L’affaire concerne la succession de Mme [V] [H] [I], décédée en laissant pour recueillir sa succession ses trois enfants. L’un des enfants, M. [D] [U], occupe un bien immobilier appartenant à la succession sans avoir pris position sur son rachat ou sa vente. Suite à une assignation de l’une des héritières, Mme [G] [U], le tribunal judiciaire a ordonné la licitation de l’ensemble immobilier, fixé une indemnité d’occupation à M. [D] [U], reconnu une créance de salaires différés envers Mme [G] [U], et condamné M. [D] [U] et Mme [X] [U] à payer des sommes à Mme [G] [U]. M. [D] [U] et Mme [X] [U] ont interjeté appel. La cour a déclaré la créance de salaires différés prescrite, réduit l’indemnité d’occupation à 500 euros par mois, et débouté Mme [G] [U] de sa demande de licitation de l’immeuble. Les dépens ont été employés en frais privilégiés de partage et Mme [G] [U] a été déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Contexte de l’affaire
La Cour d’Appel de Douai a rendu un arrêt le 28 avril 2022 concernant un litige familial lié à la succession de Madame [V] [H] [I], décédée en 2016 sans avoir pris de dispositions testamentaires. Trois enfants se disputent l’héritage, notamment un ensemble immobilier occupé par l’un des héritiers depuis le décès de leur mère.Les demandes des parties
Monsieur [D] [U] et Madame [X] [U] ont interjeté appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Avesnes Sur Helpe en 2020. Ils contestent notamment la décision concernant l’indemnité d’occupation due par Monsieur [D] [U] et la créance de salaires différés réclamée par Madame [G] [U] épouse [Y].Décision de la Cour
La Cour a déclaré la demande de créance de salaires différés de Madame [G] [U] prescrite et a réduit l’indemnité d’occupation due par Monsieur [D] [U] à 500 euros par mois. La demande de licitation de l’immeuble indivis a été rejetée en attendant l’établissement du projet d’état liquidatif de la succession par le notaire.Dépens et frais
Les dépens ont été employés en frais privilégiés de partage et les demandes au titre des frais irrépétibles ont été rejetées. La décision du tribunal a été partiellement confirmée et partiellement infirmée par la Cour d’Appel de Douai.République Française Au nom du Peuple Français COUR D’APPEL DE DOUAI CHAMBRE 1 SECTION 1 ARRÊT DU 28/04/2022 **** N° de MINUTE : N° RG 20/02140 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TBAA Jugement (N° 18/01742) rendu le 26 mai 2020 par le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe APPELANTS Monsieur [D] [U] né le 05 septembre 1958 à [Localité 5] demeurant [Adresse 13] [Localité 5] représenté par Me Vincent Demory, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe Madame [X] [U] née le 13 juillet 1951 à [Localité 11] demeurant [Adresse 9] [Localité 7] (bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178/002/2020/04713 du 07/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai) représentée par Me Sandrine Billard, membre de la SELARL Billard Doyer, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe INTIMÉE Madame [G] [U] épouse [Y] née le 17 septembre 1952 à [Localité 11] demeurant [Adresse 8] [Localité 6] représentée par Me Patrick Houssière, membre de la SCP Lemmens Houssière, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre Emmanuelle Boutié, conseiller Céline Miller, conseiller GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe DÉBATS à l’audience publique du 17 janvier 2022 Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022 après prorogation du délibéré du 31 mars 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 décembre 2021 **** Mme [V] [H] [I], de son vivant retraitée et veuve en uniques noces de M. [D] [J] [U], est décédée le 28 septembre 2016 sans avoir pris de dispositions de dernières volontés et laissant pour recueillir sa succession ses trois enfants, Mmes [X] et [G] [U] et M. [D] [U], tous héritiers à concurrence du tiers de la succession. Il dépend de la succession un ensemble immobilier et des parcelles sis à [Adresse 13], cadastrés section A n° [Cadastre 1] pour 36 a 46 ca, section A n° [Cadastre 2] pour 14 a 10 ca, section A n° [Cadastre 3] pour 8 a 57 ca et section A n° [Cadastre 4] pour 24 a 17 ca, occupés par M. [D] [U] depuis le décès de [V] [I] veuve [U]. M. [D] [U] ne s’est pas positionné quant à son souhait de racheter la maison ou de la vendre. Par exploits d’huissier en date des 30 et 31 octobre 2018, Mme [G] [U] a assigné Mme [X] [U] et M. [D] [U] aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession. Par un jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire d’Avesnes Sur Helpe a : Ordonné qu’il soit procédé par le ministère de Maitre [B] [Z], notaire, aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Madame [V] [H] [I], décédée le 28 septembre 2016, Commis l’un des juges du tribunal pour surveiller lesdites opérations, Ordonné qu’en cas d’empêchement des juge et notaire commis, il soit pourvu à leur remplacement par ordonnance sur requête, Ordonné préalablement auxdites opérations et pour y parvenir, après l’accomplissement des formalités prescrites par la loi, la licitation de l’ensemble immobilier, le tout sur la mise à prix de 70 000 euros, Déclaré que ladite licitation aura lieu à la barre du tribunal, Condamné M. [D] [U] à payer une indemnité d’occupation à l’indivision successorale, pour l’occupation privative de l’immeuble à savoir une somme de 1 000 euros par mois à compter du 28 septembre 2016 jusqu’à la libération effective des lieux, Débouté M. [D] [U] de sa demande tendant à voir dire que l’indemnité d’occupation ne pourra donner lieu à une condamnation immédiate en l’attente des comptes globaux de la succession et d’éventuelles soultes qui seraient dues par un héritier envers les autres, Constaté que la succession de Mme [V] [I] est redevable envers Mme [G] [Y]-[U] d’une créance de salaires différés pour la période de 1970 à 1976, Fixé le montant de la créance de salaires différés due à Madame [G] [Y]-[U] sur la succession de sa mère, Madame [V] [I], à la somme de 94 737,06 euros, Débouté Mame [X] [U] et M. [D] [U] de leurs plus amples demandes, Condamné solidairement Mme [X] [U] et M. [D] [U] à payer à Mme [G] [Y]-[U] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Condamné solidairement Mme [X] [U] et M. [D] [U] aux entiers dépens qui comprendront le coût de la sommation de Maître [T], huissier de Justice à [Localité 10] en date du 30 mai 2017, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lemmens-Houssière, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Ordonné l’exécution provisoire de la décision. M. [D] [U] et Mme [X] [U] ont interjeté appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 novembre 2020, Monsieur [D] [U] demande à la cour de : Ordonner la jonction de la procédure portant le numéro de RG 20/02985 avec celle portant le numéro de RG 20/02140 sous le numéro 20/02140, Déclarer l’appel formulé par M. [D] [U] recevable, Déclarer l’appel formulé le 18 juin 2020 par Madame [X] [U] recevable, De les dire bien fondés, – Infirmer et en tant que de besoin, de réformer le jugement du tribunal judiciaire du 26 mai 2020 en ce qu’il a : . Ordonné préalablement auxdites opérations et pour y parvenir, après l’accomplissement des formalités prescrites par la loi, la licitation de l’ensemble immobilier, le tout sur la mise à prix de 70 000 euros, . Déclaré que ladite licitation aura lieu à la barre du tribunal, . Condamné M. [D] [U] à payer une indemnité d’occupation à l’indivision successorales, pour l’occupation privative de l’immeuble à savoir une somme de 1 000 euros par mois à compter du 28 septembre 2016 jusqu’à la libération effective des lieux, . Débouté M. [D] [U] de sa demande tendant à voir dire que l’indemnité d’occupation ne pourra donner lieu à une condamnation immédiate en l’attente des comptes globaux de la succession et d’éventuelles soultes qui seraient dues par un héritier envers les autres, . Constaté que la succession de Mme [V] [I] est redevable envers Madame [G] [Y]-[U] d’une créance de salaires différés pour la période de 1970 à 1976, . Fixé le montant de la créance de salaires différés due à Mme [G] [Y]-[U] sur la succession de sa mère, [V] [I], à la somme de 94 737,06 euros, . Débouté Mme [X] [U] et M. [D] [U] de leurs plus amples demandes, . Condamné solidairement Mme [X] [U] et M. [D] [U] à payer à Mme [G] [Y]-[U] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, . Condamné solidairement Mme [X] [U] et M. [D] [U] aux entiers dépens qui comprendront le coût de la sommation de Maître [T], huissier de Justice à [Localité 10] en date du 30 mai 2017 avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lemmens Houssiere, avocats aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Et par suite, De surseoir à statuer quant à la demande de licitation de l’ensemble immobilier sis à [Adresse 13], en l’attente d’un projet établi par le notaire quant aux comptes de succession et au montant de la soulte qui pourra être demandée à M. [D] [U] en cas de demande d’attribution préférentielle, De débouter Mme [G] [U] de sa demande de condamnation de M. [D] [U] à payer une indemnité d’occupation sur une base de 1 000 euros par mois, Dire que si M. [D] [U] doit se voir imputer une indemnité d’occupation privative, elle sera due à la succession, aucune condamnation immédiate ne pouvant intervenir en l’attente des comptes globaux de la succession et d’éventuelles soultes qui seraient dues par un héritier envers les autres, De déclarer irrecevable et mal fondée la demande de salaire différé présentée par Mme [Y]. A titre subsidiaire, sur l’indemnité d’occupation, De la fixer à la somme de 500 euros ; A titre subsidiaire, sur la créance de salaire différée, De ramener la demande formulée par Madame [Y] à ce titre à la somme de 82 593 euros, A titre subsidiaire et si par extraordinaire, la cour ordonnait la licitation de l’ensemble immobilier sis à [Localité 12], De dire que celle-ci sera effectuée à la barre du tribunal sur la mise à prix de 45 700 euros ; De dire n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, De débouter tant Mme [X] [U] que Mme [G] [U] de leurs demandes respectives en condamnation de leurs deux autres cohéritiers au paiement des dépens et au contraire, d’ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage. A cet effet, il soutient essentiellement qu’il n’a pas été encore en mesure de prendre position par rapport à une éventuelle demande d’attribution préférentielle de l’immeuble dépendant de la succession qu’il occupe, en l’absence de certitude non seulement de la valeur de l’immeuble, s’agissant d’une maison sans confort qu’il a certes améliorée au fil des ans par des travaux qu’il a effectués lui-même, mais qui reste dans un état médiocre, l’ensemble des installations ne répondant pas aux normes actuelles en matière d’électricité et d’isolation notamment, mais également de la soulte qu’il pourrait devoir à ses soeurs, du montant de l’indemnité d’occupation qu’il devra à l’indivision pour l’occupation privative de l’immeuble, dont il ne conteste pas le principe mais le montant, celui-ci ayant été surévalué par le premier juge à 1 000 euros par mois alors qu’il disposait d’une estimation de la valeur locative à 500 euros par mois, et enfin de la créance de salaires différés réclamée par sa soeur [G] dont il prétend qu’elle est désormais prescrite dans la mesure où il appartenait à celle-ci de formuler sa demande à l’ascendant qui avait la qualité d’exploitant agricole, à savoir son père, au plus tard dans les cinq ans de l’ouverture de la succession de celui-ci, sa mère n’ayant pas eu le statut d’exploitant agricole pendant la période de 1970 à 1976 pendant laquelle Mme [G] [U] a travaillé pour l’exploitation. Il ajoute subsidiairement que cette créance doit en tout état de cause être réduite eu égard à la période réclamée. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er février 2021, Mme [X] [U] demande à la cour, par réformation du jugement du tribunal judiciaire d’Avesnes sur Helpe du 26 mai 2020, de : Dire et juger tant irrecevable que non fondée Mme [G] [U] épouse [Y] en sa demande de salaires différés, L’en débouter purement et simplement. A titre subsidiaire, Ramener sa demande à la somme de 82 593 euros, Dire n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Dire n’y avoir lieu à condamnation solidaire des dépens ainsi que des frais d’actes d’huissier, Condamner Mme [G] [U] épouse [Y] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Billard, avocat aux offres de droit. Elle fait valoir essentiellement que la créance de salaires différés réclamée par sa soeur [G] est prescrite dans la mesure où il lui appartenait de formuler sa demande à l’ascendant qui avait la qualité d’exploitant agricole, à savoir leur père décédé en 1999, le délai de l’action en prescription de l’action en paiement de salaire différés étant de cinq ans à compter de l’ouverture de la succession de l’exploitant. Elle ajoute qu’il résulte des pièces versées aux débats par Mme [G] [U] que pendant la période du 1er janvier 1954 au 31 décembre 1987, leur mère avait soit la qualité de non-salarié agricole conjoint participant aux travaux, soit la qualification de conjoint d’exploitation, ce qui n’est pas la même chose que d’être co-exploitant, la qualité d’exploitant agricole étant reconnue à celui qui exerce personnellement et pour son propre compte, à titre de profession habituelle, une activité agricole au sens de l’article L311-1 du code rural. Elle précise que leur mère n’a jamais exercé en son nom et que dès lors, la demande de salaire différés, qui aurait dû être faite dans les délais dans le cadre de la succession de feu [D] [U], est irrecevable comme prescrite. Sur le fond, elle ajoute que le fait que Mme [G] [U] épouse [Y] ait travaillé dans l’exploitation de son père est très contestable au regard des attestations produites, et en tout état de cause, qu’il convient de réajuster les calculs de salaires différés au regard de la période réellement travaillée qui ne saurait excéder 6 ans et 3 mois. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 04 mars 2021, Mme [G] [V] épouse [Y] demande à la cour de : Confirmer le jugement rendu le 26 mai 2020 ;Débouter M. [D] [U] et Mme [X] [U] de toutes leurs demandes, fins et conclusions Et statuant sur son appel incident, de: Confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné, préalablement auxdites opérations et pour y parvenir, après l’accomplissement des formalités prescrites par la loi, la licitation de l’ensemble immobilier sis à [Adresse 13], cadastré section A n° [Cadastre 1] pour 36 a 42 ca et section A n° [Cadastre 2] pour 14 a 10 ca, le tout sur la mise à prix de 70 000,00 euros, mais y ajoutant, dire que ladite licitation portera également sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 3] pour 8 a 57 ca et section A n° [Cadastre 4] pour 24 a 17 ca omises par le premier juge, Condamner solidairement M. [D] [U] et Mme [X] [U] au paiement d’une indemnité procédurale de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Condamner solidairement M. [D] [U] et Mme [X] [U] aux entiers dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lemmens Houssière, avocats aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Elle fait essentiellement valoir, s’agissant tout d’abord de sa demande de licitation, que M. [D] [U] a eu tout loisir depuis 2016 de faire procéder aux évaluations nécessaires de l’immeuble qu’il occupe et des travaux qui seraient nécessaires à sa remise en état ; que sa demande de sursis à statuer est dilatoire et n’a pour but que de lui permettre de continuer à résider dans l’immeuble sans bourse délier ainsi qu’il le fait depuis le décès de la défunte ; que la mise à prix proposée (70 000 euros) telle que retenue par le premier juge est tout à fait raisonnable au regard de l’état de l’immeuble et de l’état du marché dans l’Avesnois. Elle soutient également que M. [D] [U] doit être tenu au paiement d’une indemnité d’occupation pour l’occupation privative de l’immeuble indivis, dont le montant n’a pas à dépendre de la seule valeur locative de l’immeuble, le juge pouvant tenir compte de la résistance opposée par l’occupant et du préjudice que son occupation abusive cause à l’indivision successorale. Elle ajoute qu’elle entend réclamer sa créance de salaires différés en application des dispositions de l’article L321-13 du code rural pour avoir participé directement et effectivement à l’exploitation familiale de ses parents après l’âge de 18 ans, entre 1970 et 1976, et ce sans avoir reçu aucune contrepartie financière quelconque. Elle soutient que sa demande n’est pas prescrite dans la mesure où sa mère coexploitait avec son mari l’exploitation agricole familiale et où, dans une telle hypothèse, il est de jurisprudence constante qu’une créance de salaire différé unique peut être exercée en entier contre l’une ou l’autre des successions au choix du bénéficiaire. Elle prétend qu’elle pouvait donc attendre la succession de sa défunte mère pour faire valoir sa créance de salaire différé. Elle ajoute que l’effectivité du travail qu’elle a fourni est justifié par les attestations qu’elle produit et que sa créance est fondée tant dans son principe que dans son quantum tel que calculé par le notaire. Formant appel incident en ce qui concerne la dénomination des parcelles objet de la licitation demandée, elle souligne que le premier juge a omis de statuer sur les parcelles A [Cadastre 3] et A [Cadastre 4] qui font partie de l’ensemble immobilier indivis. Par ordonnance du 18 février 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures RG n°20/02985 et 20/02140 sous le numéro 20/02140. Pour un plus ample exposé des parties, il sera référé à leurs dernières conclusions écrites, conformément à l’article 455 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DECISION Liminaire Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. Il sera observé que le jugement déféré n’est pas contesté en ce qu’il a : -Ordonné qu’il sera procédé par le ministère de Maitre [B] [Z], notaire, aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Madame [V] [H] [I], décédée le 28 septembre 2016, -Commis l’un des juges du tribunal pour surveiller lesdites opérations, -Ordonné qu’en cas d’empêchement des juge et notaire commis il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance sur requête, Il sera donc confirmé sur tous ces points. Sur la demande au titre de la créance de salaires différés L’article L321-13 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime dispose que les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers. L’article L321-17 alinéa 1er précise que le bénéficiaire d’un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l’exploitant et au cours du règlement de la succession. Est considéré comme un exploitant agricole celui qui exerce personnellement et pour son propre compte, à titre de profession habituelle, une activité agricole au sens de l’article L311-1 du code rural. Sous l’empire des textes antérieurs à la réforme de la prescription en matière civile (article 2262 du code civil ancien), il était admis que l’action du bénéficiaire d’un contrat de travail à salaire différé se prescrivait par trente ans à compter de l’ouverture de la succession de l’exploitant. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la durée de la prescription de l’action en paiement de salaire différé se trouve ramenée à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession de l’exploitant, conformément aux dispositions relatives à la prescription de droit commun de l’article 2224 nouveau du code civil. Du point de vue du droit transitoire, l’article 26 de la loi du 17 juin 2008 prescrit que la nouvelle prescription s’applique aux prescriptions en cours à partir du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder 30 ans. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’en cas de co-exploitation ou d’exploitations successives par les ascendants de la même exploitation, leur descendant peut se prévaloir d’un unique contrat de travail à salaire différé pour exercer son droit de créance sur l’une ou l’autre des successions, mais à la condition d’établir soit l’existence d’une co-exploitation, soit que ce contrat de travail ait reçu exécution au cours de l’une et de l’autre des deux périodes d’exploitation en cas d’exploitations successives. En l’espèce, M. [D] [U], qui exerçait la profession d’exploitant agricole, est décédé le 2 juin 1996. Il était marié à Mme [V] [I] veuve [U], laquelle est décédée le 28 septembre 2016. Mme [X] [U] et M. [D] [U] sollicitent l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a constaté que la succession de Mme [V] [I] veuve [U] était redevable envers Mme [G] [Y] née [U] d’une créance de salaires différés pour la période de 1970 à 1976 et en ce qu’elle a fixé le montant de cette créance à la somme de 94 737,06 euros, soutenant que l’action en reconnaissance de la créance de salaires différés de leur soeur est prescrite. Mme [G] [Y] née [U] soutient que sa demande en reconnaissance de sa créance de salaires différés n’est pas prescrite dès lors que leur mère était co-exploitante avec leur père et qu’elle pouvait en conséquence attendre le règlement de la succession de celle-ci pour réclamer sa créance. Or il résulte de l’attestation de la MSA du 8 août 2017 versée aux débats que Mme [V] [U] avait le statut de conjointe d’exploitant du 1er janvier 1954 au 31 décembre 1987, et de l’attestation du même organisme en date du 5 avril 2018 que Mme [V] [U] était inscrite à la MSA du 15 août 1953 au 31 décembre 1987 en qualité de non salarié agricole conjoint participant aux travaux, de sorte qu’elle n’avait ni le statut d’exploitante ni le statut de co-exploitante avec son époux pendant la période de travail revendiquée par leur fille. Dès lors, le délai de prescription de l’action en reconnaissance de la créance de salaire différé de Mme [G] [U] a commencé à courir à compter de l’ouverture de la succession de M. [D] [U], décédé le 2 juin 1996. Il résulte des courriers et pièces notariées versés aux débats que la succession de M. [D] [U] a été réglée courant 1999. La prescription trentennaire alors applicable a donc commencé à courir, avant d’être remplacée à compter du 19 juin 2008 par la nouvelle prescription quinquennale, de sorte que l’action en reconnaissance de la créance de salaires différés de Mme [G] [U] s’est retrouvée prescrite le 19 juin 2013. La demande en reconnaissance de la créance de salaires différés formulée par Mme [G] [U] dans le cadre de son action aux fins d’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de sa mère, Mme [V] [U], introduite par exploits d’huissier en date des 30 et 31 octobre 2018 est en conséquence irrecevable. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a reconnu l’existence d’une telle créance et en ce qu’il a fixé son montant à la somme de 94 737,06 euros, et statuant à nouveau, la cour déclarera cette demande irrecevable comme prescrite. Sur l’indemnité d’occupation due par M. [D] [U] Aux termes de l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. Il n’est pas contesté que M. [D] [U] occupe à titre privatif l’immeuble sis à [Adresse 13], depuis le dècès de sa mère, Mme [V] [U]. M. [D] [U] conteste la décision déférée en ce qu’elle a fixé l’indemnité d’occupation due à la succession du fait de son occupation de l’immeuble indivis à la somme de 1 000 euros. Il fait valoir qu’il s’agit d’un immeuble vétuste, dont la valeur locative ne peut dépasser les 500 euros par mois. Mme [G] [U] épouse [Y] estime que pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation, le juge n’a pas à se fonder sur la seule valeur locative de l’immeuble mais qu’il peut prendre en compte la résistance opposée par l’occupant et le préjudice causé à l’indivision successorale par son occupation abusive. Le premier juge, pour faire droit à la demande de Mme [G] [U] épouse [Y] de fixation à la somme de 1 000 euros de l’indemnité mensuelle d’occupation due par M. [D] [U], a relevé que le notaire, Maître [Z], avait estimé la valeur locative à 500 euros et que M. [D] [U] ne produisait aucun élément chiffré. Cependant, la cour observe qu’il résulte de l’attestation notariée établie le 13 novembre 2018 par Maître [Z] et confirmée le 31 mai 2021que la valeur locative mensuelle de l’immeuble indivis, constitué d’une fermette à usage d’habitation avec maison d’habitation, grange, étables et dépendances, peut être estimée, compte tenu de sa situation, de son état de confort et du marché immobilier habituellement pratiqué dans le secteur, à la somme de 500 euros par mois ; que l’attestation établie par l’agence Vacherand immobilier le 8 juin 2021 confirme cet avis de valeur locative à 500 euros par mois, compte tenu des points négatifs pouvant être un frein à la location ou justifier d’un loyer moins important, tels que l’état général du logement (simple vitrage bois, présence d’humidité, électricité qui n’est pas aux normes), le manque d’équipements (pas de cuisine équipée, état de la salle d’eau…), la nécessité d’un rafraîchissement des embellissements dans toutes les pièces, le manque d’entretien et la propreté ; que Maître [Z] et l’agence Bruyere immobilier ont par ailleurs estimé la valeur vénale de l’immeuble respectivement à la somme de 80 000 à 90 000 euros le 9 novembre 2016, et à la somme de 85 000 euros (à plus ou moins 5%) le 30 juin 2020 ; qu’enfin, Mme [G] [U] épouse [Y] n’établit ni le caractère abusif de l’occupation du bien indivis par M. [D] [U] qui y a toujours habité, choisissant de ne pas faire racheter ses parts dans l’immeuble indivis par leur mère lors du règlement de la succession de leur père, ni le préjudice prétendumment causé à l’indivision successorale par cette occupation, alors que M. [D] [U] ne conteste pas devoir une indemnité d’occupation et qu’il a attendu pour se prononcer sur une éventuelle demande d’attribution préférentielle de l’immeuble, d’être fixé sur le sort de la créance de salaires différés réclamée par sa soeur. La cour précise en outre qu’il n’y a pas lieu, à ce stade du règlement de la succession, à condamnation mais à fixation d’une créance de la succession sur M. [D] [U] au titre de son occupation privative du bien indivis, les comptes entre les parties devant ensuite être faits au moment de la liquidation de la succession. Dans ces conditions, en l’absence d’autres éléments chiffrés,il convient d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné M. [D] [U] à payer à l’indivision successorale la somme de 1 000 euros par mois, et statuant à nouveau, de fixer cette indemnité d’occupation à la somme de 500 euros par mois à compter du 28 septembre 2016 et jusqu’à la libération de l’immeuble ou son attribution, le cas échéant, à M. [D] [U]. Sur la demande de licitation de l’immeuble indivis Aux termes de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. L’article 815-3 dudit code précise que le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux relatifs la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision. Cependant, en vertu de l’article 815-5-1 du même code, sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l’un des indivisaires se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 836, l’aliénation d’un bien indivis peut être autorisée par le tribunal judiciaire, à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités suivantes : le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis. Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires. Si l’un ou plusieurs des indivisaires s’opposent à l’aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal. Dans ce cas, le tribunal judiciaire peut autoriser l’aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires. Cette aliénation s’effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l’objet d’un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l’indivision. L’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal judiciaire est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention d’aliéner le bien du ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa. En l’espèce, la cour observe que seule Mme [G] [U] épouse [Y] sollicite à ce stade la licitation de l’immeuble dépendant de la succession et des parcelles qui y sont rattachées alors que M. [D] [U] est susceptible d’en demander l’attribution préférentielle, sous réserve des soultes qu’il pourrait être amené à payer après établissement des comptes de liquidation et partage entre les parties. Dès lors, il apparaît prématuré d’ordonner la licitation de l’immeuble à ce stade et, la décision du premier juge étant infirmée sur ce point, il convient de débouter Mme [G] [U] épouse [Y] de sa demande en l’état dans l’attente du projet liquidatif à établir par le notaire quant aux comptes de succession et au montant de la soulte qui pourra être demandée à M. [D] [U] en cas de demande d’attribution préférentielle, les parties pouvant alors saisir de nouveau le tribunal en cas de difficulté. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile La décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a condamné solidairement Mme [X] [U] et M. [D] [U] aux entiers dépens et à payer à Mme [G] [U] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de partage et Mme [G] [U] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel. PAR CES MOTIFS La cour, Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a : -Ordonné qu’il sera procédé par le ministère de Maitre [B] [Z], notaire, aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Madame [V] [H] [I], décédée le 28 septembre 2016, -Commis l’un des juges du tribunal pour surveiller lesdites opérations, -Ordonné qu’en cas d’empêchement des juge et notaire commis il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance sur requête. L’infirme pour le surplus, Statuant à nouveau, Déclare irrecevable Mme [G] [U] épouse [Y] en sa demande en fixation d’une créance de salaires différés de 94 737,06 euros sur la succession de Madame [V] [H] [I] ; Déboute en l’état Mme [G] [U] épouse [Y] de sa demande de licitation de l’ensemble immobilier sis à [Adresse 13], Fixe l’indemnité d’occupation due à l’indivision successorale par M. [D] [U] pour l’occupation de l’immeuble indivis sis à [Adresse 13] à la somme de 500 euros par mois à compter du 28 septembre 2016 et jusqu’à ce qu’il soit disposé du sort de l’immeuble indivis, Renvoie les parties devant le notaire en vue de l’établissement du projet d’état liquidatif de la succession, prenant en compte les éléments de la présente décision, Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, Déboute Mme [G] [U] épouse [Y] de ses demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le greffierLa présidente Delphine VerhaegheChristine Simon-Rossenthal