La salariée conteste son licenciement pour insuffisance professionnelle, arguant que seul le conseil d’administration d’une Urssaf peut décider d’un licenciement disciplinaire. Elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir qualifié les griefs invoqués par la lettre de rupture et de ne pas avoir tiré les conséquences légales des constatations faites. La salariée affirme que les difficultés de positionnement dans ses nouvelles fonctions de directrice régionale ne justifient pas un licenciement pour insuffisance professionnelle.
Les problématiques de cette affaire
1. Licenciement pour insuffisance professionnelle
2. Contestation de la rupture de contrat de travail devant la juridiction prud’homale
3. Evolution des fonctions occupées par Mme [E] au sein de l’Urssaf
Les notions clefs de cette affaire
1. Urssaf
2. Insuffisance professionnelle
3. Licenciement
4. Juridiction prud’homale
Définitions juridiques
1. Urssaf
L’Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) est un organisme chargé de collecter les cotisations sociales des entreprises et des travailleurs indépendants en France.
2. Insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle désigne une situation où un salarié ne remplit pas correctement ses missions ou n’atteint pas les objectifs fixés par son employeur. Cela peut être un motif de licenciement.
3. Licenciement
Le licenciement est la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Il peut être motivé par des raisons économiques, disciplinaires ou personnelles, comme l’insuffisance professionnelle.
4. Juridiction prud’homale
La juridiction prud’homale est une juridiction spécialisée dans le règlement des litiges entre employeurs et salariés. Elle est compétente pour traiter les conflits liés au droit du travail et aux relations individuelles de travail.
Les Avocats de référence dans cette affaire
– SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [E]: Bravo!
– SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Languedoc Roussillon: Bravo!
Les Parties impliquées dans cette affaire
– SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier (avocat de Mme [E])
– SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol (avocat de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Languedoc Roussillon)
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
17 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.114
SOC.
HP
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 janvier 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 32 F-D
Pourvoi n° W 22-14.114
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 JANVIER 2024
Mme [D] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-14.114 contre l’arrêt rendu le 2 février 2022 par la cour d’appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l’opposant à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [E], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Languedoc Roussillon, après débats en l’audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 2 février 2022), Mme [E] a été engagée en qualité d’organisatrice cadre statistique, en 1975, par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de la Haute-Garonne, devenue l’Urssaf de Languedoc-Roussillon. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle occupait les fonctions de directrice départementale de l’Urssaf des Pyrénées-Orientales et de responsable régionale de la fonction statistiques.
2. Licenciée le 20 janvier 2015 pour insuffisance professionnelle, elle a contesté la rupture de son contrat de travail devant la juridiction prud’homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de l’ensemble de ses demandes d’indemnisation, alors « qu’il résulte de l’application combinée des articles 30 de la convention collective nationale des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d’allocations familiales du 25 juin 1968, R. 123-51 et R. 23-53 du code de la sécurité sociale et 8 de l’arrêté du 23 juillet 2003 fixant les modalités d’application de ces articles, que seul le conseil d’administration d’une Urssaf peut décider du licenciement disciplinaire d’un agent de direction, après avis de la commission de discipline ; qu’il appartient au juge saisi de la contestation d’un licenciement de procéder à la qualification des griefs invoqués par la lettre de rupture qui fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de la rupture ; que la cour d’appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que, placée sous l’autorité du directeur régional, la salariée avait refusé d’accepter la délégation pour assurer le secrétariat de l’Idira, qu’elle avait refusé d’appliquer les directives données par son supérieur hiérarchique, qu’elle avait manqué sept réunions du comité de direction (Codir) de l’Urssaf sans désigner de suppléant, en dépit des alertes qui lui avaient été données à plusieurs reprises sur la nécessité d’y assister, qu’elle n’avait pas assisté à la réunion de ce comité de direction du 17 novembre 2014, privilégiant sa participation à un jury de recrutement en dépit des instructions de son supérieur hiérarchique qu’elle n’avait pas respectées, qu’elle n’avait pas assisté aux réunions de l’instance régionale de coordination des CHSCT, qu’elle n’avait pas respecté sa fiche de poste selon laquelle elle avait pour mission de représenter l’Urssaf auprès des partenaires sociaux ; qu’en énonçant que l’employeur reprochait à la salariée des difficultés de positionnement dans ses nouvelles fonctions de »directrice régionale » et une absence de résultats et qu’il ne s’agissait pas d’un licenciement disciplinaire déguisé qui aurait nécessité l’autorisation du conseil d’administration mais d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, la cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations faisant ressortir la nature disciplinaire des griefs de difficultés de positionnement reprochés à la salariée les conséquences légales qui s’en évinçaient, violant l’article L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 30 de la convention collective nationale des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d’allocations familiales du 25 juin 1968, R. 123-51 et R. 123-53 du code de la sécurité sociale et l’arrêté du 23 juillet 2003 fixant les modalités d’application de ces articles. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L.1235-1 et L. 1331-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
4. Aux termes du premier de ces textes, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
5. Selon le second, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
6. Il en résulte que si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les faits articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de la rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
7. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que les faits relevés dans la lettre de licenciement ne revêtent pas un caractère disciplinaire déguisé qui aurait nécessité l’autorisation du conseil d’administration, dans la mesure où l’employeur reprochait à la salariée des difficultés de positionnement dans ses nouvelles fonctions de directrice régionale ainsi qu’une absence de résultats et en conclut que l’insuffisance professionnelle est établie.
8. En statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement reprochait à la salariée divers manquements à ses obligations professionnelles, tels son refus d’assurer, malgré les directives de son supérieur, le poste de secrétaire de l’instance départementale d’instruction des recours amiables, ses absences aux comités de direction, sans prendre le soin de désigner un suppléant, alors qu’elle avait été alertée à plusieurs reprises par des instructions de son supérieur sur l’importance d’assister à ces réunions, ou encore ses absences aux réunions de l’instance régionale de coordination des CHSCT au cours de l’année 2014 alors que sa fiche de poste précisait qu’elle gérait la politique régionale, la cour d’appel, qui devait en déduire que le licenciement avait été prononcé pour un motif disciplinaire et vérifier si la procédure disciplinaire avait été respectée, a violé les textes susvisés.