Licenciement Injustifié d’un webmaster

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Les problématiques de cette affaire

1. Contestation de la légitimité du licenciement de M. [R]
2. Calcul de l’ancienneté de M. [R] et son impact sur les indemnités
3. Application de la convention collective Syntec et des dispositions légales en matière de licenciement

Les Avocats de référence dans cette affaire

Bravo à Me Isabelle PAIS, avocat au barreau de LIBOURNE, et à Me Clémence DARBON, avocat au barreau de BORDEAUX, pour leur plaidoirie dans cette affaire.

Les Parties impliquées dans cette affaire

Société MAPLACE représentée par Me Isabelle PAIS, avocat au barreau de LIBOURNE

Monsieur [S] [R] représenté par Me Clémence DARBON, avocat au barreau de BORDEAUX

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 février 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
19/05637

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 22 FEVRIER 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 19/05637 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJAI

Société MAPLACE

c/

Monsieur [S] [R]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 (R.G. n°F 18/00155) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 23 octobre 2019,

APPELANTE :

SARL Maplace, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 412 880 684 00029

représentée et assistée de Me Isabelle PAIS, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉ :

Monsieur [S] [R]

né le 17 Mai 1969 de nationalité Britannique demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Clémence DARBON, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne GOMBAUD,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [S] [R], né en 1969, a été engagé en qualité d’analyste développeur par la SARL Maplace, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 16 octobre 2012. Ce contrat a été prolongé jusqu’au 16 avril 2013.

M.[R] a, par la suite, travaillé pour la société Maplace en qualité d’auto-entrepreneur, selon un contrat de prestation de service du 16 avril 2013 au 1er novembre 2013.

M.[R] a ensuite travaillé en qualité de salarié en tant qu’analyste développeur statut cadre pour une durée indéterminée, à compter du 1er novembre 2013 au sein de la société Maplace.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil dite Syntec.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M.[R] s’élevait à la somme de 2 861 euros.

Par lettre datée du 16 mai 2018, M.[R] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 mai 2018 avec mise à pied à titre conservatoire.

M.[R] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 5 juin 2018.

L’ancienneté de M.[R] est discutée et la société employait 11 salariés à la date du licenciement.

Contestant la légitimité de son licenciement et demandant qu’il soit dit que son contrat de travail a été exécuté de façon déloyale, M.[R] a saisi le 24 octobre 2018 le conseil de prud’hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 27 septembre 2019, a :

– dit que le licenciement de M.[R] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ni, a fortiori, sur une faute grave, qu’il est ainsi totalement injustifié,

– condamné la société Maplace en la personne de son représentant légal à verser à M.[R] les sommes suivantes :

* 8.583 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 858,30 euros au titre des congés payés y afférents,

* 5.404,10 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 1.984,74 euros au titre du salaire pour la mise à pied conservatoire,

* 198,48 euros au titre des congés payés afférents,

* 8.583 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 200 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à la société Maplace en la personne de son représentant légal de remettre à M.[R] les documents de fin de contrat rectifiés, ainsi que ses bulletins de paie rectifiés à compter de la notification du jugement,

– rejeté les demandes plus amples ou contraires,

– condamné la société Maplace en la personne de son représentant légal aux entiers dépens et frais d’exécution.

Par déclaration du 23 octobre 2019, la société Maplace a relevé appel de cette décision, notifiée le 1er octobre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le licenciement

La lettre de licenciement datée du 5 juin 2018 est ainsi rédigée :

« Vous avez eu une conduite constitutive d’une faute grave. En effet, nous avons reçu plusieurs plaintes de la part de nos clients au sujet du site dont vous avez la responsabilité (dysfonctionnements graves du site, délais non tenus’) ;

En outre, vous avez décidé de ne plus vous rendre sur votre lieu de travail depuis le 16 mai 2018, sans autorisation et malgré l’urgence des réponses qui doivent être rapportées aux clients du fait de vos erreurs.

Ces faits ont gravement mis en cause la bonne marche de l’entreprise. Les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien du 30 mai 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation.

En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris durant la période de préavis.

Votre licenciement prend donc effet à compter de la première présentation de cette lettre, sans indemnité de licenciement ni de préavis.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent la période non travaillée du 16 mai 2018 à la date de réception de ce courrier ne sera pas rémunérée ».

La société fait valoir que M.[R] était le seul responsable de la configuration et du développement du site internet de la société permettant l’achat en ligne de billets de spectacle, que le site, viable en 2015, n’était plus opérationnel en 2018 et a généré les plaintes réitérées de clients dont la demande n’était pas de procéder à des tests ; que l’attestation de M.[K], ayant quitté l’entreprise en 2013 est partiale et inopérante ; qu’en dépit des plaintes, M.[R] a refusé d’exécuter les directives de l’employeur et a donc commis des faits d’insubordination, qu’il a choisi – sans justification et malgré les injonctions de l’employeur – de ne plus venir travailler sans avoir l’autorisation de réaliser un télétravail qui n’est d’ailleurs pas justifié ; qu’en réalité, M.[R] avait trouvé un autre emploi.

M.[R] répond que les pièces 1 à 24 de la société concernent des faits prescrits datant de 2017, qu’il n’avait jamais été sanctionné pendant les cinq années de la relation de travail ; que le fils du gérant était lui aussi développeur ; que les messages des clients relevaient des tests inhérents à toute mise en production ; qu’une mauvaise exécution des tâches, à la supposer avérée, relèverait d’une insuffisance professionnelle.

S’agissant du grief relatif à son absence, M.[R] fait valoir qu’il était en mise à pied le 16 mai 2018 et que la lettre de licenciement ne mentionne pas d’absence depuis le 22 mars, qu’il a travaillé chez lui, notamment pendant des jours de grève de transports avec l’aval de son employeur qui a pû le joindre au cours de la journée.

L’employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d’un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise, étant en outre rappelé qu’aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Sur l’absence de M. [R]

Les termes de la lettre de licenciement fixe le litige. Ce grief est ainsi libellé : ‘(…) En outre, vous avez décidé de ne pas vous rendre sur votre lieu de travail depuis le 16 mai 2018 , sans autorisation et malgré l’urgence des réponses qui doivent être rapportées aux clients du fait de vos erreurs (…) nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 16 mai 2018 à la date de ce courrier ne sera pas rémunérée’.

La demande de la société d’écarter la pièce 12 (14 devant la cour) du salarié n’est pas fondée dès lors que l’identité de son rédacteur est établi et que sa situation d’ancien collègue n’affecte pas sa régularité.

En premier lieu, les conclusions de la société, en ce qu’elles mentionnent l’abence de M.[R] depuis le 22 mars 2018 sont inopérantes dès lors que la lettre de licenciement – dont les termes fixent le litige – ne vise qu’une absence depuis le 16 mai 2018.

Il ne peut être valablement reproché à M.[R] de n’avoir pas travaillé à compter de la réception de la convocation à entretien préalable datée du 16 mai 2018 mentionnant la mise à pied conservatoire ne lui permettant plus de travailler jusqu’au licenciement.

Il ne peut être reproché à M.[R] de ne s’être pas présenté à son travail le 16 mai 2018 dès lors que la lettre de licenciement comprend cette journée dans la période de mise à pied excluant le paiement de toute rémunération à compter du 16 mai 2018.

En tout état de cause, la convocation à l’entretien préalable n’a pas été précédée d’une mise en demeure par l’employeur de justifier une absence du 16 mai 2018, de sorte que ce seul grief ne peut fonder le licenciement.

Les dysfonctionnements du site

M.[R] ayant été licencié pour un motif disciplinaire, les faits antérieurs au délai de deux mois précédant la convocation à l’entretien préalable sont prescrits et ne peuvent être pris en compte que dans l’appréciation de la gravité de la faute.

Le contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er novembre 2013 n’est pas versé aux débats mais tant les bulletins de paye que l’attestation Pôle Emploi mentionnent les fonctions d’analyste développeur, statut cadre.

M.[R] fait valoir qu’il n’était pas le seul développeur au sein de l’ entreprise, le fils du gérant, M.[V] l’étant lui aussi. La société produit un extrait du registre du personnel indiquant que M. [H] [V] a été embauché en qualité de technicien de maintenance et développeur le 6 septembre 2016. L’organigramme versé par la société en pièce 51 mentionne le nom de M.[R] en qualité de cadre chargé de l’application de vente sur internet pour le grand public et celui de [H] [V] en charge de l’application pour opérateurs professionnels. Cette pièce datée du 18 juillet 2020 a été rédigée après le départ de l’ entreprise.

Cependant, la qualité – non contestée – de cadre de M.[R] établit qu’il était responsable de la qualité de la configuration et du développement du site internet de la société Maplace permettant l’achat de billets de spectacles en ligne.

Selon la société, la faute grave résulte de la persistance de M.[R] à ne pas se soumettre à ses directives, à ne pas vouloir traité les dysfonctionnements relayés par les clients, préférant ‘déserter l’entreprise’.

En premier lieu, la cour constate qu’aucune directive de l’employeur n’est produite de sorte que le grief tenant à un refus réitéré d’en appliquer n’est pas fondé.

Ensuite, la société fait spécialement état des doléances émises par la commune de [Localité 3], la commune de [Localité 5] et [Localité 4].

S’agissant de la première, M.[R] aurait eu en charge l’amélioration de son site en vertu d’un cahier des charges daté du 20 avril 2016 (cote 31). Deux pièces sont produites : en date du 2 juin 2017, un message de la ville aux abonnés et spectateurs les informant de la date de l’ouverture des abonnements (28 juin) et, en date du 28 juin 2017, un mail de transmission de la doléance de Mme M. n’ayant pu se connecter sur son compte pour réserver des places de spectacles. La cour constate que ces deux pièces datées de 2017 concernent des faits prescrits pour être antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement, sans que la société n’allégue ne les avoir découverts que postérieurement.

Les messages intéressant le client [Localité 4] sont tous datés des mois de juillet et août 2017. La société renvoie à la pièce 32 intitulée Pacifica qui aurait fourni les ‘fonctionnalités de visualisation 3D du plan’. Cette pièce est un sommaire rédigé en langue anglaise qui n’apporte aucun élément.

En tout état de cause, faute de récriminations de ce client depuis le 16 mars 2018, la cour doit constater que les faits sont prescrits.

La commune de [Localité 5] a écrit, à deux reprises à la société par lettre recommandée avec accusé de réception : aux termes de la première, datée du 6 octobre 2017, cette cliente se plaint de nombreuses difficultés signalées (défaut de numérotation, doublons sur les ventes, erreurs de tarification, défaut de fonction import des ventes et incohérences comptables) non solutionnées.

Une réponse a été transmise à la cliente par le gérant le 30 novembre 2017.

Aux termes de la seconde lettre datée du 18 avril 2018, la même cliente se plaint de la persistance d’erreurs de numérotation et de tarification et joint la réponse apportée le 30 novembre 2017, l’état des spectacles de [X] N. et deux billets émis pour la même place au spectacle de ce dernier le 17 mars 2018.

Tous les autres messages concernent des clients, dont certains sont inconnus et sont datés de 2016 et 2017.

Les seuls faits non prescrits concernent donc la seule ville de [Localité 5] et reflètent des dysfonctionnements récurrents. Pour autant, le non respect des directives de l’employeur n’étant pas établi, ces dysfonctionnements relèvent d’une insuffisance professionnelle et non de la faute disciplinaire motivant le licenciement, aucun rappel à l’ordre n’étant par ailleurs allégué ou avéré et l’absence de M.[R] qui aurait ‘déserté’ plutôt que de solutionner les problèmes n’étant pas établie.

Dans ces conditions, le licenciement de M. [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé de ce chef.

L’exécution déloyale du contrat de travail

M.[R] fait valoir qu’il n’a jamais perçu la prime de vacances prévue par la convention collective et qui représente 10% de l’indemnité de congés payés versée à tous les salariés.

La société répond que la convention collective prévoit que M.[R] n’a jamais réclamé le paiement de cette prime, que l’ensemble des salariés – et non tous les salariés – bénéficie de cette prime ; que l’élément intentionnel d’une exécution déloyale n’est pas établi dès lors qu’elle a confié sa comptabilité à un expert comptable et que la commission paritaire d’interprétation de la convention collective ne précise pas les modalités de répartition de cette prime, laissant ainsi toute latitude à l’employeur. La société ajoute, qu’à supposer que cette prime soit due, seule la somme de 188,90 euros ne pourrait être retenue selon les calculs de l’expert comptable, qu’en tout état de cause, la demande de M.[R] est prescrite.

M.[R] ne demande pas le paiement de cette prime de vacances mais des dommages et intérêts en réparation d’une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur qui ne la lui aurait pas versée. M.[R] se réfère à un document de l’employeur ne portant que sur les années 2016 et 2017.

Selon l’article 31 de la convention collective, l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés versées aux salariés.

Chaque salarié en bénéficie étant précisé que la répartition de cette prime entre les salariés de l’entreprise peut être opérée soit par la majoration de 10% de l’indemnité de congés payés versée à chacun, soit par une répartition égalitaire en fonction du nombre de salariés, soit en fonction du salaire et des enfants à charge, la même méthode devant être retenue pour chaque salarié.

M.[R] n’a jamais perçu cette prime et la société ne produit pas les pièces permettant de connaître la somme devant être répartie, le tableau versé en pièce 44 n’étant corroboré par aucune pièce.

En disant avoir réglé cette prime à deux salariés (M.[N] et M.[V]), la société démontre une certaine mauvaise foi tant les deux bulletins de paye produits ne correspondent pas aux 10% des indemnités de congés payés devant être répartis (primes exceptionnelles versées à hauteur de 53,13 euros à M.[H] [V] et 623,15 euros à M. [N]). La société a commis un manquement à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail, peu important le recours – ici non établi – aux services d’un expert – comptable.

La somme due à M.[R] ne peut être connue en l’absence de pièces comptables certifiées. Il a pour autant subi un préjudice résultant du défaut de paiement de toute prime de vacances au cours de la relation de travail sans que des difficultés financières ne soient alléguées.

Compte-tenu de ces éléments, la société devra verser à M.[R] des dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros.

Le travail dissimulé

Pour demander le paiement d’une indemnité de travail dissimulé, M.[R] fait valoir que son contrat de prestation de services était un contrat de travail dès lors qu’il a succédé immédiatement à un contrat de travail à durée déterminée et suivi par le contrat de travail à durée indéterminée qui n’a pas été formalisé, que la rémunération était forfaitaire, que cette prestation s’effectuait dans les locaux de l’entreprise et que son interlocuteur était le gérant avec lequel existait un lien de subordination.

La société fait valoir que cette demande est nouvelle en vertu de l’article 564 du code de procédure civile ; qu’elle est prescrite dès lors que le contrat a pris fin en 2013 ; qu’en tout état de cause, aucun lien de subordination n’existait.

Au termes des articles 564 et suivants, à peine d’irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou fairer juger les questions nées de l’intervention d’ un tiers ou de la survenance d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément néssaire.

Devant le conseil des prud’homme , M.[R] n’a pas formulé cette demande. Les conditions posées par l’article 565 du code de procédure civile ne sont pas réunies et cette demande ne constitue ni l’accessoire, ni la conséquence ni enfin le complément nécessaire des demandes formulées devant le premier juge. De sorte que la demande aux fins de paiement d’une indemnité pour travail dissimulé est irrecevable.

Les demandes financières relatives au licenciement

M.[R] doit percevoir le salaire de la période de mise à pied et la société devra lui verser la somme de 1 984, 74 euros majorée des congés payés afférents (198,47 euros).

Étant licencié pour faute grave privative du préavis, M.[R] ne pouvant effectuer un préavis que l’employeur lui refusait, de sorte que la reprise d’un travail chez un autre employeur au cours du mois de juillet 2018 ne lui est pas opposable. Le salaire mensuel moyen étant de 2 861 euros, la société devra lui verser les sommes de 8 583 euros et 858,30 euros.

S’agissant de l’indemnité de licenciement, M.[R] revendique une ancienneté de 5 ans et 8 mois considération prise de la durée de la relation contractuelle relative au contrat de travail à durée déterminée et à la prestation de service. Il demande l’application des dispositions de l’article 12 de la convention collective dite Syntec.

La société oppose l’existence d’une faute grave.

Aux termes de l’article 12 de la convention collective, on entend par ancienneté le temps passé dans l’entreprise, c’est à dire le temps pendant lequel le salarié a été employé en une ou plusieurs fois quels qu’aient été ses emplois successifs, déduction faite toutefois en cas d’engagements successifs de la durée des contrats dont la résiliation est imputable à la démission du salarié, sauf décision contraire de l’employeur ou à une faute grave commise par le salarié ayant entraîné son licenciement.

L’article sus visé mentionne le temps passé dans l’entreprise c’est à dire celui pendant lequel le salarié a été employé en une ou plusieurs fois. La période durant laquelle M.[R] a été employé et a travaillé dans l’entreprise ne comporte pas celle pendant laquelle M.[R] a réalisé des missions à titre de prestataire de services sans qu’aucun lien de subordination ne soit établi, aucun élément n’établissant que les missions avaient été exécutées dans l’ entreprise.

L’ancienneté de M.[R] doit être calculée considération prise de la durée du contrat de travail à durée déterminée exécuté du 16 octobre 2012 au 16 avril 2013. Elle est donc de 5 ans et 1 mois.

Aux termes de la convention collective, le montant de l’indemnité représente 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté. Le salaire de référence étant de 2 861 euros, l’indemnité est de 5 165,70 euros.

M.[R] dit n’avoir pris un autre emploi en juillet 2018 que par nécessité et qu’il devait supporter la charge de sa fille de 14 ans et l’emprunt de sa maison.

La société répond que M.[R] avait retrouvé un emploi alors qu’il était salarié de l’entreprise et qu’il ne justifie pas de son préjudice.

En pièce 38 de la société, M.[R] demande à son employeur, dans le cadre de la rupture conventionnelle de son contrat de travail – qui n’a pas abouti – de différer la date d’effet de celle-ci au mois de juillet 2018 suite à la demande de son nouvel employeur. M.[R] ne peut donc alléguer avoir été contraint de prendre un nouvel emploi dans des conditions générant des déplacements coûteux. Par ailleurs, il ne produit pas de pièce relative à ses charges financières et de famille.

Compte-tenu de ces éléments, la société n’employant pas plus de 10 salariés à la date du licenciement, la société sera condamnée à payer à M.[R] des dommages et intérêts à hauteur de 4 400 euros.

La société devra remettre à M.[R] les documents de fin de contrat corrigés et un bulletin de paye rectificatif dans le délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt.

Vu l’équité, la société sera condamnée à payer à M.[R] la somme complémentaire de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d’appel.

Partie perdante, la société supportera les entiers dépens de la procédure d’appel.

 

 

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