Licenciement contesté et réclamations financières : le cas de M. [M] contre la société Les Hôtels [5]

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L’affaire concerne un litige relatif au licenciement d’un salarié pour faute grave. L’employeur reproche au salarié des agissements de favoritisme envers une femme de chambre, des pressions et menaces envers d’autres collaborateurs, ainsi que des comportements inappropriés et déloyaux. L’employeur a apporté des éléments probants pour étayer ces accusations, notamment des témoignages de salariés, des courriers de mise à pied disciplinaire et des échanges de mails. Le salarié conteste ces accusations, affirmant ne pas avoir été entendu dans le cadre de l’enquête et que les faits reprochés ne sont pas avérés. Cependant, la cour considère que les éléments fournis par l’employeur sont suffisamment probants pour justifier le licenciement pour faute grave du salarié. La cour confirme donc le jugement initial qui a validé le licenciement et a rejeté les demandes du salarié en dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail. Le salarié est également condamné à payer des frais de procédure.

Les problématiques de cette affaire

1. Licenciement pour faute grave
2. Contestation du licenciement pour cause réelle et sérieuse
3. Demandes d’indemnités et de dommages-intérêts

Les notions clefs de cette affaire

Les 4 mots clés les plus importants dans ce cas sont :

1. Licenciement
2. Prud’hommes
3. Appel
4. Demandes

Définitions juridiques

1. Licenciement
2. Prud’hommes
3. Appel
4. Demandes

Les Avocats de référence dans cette affaire

– Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833 – Bravo!
– Me Isabelle GUERY MATHIEU de la SELARL DAEM PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : J0 – Bravo!

Les Parties impliquées dans cette affaire

Sociétés représentées par leurs avocats :

1. APPELANT
– Monsieur [K] [M]
– Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

2. INTIMEE
– S.A. LES HOTELS [5]
– Représentée par Me Isabelle GUERY MATHIEU de la SELARL DAEM PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : J0

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n° 21/03621

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 24 JANVIER 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03621 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSAC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/05415

APPELANT

Monsieur [K] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

INTIMEE

S.A. LES HOTELS [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle GUERY MATHIEU de la SELARL DAEM PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : J0

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2010, M. [K] [M] a été engagé par la société Les Hôtels [5] en qualité d’équipier polyvalent, l’intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de gouvernant d’étage. La société Les Hôtels [5] emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR).

Suivant courrier remis en main propre du 12 juin 2019, M. [M] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire d’une durée de 4 jours.

Suivant courrier recommandé du 4 octobre 2019, M. [M] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire d’une durée de 3 jours.

Après avoir fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire et été convoqué, suivant courrier remis en main propre du 2 mars 2020, à un entretien préalable fixé au 23 mars 2020, M. [M] a été licencié pour faute grave suivant courrier recommandé du 9 avril 2020.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [M] a saisi la juridiction prud’homale le 31 juillet 2020.

Par jugement du 8 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Les Hôtels [5] de sa demande reconventionnelle,

– condamné M. [M] aux dépens.

Par déclaration du 12 avril 2021, M. [M] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 10 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 août 2023, M. [M] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

– dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

– condamner la société Les Hôtels [5] au paiement des sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 21 207,10 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 4 241,42 euros,

– congés payés y afférents : 424,14 euros,

– indemnité légale de licenciement : 5 434,32 euros,

– rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 2 266,43 euros,

– congés payés y afférents : 226,64 euros,

– dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail : 5 000 euros,

article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

– débouter la société Les Hôtels [5] de ses demandes, fins et prétentions formulées à son encontre,

– ordonner la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision,

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil des intérêts de retard sur les condamnations à caractère salarial,

– condamner la société Les Hôtels [5] à prendre en charge les éventuels dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 octobre 2021, la société Les Hôtels [5] demande à la cour de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter en conséquence M. [M] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [M] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’instruction a été clôturée le 3 octobre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 8 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

L’appelant fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que la société intimée ne rapporte pas la preuve de ses allégations et se contente de procéder par pure affirmation, et ce alors qu’il a toujours fermement contesté les faits lui étant reprochés. Il souligne que son nom n’est pas mentionné dans le compte rendu de la réunion du CSE du 24 février 2020, qu’il n’y a aucune trace des déclarations qui auraient pu être faites par des salariées prétendument auditionnées et que lui-même n’a jamais été entendu dans le cadre d’une quelconque enquête. Il indique que les attestations de salariés versées aux débats sont dépourvues de force probante suffisante et qu’elles ne sont pas corroborées par des éléments objectifs. Il affirme que ses comptes rendus d’évaluation ont toujours été bons concernant son comportement et ses relations avec ses collègues et qu’il n’a jamais menacé aucun autre salarié. Il précise enfin que l’employeur ne lui a proposé ni d’aller travailler dans un autre établissement ni de le former pour remédier à d’éventuelles carences en matière de management et que les faits déjà sanctionnés ne peuvent venir justifier son licenciement, s’agissant au surplus de motifs différents.

La société intimée réplique que l’appelant a commis plusieurs manquements à ses obligations professionnelles se traduisant par des agissements de « favoritisme » répétés réalisés en faveur d’une femme de chambre (Mme [T]), la dissimulation volontaire de ses actes de favoritisme et l’exercice de pressions et de menaces sur d’autres collaborateurs, notamment pour les contraindre à assurer une partie de la charge de travail de Mme [T].

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, le salarié licencié pour faute grave n’ayant pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :

« [‘] En conséquence, nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants :

Vous êtes entré au sein de la Société à compter du 1er mars 2010, et au dernier état de la relation contractuelle, vous occupez les fonctions de gouvernant d’étage.

Dans le cadre d’une enquête déclenchée par la Direction dans le cadre du CSE en février 2020, pour une situation ne vous concernant initialement pas, il a été porté à notre connaissance des agissements répétés et inappropriés de votre part dans l’exercice de vos missions.

Des femmes de chambres nous ont rapporté, à plusieurs reprises et de façon non concertée, que vous favorisiez ouvertement une femme de chambre au détriment des autres et à l’insu de votre hiérarchie.

A de nombreuses reprises, vous avez ainsi permis à une femme de chambre de faire moins de chambre que ses collègues, notamment en acceptant qu’elle n’ait pas terminée ou rendu ses chambres à la fin de son service. Et non seulement vous acceptiez qu’elle n’ait pas terminé sa charge de travail mais, pire, vous demandiez à d’autres femmes de chambre de terminer son travail à sa place.

Fait encore aggravant, si ces femmes de chambre refusaient de terminer le travail de leur collègue, vous les menaciez de représailles, notamment en leur disant « tu vas voir », laissant évoquer de possibles représailles. Dans ce sens, vous pouviez alors décider de leur attribuer plus de chambres que de coutume, pour des clients en départ, ce qui constitue une charge de travail supplémentaire. Vous pouviez également leur faire des représailles sur leur travail, là où les autres gouvernant(e)s ne s’en plaignaient pas.

Vos agissements n’étaient pas visibles pour votre hiérarchie car vous n’indiquiez pas sur les documents de liaisons qu’une femme de chambre n’avait pas fini son travail et que vous y aviez missionné une autre salariée en lieu et place.

Les femmes de chambre que vous sollicitiez ainsi n’osaient pas se plaindre de vos agissements par peur de ce qu’il pourrait en advenir et le contexte dans lequel elles se sont exprimées est particulièrement significatif.

Ainsi, ces femmes de chambre ont témoigné de vos agissements lorsque la direction a déclenché une enquête pour donner suite à une dénonciation de dénigrement qu’une femme de chambre avait porté à sa connaissance. Il se trouve que la femme de chambre ayant dénoncé cette situation est celle que vous privilégiez particulièrement, au détriment de tout sentiment de justice et d’équité, instaurant un climat de crainte et de souffrance sincère des salariées concernées.

Les témoignages de ces femmes de chambre ont été portés à la connaissance du médecin du travail qui a demandé à l’entreprise d’intervenir.

Ces femmes de chambre ont aussi exprimé le soin que vous accordiez à une seule femme chaque mois, lorsqu’elle déclarait être menstruée et que vous lui prépariez une boisson chaude ou que vous le preniez en compte dans sa charge de travail.

Lorsque cette femme de chambre se présentait aux bureaux des gouvernants et demandait à vous parler, vous quittiez aussitôt votre bureau, alors même que votre supérieur vous demandait de ne pas le faire.

La situation a pris une telle proportion que votre belle-s’ur s’était présentée à l’hôtel pour vous faire reproche du comportement inapproprié que vous aviez vis-à-vis de cette femme de chambre. La conversation que vous avez eue avec celle-ci, qui aurait dû relever de votre vie privée, s’est déroulée devant des salariés qui n’ont pu que s’étonner qu’un manager de l’hôtel se place intentionnellement dans une telle situation.

Nous ne pouvons tolérer de tels agissements qui relèvent d’un abus de pouvoir, décrédibilisent l’entier management de l’hôtel et impactent la qualité de vie de nos collaborateurs. Ils représentent autant d’atteintes aux valeurs d’équité et de respect de notre société.

Au cours de l’entretien, vous avez reconnu préparer des boissons chaudes, tout en précisant que vous le faisiez pour tous, ce qui n’a été étayé par aucun témoignage.

Vous avez également déclaré n’avoir jamais fait de favoritisme pour cette femme de chambre et avoir adopté le même comportement envers l’ensemble des personnes avec qui vous travaillez, là encore aucun retour n’en atteste. Bien au contraire, de nombreux témoignages attestent du contraire.

Vous avez également dissimulé à votre management ces agissements et, notamment le fait que cette femme de chambre ne terminait pas ses chambres. Ainsi, vous ne le mentionniez pas dans vos rapports de fin de services, pas plus que vous n’indiquiez que vous missionniez d’autres femmes de chambre pour terminer son travail. Vous aviez donc parfaitement conscience que ces situations n’étaient pas acceptables.

En dissimulant ces faits à votre hiérarchie, vous avez mis à mal l’exécution loyale que vous devez avoir de votre contrat de travail et des responsabilités qui en découlent.

Il nous faut également regretter le très mauvais exemple donné à l’équipe. En qualité de manager, le principe d’équité dans l’attribution des tâches et l’évaluation du travail doit être la règle. En exposant les personnes que vous managez à ces agissements et à la dissimulation qui en a découlé, vous n’avez pas respecté les règles d’égalité professionnelle que tous les collaborateurs sont en droit d’attendre sur leur lieu de travail mais également les consignes de travail en vigueur au sein de l’entreprise.

En outre, nous attendons de l’ensemble des collaborateurs qu’ils aient un comportement bien plus exemplaire que celui que vous avez adopté.

Il nous faut également déplorer vos propos empreints d’agressivité et/ou de menaces que vous avez pu tenir vis-à-vis d’autres collaborateurs de l’entreprise.

Le mardi 11 février 2020, vous avez pris à parti un ancien collaborateur qui sortait de l’hôtel. Vous l’avez menacé en lui disant que c’était mieux pour lui s’il ne venait plus à l’hôtel. Lors de notre entretien, vous avez affirmé que vous lui aviez tenu ces propos pour le mettre en garde contre un autre collaborateur de l’hôtel avec lequel il conversait et « qui pouvait être violent » sic.

Nous vous laissons la responsabilité de votre déclaration, il est évident que les propos que vous avez eu vis-à-vis de cet ancien collaborateur sont inappropriés et qu’il n’a pu qu’y voir une menace de votre part.

Le mardi 3 mars 2020, alors que vous étiez mis-à-pied depuis le 2 mars, vous vous êtes présenté à l’hôtel et avez fait dire aux femmes de chambre que vous les attendiez à la sortie. Prises de peur, certaines n’ont pas souhaité sortir de l’hôtel ou ont différé leur heure de sortie habituelle. Elles en ont fait part au directeur de l’hôtel qui est sorti à son tour pour s’assurer de leur sécurité.

Vous nous avez déclaré être venu pour les saluer et dire au revoir, alors même que vous aviez déclaré précédemment l’avoir fait le 2 mars après la remise de votre courrier de mise à pied. Vous n’aviez donc aucun motif pour venir ce 3 mars et, là encore, vous refusez d’entendre la peur que votre venue a généré chez nos femmes de chambre.

Le mercredi 4 mars 2020, alors que vous répondiez à une offre d’emploi, vous portiez en copie tous vos collègues du service des étages !

Ainsi, vous n’avez de cesse de vous manifester auprès des collaborateurs de l’entreprise en les mettant dans des positions toutes plus embarrassantes les unes que les autres.

Lorsque nous vous en avons fait part, vous vous êtes contenté d’expliquer qu’il s’agissait d’une erreur. Qui porte ses collègues de travail par erreur en copie d’une candidature à un emploi ‘

Les perturbations que vous apportez sur le collectif de travail ne sont plus acceptables.

Nous constatons enfin que vous avez proféré, à différentes reprises, des propos menaçants envers d’autres collaborateurs. Lorsque nous vous interrogerons, vous reconnaissez avoir tenu ces propos mais tentez de les minimiser et de les justifier en invoquant la mésinterprétation des interlocuteurs.

Cependant, nous avons nous-mêmes pu éprouver cette situation lors de l’entretien. Ainsi vous vous êtes adressé au directeur de l’hôtel en lui indiquant que vous alliez attaquer la direction de l’hôtel. Le directeur s’est alors adressé à vous en vous demandant si vous comptiez le menacer. En votre absence de réponse, il a dû vous reposer la question. Le salarié qui vous accompagnait a alors précisé que vous aviez des raisons de le faire « sic ».

Nous vous avons exprimé notre indignation face à un tel propos, vous avez alors expliqué que nous l’avions mal interprété, alors même que votre ton et vos propos étaient pourtant sans équivoque.

Nous ne pouvons que déplorer le caractère dégradé des situations que ces comportements et propos ont pu engendrer. Nous déplorons également le manque total de loyauté que vous avez eu dans l’exécution de votre contrat de travail et, surtout, nous ne pouvons absolument pas accepter que vous ayez sciemment et de façon répétée, activement contribué à favoriser une collaboratrice, dissimulé les faits, exercé des pressions ou menaces sur d’autres collaborateurs, de surcroît alors que vous étiez pour certain(e)s leur supérieur hiérarchique.

Nous vous rappelons que toute menace, pression, représailles ou favoritisme dans les situations de travail est strictement interdit et constitue des faits d’une extrême gravité. Les propos et menaces que vous avez tenus ne peuvent être minimisés et encore moins justifiés par le fait qu’ils aient, selon vous, été mal interprétés par vos interlocuteurs, pas plus que les situations de travail auxquelles vous avez exposé les autres collaborateurs, qui ont été parfois mis dans l’obligation de pallier ces manquements.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. […] ».

Pour caractériser le comportement du salarié ainsi que l’existence d’une faute grave, l’employeur produit les éléments justificatifs suivants :

– le règlement intérieur,

– la fiche de poste de gouvernant d’étage,

– le procès-verbal de réunion extraordinaire du comité social et économique du 24 février 2020 relatif aux conclusion de l’enquête suite au courrier d’une collaboratrice dénonçant une situation de déconsidération,

– des attestations établies par des femmes de chambre (Mmes [Y], [U] et [J]), une attestation établie par une autre femme de chambre de manière anonyme ainsi que deux attestations rédigées par un assistant gouvernant général (M. [A]) et par un équipier (M. [E]),

– un mail du 12 février 2020 rédigé par un ancien collaborateur de l’hôtel (M. [F]),

– un mail rédigé le 22 décembre 2020 par le médecin du travail (M. [R]),

– des mails échangés les 6 et 10 mars 2020 par la hiérarchie de l’appelant relativement à la venue de ce dernier à la sortie de l’établissement pour rencontrer certaines femmes de chambre,

– les comptes rendus annuels d’évaluation 2017, 2018 et 2019,

– les courriers de notification de mise à pied disciplinaire des 12 juin et 4 octobre 2019.

Mise à part l’attestation établie de manière anonyme qui apparaît dépourvue de force probante suffisante, il ressort des autres éléments précités qu’alors que l’appelant était chargé (en sa qualité de gouvernant d’étage responsable de la préparation et de l’entretien des chambres) d’encadrer et de superviser le travail d’une équipe d’employés d’étage au sein de l’hôtel en établissant les plannings et en contrôlant l’état de nettoyage des chambres et des paliers, l’intéressé a adopté, de manière délibérée, une attitude de favoritisme envers une des femmes de chambre de son équipe (Mme [B] [T]) aboutissant à une inégalité de traitement injustifiée entre les différentes femmes de chambre travaillant sous son autorité ainsi qu’à une dégradation des conditions de travail de celles-ci, et ce en allégeant notamment la charge de travail de Mme [T] en lui retirant un certain nombre de chambres à effectuer, en ne signalant pas dans ses comptes rendus qu’elle n’effectuait pas toutes les tâches lui étant attribuées et en imposant de surcroît aux autres femmes de chambre d’aider cette dernière en réalisant le nettoyage des chambres restantes à sa place, et ce sous peine de subir des pressions et mesures de représailles consistant à les obliger à reprendre le nettoyage de chambres pourtant déjà effectué ou à leur donner un nombre plus important de chambres à nettoyer et préparer le lendemain.

Il sera également relevé que l’appelant a volontairement dissimulé son attitude abusive à sa hiérarchie, en ne faisant pas apparaître dans les tableaux de suivi que la femme de chambre susvisée ne remplissait pas ses missions et en s’abstenant également de préciser qu’il avait confié de manière autoritaire une partie des chambres de cette dernière à d’autres femmes de chambre, et ce en méconnaissance des obligations contractuelles inhérentes à ses fonctions de gouvernant d’étage lui imposant notamment de s’assurer de la répartition équitable de la charge de travail et du contrôle de la réalisation des tâches données, étant observé que les explications de l’appelant selon lesquelles il ne lui était pas possible de donner plus de chambres à effectuer aux autres femmes de chambre à titre de représailles ne sont étayées ou corroborées par aucune pièce versée aux débats et apparaissent manifestement dénuées de tout caractère sérieux, aucune autre élément produit en réplique par l’appelant n’étant par ailleurs de nature à remettre en cause la valeur probante des attestations précitées rédigées par les femmes de chambre.

Il résulte par ailleurs de ces mêmes éléments que l’appelant a adopté à plusieurs reprises une attitude impliquant l’exercice de pressions ainsi que l’emploi de propos intimidants et menaçants, tant à l’égard des femmes de chambre concernées par son comportement managérial abusif et/ou ayant témoigné auprès de la direction dudit comportement (et ce même après qu’il ait été mis à pied à titre conservatoire à compter du 2 mars 2020, l’intéressé s’étant présenté à la sortie de l’hôtel pour parler aux femmes de chambre), qu’à l’égard d’un ancien collaborateur de la société en lui intimant de ne plus revenir à l’hôtel.

Au vu de ces différents éléments précis, circonstanciés et concordants, il apparaît que l’employeur justifie de la réalité et de la matérialité des manquements et agissement fautifs reprochés au salarié, ce dernier ne produisant pas, en réplique, de pièces de nature à remettre en cause les éléments précités versés aux débats par la société intimée s’agissant du déroulement des faits litigieux. Il sera notamment observé que le fait que l’appelant n’ait pas été entendu dans le cadre de l’enquête ayant donné lieu à la réunion extraordinaire du comité social et économique du 24 février 2020 est sans aucune incidence dans le cadre du présent litige en ce qu’il n’était pas directement concerné par l’enquête alors diligentée pour une situation de déconsidération signalée par une collaboratrice, l’appelant ayant en toute hypothèse pu s’expliquer sur les manquements lui étant reprochés lors de l’entretien préalable au licenciement du 23 mars 2020.

Si l’appelant affirme que l’employeur ne lui a pas proposé d’aller travailler dans un autre établissement ou de le former pour remédier à ses éventuelles carences en matière de management, outre le fait que l’intéressé n’a pas fait l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle mais pour faute grave, la cour relève également qu’il n’est pas reproché à l’intéressé, titulaire d’un diplôme de gouvernant (gestion et management) en hôtellerie depuis 2014, d’avoir éprouvé des difficultés dans l’exercice de ses fonctions managériales mais d’avoir abusé de celles-ci pour favoriser une salariée particulière au détriment de ses collègues, d’avoir exercé des pressions et des menaces de représailles sur ces dernières pour qu’elles effectuent les tâches non réalisées par leur collègue et d’avoir délibérément dissimulé cette situation à sa hiérarchie. Il sera au surplus noté que si le compte rendu d’évaluation du 13 février 2020 fait effectivement état d’un niveau « bien » ou « correct » concernant le relationnel interne (sauf s’agissant de la compréhension/appréhension des enjeux globaux de la société et de son mode de fonctionnement où le niveau est « insuffisant »), l’évaluateur a cependant également relevé l’existence d’une baisse de motivation et, concernant les points faibles à améliorer, la nécessité de « savoir se détacher de l’affectif ».

Etant enfin rappelé que le pouvoir disciplinaire de l’employeur qui s’épuise par son premier usage peut renaître en présence d’une nouvelle faute ou d’une faute nouvellement découverte et que lorsque des faits fautifs, même non identiques aux faits précédemment sanctionnés, surviennent, se reproduisent ou se poursuivent, l’employeur peut faire état des précédentes sanctions pour justifier une sanction aggravée reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié, et ce à la condition que les sanctions invoquées ne soient pas antérieures de plus de trois ans à l’engagement des poursuites, la cour relève en l’espèce que l’appelant avait déjà fait l’objet, dans ledit délai de 3 ans précédant la date d’engagement des poursuites, de deux mises à pied disciplinaires en date des 12 juin 2019 et 4 octobre 2019.

Dès lors, au vu de l’ensemble de ces développements, eu égard aux griefs effectivement établis dans le cadre de la présente instance et au caractère fautif desdits manquements, compte tenu par ailleurs de la réitération des faits fautifs ainsi que de la désorganisation de l’activité et de l’atteinte portée à la bonne marche de la société en résultant, la cour estime que les agissements de l’appelant rendaient effectivement impossible son maintien dans l’entreprise, et ce nonobstant son importante ancienneté, celle-ci ne pouvant aucunement être retenue en l’espèce comme une circonstance permettant au salarié de s’exonérer des conséquences de son comportement.

Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu’il a retenu que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié et en ce qu’il a débouté l’intéressé de l’intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en ce comprises ses demandes relatives à la mise à pied à titre conservatoire.

Sur la demande de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail

L’appelant soutient que son licenciement est intervenu pour des faits totalement infondés et fantaisistes, l’exécution de mauvaise foi évidente du contrat de travail par la société intimée constituant un comportement fautif de cette dernière lui causant un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.

La société intimée réplique que l’appelant ne démontre pas l’existence d’un préjudice et ne justifie aucunement du montant de l’indemnité sollicitée, soulignant qu’elle a parfaitement veillé à respecter l’ensemble de ses obligations contractuelles à son égard.

Selon l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Outre le fait que le licenciement de l’appelant est fondé sur une faute grave ainsi que cela résulte des développements précédents, la cour ne peut également que relever, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations de principe de l’appelant, que ce dernier ne démontre pas l’existence d’une faute ou d’un manquement de l’intimée à ses obligations en sa qualité d’employeur s’agissant de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement litigieuse, l’intéressé ne justifiant de surcroît pas du principe et du quantum du préjudice allégué ni en toute hypothèse de son caractère distinct des seuls effets du licenciement.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le salarié sera condamné à payer à l’employeur la somme de 300 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, et ce par infirmation du jugement.

Le salarié, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société Les Hôtels [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M. [M] à payer à la société Les Hôtels [5] la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 

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