Licenciement pour motif économique: affaire Mme H c/ Novétude édition

Notez ce point juridique

Sur la rupture du contrat de travail

La cour a confirmé que la suppression d’emploi n’était pas caractérisée, ce qui a conduit à juger que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Par conséquent, la société Novétude édition a été condamnée à verser à Mme [H] une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le bien-fondé du licenciement

La société Novétude édition a soutenu que les difficultés économiques étaient réelles et que le poste de Mme [H] avait bien été supprimé. Cependant, la cour a considéré que l’emploi de Mme [H] n’avait pas été réellement supprimé, mais que ses tâches avaient été transférées au siège. Par conséquent, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

MOTIVATION

La lettre de licenciement fixant les limites du litige a été rédigée en mentionnant des difficultés économiques et la suppression du poste de comptable de Mme [H]. Cependant, la cour a conclu que l’emploi de Mme [H] n’avait pas été réellement supprimé, mais que ses tâches avaient été transférées au siège. Par conséquent, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 26 JANVIER 2023

(n°2023/ , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04345 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBUM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 16/09668

APPELANTE

S.A.S.U. NOVETUDE EDITION prise en la personne de son représentant légal, la société NOVETUDE STRATEGIE, prise en la personne de son Président, la société NLT 45,

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie D’HAUTEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1087

INTIMEE

Madame [N] [H] épouse [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Muriel LECRUBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0449

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Figen HOKE, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2010, Mme [N] [H] épouse [S], ci-après Mme [H], a été engagée par la société Conférence Hermès en qualité de comptable unique, statut cadre pour une durée de travail à temps complet de 39 heures hebdomadaire. Par avenant du 2 janvier 2012, elle a été promue responsable comptable. À compter du 1er février 2013, la durée de travail a été ramenée à 96 heures par mois. En septembre 2013, son contrat de travail a été transféré à la société Novétude édition suite à une opération d’absorption de la société Conférence Hermès, laquelle est devenue un établissement de la société Novétude édition. La durée de travail a été portée à 120 heures par mois à compter du 1er janvier 2016. En dernier lieu, la rémunération de Mme [H] conduisait à une moyenne mensuelle de 3 247,96 euros brut que les parties ne discutent pas.

Le 25 avril 2016, la société Novétude édition a présenté deux propositions de modification du contrat de travail pour motif économique à Mme [H] qu’elle a refusées le 9 mai 2016.

Par courrier recommandé du 11 mai 2016, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 mai 2016 puis s’est vu notifier les motifs du licenciement par courrier adressé sous la même forme le 9 juin 2016. Elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 24 mai 2016 de sorte que le contrat de travail a été rompu le 15 juin 2016.

La société Novétude édition emploie au moins onze salariés et applique la convention collective nationale des organismes de formation.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 2 août 2016 en contestation de son licenciement et paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures complémentaires. Par jugement du 6 février 2020, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Paris, section encadrement, statuant en formation de départage, a :

– débouté Mme [H] de sa demande au titre des heures complémentaires, dommages-intérêts pour non-respect des règles du temps partiel et travail dissimulé,

– condamné la société Novétude édition à lui payer la somme de 212,83 euros au titre de la majoration des heures complémentaires figurant sur les bulletins de paie outre la somme de 21,29 euros au titre des congés payés y afférents,

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire de référence de Mme [H] à la somme de 3 247,96 euros,

– condamné la société Novétude édition à lui payer les sommes de :

* 25’983,68 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 9743,88 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 974,38 euros au titre des congés payés y afférents,

* 4 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct,

– dit que les condamnations à caractère salarial portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter de la présente décision,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné la société Novétude édition à payer à Mme [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société Novétude édition a régulièrement relevé appel du jugement le 9 juillet 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions n° 3 transmises par voie électronique le 31 août 2022, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société Novétude édition prie la cour de :

– infirmer le jugement des chefs de condamnations prononcées à son encontre,

– dire le licenciement bien fondé,

– débouter Mme [H] de toutes ses demandes,

– confirmer le jugement en ce qu’il a’:

* fixé le salaire de référence à la somme mensuelle de 3 247,96 euros,

* fixé à la somme de 212,83 euros le rappel de salaires pour heures complémentaires outre 21,29 euros au titre des congés payés afférents à sa charge,

* débouté Mme [H] de ses demandes de dommages-intérêts pour non-respect des règles du temps partiel, et pour travail dissimulé est toutes ses demandes plus amples ou contraires,

A titre subsidiaire :

– limiter le préjudice de Mme [H] au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 19’487,76 euros,

– limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 9 743,88 euros outre 974,38 euros au titre des congés payés afférents,

– débouter Mme [H] de sa demande en réparation d’un préjudice moral distinct, et la débouter de toutes ses demandes plus amples ou contraires

En tout état de cause :

– condamner Mme [H] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens

– débouter Mme [H] de tous demandes plus amples ou contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 décembre 2020 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Mme [H] prie la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a’:

* dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* fixé son salaire de référence à la somme de 3247,96 euros et condamné la société Novétude édition à lui payer les sommes de 9 743,88 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 974,38 euros au titre des congés payés afférents,

* dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement,

* ordonné l’exécution provisoire,

* condamné la société Novétude édition à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

– réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, condamner la société Novétude édition à lui payer les sommes de :

* 38’975,52 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10’000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral distinct,

* 2 707 euros à titre de rappel d’heures complémentaires outre 270 euros au titre des congés payés y afférents, subsidiairement 394 euros au titre du rappel de salaire outre 39,40 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des règles du temps partiel,

* 19’487,76 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

débouter la société Novétude édition de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Novétude édition à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2022.

MOTIVATION’:

Sur la rupture du contrat de travail’:

Sur le bien-fondé du licenciement’:

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

« [‘] Suite à des difficultés économiques, votre poste de comptable est supprimé à Conférence Hermès. Nous vous avons proposé deux reclassements que vous avez refusés. Nous vous informions au cours de l’entretien du 24 mai 2016, du projet de licenciement pour motif économique vous concernant.

Nous vous rappelons ici les motifs qui nous ont amenés à engager cette procédure et que nous vous avons exposés au cours de notre entretien.

I LA SITUATION ÉCONOMIQUE DU GROUPE : SAUVEGARDE DE SA COMPÉTITIVITÉ

Le groupe Novétude santé a été créé par croissance externe entre 2010 et 2012. Il est composé d’écoles d’enseignement supérieur spécialisées dans le domaine de la santé : écoles d’ostéopathie, écoles de préparation aux concours médecine et paramed, BTS optique et BTS diététique’ Parallèlement à ses acquisitions, un plan de développement national a été lancé en 2011 afin de créer trois leaders nationaux dans :

la préparation aux concours de médecine,

le BTS optique,

la préparation au diplôme d’avocat..

Un GIE centralisant les fonctions marketing, RH, finances, stratégies, juridique et opérationnelles a été créé. Or, à la fin 2013, la direction a dû faire face à des constats alarmants : le marché des écoles d’ostéopathie s’enfonce durablement dans la crise avec une chute significative du nombre d’étudiants. Le développement national est trop consommateur de ressources financières et humaines pour être viable : 6,6M€ seront consommés fin 2014. À la fin 2013, le groupe a accusé une perte de -2,6M€. Fin 2014 cette perte a été de -9,4 M€. En 2015, la perte du groupe a pu être limitée à -3,4 M euros grâce aux restructurations menées pour sauvegarder sa compétitivité lesquelles doivent être poursuivies.

Maintenant l’activité des BTS, de la formation continue et des prépas médicales et paramédicales la direction a dû, néanmoins, se concentrer, en 2015, sur la réorganisation de l’ostéopathie pour endiguer la fuite d’étudiants et se préparer aux nouveaux agréments mis en place par le ministère pour la rentrée 2015, ce qui engendre un surcoût radical : coordinateurs pédagogiques à temps plein, TP en groupe de 25,’

Afin de diminuer la masse salariale pédagogique, la baisse des taux horaires des enseignants a dû être décidée. Le groupe a, par ailleurs, mené une réorganisation s’agissant des marques nationales : vente de fonds de commerce comme Supexam et fermetures de centres. La direction a revu la taille et les fonctions du siège pour s’adapter à la nouvelle réorganisation du groupe, redonner aux écoles certaines fonctions qu’elles assuraient auparavant (marketing, commercial) et restructurer les entités en perte de vitesse. Une structure a dû être fermée : COS atlantique. Les fonctions administratives dans les écoles et les prépas ont été revues, avec des postes supprimés afin de limiter les pertes de certains établissements, renouer avec les bénéfices sur d’autres pour sauvegarder la compétitivité de l’ensemble du groupe. Ainsi en 2015, 8 départs (retraite ou licenciement économique) n’ont pas été remplacés sur Hippocrate Phi IV. Le siège concentre désormais certaines activités administratives, comme les activités comptables qui ne peuvent plus être supportées par les sociétés du groupe en situation de dégradation économique.

2 LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE CONFÉRENCE HERMÈS

La société Conférence Hermès a été rachetée en 2012 par le groupe Novétude pour 2,2 M d’euros soit un peu plus de 4X l’EBE estimé de 2012 (estimation à 498 k euros).

Alors qu’avant le rachat par nos études, la croissance de l’activité était de 10 % par an avec une rentabilité estimée à 20 %, depuis le rachat, l’activité s’est rétractée et l’EBE s’est effondré. [‘] À [Localité 5], le chiffre d’affaires a fortement chuté avec une baisse de plus de 50 % du nombre d’étudiants en deux ans. Ces chiffres témoignent d’une situation économique en déclin et afin d’enrayer cette dégradation, il a été décidé de réorganiser les fonctions au sein de conférence Hermès et notamment de concentrer la comptabilité au siège du groupe. Le poste de responsable comptable, que vous occupez est donc supprimé et vos tâches réparties au siège, tandis que des fonctions plus commerciales seront recherchées au sein de conférence Hermès.

3 LE RECLASSEMENT

Avant d’envisager toute procédure de licenciement la direction s’est efforcée de rechercher des reclassements. Deux propositions de reclassement vous ont été faites par courrier le 27 avril :

un poste de secrétaire administrative et comptable au sein de conférence Hermès

un poste de comptables clients au GIE Novétude santé.

Par courrier recommandé du 9 mai, vous avez refusé ces deux offres de reclassement.

Nous n’avons pas d’autre offre à vous proposer et nos possibilités de reclassement sont épuisées.

[‘] »

Mme [H] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants :

– son poste n’a en réalité pas été supprimé mais seulement modifié par l’employeur de façon à l’évincer de la société Novétude édition,

– l’employeur n’a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement.

La société Novétude édition conclut au débouté en faisant valoir que :

– ses difficultés économiques étaient réelles,

– le poste de Mme [H] a bien été supprimé,

– les propositions de reclassement qui ont été faites à Mme [H] étaient loyales et sérieuses.

La cour rappelle que lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu’un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié .

Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur du 27 juin 2008 au 1er décembre 2016, applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Aux terme de l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa version en vigueur du 8 août 2015 au 24 septembre 2017, applicable au litige, ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’

La cour observe en premier lieu que la réalité des difficultés économiques n’est pas contestée par Mme [H].

En second lieu, sur la suppression du poste de Mme [H] :

La société Novétude édition soutient que la suppression du poste de Mme [H] était effective dans la mesure où de nouveaux frais allaient devoir être engagés pour conférence Hermès car le logiciel de comptabilité de l’entreprise « ciel paies » n’était plus compatible avec la réforme sociale de la DSN et qu’en raison des difficultés économiques qu’elle rencontrait, elle ne pouvait se permettre d’engager de nouveaux frais pour Conférence Hermès (achat d’un nouveau logiciel de paie à jour de la réforme), alors que le siège en disposait déjà et que Conférence Hermès ne comptait que trois salariés. C’est pourquoi, dans son courriel au directeur de Conférence Hermès du 13 janvier 2016, Novetude édition proposait que la gestion de la paie soit reprise par le siège du groupe qui centraliserait ces fonctions et l’utilisation dudit logiciel. Le 21 janvier 2016 une réunion était organisée au siège de Novétude édition avec l’ensemble des salariés de Conférence Hermès pour leur faire part des difficultés économiques de l’entreprise et la direction leur exposait la nécessité de réorganiser les fonctions au sein de l’entreprise en commençant notamment par le transfert de la paie au siège. Il était donc décidé de concentrer la comptabilité incluant celle des deux salariés de Conférence Hermès en poste à cette date au siège du groupe afin de permettre aux employés de Conférence Hermes de se recentrer sur le technique, l’administratif le commercial et le pédagogique propre à l’activité de l’établissement. Cette restructuration impliquant le transfert des compétences paie et comptabilité au siège il apparaissait que le poste de responsable gestion comptable occupée par Mme [H] ne pouvait être maintenu au sein de conférence Hermès-Novétude édition puisqu’elle avait pour mission les opérations comptables, sociales, fiscales mais également la gestion administrative de Conférence Hermès consistant notamment à établir les bulletins de paie, effectuer les paies des salariés et les déclarations sociales de l’entreprise, gérer la comptabilité de l’entreprise et assurer la gestion complète des étudiants et des conférenciers. Il soutient que compte tenu de la restructuration de Conférence Hermès, ce poste serait vidé d’une grande partie de sa substance et de ses responsabilités, la gestion comptable allant être répartie entre les autres salariés du siège, ce qui constitue une suppression de poste.

De son côté, Mme [H] soutient que son poste n’a pas été supprimé puisque :

– le rapport d’audit établi par M. [V] à la demande de l’employeur mentionne dans la partie propositions, paragraphe 2.5 que quelqu’un est à recruter à sa place,

– la société Novétude édition a procédé dès le 7 juin 2016 à l’embauche de Mme [A] [C] au poste d’assistante comptable et administrative chez Conférence Hermès, chargée de la gestion comptable et administrative dont la validation des factures l’envoi et la validation des variables de paie, les déclarationsAGESSA, tâches que Mme [H] a continué à effectuer jusqu’à son départ de l’entreprise le 15 juin 2016,

– Mme [C] ayant quitté l’entreprise parce qu’elle considérait que le poste contenait trop de tâches comptables, la société Novétude édition a alors embauché Mme [E] [X] à ce poste ainsi qu’il ressort du registre du personnel produit par la société Novétude édition.

La société Novétude édition soutient que ces postes n’étaient pas identiques au poste de responsable gestion comptable qu’occupait Mme [H] ni par les fonctions, les responsabilités le salaire et les statuts ce qui est confirmé par le responsable paie et gestion de la société M. [Y] [L] qui indique que la saisie des factures leur règlement les rapprochements bancaires et déclarations fiscales et tous les autres éléments comptables ont été traités par son service à compter du mois de mai 2016 et Mme [U] [W], référente paie qui précise que la paie de Conférence Hermès a été reprise de 1er janvier 2016 par le siège de Novétude et alors que Mme [H] établissait toute la paie, la personne en charge de l’administratif transmet désormais uniquement les éléments variables tout le processus étant désormais traité par l’équipe paie du siège. La cour observe toutefois que l’attestation de Mme [W] quant à la date du transfert au siège des fonctions comptables de Mme [H] relatives à la paie est contredite tant par M. [L] que par Mme [H] qui soutient dans ses écritures qu’en avril, elle exerçait toujours l’ensemble de ses attributions, ce qui est confirmé par le mail du 19 avril 2016 qu’elle a adressé à M. [B], dirigeant de la société Novetude édition à propos de la reprise de la comptabilité de Conférence Hermès.

Il ressort de l’avenant au contrat de travail de Mme [H] à effet au 1er janvier 2016, que Mme [H] exerçait les fonctions de responsable gestion comptable et assurait également la gestion administrative. Ces fonctions étaient essentiellement les suivantes :

– gestion pour les étudiants et les conférenciers sur le BackOffice de la banque et du site Hermès, – les règlements, remboursements, échéanciers, etc,

– traitement des factures achat,

– réalisation des déclarations TVA,

– réalisation des paies des salariés et les déclarations sociales,

– établissement des déclarations trimestrielles AGESSA pour les droits d’auteur des conférenciers,

– suivi des tableaux pour Novétude et la liaison avec la comptabilité du GIE,

– réponse aux diverses demandes des conférenciers et des étudiants.

Les fonctions d’élaboration des fiches de paie ont été supprimées à partir du mois de mai 2016 comme il a été vu ci-dessus.

La comparaison des contrats de travail décrivant les tâches effectuées par Mme [H] et Mme M [P] fait ressortir que cette dernière avait pour mission en tant qu’assistante comptable et administrative :

– l’accueil téléphonique, la validation des factures des conférenciers et fournisseurs,

– les tableaux de suivi, envoi et validation des variables de paie,

– la gestion des conférenciers : rédaction des contrats d’édition, déplacements, déclarations fiscales

– déclarations AGESSA

– gestion des étudiants : inscription, suivi des paiements et remboursements.

Il en ressort que si Mme [H] et Mme M’ [P] étaient toutes deux chargées des déclarations AGESSA, de la gestion des étudiants, de la gestion des conférenciers, Mme [H] avait en charge l’élaboration des fiches de paie, tandis que que Mme M [P] n’était chargée que de la déclaration que du traitement des variables, cette tâche constituant la différence essentielle entre leurs deux services. Il en a été de même pour Mme [X], chargée contractuellement de la gestion administrative (accueil téléphonique et Internet (e-mail), validation des factures des conférenciers et fournisseurs, tableau de suivi, envoi et validation des variables de paie ; gestion des conférenciers : rédaction des contrats d’édition, déplacements, déclarations fiscales, déclarations AGESSA ; gestion des étudiants : inscription suivie des paiements et remboursements.

La cour considère en conséquence que comme le soutient Mme [H] son emploi n’a pas été supprimé, l’employeur se contentant de transférer au siège le traitement de la paie et les successeurs de Mme [H] n’étant plus en charge que de transmettre au siège les variables relatifs à la paie et pour le reste effectuant les mêmes taches qu’elle avec une rémunération moindre.

La suppression d’emploi n’étant pas caractérisée, le licenciement est sans cause relle et sérieuse. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture’:

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société Novétude édition à verser à Mme [H] la somme de 9 743,88 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 974,38 euros au titre des congés payés afférents, le délai congé prévu par l’article 9 de la convention collective étant de trois mois pour les cadres.

Employée depuis plus de deux ans dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, Mme [H] doit être indemnisée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d’une somme qui ne peut être inférieure à ses salaires des six derniers mois en application de l’article L. 1235’3 du code du travail dans sa version en vigueur au moment du licenciement. Eu égard à l’ancienneté de Mme [H] dans l’entreprise (6 ans), son âge au moment du licenciement (née en 1964), au montant de sa rémunération des six derniers mois, aux circonstances du licenciement, à ce qu’elle justifie de sa situation postérieure à la rupture, la cour condamne la société Novétude édition à lui verser la somme de 30’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

Mme [H] reproche à l’employeur de l’avoir laissé dans son sort dans l’ignorance de son sort après avoir annoncé, dès janvier 2016, la nécessité de mettre en ‘uvre une réorganisation qui appliquait le transfert des paies et de la comptabilité au siège, la contraignant à saisir l’inspection du travail le 22 avril 2016 et engendrant une pression morale importante puisqu’une large partie de son travail devait être transférée, n’apprenant que le 26 avril 2016 que son poste serait finalement supprimé.

La société Novétude édition s’oppose à la demande et conclut à l’infirmation du jugement en faisant valoir qu’afin de prendre les meilleures décisions pour le groupe et pour les salariés, elle avit attendu le rapport d’audit du 7 mars 2016 pour réfléchir aux différentes hypothèses qui s’offraient à elle et tenter de sauvegarder l’emploi de Mme [H] de sorte que l’annonce de la suppression du poste ne s’est pas faite de manière brutale.

La cour considère que Mme [H] qui dès le mois de janvier a appris qu’une partie de ses tâches seraient transférées au siège à une date qui a varié au fil des mois : janvier puis février, au plus tard en mars et finalement en mai ) sans savoir si son poste serait supprimé comme le préconisait M. [V] dans son rapport d’audit déjà cité justifie d’un préjudice moral distinct résultant de l’incertitude dans laquelle elle a été laissée plusieurs mois durant, et la cour condamne la société Novétude édition à lui verser la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier péjudice. Le jugement est confirmé de ce chef.

La société Novétude édition doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [N] [H] épouse [S] depuis son licenciement jusqu’à la présente décision dans la limite de deux mois en application de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Sur l’exécution du contrat de travail :

Sur le paiement des heures complémentaires non comptabilisées par l’employeur :

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l’espèce qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [H] soutient qu’elle effectué des heures complémentaires au-delà de 120 heures par mois alors que son contrat de travail à compter du 1er février 2013 prévoyait un horaire mensuel de 96 heures et qu’elle effectuait 110 heures par mois depuis le mois de décembre 2013, 120 heures par mois depuis mai 2014 et 145 heures par mois depuis le mois de mai 2015. Elle verse aux débats ses bulletins de salaire et soutient que son employeur ne pouvait ignorer ce non-respect de la durée contractuelle de travail compte tenu de la durée de la période concernée par ce dépassement ainsi que cela ressort du courriel que lui a adressé son supérieur M. [J] directeur de l’établissement le 10 juillet 2015 dans lequel celui-ci précise que Mme [H] évalue le temps total de son travail à 145 heures par mois et qu’il est d’accord avec elle sur ce point et qu’elle arrive souvent le au bureau le matin à 8h15 et part souvent après 17h30 dont 95 % de ce temps pour conférence Hermès.

La société Novetude édition s’oppose à la demande en faisant valoir que Mme [H] établissait elle-même ses fiches de paie et déclarait elle-même ses heures complémentaires de sorte que le nombre d’heures figurant sur les bulletins de paie est le reflet de la réalité.

La cour considère que les éléments produits par la salariée sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments et que dès lors qu’il est constant que Mme [H] établissait elle-même ses fiches de paie et indiquait elle-même le nombre d’heures complémentaires qu’elle effectuait considère que l’employeur justifie que les bulletins de salaire correspondaient à la durée réelle de travail de sorte que la demande de paiement d’heures complémentaires est rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la majoration des heures complémentaires effectuées :

Il résulte de l’article L. 3123-17 du code du travail que les heures complémentaires effetuées dans la limite du dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans le contrat de travail donnent lieu à une majoration de 10%.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud’hommes a condamné la société Novétude édition à verser à Mme [H] la somme de 212,83 euros à ce titre outre 21,29 euros au titre des congés payés afférents, Mme [H] ne pouvant valablement prétendre à l’application de la majoration de 20% prévue par l’accord collectif du 17 décembre 2014 entré en vigueur le 3 juillet 2015, dès lors qu’elle effectuait un temps de travail au moins égal à 24 heures hebdomadaires. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des règles du emps partiel et d’indemnité au titre du travail dissimulé

Eu égard à la solution du litige, la cour n’ayant pas retenu que Mme [H] avait effectué des heures complémentaires au delà de celles qui étaient déclarées, la déboute de sa demande de dommages-intérêts et d’indemnité au titre du travail dissimulé. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Le jugement est confirmé en ce qu’il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale à la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation. S’agissant des intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire, le point de départ est la date de la décision qui les prononce.

La société Novétude édition, partie perdante est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et doit indemniser Mme [H] des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 500 euros, en sus de la somme allouée en première instance, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf sur le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société Novétude édition à payer à Mme [N] [H] épouse [S] la somme de 30’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE à la société Novétude édition de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [N] [H] épouse [S] depuis son licenciement jusqu’à la présente décision dans la limite de deux mois,

DÉBOUTE Mme [N] [H] épouse [S] de ses demandes de paiement d’heures comlémentaires, congés payés afférents, dommages-intérêts en réparation de son préjudicepour non-respect des règles du temps partiel, et d’indemnité pour travail dissimulé,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Novétude édition,

CONDAMNE la société Novétude édition aux dépens et à verser à Mme [N] [H] épouse [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 

 

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