L’affaire concerne un litige entre l’ADSEA 17 LP et Mme [G] [F] concernant le licenciement de cette dernière pour insuffisance professionnelle. Le jugement initial a conclu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant l’ADSEA à verser des indemnités à Mme [G] [F]. Les deux parties ont fait appel, l’ADSEA demandant l’infirmation du jugement et Mme [G] [F] demandant la confirmation de la décision initiale ainsi que des dommages et intérêts supplémentaires. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure pour plaidoirie. Les demandes des parties portent sur des montants d’indemnités, des dommages et intérêts, ainsi que sur la rectification d’une attestation Pôle Emploi. La décision finale sera prise par la cour après examen des arguments et des éléments présentés par les parties.
Les problématiques de cette affaire
1. Licenciement pour insuffisance professionnelle
2. Manquement à l’obligation de sécurité
3. Exécution déloyale du contrat de travail
Les Avocats de référence dans cette affaire
Les Parties impliquées dans cette affaire
Les sociétés représentées par leurs avocats dans cet arrêt sont :
1. Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence de Charente-Maritime La Protectrice, représentée par Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT et Me Alexandra COURNIL de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.
2. Madame [G] [F], représentée par Me Laurence RICOU, avocat au barreau de SAINTES.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
9 mars 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
20/03115
VC/PR
ARRET N° 110
N° RG 20/03115
N° Portalis DBV5-V-B7E-GE5T
ADSEA.17 LP
C/
[F]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 09 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 décembre 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de SAINTES
APPELANTE :
Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence de Charente-Maritime La Protectrice
[Adresse 3]
[Localité 1]
Ayant pour avocat constitué Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
Et ayant pour avocat plaidant Me Alexandra COURNIL de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
Madame [G] [F]
née le 31 mars 1983 à [Localité 4] (94)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Laurence RICOU, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés l’affaire a été débattue le 11 janvier 2023, en audience publique, devant :
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
L’Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence de Charente-Maritime La Protectrice, ci-dessous dénommée l’ADSEA 17 LP, a embauché Mme [G] [F] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à effet du 3 mars 2008, en qualité d’agent administratif ressources humaines.
Le 26 mai 2008, les parties ont régularisé un avenant au contrat de travail qui les liait, avenant stipulant que Mme [G] [F] était employée à temps plein.
Le 1er juin 2011, Mme [G] [F] a été promue au poste de technicien qualifié du pôle ressources humaines.
Mme [G] [F] a été placée en arrêt de travail à compter du 25 août 2016 puis hospitalisée en psychiatrie à partir du 9 juin 2017.
Le 2 août 2018, dans le cadre d’une visite médicale de reprise, le médecin du travail a proposé pour Mme [G] [F] une reprise du travail à mi-temps thérapeutique à un nouveau poste ou ‘sinon, après l’avis du spécialiste, possibilité de reprise à temps plein’.
Par courriers en dates des 23 juillet et 2 août 2018, l’ADSEA 17 LP a exposé au médecin du travail les raisons pour lesquelles selon elle un mi-temps thérapeutique n’était pas envisageable.
Après avoir recueilli l’avis du médecin psychiatre de Mme [G] [F], le médecin du travail a finalement déclaré cette dernière apte à reprendre ses fonctions à temps complet.
Le 11 septembre 2018, après que Mme [G] [F] avait repris ses fonctions au sein de l’ADSEA 17 LP, une nouvelle visite médicale était organisée en sa faveur auprès de la médecine du travail.
Mme [G] [F] a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 28 septembre 2018.
Ce même jour, l’ADSEA 17 LP a convoqué Mme [G] [F] à un entretien préalable à son éventuel licenciement.
Le 17 octobre 2018, l’ADSEA 17 LP a notifié à Mme [G] [F] son licenciement pour cause réelle et sérieuse (insuffisance professionnelle, difficultés relationnelles et comportement négatif).
Le 26 juin 2019, Mme [G] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Rochefort de diverses demandes formées à l’encontre de l’ADSEA 17 LP.
Par décision en date du 26 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Rochefort a, au visa de l’article 47 du Code de procédure civile, renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Saintes.
Devant cette dernière juridiction, Mme [G] [F] réclamait, sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir et en l’état de ses dernières prétentions, de voir :
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– juger que l’ADSEA 17 LP avait manqué à son obligation de sécurité et avait exécuté de manière déloyale le contrat de travail ;
– condamner l’ADSEA 17 LP à lui payer les sommes suivantes :
– 22 820 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail ;
– dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif de l’instance ;
– ordonner à l’ADSEA 17 LP de lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé 8 jours de la notification de la décision à intervenir ;
– condamner l’ADSEA 17 LP à payer à Maître Laurence Ricou une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement en date du 8 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Saintes a :
– dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [G] [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– jugé que l’ADSEA 17 LP avait manqué à son obligation de sécurité et avait exécuté de manière déloyale le contrat de travail ;
– condamné l’ADSEA 17 LP à payer à Mme [G] [F] les sommes suivantes :
– 15 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail ;
– ordonné à l’ADSEA 17 LP de remettre à Mme [G] [F] une attestation Pôle Emploi rectifiée, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé 15 jours de la notification de sa décision et pour une durée de 30 jours ;
– condamné l’ADSEA 17 LP à payer à Maître Laurence Ricou, avocate, une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
– débouté Mme [G] [F] de ses plus amples demandes ;
– débouté l’ADSEA 17 LP de ses demandes reconventionnelles ;
– condamné l’ADSEA 17 LP aux entiers dépens.
Le 23 décembre 2020, l’ADSEA 17 LP a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :
– avait dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [G] [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– avait jugé qu’elle avait manqué à son obligation de sécurité et avait exécuté de manière déloyale le contrat de travail ;
– l’avait condamnée à payer à Mme [G] [F] les sommes suivantes :
– 15 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail ;
– 1 500 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
– Sur la demande formée par Mme [G] [F] pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail :
Au soutien de son appel, l’ADSEA 17 LP expose en substance :
– que la demande de Mme [G] [F] repose sur des allégations et non sur des faits établis ;
– qu’aucune preuve ne vient étayer la thèse du burn out professionnel évoqué par Mme [G] [F] ni même la réalité d’un lien direct entre son travail et son état dépressif ;
– que jusqu’au jour de la saisine du conseil de prud’hommes Mme [G] [F] n’avait jamais évoqué un burn out professionnel ni un épuisement professionnel ;
– que le dossier médical de la médecine du travail mentionne à la date du 2 août 2018 un arrêt de travail depuis presque 2 ans pour dépression mais ne fait pas référence à un épuisement professionnel ;
– que Mme [G] [F] a été placée en arrêt de travail pendant deux ans pour maladie non professionnelle ;
– que Mme [G] [F] a toujours été épaulée dans ses tâches et qu’un technicien qualifié en paie a été recruté en contrat à durée déterminée à cette fin pour la période du 20 août au 16 septembre 2018 ;
– que le travail de Mme [G] [F] a toujours été reconnu et une prime lui avait été versée en décembre 2015 pour la récompenser du travail qu’elle avait accompli pour mettre en place un tableau Excel destiné au suivi de la durée du travail annualisée du personnel ;
– que, contrairement à ce qu’elle soutient, Mme [G] [F] a bien bénéficié d’un entretien professionnel le 10 août 2018 et qu’à l’occasion de cet entretien Mme [G] [F] a déclaré être heureuse de reprendre son poste de travail avec tuilage.
En réponse, Mme [G] [F] objecte pour l’essentiel :
– qu’elle a repris son travail dans un contexte destructeur ;
– que l’ADSEA 17 LP n’a cessé de faire pression auprès du médecin du travail ;
– que son licenciement est bien en lien avec son état de santé ;
– que l’ADSEA 17 LP a fait preuve de discrimination à son égard ;
– que l’ADSEA 17 LP a donc bien manqué à ses obligation de sécurité à son égard et a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail qui les liait.
L’article L 4121-1 du code du travail énonce :
‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
– Des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité du travail, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
– Des actions d’information et de formation ;
– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.
Aussi, l’employeur est tenu d’une obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Cependant en l’espèce la cour observe que Mme [G] [F] ne produit pas la moindre pièce établissant même indirectement que l’ADSEA 17 LP a manqué à son égard à son obligation de sécurité, étant précisé que rien ne permet de retenir que les troubles de santé dont elle a souffert et pour lesquels elle a été placée en arrêt de travail d’abord entre août 2016 et juillet 2018 puis à compter du 28 septembre 2018 étaient liés même partiellement à ses conditions de travail. La cour relève à cet égard que si la pièce n° 5 produite par Mme [G] [F] qui consiste en un extrait de son ‘dossier médical santé travail’ fait état de comportements inadaptés (reproches, pressions) de l’employeur ou de la responsable des ressources humaines au sein de l’association, il s’agit en réalité de griefs formulés par la salariée elle-même auprès du médecin du travail, griefs se rapportant à des faits que ce dernier n’a pas personnellement constatés et qui ne sont justifiés par aucun témoignage objectif.
Enfin le licenciement de Mme [G] [F] n’a pas été prononcé en raison de son état de santé.
En conséquence la cour déboute Mme [G] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
– Sur le licenciement :
Au soutien de son appel, l’ADSEA 17 LP expose en substance :
– que l’appréciation de l’insuffisance professionnelle d’un salarié relève du seul pouvoir de direction de l’employeur ;
– qu’en l’espèce les faits allégués à l’appui du licenciement sont non seulement objectifs, précis et vérifiables mais également imputables à Mme [G] [F] ;
– que ces faits ont généré une insécurité pour l’encadrement et beaucoup d’appréhension quant à la réalisation des tâches du service des ressources humaines ;
– que plus précisément l’insuffisance professionnelle de Mme [G] [F] s’est traduite par une insuffisance à assurer la gestion administrative du personnel, une insuffisance dans l’établissement des paies et des déclarations sociales nominatives, une absence de garantie du classement et de la conservation des documents administratifs et une insuffisance de suivi des délais ;
– que pourtant lorsque Mme [G] [F] a repris le travail en août 2018 son poste tout comme les outils de travail (logiciel) n’avaient pas changé et il lui était demandé d’utiliser les tableaux qu’elle avait elle-même créés avant son arrêt de travail ;
– qu’il n’a pas été demandé à Mme [G] [F] de former une secrétaire comme elle le prétend ;
– que le médecin du travail tout comme le psychiatre de Mme [G] [F] avaient validé sans réserve sa reprise du travail à temps plein ;
– que Mme [G] [F] qui en avait la faculté n’a pas contesté l’avis d’aptitude rendu par le médecin du travail ;
– que Mme [G] [F] ne peut prétendre qu’elle n’a pas bénéficié d’une formation suffisante pour garantir son adaptation à son poste de travail quand en 2016 elle a initié une VAE ‘Professionnel gestionnaire de paie’, en juillet 2018 elle a participé à une formation relative au prélèvement à la source et à la fusion des régimes ARRCO et AGIRC et qu’encore au cours de l’entretien du 10 août 2018 il lui avait été annoncé une formation interne de deux mois suite à sa longue absence.
En réponse, Mme [G] [F] objecte pour l’essentiel :
– qu’elle aurait dû reprendre ses fonctions en août 2018 à mi-temps thérapeutique comme l’avait prévu le médecin du travail mais que l’ADSEA 17 LP a refusé cette possibilité ;
– qu’en réalité l’ADSEA 17 LP ne souhaitait pas son retour et s’est ingéniée à la mettre en échec lorsqu’elle a repris ses fonctions ;
– que l’ADSEA 17 LP avait déjà prévu son remplacement et recruté un salarié à cette fin, M. [C] ;
– que la période de sa reprise du travail correspondait aux congés payés mais aussi au recrutement de nombreux CDD ;
– qu’elle n’a bénéficié d’aucune formation pour se remettre à niveau et se familiariser avec les nouvelles procédures et les évolutions réglementaires depuis son départ ;
– que ce n’est que trois semaines après sa reprise du travail qu’elle a bénéficié d’un ‘tuilage’ ;
– qu’elle a subi une pression constante au lieu d’un accompagnement positif ce dont elle s’était ouverte auprès du médecin du travail ;
– qu’alors qu’il lui était reproché sa lenteur dans l’exécution de ses tâches, il lui a été demandé de former une secrétaire ;
– qu’elle n’a pas eu le temps de bénéficier de mesures de formation ou d’adaptation avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ;
– qu’un employeur ne peut sanctionner un salarié pour insuffisance professionnelle si les réserves du médecin du travail sont de nature à expliquer l’insuffisance de ses résultats ;
– que l’employeur ne peut invoquer l’insuffisance professionnelle que si tous les moyens en temps et en formation ont été donnés au salarié pour qu’il puisse faire ses preuves ;
– que pour illustrer son insuffisance professionnelle, l’ADSEA 17 LP ne fait état que 5 bulletins de salaires sur une moyenne de 190 bulletins produits par mois ;
– que son licenciement était donc bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– que de surcroît la véritable cause de son licenciement résidait dans son état de santé, ce qui doit conduire la cour à juger que son licenciement est nul en vertu des dispositions de l’article L. 1132-1 du Code du travail ;
– que sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement est recevable en application de l’article 565 du Code de procédure civile.
Selon la lettre en date du 26 octobre 2018 que l’ADSEA 17 LP lui a adressée, Mme [G] [F] a été licenciée aux motifs énoncés en ces termes :
‘… Malgré cet accompagnement et cette aide, vos difficultés à gérer convenablement, intégralement et dans les temps un trop grand nombre de dossiers et de tâches nous obligent à constater votre insuffisance professionnelle qui s’est notamment traduite par les faits suivants :
– Insuffisance à assurer la gestion administrative du personnel :
A titre d’exemple, sans que cette liste ne soit exhaustive, la procédure de la maladie et celle des congés payés ne sont pas acquises. Ne l’est pas non plus celle de la modification de la date de fin d’un contrat à durée déterminée.
Au 7 septembre 2018, vous n’aviez toujours pas établi de solde de tout compte pour un salarié dont le contrat de travail avait été rompu en début de mois. Les dossiers de la prévoyance Chorum n’avaient pas été réalisés.
Au 14 septembre 2018, aucun solde de tout compte que vous deviez établir n’avait été fait.
Nous sommes contraints de constater votre manque d’attention et votre insuffisance voire absence de sens des priorités, une des compétences fondamentales de votre fonction.
– Insuffisance dans l’établissement des paies et des déclarations sociales nominatives :
Or vous avez fait preuve d’une inattention patente, d’une incompréhension déconcertante et inquiétante par rapport aux procédures, aux données et à la hiérarchie des priorités.
La semaine 34, et alors même que le technicien paie vous a expliqué le process à suivre dans l’établissement d’un bulletin de salaire, vous avez mis plus d’une semaine à comprendre que la priorité était de traiter les salariés en contrat à durée indéterminée pour qu’ils puissent recevoir leur paie en temps et en heure avant de solder les contrats à durée déterminée.
Ainsi, au lieu d’établir les bulletins de salaire en trois jours, vous y avez passé quatre jours 1/2 et encore, avec l’aide du technicien de paie.
Malgré quatre semaines de ‘tuilage’ avec le technicien paie, la préparation de la paye n’était pas faite semaine 38, occasionnant ainsi un retard dans l’établissement de la paie et donc des désagréments pour le personnel qui a eu son salaire avec un jour de retard…
Outre cette absence de maîtrise de la technicité des procédures, il a été relevé des erreurs, anomalies et incohérences dans les bulletins de salaire…
L’établissement des déclarations sociales nominatives a révélé non seulement votre insuffisance patente mais également votre absence d’organisation et d’attention. Alors que celles-ci doivent être adressées au 05 de chaque mois, vous les avez clôturées avec un jour de retard, ce qui n’est pas acceptable.
– Absence de garantie du classement et de la conservation des documents administratifs :
… Toutes les semaines, il est indispensable de scanner les originaux des contrats de travail et tout document constituant le dossier du salarié et de les enregistrer dans le logiciel ‘dossier du personnel informatique’. Tout comme il est primordial de trier et ranger la boîte email dédiée à votre poste.
Or, de la semaine 32 à la semaine 38, soit pendant sept semaines, vous n’avez pas accompli ces tâches désorganisant ainsi le service des ressources humaines et contraignant vos collègues à effectuer à votre place le scannage er l’archivage des données.
– Insuffisance du suivi des délais :
Le calendrier des payes et celui des déclarations sociales nominatives n’est pas acquis.
Outre ces griefs précis et objectifs nous obligeant à conclure à votre inadaptation à l’emploi occupé, s’ajoute vos difficultés relationnelles avec l’équipe des ressources humaines.
En effet votre manque de solidarité avec l’ensemble de l’équipe a rendu votre collaboration difficile ; en votre qualité de technicien qualifié du pôle des ressources humaines, il vous appartenait d’avoir un esprit de coopération et le sens du travail en équipe, bases fondamentales du métier.
Force est de constater que plutôt que de vous consacrer pleinement à remplir vos obligations professionnelles les plus élémentaires, vous vous êtes affairée à critiquer l’organisation du travail et à dénigrer votre hiérarchie, ce qui est intolérable…’.
Ainsi en résumé le licenciement de Mme [G] [F] à été prononcé aux motifs de son insuffisance professionnelle et de ses difficultés relationnelles et de leur impact au sein de l’équipe à laquelle elle appartenait.
Il est acquis que l’appréciation des aptitudes professionnelles du salarié relève du pouvoir de l’employeur. Toutefois l’insuffisance alléguée au soutien d’une décision de licenciement doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur. En outre les griefs formulés par l’employeur doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
L’insuffisance professionnelle s’entend soit de la situation correspondant à une insuffisance de résultats dans laquelle le salarié n’a pas atteint ses objectifs quantitatifs soit de celle dans laquelle le salarié ne fournit pas, dans le cadre de son travail, la prestation attendue ou ne parvient pas à remplir ses fonctions en totalité ou avec la rapidité souhaitée soit encore de la situation d’inadaptation professionnelle au regard des évolutions techniques.
Dans le but de rapporter la preuve des griefs aux motifs desquels elle a prononcé le licenciement de Mme [G] [F], l’ADSEA 17 LP verse aux débats les pièces suivantes :
– sa pièce n° 10 : il s’agit d’un document dactylographié, intitulé ‘compte-rendu des entretiens : [G] [K]/[S] [N]’, qui mentionne, semaine par semaine de la période ayant couru du 3 août au 23 septembre 2018, une liste d’objectifs dont chacun est suivi de la mention ‘réalisé’ ou de la mention ‘non réalisé’.
La cour relève d’une part que ce document mentionne majoritairement des objectifs ‘non réalisés’ et d’autre part que ce document ne contient pas la signature de Mme [G] [F] mais une signature qui n’est pas identifiable mais semble être celle de Mme [S] [N].
– sa pièce n° 18 : il s’agit d’un document intitulé ‘Définition de fonction’, se rapportant à la fonction de technicien de paie, mis à jour le 28 septembre 2015.
La cour observe d’une part que ce document n’est pas signé par Mme [G] [F] et qu’en outre son nom n’y figure pas même et d’autre part que l’emploi occupé par Mme [G] [F] au sein de l’association était celui de ‘technicien qualifié du pôle ressources humaines’.
– sa pièce n° 20 : il s’agit de notes manuscrites dont l’ADSEA 17 LP indique qu’elles ont été prises par Mme [G] [F].
– sa pièce n°21 : il s’agit d’une attestation rédigée par M. [X] [C] qui y déclare en substance qu’il a travaillé en doublon avec Mme [G] [F] du 20 août au 15 septembre 2018, qu’il l’a assistée et corrigée pendant 4 semaines, qu’il y avait quelques nouveautés par rapport à son départ en 2016 mais que techniquement son travail n’avait pas changé. Ce témoin ajoute : ‘Toutefois le constat était celui-ci : Elle prenait des notes, beaucoup de notes mais ne les relisait pas. Je lui expliquais certains calculs (congés payés par ex.) et elle me disait qu’elle ne comprenait pas. Elle ne traitait pas du tout les priorités comme il le fallait. Elle avait beaucoup de difficultés à regrouper les informations (mail, planning, convention…). Elle parlait en permanence du souvenir de ce qu’elle pratiquait deux ans auparavant… Elle contestait et critiquait ouvertement les demandes de la RRH alors qu’elle m’a demandé les mêmes choses pendant le remplacement (elle disait que la RRH ne s’en souvenait plus). Après chaque interruption (téléphone, mail pro et les nombreux SMS qu’elle recevait sur son portable), en reprenant là où elle en était, elle avait oublié ce qu’elle faisait et devait tout reprendre. Elle a été en retard sur toutes les obligations : DSN (URSSAF), soldes des salariés, archivage, reporting… Mais le plus surprenant reste les plannings d’annualisation EXCEL. C’est elle qui les a intégralement construits… Elle s’est même étonnée de ne pas se souvenir du fonctionnement de ses propres tableurs’.
Cette attestation fait certes apparaître que Mme [G] [F] a rencontré des difficultés lors de la reprise de ses fonctions. Cependant ces difficultés doivent s’apprécier au regard de la longue période d’absence de la salariée puisque près de deux années s’étaient écoulées entre son premier arrêt de travail et sa reprise du travail, période durant laquelle elle a même dû être hospitalisée en psychiatrie.
– sa pièce n° 22 : il s’agit d’un courriel en date du 28 septembre 2019 adressé à Mme [S] [N] par M. [X] [C] dans lequel ce dernier énumère ses observations au sujet du travail de Mme [G] [F] durant les 4 semaines pendant lesquelles il a aidé celle-ci à reprendre ses fonctions.
Les observations formulées par M. [X] [C] dans ce courriel coïncident avec les termes de son attestation précitée.
– sa pièce n° 23 : il s’agit d’un document que l’ADSEA 17 LP qualifie de check-list et dont elle indique qu’il a été remis à Mme [G] [F] afin qu’aucune date ne soit occultée.
La cour observe d’une part que rien n’indique que ce document ait été remis à Mme [G] [F] et d’autre part qu’à supposer cette remise admise, il n’apporte aucun éclairage sur les griefs énoncés dans la lettre de licenciement.
– ses pièces n° 24 à 28 : il s’agit de bulletins de salaire de salariés de l’ADSEA 17 LP dont celle-ci soutient qu’ils contenaient tous une erreur (exemple : pièce n° 24, omission des congés payés).
La cour observe que si Mme [G] [F] ne conteste pas avoir commis les erreurs affectant ces 5 bulletins de salaire, elle fait valoir également que ce nombre d’erreurs doit être considéré au regard du nombre de bulletins qu’elle devait établir chaque mois et qu’elle chiffre à 190, ce nombre étant au demeurant corroboré par la pièce n° 29 produite par l’employeur.
– sa pièce n° 32 : il s’agit d’un ensemble de documents tous intitulés ‘Bordereau de confirmation’ dont la lecture ni rien ne permet de déduire, comme le soutient cependant l’ADSEA 17 LP, que la préparation de la paye ‘n’était pas faite semaine 38’.
– sa pièce n° 33 : il s’agit d’un document intitulé ‘DSN/ La déclaration sociale nominative’.
La cour observe que ce document mentionne notamment que la télé-déclaration… avait été transmise le 05/10/2018 et enregistrée par l’URSSAF le même jour et qu’en conséquence cette pièce ne démontre pas que, contrairement à ce que soutient l’ADSEA 17 LP, Mme [G] [F] avait transmis des déclarations sociales nominatives en retard pour ne pas les avoir adressées ‘au 05 de chaque mois’.
– enfin sa pièce n° 36 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [S] [N] qui y mentionne : ‘Malgré l’accompagnement que j’ai mis en place (tuilage avec une personne en contrat à durée déterminée de 4 semaines et mon accompagnement), les retards dans le traitement de l’information RH, le classement non effectué, le manque de concentration m’ont inquiétée quant aux échéances à venir comme l’élaboration des paies de septembre 2018. Le constat des points de vigilance et des bilans réalisés chaque fin de semaine engendrait pour moi l’insécurité et beaucoup d’appréhension quant à la réalisation des tâches RH et de l’inquiétude sur sa façon d’être et de savoir’.
La cour observe en premier lieu que cette attestation ne mentionne pas même le nom de Mme [G] [F] et ensuite que sa rédactrice y mentionne soit des faits (retards dans le traitement de l’information RH et classement non-effectué) génériques qui ne sont illustrés ni par des exemples concrets ni par des pièces, à l’exception des 5 bulletins de salaire déjà cités, permettant à la cour d’en apprécier le sérieux voire la gravité.
La cour considère que ces éléments, même pris dans leur ensemble, n’établissent pas de manière précise, objective et vérifiable des défaillances imputables à la salariée qui caractériseraient son insuffisance professionnelle, étant ajouté que l’employeur qui avait émis son opposition à la reprise du travail par Mme [G] [F] en mi-temps thérapeutique et qui n’ignorait pas la très longue absence de cette dernière pour cause de maladie, ne lui a laissé que quelques semaines pour s’adapter à sa reprise de poste avant de décider de son licenciement.
En outre la cour relève que le grief énoncé dans la lettre de licenciement relatif aux difficultés relationnelles de Mme [G] [F] et à leur impact au sein de l’équipe à laquelle elle appartenait, n’est aucunement établi.
En conséquence de quoi, la cour dit que le licenciement de Mme [G] [F] ne repose par sur une cause réelle et sérieuse et condamne l’ADSEA 17 LP à payer à Mme [G] [F], en application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, et en tenant compte, pour fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due à la salariée entre le minimum et le maximum prévu par ce texte, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à cette dernière, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la somme de 15 000 euros.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les prétentions de Mme [G] [F] étant pour partie fondées, l’ADSEA 17 LP sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [G] [F] l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, l’ADSEA 17 LP sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, la cour confirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’ADSEA 17 LP à verser à Maître Laurence Ricou, avocate, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.