L’affaire jugée concerne un litige entre M. [A] et la société Live Nation portant sur plusieurs points. Tout d’abord, M. [A] soutient avoir été victime de discrimination salariale en raison de ses origines, affirmant que sa rémunération était inférieure à celle de ses collègues du CODIR. La cour a retenu l’existence d’une discrimination salariale et a condamné la société à verser à M. [A] une somme de 7 000 euros en réparation de cette discrimination.
Ensuite, M. [A] a revendiqué le paiement d’heures supplémentaires non rémunérées, produisant des décomptes corrigés et des échanges de courriels attestant de son travail supplémentaire. La cour a estimé que M. [A] avait effectivement réalisé des heures supplémentaires non payées et a condamné la société à lui verser une somme de 19 851,33 euros pour les heures supplémentaires des trois années précédant son licenciement.
Concernant le licenciement de M. [A], la société Live Nation l’a justifié par une insuffisance professionnelle et des troubles causés à l’entreprise. Cependant, la cour a jugé que le licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, notamment en raison de l’absence de preuves tangibles des reproches formulés à l’encontre de M. [A]. La cour a donc condamné la société à verser à M. [A] une indemnité de 45 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Enfin, M. [A] a réclamé des indemnités pour défaut d’entretien d’évaluation, défaut de visite médicale, préjudice moral et autres dispositions. La cour a alloué à M. [A] une indemnité de 2 000 euros pour les préjudices liés à l’absence de visite médicale et une somme de 2 500 euros pour le préjudice moral. La société Live Nation a été condamnée aux dépens d’instance et d’appel, ainsi qu’à verser à M. [A] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour chaque instance.
Les problématiques de cette affaire
1. Validité du licenciement de M. [A]
2. Réclamation de diverses indemnités par M. [A]
3. Contestation de la décision du conseil de prud’hommes par la société Live Nation
Les notions clefs de cette affaire
Les 4 mots clés les plus importants dans ce cas sont : licenciement, dommages et intérêts, discrimination salariale, heures supplémentaires.
Définitions juridiques
En tant qu’avocat, je peux vous aider à comprendre et à défendre vos droits dans des situations telles que le licenciement, les dommages et intérêts, la discrimination salariale et les heures supplémentaires. Mon rôle est de vous conseiller, de vous représenter et de plaider en votre faveur devant les tribunaux si nécessaire. N’hésitez pas à me contacter pour obtenir une assistance juridique dans ces domaines.
Les Avocats de référence dans cette affaire
Bravo à Me Patrick CHADEL et Me Pascale LAGESSE pour avoir plaidé cette affaire devant la Cour d’Appel de Paris.
Les Parties impliquées dans cette affaire
Sociétés représentées par leurs avocats :
1. S.A.S. LIVE NATION, représentée par Me Pascale LAGESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : T12
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
5 mars 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/08197
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 05 MARS 2024
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08197 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CENZE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 20/01098
APPELANT
Monsieur [V] [A]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105
INTIMEE
S.A.S. LIVE NATION
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Pascale LAGESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : T12
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [V] ([U]) [A], né en 1971, a été engagé par la S.A.S. Live Nation, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 avril 2010, en qualité de responsable promotion.
Au dernier état de la relation de travail, M. [A] était directeur marketing et promotion.
Par lettre datée du 10 janvier 2019, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 22 janvier 2019, avec mise à pied conservatoire, auquel il ne s’est pas présenté, ayant informé son employeur qu’il était placé en arrêt maladie jusqu’au 1er février 2019. L’entretien a été reporté au 4 février 2019, mais M. [A] ne s’y est pas présenté.
M. [A] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 22 février 2019, motifs pris d’une insuffisance professionnelle et d’un trouble causé au fonctionnement de l’entreprise, ne permettant pas la poursuite de son contrat de travail.
A la date du licenciement, M. [A] avait une ancienneté de 8 ans et 10 mois et la société Live Nation occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts notamment pour discrimination salariale, ainsi que des rappels de salaire pour heures supplémentaires, et réclamant l’annulation d’un avertissement, M. [A] a saisi le 7 février 2020 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 5 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– fixe le salaire à la somme de 6 300 euros,
– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– prononce l’annulation de l’avertissement de M.[U] [A] du 23 juillet 2018,
– condamne la société Live Nation à verser à M.[U] [A] les sommes suivantes :
– 40 000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
– 1000 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déboute M.[U] [A] du surplus de ses demandes,
– déboute la société Live Nation de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la société Live Nation aux paiements des entiers dépens.
Par déclaration du 4 octobre 2021, M. [A] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 8 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2023, M. [A] demande à la cour de :
A titre principal :
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de nullité de son licenciement et l’avoir débouté de sa demande en paiement de la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre,
En conséquence,
– juger nul le licenciement,
– condamner la société à verser à M. [A] la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– ordonner sa réintégration, y ajoutant, M. [A] demande à la cour de condamner la société Live Nation à lui payer les sommes de :
– 39 270 euros bruts et 3 927 euros bruts de congé payé afférent au titre de la perte de salaire pour la période du 24 mai 2019 au 31 décembre 2019,
– 75 600 euros bruts et 7 650 euros bruts de congé payé afférent au titre de la perte de salaire pour la période 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020,
– 75 600 euros bruts et 7 560 euros bruts de congé payé afférent au titre de la perte de salaire pour la période du 1e janvier 2021 au 31 décembre 2021,
– condamner la société Live Nation à verser à M. [A] les salaires dus jusqu’à sa réintégration effective,
– ordonner le calcul des intérêts à compter de la saisine du conseil des prud’hommes et la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
A titre subsidiaire,
– infirmer le jugement en ce qu’il a limité le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 40 000 euros,
En conséquence,
– condamner la société Live Nation à verser à M. [A] la somme de 56.700 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande de condamNation pour préjudice moral et par voie de conséquence, condamner la société Live Nation au paiement des dommages et intérêts sollicités à ce titre, savoir 20 000 euros,
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande de condamNation pour discrimination salariale et par voie de conséquence, condamner la société Live Nation au paiement des dommages et intérêts sollicités à ce titre, savoir 60 000 euros,
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour défaut d’entretien annuel/professionnel et défaut de visite médicale, et par voie de conséquence, condamner la société Live Nation au paiement des dommages et intérêts sollicités à ce titre, savoir la somme de 10 000 euros,
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande au titre du rappel des heures supplémentaires et par voie de conséquence, condamner la société Live Nation au paiement de la somme de 53 554 euros bruts, et des congés payés y afférents,
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et par voie de conséquence, condamner la société Live Nation au paiement des dommages et intérêts sollicités à ce titre, savoir soit 37 800 euros,
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande au titre du rappel du repos compensateur non pris et par voie de conséquence, condamner la société Live Nation au paiement de la somme de 5 803 euros bruts, et des congés payés y afférents soit 580,30 euros bruts,
– infirmer le jugement en ce qu’il a limité le quantum de l’article 700 à 1 000 euros et condamner la société Live Nation au paiement de la somme de 3000 euros à ce titre,
– confirmer le jugement pour le surplus,
– débouter la société Live Nation de son appel incident et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Live Nation au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 pour la procédure d’appel,
– condamner Live Nation aux entiers dépens
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 novembre 2023, la société Live Nation demande à la cour de :
A titre incident,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :
– dit et jugé que le licenciement de M. [A] était sans cause réelle et sérieuse,
– prononcé l’annulation de l’avertissement de M. [A] du 23 juillet 2018,
– condamné la société Live Nation à verser à M. [A] la somme de 40.000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Live Nation à verser à M. [A] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
A titre principal :
– dire et juger que le licenciement de M. [A] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il débouté M. [A] du surplus de ces demandes,
– condamner M. [A] à verser à la société la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux éventuels dépens,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans confirmait le jugement du 5 mai 2021 en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– limiter le montant des dommages-intérêts à trois mois de salaire en vertu du barème d’indemnisation en vigueur, soit 18.900 euros bruts.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023 avant l’ouverture des débats.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur la discrimination salariale
Pour infirmation du jugement déféré, M. [A] soutient avoir été victime d’une discrimination salariale en raison de ses origines en faisant valoir que sa rémunération était inférieure à celle de ses homologues également membres du CODIR.
Pour confirmation de la décision, la société intimée réplique que l’appelant se plaint d’une discrimination salariale, prétendument en lien avec son origine, qu’il ne démontre pas.
Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ».
En application de l’article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. [A] explique que les membres du CODIR comme lui et même M. [J] [N] chef des promoteurs, non membre du CODIR, avaient des rémunérations supérieures à la sienne et ont pour certains perçu des primes supérieures aux siennes voire des bonus qu’il n’a pas touchés.
Il s’appuie sur une attestation de Mme [X], chargée de production au sein de la société, qui affirme après avoir précisé que son bureau était proche du service de la comptabilité avec lequel elle partageait la même imprimante, avoir pu consulter « les journaux de paye qui traînaient » et qu’elle a pu « constater par elle-même qu’il y avait des différences de salaire, prime, bonus entre les employés chez Live Nation ». Elle rapporte plus précisément « J’ai vu par exemple que [Y] [M] [directrice activation marque] était payée 4200 euros » et que « [J] [N][chef des promoteurs] et [H] [C] recevaient des primes entre 5000 et 7000 euros, c’était entre 2012 et 2014. » Elle ajoute avoir appris lors d’une conversation que la directrice financière Mme [K] avait été augmentée en 2013 ou 2014 de 2000 euros mensuels alors que « son salaire initial [était ] de 10000 euros » (pièce 60, salarié).
Il précise que Mme [M] (directrice activation marque) n’avait ni son niveau ni son ancienneté et qu’elle est devenue membre du CODIR bien après lui et qu’il n’a pas perçu de prime entre 2012 et 2014.
La cour en déduit que l’appelant présente des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il appartient à l’employeur de prouver l’absence de discrimination.
C’est de façon inopérante que l’employeur se prévaut d’une attestation de la DAF Mme [K] qui affirme que Mme [X] n’avait pas accès à l’imprimante utilisée par les responsables de paie.
C’est de façon peu convaincante que la société intimée produit en pièce 32, un document intitulé « comparatif salaires.xlsx » qui reprend de façon informelle mais aussi incomplète sans authentification conforme du DAF ou d’un expert comptable, les salaires servis à FM ([V] [A]) mentionnant une augmentation de 54% de ce dernier en 7 ans avec le salaire du DAF, de la directrice partenariat (non identifiée) du DSI, du responsable opération et du promoteur senior sans se prononcer sur les primes ou bonus éventuellement versés et sans aucune pièce complémentaire.(pièce 32, société).
La cour en déduit que l’employeur ne justifie pas que les mesures prises en matière de salaire étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte que la discrimination salariale est établie.
Par infirmation du jugement déféré, il est alloué à M. [A] une somme de 7.000 euros en réparation de cette discrimination salariale.
Sur les heures supplémentaires
Pour infirmation du jugement déféré, M. [A] fait valoir qu’il produit un décompte corrigé des heures supplémentaires qu’il affirme avoir réalisées et qui ne lui ont pas été payées depuis son embauche dans les limites de la prescription, soit de 2016 à 2018.
Pour confirmation de la décision, la société conteste la réalisation d’heures supplémentaires par M. [A] exposant que ce dernier produit des décomptes établis pour les besoins de la cause et insuffisamment précis
L’article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.
L’article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, à l’appui de sa demande, M. [A] présente les éléments suivants :
– des tableaux rectifiés retraçant les heures supplémentaires effectuées en 2016, 2017 et 2018 (pièces 70,71bis et 72bis) en précisant pour la bonne compréhension que les mentions « out of day » signifient télétravail et qu’il ne s’agit pas de journées d’ absence qui n’auraient pas manqué d’être déduites,
-des échanges de courriels attestant de l’amplitude de travail (pièces 93 à 96) voire des courriels envoyés durant des jours de congé ou des week end pendant lesquels il a travaillé.( pièces 100 à 104 et 108 à 111).
M. [A] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il dit avoir réalisées, permettant ainsi à la société Live Nation qui assure le contrôle des heures effectuées d’y répondre utilement.
A cet égard, elle réplique qu’elle n’a jamais sollicité de l’appelant la réalisation d’heures supplémentaires et qu’il n’a d’ailleurs jamais formulé aucune demande à ce titre, durant sa période d’emploi. Elle souligne que la régularité des décomptes produits interpelle et appelle la plus grande réserve quant à leur véracité. Elle soutient que ceux-ci bien que rectifiés par l’appelant présentent des incohérences persistantes. Elle se prévaut de message SMS par lesquels il informait son équipe de ses retards, soulignant que certaines journées commençaient tard et se terminaient tôt. Elle conteste l’existence d’une politique de télétravail en son sein et la prise en compte des jours de qualifiés de «out of office» en télétravail mais aussi l’amplitude de 10 heures de travail les jours de concert auxquels il pouvait assister en tant que spectateur. Elle ajoute en outre que M. [A] disposait d’une grande liberté de gestion de son temps et qu’il s’en déduit de plus fort que les décomptes sont purement fantaisistes.
En conséquence, eu égard aux éléments présentés par le salarié et aux observations faites par l’employeur, la cour a la conviction que le salarié a exécuté des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées mais, après analyse des pièces produites, dans une moindre mesure que ce qui est réclamé de telle sorte que par infirmation du jugement déféré, la société Live Nation sera condamnée à verser à M. [A] la somme de 19 851,33 euros en paiement des heures supplémentaires au titre des trois années précédant le licenciement, outre la somme de 1985,13 euros de congés payés afférents.
Le contingent conventionnel annuel d’heures supplémentaires n’ayant pas été dépassé, il s’impose de débouter M. [A] de sa demande d’indemnité au titre des repos compensateurs. Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, il n’est pas établi que c’est de manière intentionnelle que l’employeur n’a rémunéré les heures supplémentaires à M. [A] qui n’en avait pas réclamé le paiement durant l’exécution du contrat. La décision des premiers juges qui a débouté le salarié de sa demande d’indemnité forfaitaire sera donc confirmée.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation du jugement déféré, M. [A] soutient à titre principal que son licenciement est la conséquence directe de sa contestation au titre d’une discrimination, de ses revendications salariales, de son arrêt de travail et de son refus de quitter l’entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle mais aussi en lien avec son état de santé puisque la procédure a été engagée le jour même de son arrêt de travail. Il sollicite en conséquence sa réintégration, des rappels de salaire ainsi qu’une indemnité pour licenciement nul et à titre subsidiaire demande à la cour de confirmer que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse mais de lui allouer une indemnité de 60000 euros à ce titre.
Pour infirmation de la décision qui a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, sur appel incident, la société Live Nation demande à la cour de décider que le licenciement de l’intéressé repose sur ses nombreuses carences à occuper son poste et de lé débouter de ses prétentions indemnitaires.
Sur le bien fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi libellée :
« Par un courrier en date du 10 janvier 2019, nous vous avons indiqué que nous étions amenés à envisager à votre égard une éventuelle mesure de licenciement et vous avons convoqué à un entretien préalable tout en assortissant cette convocation d’une mise à pied à titre conservatoire.
Or, après nous avoir informé le 21 janvier dernier que vous étiez en arrêt maladie jusqu’au 1er février, vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien qui devait se tenir le 22 janvier 2019 à 15h00.
Dans ce contexte, afin de vous exposer les motifs qui nous conduisaient à envisager une telle mesure et recueillir vos éventuelles observations, nous avons reporté la date de l’entretien au lundi4 février 2019 à 17h. Or, nous informant du renouvellement de votre arrêt maladie, vous ne vous êtes à nouveau pas présenté à cet entretien.
Par la présente et après examen et revue des éléments de votre dossier, nous vous notifions votre licenciement en raison de votre insuffisance professionnelle et du trouble causé au fonctionnement de l’entreprise qui ne permettent pas la poursuite de votre contrat de travail.
Pour mémoire, après avoir été embauché le 13 avril 2010, vous exercez depuis le 1er juillet 2012 les fonctions de Directeur Marketing et Promotion.
A ce titre, vous êtes intégralement en charge, avec le support de l’équipe placée sous votre responsabilité, d’organiser le marketing, la communication et la promotion des événements, des spectacles et des tournées des artistes français et internationaux, organisés par la Société.
Votre rôle nécessite- une parfaite compréhension des besoins des clients, une aisance relationnelle,une grande capacité managériale et une faculté à travailler avec l’ensemble des équipes de la Société intervenant sur l’organisation desdits évènements.
Or, depuis fin 2016 et à la suite de l’intégration des activités de Nous Production, force est de constater que vous ne parvenez pas à prendre la pleine mesure des enjeux qui se posent à vous ni à répondre aux attentes légitimes de vos différents interlocuteurs.
* Les difficultés que nous avons à déplorer se ressentent en premier lieu au sein même de votre équipe.
Nous constatons ainsi qu’en dépit de nos demandes, vous n’avez mis en place aucune méthode de travail, ni aucune organisation au sein de l’équipe dont vous êtes responsable.
Nous déplorons notamment l’absence de réunions d’équipe régulières ainsi que de toute évaluation annuelle des salariés sous votre responsabilité.
Vous apparaissez comme un manager relativement absent au quotidien, loin de ses dossiers, au sens propre comme au figuré.
Votre manque d’implication vous conduit fréquemment à omettre de communiquer des informations clefs, à donner des directives contradictoires, voire à travestir la réalité, ce qui a pour effet de placer les salariés sous votre responsabilité en situation de porte-à-faux vis-à-vis de leurs interlocuteurs internes ou externes.
De surcroît, vous laissez souvent les membres de votre équipe gérer seuls des situations qui les dépassent, leur donnant alors le sentiment de bénéficier d’aucun soutien de votre part.
En conséquence, au quotidien, ces salariés se retrouvent dans un état d’insécurité et de stress face aux tâches qui sont les leurs, puisque vous ne leur apportez ni l’appui ni l’encadrement qui leur seraient nécessaires.
A ces difficultés, s’ajoute le fait que vous ne traitez pas l’ensemble de vos collaborateurs avec la même déférence, tenant un discours vis-à-vis des uns et des autres qui peut s’avérer source de tensions et de malentendus.
Vos méthodes managériales inefficaces, voire inexistantes, peuvent aller jusqu’à générer une situation de mal-être au travail.
C’est notamment le cas d’une collaboratrice qui a rejoint votre équipe à la suite de l’intégration de Nous Production en 2016 et avec laquelle vous n’avez pas construit de réelle relation de travail, la plaçant volontairement à l’écart de l’équipe. Votre attitude à son égard a d’ailleurs donné lieu à incident au dernier trimestre 2018 puisqu’il nous a été rapporté que cette salariée était effondrée en pleurs, victime d’un choc émotionnel après l’un de vos rares échanges.
En définitive, vous n’adoptez ni le comportement ni les méthodes attendues d’un manager de votre niveau de responsabilité. Ces faits troublent nécessairement l’organisation du service Promotion et Marketing dont vous avez la charge et sont autant de freins à l’efficacité de votre équipe.
*A ces difficultés, s’ajoutent votre absence de capacité à travailler de concert avec les autres services
La promotion, la communication et le marketing d’un spectacle ou d’une tournée sont des éléments clefs qui reposent aujourd’hui sur une multitude de canaux (papier, média, digital, influenceurs etc.) et qui présentent divers facettes (conception d’affiches, promotions sur les réseaux sociaux, radios, télévision, promotion sur le lieu du spectacle, partenariats etc.).
Afin d’être pertinentes et cohérentes, ces actions nécessitent une parfaite coordination de
l’ensemble des équipes et des acteurs intervenants sur les différents aspects de l’organisation des évènements Live Nation.
L’équipe Promotion et Marketing doit en premier lieu travailler avec les équipes qui ont la charge de l’organisation opérationnelle des spectacles : les Promoteurs. Ces Promoteurs sont le c’ur même de l’activité de la Société, ayant en responsabilité la production et l’organisation des tournées et évènements confiés à la Société.
Le bon fonctionnement de la Société dans son ensemble suppose ainsi que l’équipe Promotion et Marketing intervienne en support et soit à l’écoute des besoins et des informations qui lui sont communiquées par les Promoteurs, afin que les évènements qu’ils organisent fassent l’objet d’une campagne de communication efficace.
De la même manière, l’équipe en charge des Partenariats et Sponsoring a intrinsèquement besoin du support de l’équipe Promotion et Marketing qui doit lui fournir le contenu et la matière nécessaires aux actions de communication de nos partenaires.
Or, vos relations avec les équipes de Promoteurs et l’équipe Sponsoring sont insuffisantes, voire inexistantes, ce qui nuit à l’efficacité de l’ensemble des services de la Société et impacte la qualité des actions de marketing et de communication des spectacles produits par la Société.
En effet, l’ensemble de ceux qui devraient être vos interlocuteurs naturels en interne dans les différents services se révèlent, en pratique, être dans l’incapacité de travailler en bonne intelligence et de manière efficace avec vous.
Il est ainsi fréquent que les équipes souhaitent vous impliquer sur un projet sans que vous ne donniez jamais de suite à leur sollicitation. De la même manière, vous ne participez quasiment jamais à des réunions interservices.
Plus encore, les rares fois où un dialogue s’installe, votre capacité à vous emporter facilement et votre vocabulaire peu châtié sont unanimement décriés et sont un frein à tout dialogue constructif et harmonieux. A toutes fins utiles, il est rappelé que votre emportement vous a d’ai1leurs valu un avertissement remis l’été dernier.
En conséquence, les Promoteurs, comme les équipes en charge des Partenariats ont, depuis de nombreux mois, pris l’habitude de vous solliciter le moins possible, soit en passant directement par les collaborateurs sous votre responsabilité (sans vous impliquer), soit en allant jusqu’à faire appel à des prestataires externes pour pallier l’absence d’actions de communication et de marketing, afin de maintenir un niveau de prestation relativement correcte vis-à-vis des clients.
Tout ceci a pour effet, d’une part de placer les équipes dans des situations souvent très inconfortables et d’autre part de réduire les actions de promotion et marketing à leur minimum en raison de votre absence d’implication et de votre mauvaise vision d’ensemble des projets menés.
Il arrive que certains projets se retrouvent bloqués ou ne puissent pas être menés jusqu’à leur terme, c’est par exemple le cas du lancement de l’activité de notre nouvelle agence média à laquelle vous n’avez jamais apporté le soutien attendu.
Force est ainsi de constater votre incapacité à promouvoir et orchestrer une stratégie globale de communication qui soit à la hauteur des prestations que devraient fournir une Société telle que la nôtre, ce qui impacte nécessairement l’activité de l’ensemble de nos services.
* Plus généralement, vous vous inscrivez en marge de la Société en refusant d’appliquer les procédures et de participer à sa vie interne
Le manque d’organisation de votre équipe ainsi que vos difficultés managériales et relationnelles n’auraient peut-être pas pris l’ampleur que nous constatons aujourd’hui si vous vous étiez appliqué à respecter les procédures en vigueur au sein de la Société et du Groupe et si vous vous intéressiez à la vie, au personnel et au fonctionnement de la Société dans son ensemble.
Or, vous n’êtes pas sans savoir que vous ne vous conformez à aucune des procédures mises en place par la direction de la Société et du groupe, quelle qu’elle soit.
A titre d’exemple, contrairement à ce qui est aujourd’hui demandé par la Société et qui vous a été rappelé à maintes reprises, vous ne produisez aucun compte rendu des activités de votre service, ne préparez pas les séminaires, n’organisez aucune réunion interne à votre service, ni même les évaluations annuelles des salariés sous votre responsabilité.
Pourtant, ces procédures sont autant d’outils et de recommandations à votre disposition pour vous permettre de mettre en place de bonnes pratiques de management et de fonctionnement.
De surcroît, sauf lorsque ceux-ci ont lieu sur Paris, vous ne participez jamais aux séminaires d’entreprise. Or, ces séminaires sont un lieu privilégié d’échanges, notamment avec les autres départements de la Société. En définitive, nous constatons que vous cherchez toujours à agir seul et sans concertation, y compris s’agissant de décisions nécessitant l’implication des membres d’autres services que le vôtre ou de la direction de la Société.
Tout ceci a naturellement pour effet de vous inscrire en marge de la vie de la Société alors qu’en tant que Directeur Promotion et Marketing vous devriez en être un des acteurs clefs.
Il résulte de tout ce qui précède que l’activité de l’équipe Promotion et Marketing sous votre responsabilité n’est pas à la hauteur de ce qui serait légitimement attendue et que, de manière générale, vos méthodes de travail sont de nature à troubler les activités et l’organisation de la Société.
C’est en vain que nous avons tenté d’attirer votre attention à plusieurs reprises en nous entretenant avec vous des difficultés constatées.
En retour, nous nous sommes heurtés à votre incapacité à admettre ces dysfonctionnements et à envisager les améliorations nécessaires, ce qui aurait été essentiel compte tenu de la dimension et des exigences de votre poste actuel.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre mise à pied à titre conservatoire vous étant naturellement entièrement rémunérée.(…) »
Il en résulte que le licenciement est fondé sur l’insuffisance professionnelle imputée à M. [A] et le trouble cause à l’entreprise caractérisés par :
-des difficultés managériales au sein de son équipe,
– des difficultés relationnelles avec les autres service de la société
– une incapacité à s’inscrire dans la vie de la société.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. Le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
Au titre des difficultés managériales, il est reproché au salarié l’usage d’un ton inapproprié dans le monde du travail en s’appuyant sur différents courriels mais aussi d’avoir été peu impliqué dans la supervision de ses équipes qu’il laissait gérer seules les problématiques quotidiennes sans les soutenir. La société s’appuie essentiellement sur des courriels souvent extraits de leur contexte et dans des termes, somme toute, vagues et imprécis qui ne peuvent emporter la conviction. La cour retient par ailleurs que certains courriels sont à charge et comportent des critiques à l’égard de M. [A] à la demande de l’employeur (Mme [D] qui commence son courriel avec ces termes « comme convenu voici les faits à relater concernant le comportement de [V] » et auquel il a été répondu « ton mail est parfait » pièce 13, société). Or le courriel témoigne essentiellement du désappointement de M. [A] relatif au déplacement de 10 jours de l’intéressée sans avoir été consulté et alors même qu’il ressort du dossier qu’ils avaient par ailleurs de bonnes relations de travail ( échanges de courriels jusqu’en décembre 2018, pièces 39 à 46, salarié). Mme [R] quant à elle, par courriel du 22 octobre 2018 se plaint dans des termes généraux de ce que M. [A] les envoyait au charbon, sans que la cour soit en mesure d’apprécier la réalité de ce reproche. Il est également produit des témoignages ou compte-rendus émanant de salariés de l’équipe de M. [A] qui ne sont pas signés et dont le caractère probant porte à caution ainsi que le souligne le salarié (pièces 20 et 22).M. [A] justifie quant à lui, sans être utilement contredit, de ses méthodes et des process mis en place dès 2016 au sein du service marketing et communication qu’il dirigeait, du suivi de ses collaborateurs par l’organisation de réunions d’équipe (pièces 24 à 26 salarié) et la mise en place d’entretiens d’évaluation dès janvier 2017 avant toute demande officielle. Les difficultés managériales de M. [A] sont par ailleurs contredites par l’ attestation de Mme [X] qu’il produit, laquelle rapporte « De plus, il était proche de ses collaborateurs et n’hésitait pas à les défendre auprès de la Direction générale, ça a fait le tour de l’entreprise plusieurs fois »(pièce 60, salarié).
La cour relève également que le salarié occupait ce poste depuis plus de 8 ans (et une ancienneté de 22 ans dans le métier) sans difficulté sauf l’avertissement délivré en date du 23 juillet 2018 qui vise un comportement déplacé sans l’expliciter et qui a été annulé à juste titre par les premiers juges qui seront confirmés sur ce point.
Rien ne permet de retenir une incapacité de M. [A] de travailler avec les autres services, ou son refus d’appliquer les procédures de la société ou encore de participer à la vie interne de celle-ci, alors que M. [A] justifie d’échanges fluides et sans problèmes avec notamment le service du partenariat (pièce 51 Mme [O]).
La cour en déduit à l’instar des premiers juges que le licenciement de M. [A] n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.
M. [A] plaide la nullité de son licenciement en faisant valoir d’une part que celui-ci est en lien avec sa demande de revalorisation salariale qu’il aurait formalisée par oral peu avant l’engagement de la procédure de licenciement, mais aussi avec son état de santé puisque la procédure a été engagée le jour même de son arrêt de travail et avec son refus de quitter l’entreprise dans la cadre d’une rupture conventionnelle. Il sollicite par ailleurs outre la réparation du préjudice causé par la nullité de son licenciement et sa réintégration avec les rappels de salaire.
C’est à juste titre que l’employeur fait d’abord observer que M. [A] ne peut à la fois prétendre à une indemnité pour licenciement nul et au rappel de salaires en lien avec sa demande de réintégration.
En tout état de cause la cour retient que si la discrimination salariale a été retenue, il n’est pas justifié que le licenciement prononcé soit en lien avec celle-ci, le salarié se prévalant sans l’établir d’une réclamation orale sur ce point. Il ressort par ailleurs du dossier que l’arrêt de travail de M. [A] a été établi le 10 janvier 2019 et que ce n’est que le lendemain qu’il a pu être porté à la connaissance de l’employeur puisque le salarié reconnaît qu’il n’avait plus accès à la plate-forme du personnel « Workday » et qu’il a du demander à un salarié, M. [G], de faire la modification pour lui car il devait être en congés payés à cette date.
Il s’en déduit que lors de l’engagement de la procédure de licenciement, l’employeur n’avait pas connaissance de son arrêt de travail et qu’il ne peut être soutenu que le licenciement intervenu était en lien avec son état de santé.
Il n’est par ailleurs fourni aucune précision quant à une éventuelle proposition de rupture conventionnelle.
C’est à bon droit que les premiers juges ont écarté la demande de nullité du licenciement et ont retenu que celui-ci était sans cause réelle et sérieuse.
M. [A] peut prétendre en application de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, au regard de son ancienneté et des effectifs de la société au jour du licenciement, à une indemnité de licenciement comprise entre 3 et 8 mois de salaire.
Au vu des fiches de paye produites et après réintégration des heures supplémentaires accordées, il convient d’allouer à M. [A], par infirmation du jugement déféré, une indemnité de 45 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’article L. 1235-4 du code du travail dans sa version applicable dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées
La cour ordonne donc à la société Live Nation de rembourser à France Travail les indemnités chômage éventuellement versées à M. [A] dans la limite de six mois.
Sur l’indemnité pour défaut d’entretien d’évaluation et défaut de visite médicale
Pour infirmation du jugement déféré, M. [A] réclame une indemnité de 10 000 euros pour défaut d’entretien d’évaluation et défaut de visite médicale. Il expose notamment que l’employeur a été défaillant dans la protection de sa santé précisant avoir été victime d’une perforation du tympan en raison du volume sonore lors des concerts et d’un infarctus en raion de sa charge de travail.
L’employeur réplique que M. [A] ne justifie pas de son préjudice lié à l’absence d’entretien d’évaluation et qu’il a bénéficié d’une visite médicale périodique le 26 juillet 2017, qu’il n’établit pas son préjudice et qu’il n’a jamais demandé un quelconque examen médical.
Il est constant que l’entretien annuel d’évaluation n’est pas obligatoire mais il est en l’espèce particulièrement manquant alors qu’il est reproché au salarié une insuffisance professionnelle et de n’avoir pas organisé des tels entretiens à l’égard de son équipe.
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur est comptable de la sécurité et de la protection de la santé des salariés et les articles R 4624-10 et 4624-16 du même code organisent les visites d’information et de prévention par un professionnel de santé dans les trois mois de la prise de poste et le suivi périodique dans un délai qui ne peut excéder 5 ans.
Au cas d’espèce, il n’est pas justifié de l’organisation d’une telle visite lors de l’embauche et il n’est produit qu’une attestation de suivi concernant l’appelant datée du 26 juillet 2017, alors qu’il a été embauché en 2010 et qu’il affirme avoir rencontré des problèmes de santé en 2013 (infarctus du myocarde) et perforation du tympan en janvier 2018.
Il est alloué à M. [A] une indemnité de 2 000 euros en réparation des préjudices ainsi subis.
Sur la demande d’indemnité pour préjudice moral
Pour infirmation du jugement déféré, M. [A] sollicite une indemnité de 20000 euros en réparation du préjudice moral qu’il soutient avoir subi en raison de la discrimination salariale mais aussi de sa mise à l’écart progressive au sein de son service en ce qu’il n’a pas été associé à l’organisation de shows ni consulté lors du recrutement d’une de ses collaboratrice. Il rappelle qu’il a aussi été destinataire d’un avertissement injustifié et qui a été annulé. Il justifie avoir du être pris en charge sur le plan psychologique à compter de septembre 2018. Il dénonce pour finir des conditions de licenciement particulièrement vexatoires, rappelant avoir fait l’objet d’une mise à pied conservatoire alors que son licenciement n’était pas disciplinaire.
Pour confirmation de la décision, la société réplique contestant la discrimination salariale, que M. [A] échoue à démontrer un quelconque préjudice moral.
La cour retient que la discrimination salariale qui a été retenue a déjà été réparée plus avant et que M. [A] ne démontre pas un préjudice distinct de celui qui a déjà été indemnisé.
Au titre de la dégradation de ses conditions de travail caractérisée par la délivrance d’un avertissement injustifié et des conditions rudes de la rupture avec une mise à pied conservatoire après une relation de plus de 8 années sans heurt, la cour alloue à M. [A], par infirmation du jugement déféré, une somme de 2 500 euros d’indemnité pour préjudice moral.
Sur les autres dispositions
Partie perdante, la société Live Nation est condamnée aux dépens d’instance et d’appel et à verser à M. [A] une somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile pour chaque instance, par infirmation du jugement déféré.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement et la demande de réintégration et de rappels de salaires en découlant, d’indemnité pour repos compensateurs ainsi que la demande d’indemnité pour travail dissimulé, annulé l’avertissement délivré à M. [V] [A] et en ce qu’il a jugé le licenciement de ce dernier dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’INFIRME quant au surplus.
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la SAS Live Nation à payer à M. [V] [A] les sommes suivantes :
-7.000 euros d’indemnité en réparation de la discrimination salariale.
-19 851,33 euros de rappels des heures supplémentaires effectuées entre 2016 et 2018 outre la somme de 1985,13 euros de congés payés afférents.
-45 000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-2 000 euros d’indemnité pour défaut d’évaluation annuelle et de suivi médical.
-2 500 euros d’indemnité pour préjudice moral.
– 2 500 euros d’indemnité par instance, par application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et de l’instance d’appel.
ORDONNE à la SAS Live Nation de rembourser à France Travail les indemnités chômage éventuellement versées à M. [V] [A] dans la limite de six mois.
CONDAMNE la SAS Live Nation aux dépens d’instance et d’appel.
La greffière, La présidente.