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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/08377 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MXOQ
Société TNLS
C/
[L]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTBRISON
du 19 Novembre 2019
RG : 18/00130
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 MARS 2023
APPELANTE :
Société TNLS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Sylvia CLOAREC, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[I] [L]
né le 29 Mars 1994 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Stéphanie ESPENEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 69123/2/2019/40350 du 09/01/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée déterminée, M. [I] [L] a été embauché à compter du 16 janvier 2018 pour une durée de deux mois, en qualité de chauffeur-livreur zones courtes, par la SARL TNLS. La relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée à compter du 17 mars 2018, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 466,62 euros.
La société TNLS, qui exerce une activité de transport de marchandises, emploie plus de dix salariés et applique la convention collective des transports routiers.
La société TNLS invoque :
– une dégradation rapide du comportement de M. [L] qui n’aurait pas respecté les consignes, un comportement agressif du salarié avec les préparateurs de commandes du client IKEA,
– le défaut de port des chaussures de sécurité,
– une altercation entre M. [L] et l’un de ses collègues survenue le 22 septembre 2018.
Le 23 septembre 2018, l’employeur a informé M. [L], par message écrit (SMS), de sa mise à pied et de la rupture de son contrat de travail en ces termes :
« Suite à la mésentente et l’altercation qui a eu lieu ce samedi 23 septembre.
Le travail qui vous est demandé doit se réaliser en équipe.
Nous ne pouvons travailler dans ces conditions et nous ne pouvons pas adapter le planning en fonction des humeurs de chacun.
Nous n’avons d’autres choix que de vous faire part que vous êtes mis à pied à partir de ce jour, et que nous sommes dans l’obligation de rompre votre contrat de travail.
Les documents de rupture, ainsi que l’attestation pôle emploi, vous seront remis ultérieurement.»
Par courrier recommandé en date du 24 septembre 2018, réceptionné le 29 septembre 2018, l’employeur a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave en ces termes :
« Le samedi 22 septembre, lors de notre entretien, vous m’avez fait part d’une altercation avec la personne avec qui vous étiez en poste.
Le poste que vous occupez se passe en binôme, nous ne pouvons pas prendre le risque qu’une nouvelle altercation éclate entre vous, car cela pourrait mettre votre personne en danger et pourrait mettre en danger également notre collaboration avec notre client déjà mise à mal à cause de votre mauvaise entente avec la représentante de notre client sur votre lieu de travail. Notre client ayant eu plusieurs retours négatifs, de la part de la société chez qui vous êtes en poste, et vu la situation envers vos collègues, je me vois donc dans l’obligation, de vous signifier par la présente, votre licenciement, pour faute grave. A compter de ce jour le 24 septembre 2018’».
Le 26 septembre 2018, M. [L] s’est présenté sur son lieu de travail et l’employeur a fait appel aux services de police pour le contraindre à quitter les lieux. C’est dans ces circonstances que le salarié a fait, auprès des services de police de [Localité 6], la déclaration suivante :
‘ Mon employeur m’a envoyé un message dimanche dernier pour me licencier.
Il veut me licencier pour une altercation qu’il y a eu avec un collègue de travail.
Je n’ai reçu aucune lettre recommandée avec accusé de réception.
Suite à cela, et suite au conseil de l’inspection du travail, je n’en ai pas tenu compte et je suis retourné au travail car à leurs yeux ce message n’a aucune valeur.
Mon employeur m’a demandé de partir ce que j’ai refusé.
Suite à cela, il a fait appel au 17 et vos collègues sont intervenus.
Vos collègues m’ont conseillé de déposer cette main courante (…)’
Par requête en date du 10 décembre 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Montbrison en lui demandant de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse; à titre subsidiaire, prononcer l’irrégularité de la procédure de licenciement et constater le non-respect des durées maximales de travail; condamner la société TNLS à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral, de rappel d’heures supplémentaires, et de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail.
Par jugement en date du 19 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Montbrison a :
– dit que le licenciement de M. [I] [L] ne repose pas sur une faute grave,
En conséquence,
– condamné la S.A.R.L. TNLS au paiement des sommes suivantes :
1 894,73 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
189,47 euros au titre des congés payés afférents,
473,68 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
1 894,73 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
637,97 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires,
63,80 euros au titre des congés payés afférents,
500,00 euros au titre de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail,
2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à la S.A.R.L. TNLS de remettre à M. [I] [L] des bulletins de salaires et une attestation Pole Emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 4 décembre 2019,
– débouté M. [I] [L] du surplus de ses demandes,
– débouté la S.A.R.L. TNLS de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la S.A.R.L. TNLS aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés comme
il est dit en matière d’aide juridictionnelle.
La société TNLS a interjeté appel de ce jugement, le 5 décembre 2019.
Dans ses conclusions notifiées le 26 février 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la société TNLS demande à la cour de :
– constater que la moyenne de salaire la plus favorable s’élève à 1 794,61 euros,
I/ Sur le licenciement pour faute grave
À titre principal,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes,
En conséquence,
– dire que le licenciement est fondé sur une faute grave,
À titre subsidiaire,
– dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– dire et juger que M.[L] ne justifie pas d’un préjudice spécifique,
En tout état de cause,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes,
En conséquence,
– dire et juger le calcul de l’indemnité de licenciement opéré par M.[L] erroné,
En conséquence,
– constater que celle-ci s’élève à 308,93 euros,
II/ Sur la procédure de licenciement
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes,
En conséquence,
– dire et juger que M. [L] ne justifie pas d’un préjudice spécifique lié au non-respect de la procédure de licenciement,
III/ Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes,
En conséquence,
– dire et juger que M. [L] ne justifie pas d’un préjudice moral,
IV/ Sur la demande de dommages et intérêts en raison du non-respect des durées maximales de travail au titre de la durée quotidienne et de la durée hebdomadaire
À titre principal,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes,
En conséquence,
– dire et juger que M. [L] ne justifie pas du bien fondé de ses demandes,
En tout état de cause,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes,
– dire et juger que M. [L] ne justifie pas d’un préjudice lui permettant de solliciter des dommages et intérêts,
En conséquence,
– le débouter de sa demande,
V/ Sur les heures supplémentaires
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes,
En conséquence,
– dire et juger que M. [L] ne rapporte pas d’éléments permettant de corroborer l’existence
d’heures supplémentaires non rémunérées,
En conséquence,
– le débouter de sa demande.
VI/ L’article 700 du code de procédure civile
– dire et juger qu’il n’y a pas lieu d’allouer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’intimé,
VII/ Sur la demande reconventionnelle de la société TNLS Transport
– condamner M. [L] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le même aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 20 mai 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. [L] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montbrison en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse son licenciement, et condamné la société TNLS à lui verser diverses sommes à ce titre ainsi qu’au titre des heures supplémentaires et non respect de la durée maximale du travail,
Par conséquent,
– condamner la société TNLS à lui verser les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 1 923,14 euros,
indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 192,31 euros,
indemnité de licenciement : 480,78 euros,
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 923,14 euros,
dommages-intérêts pour préjudice moral : 2 000 euros,
à titre subsidiaire, indemnité pour non-respect de la procédure : 1 923,14 euros,
– constater que les durées maximales de travail au titre de la durée quotidienne et de la durée hebdomadaire n’ont pas été respectées,
– condamner la société TNLS à lui verser la somme de 2 500 euros, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect des durées maximales de travail,
– constater que toutes les heures supplémentaires qu’il a effectuées ne lui ont pas été payées,
– condamner la société TNLS à lui verser la somme de 637,97 euros à titre d’heures supplémentaires outre la somme de 63,80 euros à titre de congés payés sur heures supplémentaires,
Mais encore,
– condamner la société TNLS à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
SUR CE :
– Sur le licenciement :
La société TNLS fait valoir que :
– M. [L] était coutumier des altercations avec son binôme, ce qui mettait en danger sa collaboration avec son principal client,
– le 22 septembre 2018, M. [L] a provoqué une altercation avec son binôme et le comportement fautif du salarié s’est poursuivi le 26 septembre lorsqu’il s’est rendu sur le site d’IKEA,
– M. [L] avait d’ores et déjà eu une attitude inappropriée avec la représentante du client en question, sur son lieu de travail,
– elle avait déjà eu plusieurs retours négatifs de la part de la société chez laquelle M. [L] était en poste, notamment eu égard à son comportement avec ses collègues,
– M. [L] a commis différents manquements antérieurement à son licenciement ; ainsi dès le 3 mai 2018, le comportement du salarié posait difficulté dans ses relations avec le client et une plainte le concernant avait d’ores et déjà été enregistrée par M. [B].
M. [L] fait valoir que :
– tant au regard du SMS que de la lettre de licenciement, les motifs sont succincts,
– tout autre motif que ceux évoqués dans le SMS ou la lettre de licenciement doivent être écartés dés lors que le SMS ou la lettre de licenciement fixent le litige,
– aucune des pièces transmises par l’employeur ne permet d’établir la faute grave,
– les mails transmis les 26 et 27 septembre 2018 font référence à des faits ayant eu lieu le 26 septembre, soit après son licenciement, et les autres mails transmis ne le concernent pas en particulier, mais font référence aux chauffeurs et aux livreurs,
– concernant l’altercation avec son binôme [W] [O], avec lequel il a très peu travaillé, c’est [W] [O] qui l’a agressé, ce que l’intéressé a reconnu dans son attestation en indiquant qu’il s’était mêlé d’un échange de SMS ayant eu lieu la veille entre M. [L], M. [R] et M. [B],
– s’agissant de la mauvaise entente avec la représente du client, Mme [F], c’est elle qui avait un comportement dépassant ses prérogatives, tant avec lui qu’avec d’autres salariés de la société TNLS, ce dont plusieurs personnes attestent.
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Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
En l’espèce, l’employeur invoque d’une part, une altercation avec un collègue de travail le 22 septembre 2018, mais force est de constater que la société TNLS ne fournit aucun élément sur les circonstances de cette altercation, à l’exception du témoignage du second chauffeur impliqué, M. [W] [O] qui indique que le jour de l’altercation, [I] (M. [L]) a commencé à l »embrouiller’, suite à un message qu’il avait envoyé la veille sur le groupe.
Faute de tout autre élément relatif à cette altercation, la cour n’est pas en mesure d’en apprécier la nature, ni la gravité et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a jugé que les faits étaient peu précis et qu’ils ne pouvaient être imputés exclusivement à M. [L]. Ce premier grief sera par conséquent écarté comme non établi.
En ce qui concerne la mauvaise entente avec la représentante du client IKEA, la société TNLS produit :
– un courriel de M. [B] du 3 mai 2018 évoquant les problèmes posés par les chauffeurs dans les locaux du client IKEA,
– un courriel de debriefing de la société IKEA [Localité 6] du 21 juin 2018 évoquant une absence d’évolution sur la question des co-chargements , les livreurs refusant de co-charger,
‘sauf [K]’.
– deux courriels datés du 26 et du 27 septembre 2018, relatif à l’incident provoqué par Monsieur [L] en raison de son refus du licenciement notifié par voie de sms.
Or, la cour observe d’une part, que les deux premiers courriels ne visent à aucun moment
M.[L] en particulier, mais l’ensemble des chauffeurs dans des termes généraux et non circonstanciés ; que ces courriels sont antérieurs de plus de deux mois à la notification du licenciement, de sorte qu’il s’agit en tout état de cause, de faits prescrits s’agissant d’un licenciement pour faute grave.
La cour observe d’autre part, que les deux derniers courriels sont postérieurs à la notification du licenciement par sms du 23 septembre 2018 et que l’incident auquel ils se réfèrent à été provoqué par l’irrégularité de la procédure de licenciement mise en oeuvre sans entretien préalable.
Le second grief retenu contre M. [L] ne saurait par conséquent reposer sur de tels éléments.
Enfin, les attestations de chauffeurs ou de l’agent d’exploitation M. [X] qui indique notamment que [I] n’était pas l’employé le plus ponctuel, qu’il était souvent en retard, qu’il ne respectait pas les temps de pause et qu’il refusait de réaliser des co-chargements, ne sont pas de nature à fonder une faute grave dés lors qu’elles sont insuffisamment circonstanciées et qu’elles se réfèrent, en tout état de cause, à différents griefs qui ne sont pas visés par la lettre notifiant le licenciement.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que la société TNLS n’établit pas les faits qu’elle impute à M. [L]. Le licenciement se trouve donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
La demande subsidiaire fondée sur l’irrégularité de la procédure de licenciement devient sans objet.
– Sur les indemnités de rupture :
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité légale de licenciement.
La société TNLS soutient que la moyenne des salaires à retenir est celle des mois de février à août 2018 (mois de salaires complets), soit la somme de 1 794,61 euros.
M. [L] retient pour sa part, la moyenne plus favorable des trois derniers mois complets comprenant 85,22 euros payée en juin 2018 au titre des heures supplémentaires.
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L’article R. 1234-4 du code du travail énonce que :
‘ Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.’
Conformément aux dispositions sus-visées, la cour écarte le calcul proposé par la société TNLS qui n’est pas conforme aux sommes mentionnées sur les bulletins de salaire, et retient la moyenne la plus favorable au salarié, soit celle des trois derniers mois (5 769,41/3 = 1 923,14 euros).
La société TNLS sera donc condamnée à payer à M. [L] les sommes suivantes :
* 1 923,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
* 192,31 euros de congés payés afférents
* 480,78 euros à titre d’indemnité de licenciement, soit 1 923,14 x 1/4 en application des dispositions de l’article R. 1234-2 du code du travail.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé sur le montant des indemnités de rupture.
– Sur les dommages- intérêts :
M. [L] qui avait moins d’un an d’ancienneté dans la société TNLS peut prétendre, conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, à une indemnité maximale équivalant à un mois de salaire brut.
La cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement évalué par les premiers juges, mais infirme le jugement sur le montant de l’indemnité compte tenu du salaire moyen retenu comme base de calcul.
La société TNLS sera donc condamnée à payer à M. [L] la somme de 1 923,14 euros en réparation de son préjudice résultant de la perte de son emploi.
En outre il ne saurait être contesté que les circonstances du licenciement ont occasionné à M. [L] un préjudice moral dés lors qu’il résulte des débats que la société TNLS a fait appel aux forces de l’ordre pour contraindre son salarié à renoncer à sa prise de poste chez un client.
Si la société TNLS soutient que cette intervention n’avait pour seule justification que le trouble manifeste à l’ordre public causé par M. [L] chez le client, il n’en reste pas moins que la procédure de licenciement était irrégulière, et que la demande de réintégration exprimée par M. [L] par sa présence sur le site, n’était pas illégitime à la date du 26 septembre 2018.
Le jugement déféré qui lui a alloué la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral est confirmé.
– Sur la demande au titre du non respect des durées maximales de travail :
M. [L] expose que :
– son contrat de travail prévoyait qu’il était engagé pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, du lundi au samedi, horaire variable selon besoin du service de transport,
– il transmettait sa durée de travail à son employeur via son téléphone portable et l’employeur recevait chaque mois les heures de travail qu’il avait effectuées,
– s’il travaillait habituellement 8 heures par jour, il lui arrivait régulièrement de dépasser cet horaire; il a effectué des journées de travail dépassant 12 heures et des semaines de travail dépassant 46 heures de travail,
– les horaires ne sont pas contestés par l’employeur qui lui a payé régulièrement ses heures supplémentaires,
– il a subi un préjudice du fait du non-respect des durées quotidiennes et hebdomadaires de travail et son préjudice est constitué d’une part par le trouble apporté dans sa vie personnelle et d’autre part, par la mise en danger de sa santé et de sa sécurité, n’ayant pas pu bénéficier du repos nécessaire à sa récupération.
La société TNLS fait valoir que :
– M. [L] bénéficiait de nombreuses interruptions de travail, notamment liées aux opérations de chargement et de déchargement et des temps d’attente de préparation des commandes,
– elle veillait à ce que ses chauffeurs effectuent une prestation de travail effective de 8 heures journalières,
– si l’amplitude de la journée de travail peut parfois être importante, notamment en raison des interruptions de travail précitées, cela n’implique pas que le salarié ait travaillé au-delà de ce qui était possible,
– elle a respecté ses obligations et le salarié ne justifie pas du préjudice subi.
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M. [L] produit à l’appui de sa demande un relevé d’heures du 16 janvier 2018 au 22 septembre 2018 dont il ressort un certain nombre de journées dépassant 8 heures de travail et des semaines de travail de plus de 46 heures.
Il soutient par exemple qu’il a effectué 106 heures de travail en janvier, alors que son bulletin de salaire mentionne 96 heures de travail. Il soutient également qu’il a effectuée 6 jours à
8 heures du 22 janvier au 27 janvier 2018, ainsi que du 12 février au 17 février 2018.
Le code du travail fixe un temps de pause minimum et des limites maximales de travail et il incombe à l’employeur d’établir la preuve qu’il a veillé au respect des limites maximales de travail et des temps de pause.
En l’espèce, la société TNLS ne produit aucun élément en ce sens . Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à M.[L] des dommages-intérêts pour non respect des durées maximales de travail et la somme allouée sera portée à 1 000 euros.
– Sur la demande en paiement de rappel d’heures supplémentaires :
M. [L] demande le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires de 637,97 euros, outre 63,80 euros de congés payés afférents. Il fonde sa demande sur sa pièce n°13 qui se présente comme un décompte d’heures journalières pour chaque mois de la relation contractuelle.
Il expose que :
-il transmettait la durée de travail à son employeur via son téléphone portable et que l’employeur recevait ainsi chaque mois les heures de travail effectuées,
– pour le mois de janvier 2018, il a effectué 106 heures dont 20 heures supplémentaires alors que 96 heures lui ont été payées
– pour le mois de février 2018, il a perçu un salaire correspondant à 151,76 heures + 18 heures d’équivalence majorées à 25% alors qu’il a effectué 48 heures de travail en semaine 7 et qu’il aurait donc dû percevoir des majorations à 50%,
– pour le mois d’avril 2018, il aperçu un salaire correspondant à 151,67 heures + 5 heures majorées à 25% alors qu’il aurait dû percevoir 14,25 heures majorées à 25%,
– pour le mois de juillet 2018, il a perçu un salaire correspondant à 151,67 heures + 6,08 heures d’équivalence majorées à 25%, alors qu’il aurait dû percevoir 13,25 heures majorées à 25% et 1 heures majorée à 50%,
– pour le mois de septembre 2018, il a perçu un salaire correspondant à 151,67 heures – 21,17 heures ( sortie d’entreprise), alors qu’il aurait dû percevoir 18 heures supplémentaires majorées à 25%,
– l’employeur ne calculait pas les heures supplémentaires à la semaine, mais au mois, ce qui explique qu’aucune majoration à 50% n’est appliquée et qu’aucune heure supplémentaire n’a été payée en janvier 2018.
La société TNLS fait valoir que :
– M. [L] n’apporte pas d’éléments sérieux et objectifs à l’appui de sa demande, le salarié se contentant d’indiquer de manière laconique un nombre d’heures par journée, sans préciser, ni les heures de début et de fin de journée, ni les pauses dont il a pu bénéficier, ni les heures de déjeuner,
– le système était déclaratif, de sorte qu’elle reportait au mois le mois les heures supplémentaires déclarées par les salariés,
– M. [L] a modifié de manière manuscrite certaines de ces informations qu’il avait lui même reportées,
– tout au long de la relation de travail, elle a régulièrement rémunéré des heures supplémentaires à M. [L], qui n’a à aucun moment, ni par texto, ni par courrier, sollicité le paiement d’heures supplémentaires qui n’auraient pas été rémunérées.
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Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur doit établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Et selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tien à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.
Ainsi, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient à l’employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le décompte produit par le salarié en pièce n°13 et le calcul du rappel d’heures supplémentaires proposé par M. [L] en pages 24 à 27 de ses conclusions, satisfont à l’exigence de précision rappelée ci-dessus dés lors que ces éléments mettent l’employeur en situation de répondre à la demande en apportant ses propres éléments.
Le fait que M. [L] n’ait exprimé, de quelque façon que ce soit, des revendications relatives à des heures supplémentaires non payées au cours de la relation contractuelle ne présume nullement d’une renonciation du salarié à faire valoir ses droits, de sorte que ce moyen est inopérant.
Il résulte des bulletins de salaire versés aux débats, que la société TNLS a régulièrement payé des heures supplémentaires à M. [L] à l’exception du mois de janvier 2018, mais elle ne produit aucun élément, décompte, relevés de disques ou autres permettant de vérifier qu’elle a effectivement opéré un contrôle de la durée du travail et qu’elle a payé la totalité des heures effectuées.
Dans ces conditions la cour confirme le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de M. [L] et a condamné la société TNLS à lui payer la somme de 637,97 euros outre 63,80 euros de congés payés afférents à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période de janvier à septembre 2018.
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société TNLS les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [L] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société TNLS, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement ;
CONFIRME le jugement déféré sauf sur le montant des indemnités de rupture et des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non respect des durées maximales de travail
STATUANT à nouveau sur ces chefs et y ajoutant
CONDAMNE la société TNLS à payer à M. [L], les sommes suivantes :
* 1 923,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
* 192,31 euros de congés payés afférents
* 480,78 euros à titre d’indemnité de licenciement
* 1 923,14 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi.
* 1 000,00 euros de dommages-intérêts pour non respect des durées maximales de travail
CONDAMNE la société TNLS à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE la société TNLS aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE