1. Attention à la qualité à agir : Avant d’engager une action en justice, assurez-vous de bien vérifier que vous avez la qualité à agir, c’est-à-dire que vous êtes légitimement habilité à le faire. Dans le cas présent, M. et Mme [E] ont dû justifier de leurs droits sur l’impasse litigieuse, ce qui a nécessité la production de documents prouvant leur indivision forcée perpétuelle. L’absence de ces preuves a conduit à l’irrecevabilité de leur demande initiale.
2. Il est recommandé de bien documenter vos revendications : Lorsque vous invoquez des droits ou des engagements, il est essentiel de fournir des preuves documentaires solides et complètes. Par exemple, M. et Mme [E] ont produit un courriel de la société Kermarrec Promotion pour justifier de l’engagement de cette dernière à remettre en état l’impasse. Cependant, ils n’ont pas pu produire tous les documents nécessaires pour prouver l’indivision forcée perpétuelle, ce qui a affaibli leur position. 3. Attention à la prescription des actions : Vérifiez toujours si votre demande est susceptible d’être prescrite. Dans cette affaire, la Sas Kermarrec Promotion avait initialement soulevé la prescription de la demande de réfection de l’impasse, mais a abandonné cet argument en appel. La prescription peut souvent être un obstacle majeur à la recevabilité de votre demande, et il est crucial de s’assurer que votre action est introduite dans les délais légaux. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire
Parties impliquées : Con Litige initial : Procédure incidente : Décision du juge de la mise en état (20 octobre 2022) : Appels : Prétentions des parties : *M. et Mme [E] :* *Société Kermarrec Promotion :* Conclusion : |
→ Les points essentielsDemande de remise en état de l’impasse par M. et Mme [E]Devant la cour, M. et Mme [E] ont demandé la condamnation de la Sas Kermarrec Promotion à remettre en état l’impasse. Cependant, la cour a jugé cette demande irrecevable, car elle était saisie uniquement de l’appel de l’ordonnance du juge de la mise en état concernant les fins de non-recevoir soulevées par la Sas Kermarrec Promotion. La cour a conclu que les appelants ne pouvaient obtenir une décision sur le fond du litige avant que le tribunal judiciaire de Rennes ne statue. Qualité à agir de M. et Mme [E] pour la réfection de l’impasseM. et Mme [E] ont invoqué l’existence d’une indivision forcée perpétuelle sur l’impasse et un engagement de la Sas Kermarrec Promotion pour justifier leur droit à agir. Cependant, la cour a estimé que les documents produits, y compris un protocole d’accord de 1879 et des titres de propriété, ne suffisaient pas à établir leurs droits sur l’impasse. La cour a noté que les parcelles avaient évolué depuis le 19ème siècle et que M. et Mme [E] n’avaient pas fourni de preuves suffisantes pour reconstituer l’historique des mutations de propriété. Engagement de la Sas Kermarrec Promotion pour la réfection de l’impasseM. et Mme [E] ont également produit un courriel de 2017 dans lequel le directeur général de la Sas Kermarrec Promotion s’engageait à prendre en charge le coût de la remise en état de l’impasse. La cour a jugé que cet engagement, ainsi que d’autres éléments produits, suffisaient à justifier la qualité de M. et Mme [E] à agir contre la Sas Kermarrec Promotion pour obtenir la réfection de l’impasse. L’ordonnance déférée a été infirmée en ce sens. Prescription de la demande de réfection de l’impasseLa Sas Kermarrec Promotion n’a plus soutenu en appel que la demande de réfection de l’impasse était prescrite. La cour a noté que la fin de non-recevoir tirée de la prescription avait été abandonnée en appel et n’a donc pas jugé nécessaire de l’examiner. Irrecevabilité de la demande de réfection du mur mitoyenLa Sas Kermarrec Promotion a contesté la qualité à défendre de la société concernant la réfection du mur mitoyen, arguant que l’action devait être dirigée contre le syndicat des copropriétaires. Cependant, la cour a jugé que l’action de M. et Mme [E] fondée sur le trouble anormal du voisinage était recevable contre la Sas Kermarrec Promotion, qui était le promoteur et maître d’ouvrage des travaux ayant causé les troubles. La cour a confirmé l’ordonnance rejetant les fins de non-recevoir de la Sas Kermarrec Promotion. Frais irrépétibles et dépensLa cour a infirmé l’ordonnance en ce qu’elle avait dit que les dépens suivraient ceux de l’instance principale et en ce qu’elle avait débouté M. et Mme [E] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La Sas Kermarrec Promotion, ayant succombé à l’instance sur incident, a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. et Mme [E] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableVoici la liste des articles des Codes cités dans le texte fourni, ainsi que le texte de chaque article :
– Article 789 6° du Code de procédure civile : – Article 32 du Code de procédure civile : – Article 1240 du Code civil : – Article 700 du Code de procédure civile : – Article 122 du Code de procédure civile : Ces articles sont cités dans le contexte de la décision de la cour concernant la recevabilité des demandes de M. et Mme [E] et les fins de non-recevoir soulevées par la Sas Kermarrec Promotion. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Simon AUBIN de la SELARL SIMON AUBIN, avocat au barreau de RENNES
– Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/06527
ARRÊT N° 286/23
N° RG 22/06527
N° Portalis
DBVL-V-B7G-TIJW
Mme [C] [J] [S] [A] [M] épouse [E]
M. [F] [G] [N] [E]
C/
S.A.S. KERMARREC PROMOTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Monsieur Pierre DANTON, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 6 juin 2023 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 17 octobre 2023 par Madame Véronique VEILLARD, substituant la présidente légitimement empêchée, par mise à disposition au greffe après prorogations du délibéré indiqué au 19 septembre 2023 à l’issue des débats
APPELANTS :
Madame [C] [J] [S] [A] [M] épouse [E]
née le [Date naissance 4] 1943 à [Localité 14]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Monsieur [F] [G] [N] [E]
né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentés par Me Simon AUBIN de la SELARL SIMON AUBIN, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.S. KERMARREC PROMOTION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Mme [C] [M] épouse [E] et M. [F] [E] sont propriétaires d’une maison située [Adresse 1] à [Localité 5], cadastrée section [Cadastre 10].
La société Kermarrec Promotion a obtenu le 19 mars 2013 un permis de construire pour un immeuble, dénommé [W], sur un terrain situé[Adresse 6]é à [Localité 5], cadastré section [Cadastre 11], [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
La déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux a été enregistrée en mairie de [Localité 5] le 21 août 2017.
Par acte du 28 décembre 2020, M. et Mme [E] ont fait assigner la Sas Kermarrec Promotion devant le tribunal judiciaire de Rennes sur le fondement des troubles anormaux du voisinage aux fins de condamnation de cette dernière à réaliser certains travaux de remise en état, notamment d’une impasse commune et d’un mur de clôture mitoyen ainsi qu’à leur payer diverses indemnités au titre de l’occupation irrégulière du jardin et du tour d’échelle outre la réparation de leur trouble de jouissance et de la diminution de la valeur de leur bien.
*
Par conclusions d’incident du 29 mars 2022, la Sas Kermarrec Promotion a saisi le juge de la mise en l’état aux fins de voir déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [E] s’agissant des demandes de condamnation sous astreinte de la société Kermarrec Promotion :
– à réaliser les travaux nécessaires pour remettre en bon état d’entretien le sol de l’impasse comme il l’était avant février 2015,
– à habiller le mur de clôture mitoyenne, avec des pierres dites de ‘[Adresse 12]’ comme c’était le cas à l’origine.
S’agissant des travaux relatifs à l’impasse, la fin de non-recevoir soulevée reposait à tire principal sur le défaut de qualité à agir de M. et Mme [E], faute pour eux de justifier de leurs droits sur cette impasse et de ce qui les autoriserait à agir seuls pour demander sa remise en état et, à titre subsidiaire, sur la prescription de la demande.
S’agissant du mur de clôture mitoyen, la Sas Kermarrec Promotion faisait valoir à titre principal que la demande était mal dirigée en ce que l’obligation de réparation (de nature réelle) ne pouvait concerner que le propriétaire actuel, en l’occurrence le syndicat des copropriétaires, s’agissant d’une partie commune. A titre subsidiaire, elle considérait que cette demande était également prescrite.
Par ordonnance du 20 octobre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes a :
– déclaré M. et Mme [E] irrecevables en leur demande en réfection de l’impasse, faute de qualité à agir,
– rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir et de la prescription de l’action en réfection du mur mitoyen,
– déclaré recevable la demande afférente,
– dit que les dépens suivront ceux de l’instance principale,
– débouté les parties de leurs demandes concurrentes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 5 janvier 2023 pour conclusions des parties.
Suivant déclaration du 14 novembre 2022, M. et Mme [E] ont relevé appel de tous les chefs de cette ordonnance, y compris ceux qui ont rejeté les fins de non-recevoir opposées par la Sas Kermarrec Promotion s’agissant du mur mitoyen et qui les ont déclarés recevables en leur demande.
La Sas Kermarrec Promotion a relevé appel incident des chefs de l’ordonnance ayant rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à défendre et de la prescription et ayant par conséquent, déclaré recevables M. et Mme [E], en leur demande de réfection du mur mitoyen.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 20 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. et Mme [E] demandent à la cour de :
– réformer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes en date du 22 octobre 2022,
– constater la qualité à agir de M. et Mme [E], propriétaire, titulaires de droits indivis sur l’allée commune,
– condamner la société Kermarrec Promotion à remettre en état l’impasse,
– la condamner à payer aux époux [E] une indemnité de 5.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 9 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, la Sas Kermarrec Promotion demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du 20 octobre 2022 en ce qu’il a déclaré M. et Mme [E] irrecevables en leur demande en réfection de l’impasse faute de qualité à agir,
– infirmer l’ordonnance pour le surplus,
– juger irrecevable en application des dispositions des articles 32 et 122 du code de procédure civile, la demande de condamnation sous astreinte de 800 € par jour de retard de la société Kermarrec Promotion à habiller par les pierres trouvées sur place la clôture mitoyenne notamment dans son couronnement avec des pierres marquant cette mitoyenneté comme c’était le cas à l’origine,
– juger en tout état de cause irrecevable la demande formée par M. et Mme [E] devant la cour tendant à voir condamner la société Kermarrec Promotion à remettre en état l’impasse,
– débouter M. et Mme [E] de leurs demandes,
– les condamner solidairement à verser à la société Kermarrec Promotion une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’incident,
A titre subsidiaire,
– juger irrecevable la demande formée par M. [F] [E] au titre de la réfection de l’impasse faute de qualité à agir,
– juger irrecevable la demande de M. et Mme [E] tendant à voir condamner la société Kermarrec Promotion à remettre en état l’impasse,
– débouter en tout état de cause M. et Mme [E] de leur demande tendant à voir condamner la société Kermarrec Promotion à remettre en état l’impasse,
– débouter M. et Mme [E] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux dépens.
MOTIVATION DE LA COUR
1°/ Sur la demande de remise en état de l’impasse
Devant la cour, M. et Mme [E] demandent la condamnation de la Sas Kermarrec Promotion à remettre en état l’impasse.
La société Kermarrec Promotion conclut à juste titre à l’irrecevabilité de cette demande.
La cour est en effet saisie de l’appel de l’ordonnance du juge de la mise en état ayant statué sur les fins de non-recevoir soulevées par la Sas Kermarrec Promotion conformément à l’article 789 6° du code de procédure civile.
Le débat devant la cour est donc circonscrit à la question de la recevabilité des demandes de M. et Mme [E], la cour étant appelée à statuer avec les mêmes pouvoirs que ceux du juge de la mise en état.
Les appelants ne sauraient sous couvert de l’appel obtenir une décision sur le fond du litige avant même que le tribunal judiciaire de Rennes, devant lequel l’affaire est pendante, ne statue.
La demande est irrecevable.
2°/ Sur les fins de non-recevoir opposées par la SAS Kermarrec s’agissant de la réfection de l’impasse
a. Sur la qualité à agir de M. et Mme [E]
L’article 32 du code de procédure civile dispose que ‘est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir’.
Pour justifier de leurs droits sur cette impasse, M. et Mme [E] invoquent l’existence d’une indivision forcée perpétuelle sur le passage litigieux. Ils entendent également se prévaloir de l’engagement pris par la Sas Kermarrec auprès des riverains à remettre en état cette impasse.
* En premier lieu, il est demandé à la cour de reconnaître l’existence d’une indivision forcée perpétuelle sur l’impasse litigieuse.
M. et Mme [E] entendent se prévaloir d’un protocole d’accord manuscrit du 23 juin 1879. Ce document, qui n’avait pas été communiqué en première instance, évoque une ‘allée commune’ et prévoit la répartition des charges entre les cinq propriétaires riverains pour son entretien.
Mme [E], indiquant venir aux droits de Mme [T], signataire de cet acte, s’estime donc fondée, sur la base de cette convention, à agir seule aux fins que soit respectée l’intégrité de ce passage commun.
M. et Mme [E] citent également des extraits d’un acte de vente [L]/[O] du 3 février 1986 faisant état d’un ‘passage commun’.
Enfin, en cause d’appel, Mme [M] épouse [E] produit ses titres de propriété, à savoir les actes par lesquelles M. et Mme [M] ont donné à leur fille la nue-propriété de la maison (acte de donation du 11 juin 1976) puis l’usufruit de celle-ci (acte de donation du 16 décembre 1982).
Ces titres de propriétés ne font aucune référence ni à la convention du 23 juin 1879 ni à l’existence d’une allée commune faisant l’objet d’une indivision forcée et perpétuelle.
Ils ne permettent pas davantage d’établir que Mme [E] viendrait aux droits de Mme [T], signataire de ladite convention.
De la lecture de ce protocole d’accord manuscrit en date du 23 juin 1879, signé entre ‘les soussignés, Monsieur et Madame [I], Monsieur et Madame [T], Madame [U], Monsieur et Madame [Y] et Monsieur [V], propriétaires [Adresse 13] n° 8′(selon ce que la cour est parvenue à déchiffrer de cet acte ancien), il ne peut en être tiré aucun enseignement pour établir la nature et l’étendue des droits que détient Mme [E] sur cette impasse et se prononcer sur sa qualité à agir seule pour en obtenir la réfection.
La cour observe que la convention produite concerne des propriétaires du [Adresse 13] (aujourd’hui [Adresse 1]). Il est évident que depuis le 19 ème siècle, les parcelles ont évolué, de même que le cadastre.
Dans la mesure où M. et Mme [E] ne produisent aucune pièce susceptible de reconstituer l’historique des différentes mutations intervenues, il est impossible de déterminer quelles parcelles actuelles pourraient être concernées par cette convention dont il n’est pas davantage justifié qu’elle serait encore applicable et opposable aux propriétaires.
A cet égard, dans un courriel adressé à M. [X] (directeur général de la société Kermarrec Promotion), M. [E] admettait lui-même que cette convention nécessitait un ‘toilettage compte tenu de la disparition de propriétés individuelles remplacées par des immeubles en copropriété’et préconisait la régularisation d’une nouvelle convention concernant l’impasse commune entre les nouveaux copropriétaires.
En outre, M. et Mme [E] ne produisent pas davantage qu’en première instance l’acte de vente [L]/[O] du 3 février 1986 qu’ils invoquent et dont ils reproduisent pourtant un extrait dans leurs conclusions, ni d’ailleurs aucun autre des actes cités dans l’extrait reproduit (cahier des charge de 1991, acte de vente [D] /[L] du 27 décembre 1984).
L’organisation juridique de cette impasse, qui n’est pas matérialisée sur le plan cadastral (elle apparaît intégrée aux parcelles qui la bordent) mais qui dessert manifestement plusieurs propriétés dont aujourd’hui celle de l’immeuble Cara, ainsi que les droits de Mme [E] qui l’autoriseraient à agir seule, ne sont effectivement pas connus.
La cour ne dispose pas d’éléments suffisants pour reconnaître l’existence d’une indivision forcée et perpétuelle sur cette impasse, étant au surplus relevé que tous les propriétaires riverains concernés ne sont pas dans la cause.
* En second lieu, M. et Mme [E] invoquent l’engagement pris par la société Kermarrec Promotion auprès des riverains de celle-ci, à prendre en charge le coût de la remise en état de l’impasse litigieuse.
De fait, M. et Mme [E] produisent un courriel du 30 octobre 2017 dans lequel M. [X], directeur général de la Sas Kermarrec, indiquait à M. [E] mais également à d’autres copropriétaires ([O], [H]) que ‘Suite à notre réunion (‘) Nous sommes en train de faire un chiffrage complémentaire au budget réfection de la voirie lié aux travaux [W].’
Dans ce courriel, M. [X] estimait par ailleurs le budget courant annuel d’entretien de la venelle (entretien du portail, désherbage… ) à hauteur de 900 euros hors taxe, à répartir en cinq quotités entre les ‘copropriétaires’ [W], [H], [O] et [R].
Par ailleurs, M. et Mme [E] produisent un procès verbal de constat d’huissier du 17 décembre 2021 faisant état d’importantes et profondes crevasses dans l’impasse litigieuse, consécutivement à la construction de l’immeuble [W].
Or, il n’est pas contesté que M. et Mme [E] sont riverains et utilisateurs de cette impasse, qui constitue au surplus, l’unique accès à leur habitation.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que M. et Mme [E] justifient suffisamment de leur qualité à agir à l’encontre de la Sas Kermarrec Promotion, pour obtenir la réfection de l’impasse litigieuse.
L’ordonnance déférée sera infirmée en ce sens.
b. Sur la prescription
Devant la cour, la Sas Kermarrec Promotion ne soutient plus subsidiairement que la demande de réfection de l’impasse serait irrecevable comme étant prescrite.
En effet, dans le dispositif de ses conclusions, elle demande seulement à la cour de juger irrecevable la demande relative à la réfection de l’impasse ‘faute de qualité à agir’.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription ayant manifestement été abandonnée en appel, il n’y a pas lieu de l’examiner.
3°/ Sur l’irrecevabilité de la demande de réfection du mur mitoyen
L’article 32 du code de procédure civile dispose que ‘est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir’.
La Sas Kermarrec Promotion estime que le premier juge a rejeté à tort la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la SAS Kermarrec Promotion, en retenant que l’action de M. et Mme [E] n’avait pas une nature réelle immobilière mais extra-contractuelle et qu’elle pouvait donc être parfaitement dirigée contre un tiers, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
La Sas Kermarrec Promotion estime au contraire que l’action ne peut qu’être dirigée contre le co-propriétaire actuel du mur mitoyen (c’est à dire le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic). Elle ajoute qu’elle ne peut être considérée comme un tiers, étant en réalité le copropriétaire initial de ce mur mitoyen, ayant cédé ses droits à la collectivité des copropriétaires. Elle ajoute qu’en tout état de cause, elle se heurterait à l’impossibilité d’intervenir pour réaliser des travaux sur un bien qui ne lui appartient pas.
Comme devant le premier juge, M. et Mme [E] ne répondent pas sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la Sas Kermarrec Promotion et se contentent de conclure à l’absence de prescription.
En l’espèce, M. et Mme [E] fondent leur action sur le trouble anormal du voisinage, laquelle constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle, détachée de toute faute, qui peut être dirigée contre tout voisin auteur des nuisances, quel que soit son titre d’occupation.
Il est constant que la responsabilité pour trouble anormal du voisinage peut incomber à une autre personne que le propriétaire :
– en cas de troubles résultant de la réalisation de travaux, l’entrepreneur qui les réalise est considéré, pendant le chantier, comme un voisin occasionnel des propriétaires lésés, à condition qu’il soit l’auteur de ces troubles (Cass.3ème Civ 22 juin 2005 pourvoi n° 03-20.068) ,
– il a également été jugé que la responsabilité du promoteur et du maître de l’ouvrage pouvait être retenue lorsque les troubles anormaux du voisinage résultent de l’implantation et de l’édification de l’immeuble qu’ils ont décidées, quand bien même ils auraient cédés ultérieurement la propriété à un tiers (Cass. 2ème Civ. 28 mars 2013 pourvoi n° 12-13.917).
En l’espèce, les troubles du voisinage allégués par M. et Mme [E] trouvent leur source dans les opérations de construction de l’immeuble litigieux dont la société Kermarrec Promotion était tout à la fois le promoteur et le maître de l’ouvrage.
L’action fondée sur le trouble anormal du voisinage dirigée contre la Sas Kermarrec Promotion doit donc être jugée recevable au regard de l’article 32 du code de procédure civile.
Par ailleurs, devant la cour, la Sas Kermarrec Promotion ne soutient plus subsidiairment que la demande de réfection du mur mitoyen serait irrecevable comme étant prescrite.
En effet, dans le dispositif de ses conclusions, la Sas Kermarrec demande seulement à la cour de juger irrecevable la demande relative au mur mitoyen ‘en application de l’article 32 et 122 du code de procédure civile’.
La fin de non recevoir tirée de la prescription ayant ainsi manifestement été abandonnée en appel, il n’y a pas lieu de l’examiner.
L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la Sas Kermarrec Promotion et déclaré recevable la demande en réfection du mur mitoyen.
4°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il y a lieu d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a dit que les dépens suivront ceux de l’instance principale et en ce qu’elle a débouté M. et Mme [E] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Sas Kermarrec qui succombe à l’instance sur incident sera donc tenue aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il n’est pas inéquitable de la condamner à payer à M. et Mme [E] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Déclare irrecevable la demande de Mme [C] [M] épouse [E] et M.[F] [E], présentée devant la cour statuant sur appel d’une ordonnance du juge de la mise en état, tendant à voir condamner la société Kermarrec Promotion à remettre en état l’impasse,
Confirme l’ordonnance rendue le 20 octobre 2022 par le juge de la mise en état de Rennes en ce qu’elle a :
– déclaré Mme [C] [M] épouse [E] et M.[F] [E] irrecevables en leur demande en réfection de l’impasse, faute de qualité à agir,
– dit que les dépens suivront ceux de l’instance principale,
– débouté Mme [C] [M] épouse [E] et M.[F] [E] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme l’ordonnance déférée pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant :
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Mme [C] [M] épouse [E] et M.[F] [E] pour demander la réfection de l’impasse bordant leur habitation,
Déclare recevable la demande afférente,
Déboute la Sas Kermarrec Promotion de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sas Kermarrec Promotion à verser à Mme [C] [M] épouse [E] et M.[F] [E] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sas Kermarrec Promotion aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER P/ LA PRÉSIDENTE
Légitimement empêchée