économiques de la société, malgré sa mise en liquidation judiciaire fin octobre 2018.
En conséquence, c’est à bon droit que les premiers juges ont dit que le licenciement reposait sur une faute grave justifiée et ont débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur ces chefs.
Sur les dommages et intérêts au titre de l’impossibilité de restitution des affaires personnelles de Mme [J]
Mme [J] sollicite la fixation au passif d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à la valeur ses affaires personnelles non restituées. Elle fait ainsi valoir que :
– en dépit de ses nombreuses demandes et de l’ordonnance du juge des référés du 7 novembre 2018 ordonnant à la société de lui restituer ses effets personnels, elle n’a jamais pu les récupérer ;
– la société ne peut se contenter de prétendre que l’ordinateur portable Apple et l’IMac lui appartiennent à défaut de production d’une facture.
La SELAFA MJA, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison Koto, fait valoir que :
– le Président de la société Maison Koto a interrogé Mme [J] afin de pouvoir lui remettre
ses effets personnels, mais son email est resté sans réponse alors qu’elle avait rassemblé ses affaires et les tenaient à sa disposition ;
– sans s’opposer à ce que Mme [J] récupère ses affaires personnelles, elle ne peut faire droit à la restitution de l’ordinateur APPLE et l’ordinateur IMac, qui ne sont pas la propriété de cette dernière et que Mme [J] n’a pas revendiqué auprès des organes de la procédure de redressement judiciaire.
La délégation UNEDIC AGS/CGEA d’Ile-de-France fait valoir que :
– cette demande est irrecevable comme constituant une demande nouvelle en cause d’appel aux visas des articles 564 et suivants du code de procédure civile, une demande de dommages et intérêts ne pouvant s’assimiler à une demande de restitution d’effets personnels ;
– la demande est infondée en son quantum, aucun élément n’étant apporté aux débats afin de faire la démonstration chiffrée d’un préjudice effectif ;
– n’étant pas un fonds d’équipement des sociétés ou des salariés, il ne lui appartient pas, sous couvert de dommages et intérêts, de payer une contrepartie pour les effets personnels d’un salarié que celui-ci aurait laissés dans son bureau (peluche, tasse, éléments personnels, tableau, carton de décoration’).
Aux termes de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Selon les dispositions de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Une demande de dommages et intérêts au titre du préjudice consécutif à l’absence de restitution d’objets personnels ne tend pas aux mêmes fins que la restitution elle-même. Elle ne constitue ni l’accessoire ni la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de restitution, laquelle a d’ailleurs été ordonnée par le conseil de prud’homme. Aussi, cette demande de dommages et intérêts qui n’a pas été formulée en première instance est nouvelle en appel et sera déclarée irrecevable.
Sur la restitution d’un ordinateur Apple, modèle Mac Book et d’un Imac avec clavier et souris
L’employeur conteste le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la restitution d’un ordinateur Apple modèle Mac Book et d’un Imac avec clavier et souris à Mme [J] alors que ces objets ne sont pas sa propriété et ont été inventoriés dans l’inventaire du commissaire priseur comme des biens de la société Koto parfum ayant fait l’objet du plan de cession dans le cadre de la procédure collective de cette société et sont devenus la propriété de la société Maison koto.
La salariée avait remis une liste de ses effets personnels à la société dont elle demandait la restitution au sein de laquelle il figure un IMac personnel avec clavier et souris qui était dans son bureau.
La salariée ne justifie d’aucun élément permettant de remettre en cause la propriété de ces matériels informatiques présents dans les bureaux de la société, à son profit personnel, ne s’agissant pas par nature d’objets personnels, et alors même qu’elle n’avait aucunement déclaré le Mac book dans la liste des objets personnels qu’elle réclamait. Elle échoue donc à en revendiquer la restitution et sera déboutée de sa demande de restitution concernant ces matériels informatiques.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a ordonné la restitution à la salariée d’un ordinateur Appel, modèle Mac Book et un Imac avec clavier souris.
Sur la garantie de l’AGS-CGEA
Il convient de rappeler que l’AGS n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, qu’au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu’autant qu’il n’existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective et qu’elle ne garantit pas les montants alloués au titre l’article 700 du code de procédure civile.
Il y a également lieu de rappeler qu’en application de l’article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective.
Il n’est pas contesté que la salariée est éligible au plafond 4 de l’AGS et qu’en cas de condamnation, la garantie sera cantonnée à ce plafond.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SELAFA Mandataires judiciaires associés en qualité de mandataire judiciaire de la société Maison koto succombant même partiellement, sera condamnée aux entiers dépens de l’appel. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ni l’équité ni la disparité économique ne commandent de faire droit à la demande d’indemnité présentée par la salariée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle en sera donc déboutée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Dans la limite de la dévolution,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [J] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, des heures supplémentaires et indemnités de congés payés afférentes, en ce qu’il a ordonné la restitution d’un ordinateur Appel modèle Mac Book et d’un Imac avec clavier et souris, en ce qu’il a dit que la société Maison koto restait redevable de remboursement de frais professionnels pour un montant de 148,63 euros à Mme [J] ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
FIXE la créance de Mme [J] au passif de la liquidation judiciaire de la société Maison koto aux sommes suivantes :
1 955,29 euros en remboursement de frais professionnels,
3 143,14 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires impayées outre 314,31 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,
500 euros en réparation du préjudice moral et financier résultant du retard de paiement des salaires ;
RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
DÉBOUTE Mme [J] de sa demande de restitution d’un ordinateur Appel modèle Mac Book et d’un Imac avec clavier et souris ;
CONFIRME le jugement entrepris sur le surplus ;
Y ajoutant,
DÉCLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts pour non restitution des objets personnels ;
RAPPELLE que l’AGS n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, qu’au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu’autant qu’il n’existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective et qu’elle ne garantit pas les montants alloués au titre l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE qu’en application de l’article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective ;
DIT que la garantie sera cantonnée au plafond 4 de l’AGS ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONDAMNE la SELAFA Mandataires judiciaires associés en qualité de mandataire judiciaire de la société Maison koto aux dépens de l’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE