1. Attention à la convocation des parties : Il est recommandé de vérifier scrupuleusement que toutes les parties concernées par une procédure judiciaire ont bien été convoquées et ont reçu les notifications nécessaires. En cas de doute, il peut être utile de demander au greffe du tribunal de fournir les justificatifs de convocation et de récépissé pour éviter toute contestation ultérieure sur la régularité de la procédure.
2. Attention à la mise à jour des créances : Il est recommandé de solliciter régulièrement l’actualisation des créances auprès des créanciers, notamment en cas de paiements partiels effectués. Une créance non actualisée peut induire en erreur le juge commissaire et vicier les décisions rendues. Assurez-vous que toutes les informations financières sont à jour et correctement documentées pour éviter toute accusation de tromperie. 3. Attention à la fixation du prix de vente : Lors de la mise en vente d’un bien immobilier dans le cadre d’une liquidation judiciaire, il est recommandé de fixer un prix de mise à prix réaliste et attractif, basé sur une évaluation récente du marché immobilier. Une mise à prix trop basse peut non seulement faire fuir les acheteurs potentiels mais aussi ne pas couvrir le passif, entraînant des conséquences financières négatives pour les parties concernées. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire
Mme [P] [U], exerçant l’activité de toiletteuse pour animaux sous l’enseigne « Prestige Canin », a été placée en liquidation judiciaire en 2013 par le tribunal de commerce d’Arras, avec Me [T] [D] désigné comme liquidateur judiciaire. Le liquidateur a demandé l’autorisation de vendre aux enchères une maison située à [Localité 11], acquise en 2011 par Mme [U] et son mari, M. [I] [C], avec une mise à prix initiale de 50 000 euros. Mme [U] s’est opposée à cette vente, demandant des délais de grâce et une révision à la hausse de la mise à prix. Par ordonnance du 26 janvier 2022, le juge commissaire a autorisé la vente aux enchères avec une mise à prix de 99 000 euros, et a rejeté les demandes de Mme [U] concernant l’incompétence et les délais de grâce. Mme [U] a fait appel de cette ordonnance le 10 février 2022, critiquant toutes les dispositions de la décision et impliquant son ex-mari, M. [I] [C], ainsi que le liquidateur Me [D]. Elle a demandé la réformation de l’ordonnance, la déclaration d’irrecevabilité de l’action de Me [D], et divers autres recours subsidiaires, y compris un délai de 24 mois pour quitter la maison et la fixation de la mise à prix à 99 000 euros sans possibilité de baisse. Me [D], dans ses conclusions, a demandé le rejet des demandes de Mme [U], la modification de la mise à prix à 50 000 euros avec possibilité de baisse, ou, à défaut, la possibilité de baisser la mise à prix par quart puis par moitié en cas d’absence d’enchérisseur. L’affaire a été clôturée le 4 octobre 2023 et fixée pour plaidoiries le 18 octobre 2023. |
→ Les points essentielsContexte de l’affaireMme [U] et M. [C] contestent la demande de vente aux enchères de leur maison, arguant que leur régime matrimonial a été dissous par un divorce en 2015, rendant la demande irrecevable. Ils soulignent que la liquidation de la communauté conjugale n’est pas encore réalisée et que la maison fait l’objet d’une indivision post-communautaire. Arguments de Mme [U] et M. [C]Les ex-époux avancent que la demande de vente est prématurée et que le liquidateur ne peut agir avant le règlement des droits de chacun. Ils suggèrent que le liquidateur devrait entreprendre une action en partage judiciaire. De plus, ils contestent la régularité de la procédure de première instance, notamment la convocation de M. [C]. Arguments supplémentaires de Mme [U]Mme [U] affirme que la demande est mal fondée, citant des paiements effectués par M. [C] qui réduisent la dette. Elle accuse le liquidateur de tromper le juge commissaire en ne sollicitant pas l’actualisation de la créance, ce qui aurait vicié l’ordonnance rendue en janvier 2022. Arguments subsidiaires sur le délai de grâceLes ex-époux demandent un délai de grâce, soulignant la situation financière modeste de Mme [U], qui a récemment retrouvé un emploi. Ils critiquent le liquidateur pour avoir attendu huit ans avant d’envisager la vente du bien, démontrant qu’il n’y a aucune urgence. Contestation de la mise à prixLes ex-époux contestent le montant de la mise à prix, le jugeant trop bas et risquant de ne pas couvrir le passif de Mme [U]. Ils critiquent l’absence de référence au marché immobilier et l’absence de visite du bien, affirmant que le prix de vente proposé est de nature à faire fuir les acheteurs. Position du liquidateurLe liquidateur soutient que le divorce postérieur au jugement d’ouverture de la liquidation est sans incidence sur les droits de la liquidation. Il affirme que la demande de vente aux enchères est recevable et que l’indivision post-communautaire ne s’applique pas. Il justifie également la convocation de M. [C] et conteste les affirmations de Mme [U] sur la réduction du passif. Décision sur la recevabilité de la demandeLe juge commissaire a mentionné que toutes les parties avaient été valablement convoquées, y compris M. [C]. La cour conclut que la cause d’irrecevabilité pour défaut de convocation de M. [C] ne peut prospérer et rejette les demandes d’injonction fondées sur divers articles du code de commerce et du code civil. Application de l’article 1413 du code civilLa cour rappelle que le paiement des dettes contractées pendant la communauté peut être poursuivi sur les biens communs. Le liquidateur a raison de soutenir que les règles de l’indivision post-communautaire ne s’appliquent pas, car l’indivision n’existait pas à la date d’ouverture de la procédure collective. Conclusion sur la vente de l’immeubleLa cour conclut que l’immeuble dépendant de la communauté est entré dans le gage commun des créanciers avant de devenir indivis. Le liquidateur peut procéder à sa réalisation selon les conditions prévues par le code de commerce. Aucune disposition protectrice du logement de Mme [U] ne peut s’opposer à la vente demandée. Accord de délais de grâceLa cour accorde deux années de délais de grâce avant de pouvoir procéder à la vente, en tenant compte des revenus modestes de Mme [U] et des paiements effectués par M. [C] pour réduire la dette. L’appel incident du liquidateur est rejeté et les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableVoici la liste des articles des Codes cités dans le texte, avec le texte de chaque article reproduit :
Code civil – Article 262 du code civil : – Article 815 du code civil : – Article 1413 du code civil : Code de commerce – Article L642-18 du code de commerce : – Article R641-30 du code de commerce : Code de procédure civile – Article 138 du code de procédure civile : Autres articles cités – Article 10 du code civil : Ces articles sont cités pour soutenir les arguments des parties dans le cadre de la procédure judiciaire décrite. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Antoine Le Gentil, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué pour Madame [P] [U] et Monsieur [I] [C]
– Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué pour SELAS MJS Partners représentée par Me [T] [D] |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/00704
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 21/03/2024
N° de MINUTE :
N° RG 22/00704 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UDGQ
Ordonnance n° 2020/3684 rendue le 26 janvier 2022 par le juge commissaire du tribunal de commerce d’Arras
APPELANTE
Madame [P] [U]
née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 8], de nationalité française
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Antoine Le Gentil, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué
INTIMÉS
SELAS MJS Partners représentée par Me [T] [D] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Madame [P] [U] divorcée [C]
ayant son siège social [Adresse 7]
représenté par Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué
Monsieur [I] [C]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 13] (Italie), de nationalité italienne
demeurant [Adresse 15] (Italie)
représenté par Me Antoine Le Gentil, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 18 octobre 2023 tenue par Pauline Mimiague magistrat à l’audience et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024 après prorogation du délibéré initialement prévu au 25 janvier 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 octobre 2023
Mme [P] [U] qui exerçait l’activité de toiletteuse pour animaux sous l’enseigne « Prestige Canin » a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement rendu en 2013 par le tribunal de commerce d’Arras, qui a désigné Me [T] [D] en qualité de liquidateur judiciaire.
Celui-ci a demandé l’autorisation de mettre en vente sur adjudication à la barre du tribunal judiciaire d’Arras sur la mise à prix de 50 000 euros avec faculté de baisse d’un quart à défaut d’enchères, une maison à usage d’habitation située à [Localité 11] (62) au [Adresse 5], acquise le 27 mai 2011 par Mme [U] et son mari commun en biens, M. [I] [C].
Mme [U] s’est opposée à la demande et a sollicité des délais de grâce en cas d’autorisation de vente aux enchères et réclamé que la mise à prix soit relevée à un montant plus raisonnable.
Par ordonnance du 26 janvier 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce a :
– débouté la défenderesse sur les demandes d’incompétence et de délai de grâce,
– autorisé la vente aux enchères publiques du bien immobilier situé [Adresse 5], reprise au cadastre sous les références C932 pour 20a 52ca ayant pour origine de propriété un acte de vente reçu le 27 mai 2011 par-devant Me [O] Notaire à [Localité 10], publié au service de la publicité foncière d'[Localité 8] 5 juillet 2011 volume 2011 P W1469,
– nommé à cet effet Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d’Arras, membre de la SCP Robiquet Delevacque Vergue Yahiaoui Passe,
– dit que la vente sera opérée sur la mise à prix de 99 000 euros avec possibilité de baisse d’un quart à défaut d’enchérisseur,
– dit qu’un huissier de justice pourra pénétrer dans les lieux afin de dresser un procès-verbal de description de l’immeuble, et tous actes nécessaires pour parvenir à la vente du bien, lequel pourra en tant que de besoin pour toutes ses opérations se faire assister de deux témoins, d’un serrurier et de la force publique,
– dit que les autres conditions essentielles de la vente seront celles du droit commun,
– dit qu’en cas de difficultés, les modalités de visite du bien seront fixées par voie d’ordonnance du jugecommissaire, en cours de procédure, sur présentation d’une requête du liquidateur,
– dit que la publicité opérée comportera trois annonces dans les journaux d’annonces légales du département,
– ordonné la notification de cette ordonnance par les soins de Monsieur le Greffier en chef du tribunal de commerce d’Arras par pli recommandé avec demande d’avis de réception à Me Antoine Le Gentil, avocat domicilié en cette qualité [Adresse 6] pour Mme [P] [U] divorcée [C] en qualité de débitrice, M. [E] [C] dont la dernière adresse connue est [Adresse 15] – Italie », la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France dont le siège se situe [Adresse 1], en sa qualité de créancier inscrit en vertu d’un privilège de préteur de derniers publiés au SPF d’ Arras 21e 18 juillet 2011 volume 2011 V W552, Me Jean-Philippe Verague, avocat domicilié [Adresse 2], pour Me [D] es qualité liquidateur judiciaire,
– dit que cette ordonnance en application des dispositions de l’article R642-23 produit les l’effets du commandement de payer valant saisie immobilière tels que prévus à l’article L321-1 du code des procédures civiles d’ exécution,
– dit que le service de la publicité foncière procédera à la publication de l’ordonnance même si des commandements ont été antérieurement publiés, ces commandements cessant de produire effet à compter de la publication de l’ordonnance, et ce en application des dispositions de l’article R 642-23 alinéa 3 du code de commerce.
Par déclaration du 10 février 2022, Mme [U] a interjeté appel de l’ordonnance, critiquant chacune des dispositions de la décision entreprise et intimant M. [I] [C] son ex-mari, outre Me [D] ès qualités
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 novembre 2022, Mme [U] et M. [C] [I] demandent ensemble à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 515 du code civil et 1341-1 du même code de :
– réformer l’ordonnance rendue le 22 janvier 2022 par le juge commissaire du tribunal de commerce d’Arras en toutes ses dispositions,
– déclarer irrecevable l’action de Me [D] ès qualités,
– débouter Me [D] de ses demandes ;
– condamner Me [D] aux dépens de l’instance,
A titre subsidiaire et avant dire droit, vu l’article R. 641-30 du code de commerce,
– enjoindre à Me [D] de justifier de la régularité de la convocation qui aurait été adressée à M. [I] [C] à l’adresse suivante : [Adresse 15] à [Localité 9] en Italie,
A titre encore plus subsidiaire, vu l’article 10 du code civil et 138 du code de procédure civile,
– enjoindre au greffe du tribunal de commerce d’Arras de communiquer à la cour et aux parties le justificatif de la convocation adressée à M. [I] [C] et son récépissé dans le cadre de la procédure référencée 2020/3684,
A titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause :
– d’accorder à Mme [P] [U] un délai de 24 mois pour quitter sa maison d’habitation et de dire que Me [D] ne pourra opérer la vente de l’immeuble dans ledit délai,
– de débouter Me [D] de son appel incident visant à la baisse de la mise à prix,
– dire que la mise à prix de l’immeuble sera fixée à 99 000 euros sans aucune faculté de baisse de prix.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 août 2022, Me [D] ès qualités demande à la cour, au visa des articles L. 642-18 du code de commerce et R. 642-22 du même code, de :
– débouter Mme [P] [U] de l’ensemble de ses demandes,
– infirmer partiellement l’ordonnance du juge commissaire du chef de la disposition suivante : « dit que la vente sera opérée sur la mise à prix de 99.000 euros avec possibilité de baisse d’un quart à défaut d’enchérisseur »,
– statuer de nouveau de ce chef,
– dire que la vente sera opérée sur la mise à prix de 50.000 euros avec possibilité de baisse d’un quart à défaut d’enchérisseur,
Dans l’hypothèse où la cour devait maintenir la mise à prix à 99.000 euros,
– dire et juger qu’il sera prévu une faculté de baisse du quart puis de moitié de la mise à prix à défaut d’enchérisseur,
– confirmer l’ordonnance pour le surplus de l’ensemble de ses dispositions,
– dire et juger que les dépens de première instance et d’appel seront taxés en frais préalables d’adjudication.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 18 octobre 2023.
Au soutien de leurs prétentions, Mme [U] et M. [C] font valoir que la demande est irrecevable, en ce que :
– leur régime matrimonial de communauté a été dissous par leur divorce prononcé par un jugement de 2015, et cette dissolution est légitimement opposable aux tiers, en vertu de l’article 262 du code civil,
– comme suite à la dissolution du régime matrimonial, les époux se sont retrouvés en situation d’indivision post-communautaire et sont donc soumis aux règles des articles 815 et suivant du code civil relatives à l’indivision,
– la demande de Me [D] est prématurée dans la mesure où la liquidation de la communauté conjugale n’est pas encore réalisée, et que la maison à usage d’habitation située à [Localité 11] (62) au [Adresse 5] fait l’objet de cette indivision post-communautaire,
– le liquidateur ne peut donc agir comme il veut le faire avant le règlement effectif des droits de chacun des ex-époux, suivant le jugement de divorce, au risque de porter atteinte aux droits des coïndivisaires,
– il appartient au liquidateur, s’il l’estime opportun, d’entreprendre éventuellement une action en partage judiciaire devant le tribunal judiciaire d’Arras pour provoquer la liquidation de l’indivision post-communautaire,
– Me [D] ne démontre pas non plus que la convocation de M. [C] lui a bien été adressée, et puisqu’il défie Mme [U] d’apporter la preuve qu’elle ne peut pas apporter, de sorte qu’il y aura lieu pour la cour, le cas échéant, d’ordonner avant dire droit au greffe du tribunal de commerce d’Arras, qui détient le document en question, de communiquer le justificatif de la convocation de M. [C] et son récépissé,
– cette démarche est selon eux d’autant plus nécessaire qu’elle conditionne la régularité de la procédure de première instance.
Mme [U] soutient encore que la demande est mal fondée, en ce que :
– l’état du passif joint à la présente procédure mentionne qu’elle devrait 124 088,11euros dont notamment 12 840,23 euros au Crédit Agricole, l’état du passif précisant : « sous réserve du remboursement par le co-emprunteur»,
– M. [C] a effectué des paiements qui réduisent sensiblement la dette déclarée,
– il restait dû en août 2022 la somme de 83 533,95 euros,
– le fait de n’avoir pas sollicité l’actualisation de la créance au Crédit Agricole a conduit le mandataire liquidateur à tromper le juge commissaire sur la réalité de la situation de Mme [U],
– cette tromperie a conduit à vicier l’ordonnance rendue le 26 janvier 2022,
Subsidiairement, sur le délai de grâce, les ex-époux soutiennent que :
– la situation de la concluante est digne d’intérêt, dès lors qu’elle était bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale devant le premier juge, le bureau d’aide juridictionnelle ayant retenu des revenus de 1 093 euros par mois,
– elle a récemment retrouvé un travail, sa situation reste modeste , cette situation est d’autant plus à considérer que si la liquidation date du 15 septembre 2012, le mandataire liquidateur a attendu 8 ans avant d’envisager la vente du bien, ce qui montre qu’il n’existe aucune urgence,
Sur la mise à prix :
– le mandataire liquidateur ne pouvait pas vouloir brader ainsi le bien immobilier que Mme [U] avait acquis avec son mari il y a plus de 10 ans,
– un tel montant de mise à prix aussi ridicule aurait fait courir le risque que la vente, si elle devait avoir lieu, ne permette même pas à Mme [U] de couvrir son passif, la conduise à perdre son logement et à l’obliger à en trouver un autre assorti d’un loyer et qu’elle appauvrisse également M. [C] qui n’est strictement pour rien dans la situation qu’on lui impose,
– le montant de la mise en vente de l’immeuble de [Localité 11] ait été chiffré sans aucune référence au marché immobilier ni aucune visite du bien : seule une photographie et quelques plans ont été versés aux débats,
– le liquidateur ne démontre pas davantage que la fixation du prix de vente à 99 000 euros est de nature à faire fuir les amateurs plutôt qu’à les attirer, comme il le prétend, et que fixer une mise à prix « relativement basse » susciterait « l’émulation des enchères et un nombre important d’amateurs ».
Le liquidateur admet que :
– il est incontestable que le bien dont il est question a été acquis par Mme [U] et M. [C], alors qu’ils étaient mariés au terme d’un acte reçu par Me [O], notaire à [Localité 10] le 27 mai 2011, cette acquisition étant intervenue sous le régime de la communauté,
– il n’est également pas contestable qu’au jour du jugement d’ouverture, Mme [U] et M. [C] étaient toujours mariés, puisque leur divorce n’a été prononcé que par jugement du tribunal de grande instance d’Arras le 3 avril 2015,
– au jour du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, les époux étaient bien mariés et l’immeuble est bien un actif de communauté,
– il n’est par conséquent ni contesté ni contestable ni que le passif de la liquidation judiciaire est né durant la communauté, ni que la maison dont il est sollicité la vente aux enchères est bien au jour du jugement d’ouverture un actif de communauté.
Cependant, le liquidateur soutient que :
– il importe peu que les époux aient divorcé postérieurement au jugement d’ouverture, ce divorce étant sans incidence sur les droits de la liquidation à appréhender un actif de communauté, en vertu de l’article 1413 du code civil,
– la demande de vente aux enchères est donc parfaitement recevable et relève de la seule autorisation du Juge-commissaire à la liquidation,
– l’indivision post-communautaire ne peut s’entendre que de l’indivision qui serait née avant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire,
– le bien a été acquis le 27 mai 2011 alors que les époux étaient mariés sous le régime de la communauté, que la procédure de liquidation judiciaire est ouverte depuis le 17 mai 2013, le divorce ayant été prononcé le 3 avril 2015 et transcrit le 28 juillet 2015,
– le divorce prononcé postérieurement au jugement d’ouverture est sans effet à l’égard de la liquidation de sorte que le bien doit être considéré au jour du jugement d’ouverture comme un actif de communauté, constituant donc en totalité le gage des créances de la liquidation judiciaire,
– la requête présentée par Me [D] devant le juge commissaire sur le fondement de l’article L 642-18 du code de commerce est parfaitement recevable,
Quant à la convocation de M. [E] [C], le liquidateur ès qualités expose que :
– contrairement aux allégations soutenues, le conseil du liquidateur avait alerté le greffe du tribunal de commerce par courrier du 2 août 2021 sur la domiciliation de M. [E] [C],
– l’ordonnance du juge commissaire fait expressément mention dans son exposé préalable de la convocation de M. [E] [C],
– l’ordonnance lui a ensuite été notifiée par le greffe à cette même adresse, M. [E] [C] n’étant pas allé chercher son courrier recommandé,
– l’adresse en question est bien celle qui figure dans la constitution de son avocat devant la cour d’appel et dans les conclusions de celui-ci,
Sur le prétendu mal-fondé de la demande et la demande de délai de grâce, le liquidateur fait valoir que :
– sans la moindre pièce, Mme [P] [U] vient soutenir que des paiements auraient été faits auprès du créancier hypothécaire qui aurait prétendument réduit le passif,
– la seule tromperie du juge commissaire consiste à soutenir des affirmations fausses et qui ne sont étayées par aucune pièce,
– à la connaissance du liquidateur, le passif de la liquidation n’a pas évolué à la baisse,
– cette habitation constitue le seul actif de la liquidation judiciaire, étant rappelé qu’il n’y a pas que le passif hypothécaire à régler,
– la demande de délai de grâce présentée par Mme [P] [U] est sans objet,
– la procédure collective est ancienne, la procédure de vente aux enchères publiques est engagée depuis près d’un an et demi, depuis lors, Mme [P] [U] a eu tout loisir d’organiser son déménagement,
– plus de 24 mois se seront écoulés.
Sur la mise à prix et l’appel incident, le liquidateur expose que :
– le bien a été acquis moyennant le prix de 129 500 euros, cette habitation se situe sur le territoire de la commune de [Localité 11] située entre [Localité 14] et [Localité 12], territoire dont l’on ne peut pas dire qu’il est particulièrement attractif en matière de vente immobilière,
– le marché immobilier n’a pas notablement évolué à la hausse dans ce secteur et Mme [U] se garde bien de produire une attestation de valeur actualisée de cette maison par rapport au prix d’acquisition de 129 500 euros,
– ce prix constitue donc la valeur de référence, à supposer que la maison ne se soit pas dégradée depuis,
– il ne peut être attendu d’une vente par adjudication un prix équivalent à un prix de marché immobilier, sauf pour assurer l’attractivité des enchères à afficher un prix d’appel et donc une mise à prix suffisamment attractif.
Concernant la recevabilité de la demande, l’ordonnance entreprise mentionne que le juge commissaire a procédé à un renvoi pour permettre la convocation de M. [C], et que « l’ensemble des parties ont reçues leurs convocations à la nouvelle audience ».
Si M. [C] soutient en particulier qu’il ne vivait plus au domicile des ex-époux au moment où l’audience litigieuse a été convoquée, il expose que la requête du liquidateur mentionne cette dernière adresse alors qu’il vivait en Italie.
Le liquidateur répond et justifie d’avoir adressé une lettre au greffe du tribunal de la procédure le 2 août 2021 précisant l’adresse italienne de M. [C] en vue de sa convocation à l’audience du 4 octobre 2021. Le liquidateur précise que M. [C] n’est pas allé retirer son courrier recommandé. Si le liquidateur produit une vaine tentative de notification de l’ordonnance entreprise par lettre recommandée adressée à M. [C] à son adresse italienne, la convocation en vue de l’audience devant le juge commissaire n’est pas produite. Cependant, l’affaire ayant été évoquée à l’audience du 13 décembre 2021, le juge commissaire a mentionné que M. [C] n’était pas comparant mais que les parties avaient été toutes valablement convoquées.
Sur ce, alors que ces dernières mentions de l’ordonnance entreprise signée par le juge et le greffier font foi jusqu’à preuve contraire, que M. [C] comparaît en appel et que la nullité de l’ordonnance entreprise n’est pas demandée et ne peut être suppléée d’office, nulle fin de non-recevoir ne relève de la notification effectuée en Italie au moyen d’une lettre recommandée non parvenue à son destinataire.
Par conséquence, cette cause d’irrecevabilité pour défaut de convocation de M. [C] ne peut pas prospérer.
Les demandes d’injonction fondées sur les articles R. 641-30 du code de commerce, 10 du code civil et 138 du code de procédure civile doivent être également rejetées.
Concernant la seconde cause d’irrecevabilité prétendue, il sera rappelé qu’en application de l’article 1413 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude du débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté.
Par conséquent, le liquidateur ès qualités soutient à juste raison que dès lors que le divorce a été prononcé en 2015 seulement, soit postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire, les règles de l’indivision post-communautaire dont se prévalent les ex-époux ne sont nullement applicables, puisque cette indivision n’existait pas à la date d’ouverture de la procédure collective.
Par conséquent, le divorce ayant été prononcé postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, l’immeuble dépendant de la communauté est entré dans le gage commun des créanciers de celle-ci avant qu’il ne devienne indivis, de sorte que le liquidateur judiciaire peut procéder à sa réalisation dans les conditions prévues à l’article L. 642-18 du code de commerce.
Sur le fond, aucune disposition protectrice du logement de Mme [U] ne peut s’opposer à la vente demandée.
S’agissant des délais de grâce, la cour relève cependant que Mme [U] jouit de revenus modestes, et il n’est pas contesté qu’elle a bénéficié de l’aide juridictionnelle en première instance.
En outre, l’état du passif objet de la pièce 4 des ex-époux, qui mentionne une dette crédit agricole de 120 840,23 euros privilégiée sur un total de passif de 124 088,11 euros, sous réserve du remboursement par le co-emprunteur, doit être rapproché de la synthèse datée du 16 août 2022 établie par le Crédit agricole dans laquelle cette dette a été ramenée à 83 533,95 euros.
En l’absence de toute actualisation du passif produite par le liquidateur, qui se borne à affirmer qu’il n’y a pas que « le passif hypothécaire », les paiements de M. [C] allégués par les ex-époux pour le remboursement de la dette envers le Crédit Agricole doivent être pris en compte.
Il sera accordé deux années de délais de grâce avant de pouvoir procéder à la vente.
Pour le surplus le premier juge a exactement statué, y compris en ce qu’il a fixé les conditions les vente, le montant de la mise à prix et la faculté de baisse.
L’appel incident du liquidateur sera rejeté.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
La cour,
Dit que la vente sollicitée par le liquidateur ès qualités n’est pas irrecevable ;
Réforme l’ordonnance entreprise, mais seulement en ce qu’elle a rejeté la demande de délais de grâce de la débitrice ;
Statuant sur ce point,
Accorde à Mme [U] un délai de grâce de 24 mois à compter du prononcé du présent arrêt pour quitter l’immeuble d’habitation située à [Localité 11] (62) au [Adresse 5] ;
Dit que la vente aux enchères publiques ne pourra être entreprise avant l’échéance de ce délai ;
Pour le surplus,
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles