Licenciement pour insuffisance professionnelle : condamnation de la société Systra

Notez ce point juridique

La cour a jugé que le licenciement du salarié pour insuffisance professionnelle était justifié, en se basant sur les éléments concrets fournis par l’employeur. Malgré les actions d’accompagnement mises en place pour aider le salarié à s’améliorer, ses carences dans l’exécution de ses missions ont eu des conséquences néfastes pour l’entreprise. De plus, le salarié n’a pas réussi à démontrer ses capacités malgré les directives claires de sa hiérarchie. La cour a également rejeté la demande de dommages-intérêts pour défaut d’entretien professionnel, le salarié ayant bénéficié d’entretiens professionnels et de formations pendant son contrat. Enfin, la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral a également été rejetée, le salarié n’ayant pas justifié de manquements de l’employeur à ses obligations. Le salarié a été condamné à payer des frais de 500 euros à l’employeur au titre des frais exposés.

Les notions clefs de cette affaire

– Rupture du contrat de travail
– Insuffisance professionnelle
– Entretien professionnel
– Dommages-intérêts

Définitions juridiques

– Rupture du contrat de travail: Fin de la relation de travail entre un employeur et un salarié, pouvant être motivée par diverses raisons telles que un licenciement, une démission ou une rupture conventionnelle.

– Insuffisance professionnelle: Situation dans laquelle un salarié ne parvient pas à atteindre les objectifs fixés par son employeur en termes de compétences, de résultats ou de comportement au travail.

– Entretien professionnel: Rencontre entre un employeur et un salarié visant à faire le point sur la carrière professionnelle de ce dernier, à identifier ses besoins en formation et à définir des perspectives d’évolution.

– Dommages-intérêts: Somme d’argent versée à une personne en réparation d’un préjudice subi, que ce soit sur le plan matériel, moral ou financier.

Les Avocats de référence dans cette affaire

Bravo à Me Michael SKAARUP et Me Matthieu BOCCON GIBOD pour leur plaidoirie dans cette affaire.

Les Parties impliquées dans cette affaire

Sociétés représentées par leurs avocats :

1. APPELANTE
– Madame [N] [O]
– Représentée par Me Michael SKAARUP, avocat au barreau de PARIS, toque : R012

2. INTIMÉE
– SAS ACTION LOGEMENT SERVICES venant aux droits de L’ASSOCIATION GROUPE AMALLIA
– Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n° 20/02849

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 22 MARS 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02849 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZZQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Encadrement chambre 2 -RG n° F18/08242

APPELANTE

SA SYSTRA

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2237

INTIMÉ

Monsieur [O] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marion LOMBARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R067

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 juin 2007, M. [O] [F] a été engagé en qualité d’ingénieur confirmé, statut cadre, par la société Inexia, aux droits de laquelle vient désormais la société Systra suite à une fusion intervenue en juillet 2012, le salarié exerçant en dernier lieu les fonctions de coordinateur technique. La société Systra emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

Après avoir été convoqué, suivant courrier remis en main propre le 4 juin 2018, à un entretien préalable fixé au 18 juin 2018, M. [F] a été licencié pour insuffisance professionnelle suivant courrier recommandé du 22 juin 2018.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [F] a saisi la juridiction prud’homale le 31 octobre 2018.

Par jugement du 31 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire moyen à la somme de 5 821 euros,

– condamné la société Systra à payer à M. [F] les sommes suivantes :

– 61 120,50 euros nets à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour absence d’entretien professionnel,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la capitalisation des intérêts,

– débouté M. [F] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Systra de sa demande reconventionnelle,

– condamné la société Systra aux dépens.

Par déclaration du 27 mars 2020, la société Systra a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 28 février 2020.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

L’appelante fait valoir que la qualité de travail fournie par le salarié, compte tenu de son expérience, de sa formation et de son curriculum vitae, était largement insuffisante, qu’il lui a été reproché des carences dans l’exercice de ses missions dès l’année 2015, qu’il a bénéficié du suivi et d’un accompagnement renforcé de la part de sa hiérarchie afin de lui permettre de s’améliorer, qu’elle a tenté de lui faire confiance et de le placer sur de nouveaux projets mais que les carences persistaient au cours du premier semestre 2018, et ce s’agissant des trois projets qui lui étaient alors confiés. Elle souligne que cette insuffisance a eu des conséquences pour l’entreprise en ce qu’il a fallu suppléer ses carences en mobilisant d’autres salariés, générant une désorganisation et une mobilisation d’effectif trop importante sur les projets.

L’intimé réplique que le contexte de la rupture de son contrat de travail exclut l’existence d’une insuffisance professionnelle, et ce eu égard à la durée de sa carrière et de son ancienneté, l’intéressé précisant avoir exercé ses fonctions avec sérieux et professionnalisme pendant 11 ans sans aucune remarque sur la qualité de son travail, avoir bénéficié d’augmentations de salaire ainsi que du versement de primes de résultat et avoir continué à être missionné sur des projets complexes en 2017 et 2018. Il indique que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés, que le domaine ferroviaire présentait un caractère nouveau pour lui, qu’il s’y est pleinement investi mais que la situation s’est progressivement dégradée à compter de l’arrivée d’une nouvelle supérieure hiérarchique en 2015 qui n’a eu de cesse de lui adresser de multiples reproches injustifiés, la lettre de licenciement reposant uniquement sur les commentaires de cette dernière sans autre élément de preuve objectif.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause légitime de licenciement, l’incompétence alléguée doit cependant reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur, étant rappelé qu’il suffit à l’employeur d’invoquer le grief d’insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée, l’insuffisance de résultats pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résulte d’une insuffisance professionnelle, lesdits objectifs devant présenter un caractère réaliste et correspondre à des normes sérieuses et raisonnables.

La lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :

« […] Depuis de nombreux mois, vos carences dans l’exécution de vos missions de Coordinateur technique se sont cumulées ayant des incidences sur la bonne conduite de vos projets.

Pourtant, vos entretiens d’évaluation de fin d’année ont été l’occasion d’évoquer avec vous vos axes d’amélioration et la nécessité de vous reprendre.

A titre d’exemple, lors de votre entretien d’évaluation 2015, votre performance globale a été jugée « à améliorer » avec le commentaire suivant de votre manager : « Pour l’année 2015 était attendue de lui une nouvelle implication professionnelle, il était attendu de lui un comportement plus pro-actif et positif pour changer son image et donner satisfaction. Le déclic n’a pas eu lieu, pas de changement d’attitude malgré son ancienneté et expérience ».

Le même constat a été dressé pour I’année 2016 au cours de laquelle votre performance globale a été jugée « largement en dessous des attentes » avec le commentaire suivant : « La performance globale est jugée en regard de l’expéríence professionnelle importante de [O]. A ce jour, le constat fait sur le projet confié actuellement ne permet pas d’envisager de positionner [O] sur des projets plus complexes ».

Vous avez été accompagné, suivi par votre management (tant par des entretiens physiques qu’unencadrement écrit) sans que cela ne génère en vous le sursaut attendu.

A titre d’exemple et sans que cela ne soit exhaustif, au mois de mars 2018, vous avez été missionné sur différents projets que vous étiez en mesure d’assurer compte tenu de votre expérience dans le domaine.

Or, la multitude d’échanges avec votre manager, Madame [C] [R], s’étendant jusqu’au mois de mai 2018 est assez éloquente dans la mesure où vous n’avez pas tenu compte de ses différentes remarques. En effet, le travail que vous avez fourni présentait des lacunes importantes démontrant l’absence de connaissances basiques et ce, en totale inadéquation avec votre expérience et formation. […]

Les remarques de votre manager étaient donc suffisamment claires et explicites sur le travail qui était attendu de vous. Ces remarques paraissaient d’ailleurs complètement insensées dans la mesure où elles correspondaient à la base de ce qui était attendu d’un Coordinateur technique. Compte tenu de votre fonction et expérience et formation, vous auriez dû gérer en toute autonomie ces questions. […]

Ainsi, malgré les directives claires et précises de votre manager, votre travail n’était pas satisfaisant surtout en comparaison avec le travail de vos collègues fournissant un travail plus élaboré et de meilleure qualité.

Pourtant, votre manager a été suffisamment ouvert pour vous accompagner et répondre à vos solicitations (d’ailleurs à plusieurs reprises, il vous a rappelé qu’il était à votre disposition pour toutes remarques que vous auriez souhaitées). Toutefois, il ne pouvait pas se substituer à vous (ce qu’il a pourtant malheureusement fait) et, attendait naturellement une qualité de travail compte tenu de votre expérience, formation et qualité de votre curriculum vitae.

Doté des informations et conseils utiles pour vous améliorer, vous auriez dû démontrer à votre manager vos capacités et compétences pour les missions qu’il vous confiait. En vain.

Vous n’ignoriez pas ce qui était attendu de vous en termes de fond, de forme et qualité du travail demandé !

Au cours de l’entretien préalable, vous avez indiqué n’avoir pas fait le travail demandé considérant les échanges avec votre manager « malveillants ». Nous sommes pour le moins surpris par cette argumentation et vous invitons à relire les échanges avec ce dernier qui au contraire démontrent une patience, un accompagnement et une pédagogie patentes.

De plus, à la question concernant la raison pour laquelle vous n’aviez pas rempli les fiches de production dans l’outil OPTIMUS (permettant d’assurer entre Systra et la Région le suivi qualité coût délai), votre seule réponse était : « je n’ai pas d’explications ».

Nous pouvons donc constater, au regard des explications que vous nous avez fournies lors de l’entretien préalable, que vous ne vous remettez aucunement en question et n’avez pas conscience des incidences de vos carences pour l’entreprise.

Pourtant, cette insuffisance n’a pas été sans conséquence pour l’entreprise. Il a fallu en effet suppléer vos carences en mobilisant d’autres personnes ce qui a généré :

– Une dégradation de la marge opérationnelle des affaires concernées ;

– Une désorganisation au sein du département ainsi qu’une surcharge de travail pour le Chef du Pôle Génie Civile, les autres contributeurs au projet et votre manager;

– Un déficit d’image vis-à-vis de notre client car nous n’avons pas eu la possibilité de produire l’offre attendue (Gare de [6]). Le document que vous avez produit a dû être en effet totalement reprise.

Ainsi, les quelques exemples, ci-dessus évoqués, démontrent clairement votre incapacité à remplir correctement vos missions et, le travail que vous fournissez ne présente pas la qualité attendue compte tenu de votre expérience et statut.

En conséquence, pour l’ensemble de ces raisons, le maintien de la relation contractuelle s’avère impossible.

C’est pourquoi, pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle.»

En l’espèce, au vu des différentes pièces versées aux débats par les parties, la cour constate tout d’abord qu’il résulte de l’entretien annuel d’évaluation 2015 que la responsable hiérarchique du salarié (Mme [T]) indiquait : « J’attendais un vrai changement d’attitude de [O] en 2015 et une nouvelle implication professionnelle, le fait de l’avoir positionné dans un domaine qu’il maîtrise et parce que je l’avais prévenu à l’EED l’année dernière : 2015 était une seconde chance pour lui pour évoluer en comportement beaucoup plus pro-actif et positif, pour changer son image et donner satisfaction […] Mais le déclic n’a pas eu lieu et il n’a pas changé d’attitude […] Nous avons donc un souci d’occupation car que ce soit en interne ou en externe, les clients ne veulent pas travailler avec lui. [O] a perdu confiance en lui et réalise un travail en deçà de ses capacités. Certains clients internes et externes ont gardé une mauvaise image de lui et ne lui redonnent pas sa chance. A l’international, par contre, nous avons des bons retours sur ses missions sur [Localité 5] et en Pologne, c’est pourquoi je redonne une dernière chance à [O] : il a jusqu’à juin 2016 pour changer de comportement. Il doit faire un travail sur lui-même et regagner la confiance des clients car cette situation impacte directement l’activité de notre petite équipe du pôle DAF car il ne peut pas être positionné aux postes attendus. Je sollicite le DRH pour lui trouver très rapidement un accompagnement psychologique pour l’aider ».

Concernant l’entretien de performance annuelle 2016, il en ressort que les objectifs du salarié sont en grande majorité « en dessous des attentes » ou « largement en dessous des attentes », sa responsable hiérarchique (Mme [R]) notant que « La performance globale est jugée en regard de l’expérience professionnelle importante de [O]. A ce jour le constat fait sur le projet confié actuellement ne permet pas d’envisager de positionner [O] sur des projets plus complexes. Un plan d’action est à prévoir dans le cadre des objectifs 2017 de manière à permettre à [O] d’assurer les missions de Coordinateur Technique. »

S’agissant de l’année 2017, il ressort du commentaire global de son manager (Mme [R]) que « Si une amélioration est à noter dans le domaine de la communication, les résultats attendus ne correspondent pas aux attendus d’un Coordinateur Technique, bien que des points d’étape réguliers aient été faits. Malgré une expérience professionnelle de management d’équipe, de pilotage de projet, une tenue de poste de plus d’un an au sein du Département, les process de pilotage et de gestion technique des projets confiés ne sont pas mis en ‘uvre : manque de traçabilité (contrôles, réunions), pas de suivi du budget, pas de planning études… »

La cour relève par ailleurs que, compte tenu des difficultés précitées, un plan d’accompagnement et d’amélioration a été mis en oeuvre à l’initiative de la société appelante ainsi que cela résulte des différents échanges de mails versés aux débats, et ce s’agissant notamment du premier semestre 2018 (échanges de mails avec sa hiérarchie du 5 au 9 mars 2018, mails des 16 et 26 mars, 9 avril, 28 et 29 mai 2018), sa supérieure hiérarchique directe (Mme [R]) indiquant à sa propre hiérarchie le 23 mai 2018, qu’après avoir procédé à un nouvel état de l’avancement des tâches étant confiées au salarié, « le constat est très négatif, la quasi-totalité des tâches confiées n’ont pas été réalisées ou pas de manière satisfaisante », cette dernière concluant en indiquant être démunie et en précisant qu’elle mettrait une affaire en risque en la lui confiant. Il résulte du mail en réponse du responsable du département (M. [P]) que ce dernier notait alors « [C] [[R]] est en train de s’épuiser avec [O]. Est ce qu’on n’est pas arrivé au bout de l’exercice ‘ De plus, l’activité actuelle ne permet pas de passer tant de temps sur ce sujet. Comment peut-on passer à l’étape suivante ‘ ».

Il sera de surcroît constaté à la lecture de ces échanges que l’intimé ne peut sérieusement prétendre que son licenciement ne serait fondé que sur les seules appréciations subjectives et remarques négatives de sa supérieure hiérarchie directe (Mme [R]) et que la situation se serait uniquement dégradée à compter de l’arrivée de cette dernière, alors qu’il résulte au contraire des éléments précités que l’appréciation négative portée sur la qualité du travail et le constat posé sur les insuffisances relevées dans l’exercice de ses missions par le salarié étaient partagés par plusieurs membres de la hiérarchie dont son ancienne manager et le responsable du département.

Par ailleurs, au vu des différents échanges de mails entre le salarié et sa hiérarchie, des comptes rendus relatifs aux différents projets sur lesquels l’intimé avait été amené à intervenir au cours de la période litigieuse ainsi que des justificatifs afférents aux modalités et conditions d’exercice de ses fonctions par l’intéressé, il apparaît que l’intimé a rencontré d’importantes difficultés dans l’exercice de ses missions qui se sont poursuivies sur l’ensemble de la période litigieuse, et ce s’agissant du suivi EOLE, du dossier AVP Gare de [6] et du projet Gare de [6] PRO DCE, de nombreux retards, omissions, inexactitudes ou absences de réponse/prise en compte des demandes des clients ou de sa hiérarchie ayant été relevés dans les différents tableaux, fichiers et documents établis par le salarié dans le cadre de ses fonctions de coordinateur technique, et ce alors que de nombreux points et bilans d’étape ont été effectués avec lui au cours du premier semestre 2018 s’agissant de la planification et de l’avancement des tâches à accomplir ainsi que des difficultés rencontrées, sa supérieure observant d’ailleurs de ce chef qu’ « il est évident qu’un tel accompagnement : détail des tâches à l’extrême, n’est bien sûr pas le mode de fonctionnement que j’ai avec des coordinateurs de mon pôle » (mail du 16 mars 2018).

Il convient également de noter que les carences et négligences précitées ont nécessité une mobilisation et des interventions renforcées de la part de la hiérarchie ainsi que de collègues de travail du salarié pour corriger et reprendre le travail fourni, le chef du pôle génie civil du département IFE (M. [H]) soulignant ainsi que « Dans le cadre de la réalisation des études AVP et PRO du rehaussement des quais du RER D de la gare de [6], M. [O] [F] était chargé de la production et de la coordination des études. Pour les études AVP, il était prévu que je ne fasse que la vérification des documents produits. Mais suite à une production insuffisante, j’ai été contraint de participer activement à la production des études en prenant en charge le dossier EG et en participant à plusieurs réunions d’interface avec le client. La qualité moyenne de nos études AVP a nécessité la production d’un dossier Pré-PRO avant de pouvoir commencer la production des études PRO. Les études PRO ont ensuite été confiées à une autre ressource du département IFE (Mme [S]). Dans le cadre de ces études, je n’ai réalisé, comme cela était prévu, que la vérification des documents produits ».

La cour retient ainsi que les pièces versées aux débats font effectivement état de différents éléments précis et concrets d’insuffisance professionnelle constatés dans l’exercice des fonctions confiées au salarié et lui étant directement et personnellement imputables, ces insuffisances répétées ayant en outre manifestement perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise, et ce malgré les différentes remarques et alertes ainsi que les actions d’accompagnement incontestablement mises en place par l’employeur qui a manifestement laissé à l’intéressé le temps nécessaire pour s’adapter pleinement à ses fonctions.

Il sera également relevé que l’intimé ne justifie pour sa part aucunement, mises à part ses propres affirmations et au vu des seules pièces versées aux débats, qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions ou qu’il aurait fait l’objet d’un traitement particulier défavorable de la part de sa hiérarchie, étant observé de ce chef que l’intéressé ne peut sérieusement prétendre que le domaine ferroviaire était un secteur nouveau pour lui alors qu’il indique lui-même dans le cadre de ses conclusion qu’il avait été affecté dans ce domaine dès l’année 2013 et qu’il résulte de son curriculum vitae que, dans le cadre de ses fonctions antérieures de responsable de site au sein de la société EGIS, il avait notamment été affecté au sein de EGIS Rail où il avait managé des équipes de production, son CV faisant également état, au titre des formations complémentaires, d’un tutorat ferroviaire SNCF de 2007 à 2008. Il sera également noté que le fait que le salarié ait continué à être affecté sur des projets au cours des années 2017 et 2018 et qu’il ait bénéficié d’augmentions de salaire d’un montant relativement modeste ainsi que du versement de primes de résultat, dont le montant n’a d’ailleurs cessé de se réduire au cours des trois dernières années, ne sont en eux-mêmes pas de nature à remettre en cause les éléments précités produits par l’employeur de nature à établir l’existence d’éléments précis d’insuffisance professionnelle.

Enfin, outre le fait que l’intimé apparaît avoir bénéficié, contrairement à ses affirmations, de plusieurs actions de formation portant sur différents aspects de ses fonctions de coordinateur technique (en ce comprises des formations relatives à l’utilisation des tableaux croisés dynamiques, au développement des compétences en matière de management, de gestion du temps et de communication ainsi qu’un dernière formation de sensibilisation aux risques ferroviaires en 2017), la cour constate par ailleurs que les dysfonctionnements pointés dès l’année 2015 ont persisté durant l’ensemble de la période litigieuse, le salarié ne pouvant ainsi aucunement affirmer qu’il n’avait jamais fait l’objet d’aucune remarque sur la qualité de son travail au cours de ses 11 années de collaboration, et ce d’autant plus qu’il ressort des pièces versées aux débats par l’employeur que l’intéressé avait déjà fait l’objet d’une alerte concernant son travail en 2009 lorsqu’une entreprise cliente avait fait connaître son insatisfaction quant à la qualité des prestations fournies et à l’existence d’un important retard de production, le salarié ayant alors déjà dû bénéficier d’un accompagnement et de l’organisation de bilans d’objectifs.

Dès lors, au vu de l’ensemble des développements précédents, le licenciement prononcé à l’encontre de l’intimé pour insuffisance professionnelle apparaissant justifié, la cour infirme le jugement de ce chef, dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute en conséquence le salarié de ses différentes demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut d’entretien professionnel

Le salarié fait valoir que depuis son intégration au sein de la société en janvier 2013, il n’a jamais bénéficié de l’entretien professionnel obligatoire qui doit se tenir tous les deux ans, l’intéressé soulignant par ailleurs qu’il n’a pas bénéficié d’un accompagnement psychologique ni d’une formation technique afférente aux infrastructures ferroviaires.

L’employeur réplique que la demande est manifestement dénuée de fondement en ce que son salarié a bénéficié d’un entretien de développement en 2013 et 2017, l’intéressé, qui disposait d’une expérience professionnelle dans les domaines routier et ferroviaire, ayant par ailleurs bénéficié de diverses formations durant l’exécution de la relation de travail.

Selon l’article L. 6315-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience. Tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné au présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus et d’apprécier s’il a suivi au moins une action de formation, acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience et bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.

En l’espèce, au vu des pièces versées aux débats par les parties, outre le fait que l’employeur justifie que le salarié a effectivement bénéficié, à tout le moins au titre des années 2013 et 2017, d’un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, il apparaît également, ainsi que cela ressort des développements précédents au titre de la rupture du contrat de travail, que l’intimé a bénéficié, au cours de l’exécution de la relation de travail, de plusieurs actions de formation portant sur différents aspects de ses fonctions de coordinateur technique.

Dès lors, le salarié s’abstenant de surcroît de justifier tant du principe que du quantum du préjudice allégué, il convient de le débouter de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef, et ce par infirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral

Le salarié affirme avoir toujours donné satisfaction dans l’exercice de ses fonctions et ne jamais avoir rencontré la moindre difficulté avec ses responsables hiérarchiques successifs, sa situation professionnelle s’étant progressivement dégradée à compter de l’arrivée d’une nouvelle responsable hiérarchique, cette dernière n’ayant alors pas cessé de le reprendre, n’étant jamais satisfaite de ses prestations et n’hésitant pas à lui adresser de multiples mails particulièrement oppressants et virulents pour marquer son mécontentement et tenter de provoquer son départ en alimentant un dossier d’insuffisance professionnelle à son encontre, générant une situation de stress et d’angoisse chez lui, anxiété accentuée par le fait que le domaine ferroviaire n’était pas sa spécialité et qu’il ne disposait pas d’une expérience professionnelle y afférente.

L’employeur réplique que les carences du salarié lui ont été notífiées avant l’arrivée de sa dernière responsable hiérarchique, que le ton des mails de cette dernière n’est en aucun cas déplacé, qu’elle a, au contraire, fait preuve de patience durant de longs mois, espérant en vain que le salarié apporte les correctifs nécessaires. Elle souligne par ailleurs que le salarié disposait d’une expérience dans le secteur ferroviaire et que ce dernier ne justifie pas de son préjudice.

Selon l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Outre le fait que le licenciement prononcé à l’encontre du salarié pour insuffisance professionnelle est justifié ainsi que cela résulte des développements précédents, la cour ne peut par ailleurs que relever, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations du salarié, que ce dernier ne justifie pas de l’existence de manquements de l’employeur à ses obligations en matière d’exécution du contrat de travail ou de mise en oeuvre de la procédure de licenciement, étant de surcroît observé ainsi que cela ressort des développements précédents au titre de la rupture du contrat de travail, que l’appréciation négative portée sur la qualité du travail et le constat posé sur les insuffisances relevées dans l’exercice de ses missions par le salarié étaient partagés par plusieurs membres de la hiérarchie, que l’intéressé avait déjà fait l’objet de remarques et d’alertes concernant la qualité de son travail avant l’arrivée de sa dernière responsable hiérarchique, que des actions et mesures d’accompagnement ont été mises en place pour lui permettre de s’adapter pleinement à ses fonctions, les termes employés dans les mails de sa supérieure hiérarchique étant dénués de tout caractère excessif, déplacé, dégradant ou insultant, que l’intéressé disposait d’une expérience antérieure dans le domaine ferroviaire et qu’il a en toute hypothèse bénéficié de plusieurs actions de formation portant sur différents aspects de ses fonctions de coordinateur technique.

Dès lors, étant également constaté que le salarié s’abstient de justifier du principe et du quantum du préjudice moral allégué ainsi que de son caractère distinct des seuls effets du licenciement, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le salarié sera condamné à payer à l’employeur la somme de 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, et ce par infirmation du jugement.

Le salarié, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel.

 

 

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