Les conditions d’un accord tacite de l’URSSAF

Notez ce point juridique

Selon l’article R 243-59-7 du code de la sécurité sociale, le redressement établi en application des dispositions de l’article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n’ont pas donné lieu à observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l’article R. 243-59 dès lors que : 1° L’organisme a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ; 2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées

1. Attention à la prescription des cotisations et contributions sociales, qui se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. Dans le cas d’un contrôle, le délai de prescription est suspendu pendant la période contradictoire. Assurez-vous de respecter ces délais pour éviter tout redressement ultérieur.

2. Il est recommandé de bien vérifier les obligations de vigilance prévues par le code du travail lors de la conclusion de contrats avec des prestataires de services. Assurez-vous de demander et de conserver les documents nécessaires pour prouver que votre cocontractant s’acquitte de ses obligations sociales et fiscales, afin d’éviter tout redressement ultérieur.

3. Soyez attentif à l’application des mesures de réduction et d’exonération des cotisations sociales en cas de constat d’infractions au code du travail. Assurez-vous de respecter les dispositions légales en matière d’annulation des réductions ou exonérations en cas de travail dissimulé, pour éviter des sanctions financières supplémentaires.


L’Urssaf d’Aquitaine a notifié à Mme [J], dirigeante d’un laboratoire d’analyse de biologie, une annulation de réductions ou exonérations de cotisations sociales pour un montant total de 31.860 euros en raison d’un manquement à son obligation de vigilance envers un sous-traitant poursuivi pour travail dissimulé. Mme [J] a contesté ces décisions devant la commission de recours amiable de l’Urssaf et le tribunal de Grande instance de Bordeaux, mais les recours ont été rejetés. Elle a ensuite fait appel de la décision du tribunal, demandant l’application de la prescription extinctive, l’annulation des mises en demeure et des dommages et intérêts. L’Urssaf a demandé la confirmation du jugement initial et des dommages et intérêts. L’affaire a été fixée pour être plaidée devant la cour.

Motifs de la décision

Sur l’existence d’un accord tacite résultant d’un précédent contrôle

Mme [J] invoque un accord tacite de l’Urssaf concernant les conditions de travail avec M. [H]. Cependant, les contrôles précédents n’ont pas porté sur les mêmes éléments, rendant cet accord implicite non fondé.

Sur la prescription

La période vérifiée ne tombe pas sous la prescription, étant donné le délai de 5 ans pour les infractions de travail illégal.

Sur la demande d’annulation des chefs de redressement pour non respect du contradictoire

La communication des pièces du procès-verbal de travail dissimulé était complète, rendant le moyen inopérant.

Sur l’obligation de vigilance

Mme [J] n’a pas respecté les obligations de vérification imposées par le code du travail envers M. [H], ce qui constitue une infraction de travail dissimulé. Les annulations des réductions de cotisations sont validées.

Sur les autres demandes

Mme [J] supportera les dépens et devra verser une somme de 2000 euros à l’Urssaf sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Mme [J] est condamnée à payer à l’Urssaf Aquitaine la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

– Code de la sécurité sociale
– Code du travail
– Code de procédure civile

Article R 243-59-7 du code de la sécurité sociale:
Le redressement établi en application des dispositions de l’article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n’ont pas donné lieu à observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l’article R. 243-59 dès lors que :
1° L’organisme a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;
2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées.

Article L244-3 du code de la sécurité sociale:
Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s’apprécie à compter du 30 juin de l’année qui suit l’année au titre de laquelle elles sont dues.

Article L 8222-1 du code du travail:
Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5.

Article D 8222-5 du code du travail:
En application de l’article D 8222-5, la personne qui contracte est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution, une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois.

Article 700 du code de procédure civile:
L’équité commande d’allouer à l’Urssaf la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS
– Me GUERARD
– Me Sylvain GALINAT de la SELARL GALINAT BARANDAS
– Me BOURDENS

Mots clefs associés

– Accord tacite
– Contrôle Urssaf
– Observations
– Contrôle de l’Urssaf
– Redressement
– Prescription
– Cotisations sociales
– Travail dissimulé
– Obligation de vigilance
– Contrat
– Montant minimum
– Exécution du contrat
– Formalités
– Contradictoire
– Procès-verbal
– Infraction
– Solidarité financière
– Réductions ou exonérations
– Cotisations sociales
– Travailleur indépendant
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile

– Accord tacite: accord qui est sous-entendu ou implicite, sans qu’il soit nécessaire d’exprimer formellement
– Contrôle Urssaf: vérification effectuée par l’Urssaf pour s’assurer de la conformité des cotisations sociales versées par les entreprises
– Observations: remarques ou constatations faites lors d’un contrôle ou d’une vérification
– Contrôle de l’Urssaf: vérification effectuée par l’Urssaf pour contrôler le paiement des cotisations sociales
– Redressement: action de corriger une erreur ou une irrégularité constatée lors d’un contrôle
– Prescription: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Cotisations sociales: contributions financières versées par les employeurs et les salariés pour financer la protection sociale
– Travail dissimulé: pratique illégale consistant à ne pas déclarer un salarié ou à ne pas payer les cotisations sociales
– Obligation de vigilance: devoir de surveillance et de contrôle imposé à une personne ou une entreprise
– Contrat: accord entre deux parties qui définit les droits et les obligations de chacune
– Montant minimum: montant minimum à payer ou à respecter
– Exécution du contrat: mise en œuvre des obligations prévues dans un contrat
– Formalités: démarches administratives à accomplir pour respecter la réglementation en vigueur
– Contradictoire: qui permet à chaque partie de s’exprimer et de présenter ses arguments
– Procès-verbal: document écrit qui relate les constatations et les déclarations faites lors d’un contrôle ou d’une vérification
– Infraction: violation d’une loi ou d’une règle
– Solidarité financière: obligation pour plusieurs personnes de répondre ensemble d’une même dette
– Réductions ou exonérations: diminution ou suppression de certaines charges ou obligations
– Travailleur indépendant: personne qui exerce une activité professionnelle de manière autonome, sans être salarié
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant au juge de condamner la partie perdante à verser une somme d’argent à l’autre partie pour ses frais de justice.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 23 MAI 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/01101 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MSNT

Entreprise [4]

c/

URSSAF AQUITAINE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 février 2022 (R.G. n°19/02726) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 03 mars 2022.

APPELANTE :

Entreprise [4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me GUERARD

INTIMÉE :

URSSAF AQUITAINE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

Adresse de correspondance de l’URSSAF AQUITAINE [Adresse 7]

représentée par Me Sylvain GALINAT de la SELARL GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me BOURDENS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssière, président magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

Le 05 novembre 2018, l’Urssaf d’Aquitaine ( l’Urssaf) a adressé à Mme [J], en sa qualité de dirigeante d’un laboratoire d’analyse de biologie, deux lettres d’observation portant sur la période du 01 janvier 2014 au 31 mars 2017 aux termes desquelles il lui a été notifié une annulation des réductions ou exonérations rappel de cotisations et contributions sociales d’un montant de 18.561 euros au titre de l’établissement situé [Adresse 6] et d’un montant de 13.299 euros concernant l’établissement situé [Adresse 5] au motif qu’elle avait manqué à son obligation de vigilance à l’égard d’un sous-traitant, M. [H], poursuivi pour travail dissimulé.

Le 01 juillet 2019, l’Urssaf a établi deux mises en demeure pour le recouvrement d’une somme totale de 35.713 euros représentant les cotisations et majorations de retard relatives aux périodes et établissements précités.

Le 29 juillet 2019, Mme [J] a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf aux fins de contester ces mises en demeure.

Le 19 novembre 2019, elle a saisi le tribunal de Grande instance de Bordeaux afin de contester le rejet implicite de son recours par cette commission.

Par décision du 28 janvier 2020, la commission de recours amiable de l’Urssaf a rejeté les recours de Mme [J].

Par jugement du 07 février 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-validé la mise en demeure du 01 juillet 2019, pour son montant total de 20.915 euros, relative à l’établissement sis [Adresse 6],

-validé la mise en demeure du 01 juillet 2019, pour son montant de 14.798 euros, relative à l’établissement sis [Adresse 5],

-débouté Mme [J] de ses demandes,

-condamné Mme [J] aux dépens et à verser à l’Urssaf la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 03 mars 2022, Mme [J] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 27 février 2024, Mme [J] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, en conséquence,

A titre principal,

-faire application de la prescription extinctive de sorte que l’Urssaf Aquitaine n’est pas fondée à poursuivre Mme [J],

A titre subsidiaire,

-annuler les mises en demeure du 01 juillet 2019 d’un montant de 20.915 euros et de 14.798 euros,

En tout état de cause,

-condamner l’Urssaf à verser à Mme [J] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 01 mars 2024, l’Urssaf demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme [J] à payer à l’Urssaf la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à l’audience du 14 mars 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l’audience conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

Motifs de la décision

Sur l’existence d’un accord tacite résultant d’un précédent contrôle

Selon l’article R 243-59-7 du code de la sécurité sociale, le redressement établi en application des dispositions de l’article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n’ont pas donné lieu à observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l’article R. 243-59 dès lors que :

1° L’organisme a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;

2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées.

Mme [J] expose qu’elle a fait l’objet d’un contrôle de l’Urssaf en juillet 2016 sur l’application de la législation sociale et qu’elle a remis à l’inspecteur du recouvrement les documents comptables et financiers ainsi que les données sociales concernant ses deux établissements. Or, d’une part, à cette date, elle faisait déjà appel à M. [H] et à son entreprise [3] en qualité de sous-traitant, et d’autre part, la lettre d’observations consécutive à ce contrôle ne lui a nullement reproché que le recours à cette entreprise se faisait dans des conditions irrégulières.

Elle se prévaut, dés lors, des dispositions sus-visées et considère qu’elle doit bénéficier d’un accord implicite de l’Urssaf en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elle travaillait avec M.[H].

Il résulte, toutefois, de la lettre d’observations du 2 septembre 2016 que le premier contrôle n’a porté que sur l’établissement de la rue d’Aviau alors que le contrôle suivant concernait les deux établissements dirigés par Mme [J] et que l’inspecteur du recouvrement n’a contrôlé que le respect des règles relatives à la rémunération des salariés et, notamment, les points suivants : plafond applicable : périodicité mensuelle de paie, forfait social, CSG-CRDS sur la part patronale aux régimes de prévoyance complémentaire, bons d’achat et cadeaux en nature en l’absence de comité d’entreprise, primes de transport, frais professionnels.

Par ailleurs, les deux lettres d’observations du 5 novembre 2018 précisent que les inspecteurs du recouvrement n’ont établi les chefs de redressement liés à l’obligation de vigilance de Mme [J] qu’après avoir procédé à un examen de la situation personnelle de M. [H] et identifié, sur interrogation des fichiers du RSI le concernant, un décalage entre les revenus déclarés et ceux versés par Mme [J] et relevé, en conséquence, une infraction de travail dissimulé.

Il découle de ces éléments que l’objet et les modalités de ces deux contrôles sont distincts et que Mme [J] ne peut se prévaloir d’un accord implicite de l’Urssaf quant à la régularité des opérations de sous-traitance assurées par M. [H].

Le moyen tiré de l’application des dispositions de l’article R 243-59-7 du code de la sécurité sociale n’est donc pas fondé.

Sur la prescription

Mme [J] soulève la fin de non recevoir tirée de la prescription au motif que la période vérifiée a débuté le 1er janvier 2014.

Aux termes de l’article L244-3 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s’apprécie à compter du 30 juin de l’année qui suit l’année au titre de laquelle elles sont dues.

Dans le cas d’un contrôle effectué en application de l’article L. 243-7, le délai de prescription des cotisations, contributions, majorations et pénalités de retard est suspendu pendant la période contradictoire mentionnée à l’article L. 243-7-1 A.

Les majorations de retard correspondant aux cotisations et contributions payées ou à celles dues dans le délai fixé au premier alinéa du présent article se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle a eu lieu le paiement ou l’exigibilité des cotisations et contributions qui ont donné lieu à l’application desdites majorations.

Selon l’article L244-11 du dit code, en cas de constatation d’une infraction de travail illégal par procès-verbal, les délais mentionnés aux articles L. 244-3, L. 244-8-1 et L. 244-9 sont portés à cinq ans.

En l’espèce, le délai de prescription des sommes dues à l’Urssaf au titre de l’obligation de vigilance de Mme [J] est de 5 ans puisque le fondement de cette obligation repose sur un procès-verbal de travail dissimulé établi à l’encontre de M. [H].

Conformément aux dispositions sus-visées, le point de départ de la prescription est le 1er janvier 2015.

Il s’ensuit que les mises en demeure du 1er juillet 2019 portant sur les années 2014-2017 ne sont pas atteintes par la prescription.

Sur ce point, le jugement sera confirmé.

Sur la demande d’annulation des chefs de redressement pour non respect du contradictoire

Faisant valoir qu’elle n’a obtenu la communication du procès-verbal de travail dissimulé qu’en cours de procédure devant la juridiction et que cette communication était incomplète, Mme [J] soutient que l’Urssaf a méconnu la portée de l’article L 8222-2 du code du travail interprété à la lumière de la décision du conseil constitutionnel n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015 aux termes desquelles elle est en droit de contester la régularité de la procédure de solidarité financière et d’obtenir, au titre du respect du contradictoire, la transmission de l’intégralité des pièces de procédure.

Il résulte, toutefois, des pièces du dossier que sont jointes au procès-verbal de travail dissimulé toutes les annexes visées dans le dit procès-verbal, étant observé que Mme [J] ne formule aucune observation pertinente sur ces documents.

Le moyen est donc inopérant.

Sur l’obligation de vigilance

Mme [J] conteste être débitrice des vérifications énoncées à l’article D 8222-5 du code du travail ; elle expose qu’elle a fait appel à l’entreprise de M. [H] dans le cadre de prestations ponctuelles et discontinues et que c’est donc à tort que le tribunal a procédé à une appréciation globale des prestations fournies par ce dernier ; il y a lieu, selon elle, d’analyser de façon isolée et spécifique les contrats qu’elle a passés avec M. [H] ; or, cette étude permet de constater que chacun des contrats conclus avec ce dernier n’excède jamais la somme de 3000 euros, ce qui rend les dispositions de l’article D 8222-5 inapplicables. Elle fait valoir, en tout état de cause, que M. [H] qui exerçait une activité de transport était titulaire d’une licence professionnelle délivrée par la [2] de sorte que l’on ne peut exiger d’elle une vigilance plus forte que ce service de l’Etat qui n’a pu délivrer cet agrément qu’après avoir effectué un contrôle sur les éléments comptables et financiers de l’entreprise.

Aux termes de l’article L 8222-1 du code du travail, toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.

Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret.

En application de l’article D 8222-5 dans sa version issue du décret n°2011-1601 du 21 novembre 2011, la personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution :

1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :

a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;

c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;

d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription.

Il résulte des éléments produits par l’Urssaf que Mme [J], en sa qualité de dirigeante d’un laboratoire d’anatomo-cytopathologiste, a eu recours aux services de l’entreprise de M. [H] à intervalles réguliers sur plusieurs années pour assurer le transport de prélèvements entre les établissements médicaux et son laboratoire; ces prestations de transport ont été chiffrées à partir des documents fournis par M. [H] et Mme [J] ; les montants annuels de ces prestations s’élèvent aux sommes suivantes :

– 33.971,13 euros en 2014,

– 34.159,19 euros en 2015,

– 33.757,92 euros en 2016,

– 10.417,78 euros en 2017.

Soit un total de 112.306,02 euros pour la période contrôlée. Les factures réglées mensuellement par Mme [J] sont toutes supérieures à 2000 euros.

Au regard de tels montants, cette dernière ne peut valablement soutenir que ces prestations étaient isolées. Elle était donc soumise en tant que donneur d’ordre aux obligations énoncées à l’article D 8222-5 du code du travail. Or, il est constant qu’elle n’a pas satisfait à ces formalités. Elle a, ainsi, manqué à son obligation de vigilance.

Le procès-verbal de travail dissimulé établit que M. [H], inscrit au RSI comme micro-entrepreneur, a déclaré un chiffre d’affaire égal à zéro en 2014, 2016 et 2017 alors que ses comptes bancaires étaient créditeurs de sommes versées au titre de son activité professionnelle d’un montant de 86.108 euros en 2014, 92.962 euros en 2016 et 62.785 euros en 2017. En 2015, il a déclaré la somme de 2278 euros pour un chiffre d’affaires perçu de 89.432 euros.

M. [H] a reconnu l’infraction de travail dissimulé en expliquant qu’il avait éludé le paiement de cotisations sociales en raison de problèmes de santé ; il a accepté de régler, selon un échéancier, un rappel de cotisations de 77.703 euros, outre les majorations de retard.

Tenue, en application de l’article L 133-4-5 du code de la sécurité sociale, à une obligation de solidarité financière, Mme [J] conteste le montant de l’annulation des réductions ou exonérations de cotisations sociales notifié par l’Urssaf. Elle fait valoir que ces sommes doivent être calculées en proportion du montant des prestations réalisées par M. [H] dans son chiffre d’affaires à elle, conformément aux dispositions de l’article L 133-4-2.

Selon ce texte dans sa version issue de la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016 applicable au litige, le bénéfice de toute mesure de réduction et d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, appliquée par un employeur ou un travailleur indépendant, est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1 du code du travail.

Lorsque l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code est constatée par procès-verbal dans les conditions déterminées aux articles L. 8271-7 à L. 8271-12 du même code, l’organisme de recouvrement procède, dans la limite de la prescription applicable en matière de travail dissimulé, à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions mentionnées au premier alinéa du présent article et pratiquées au cours d’un mois civil, lorsque les rémunérations versées ou dues à un ou des salariés dissimulés au cours de ce mois sont au moins égales à la rémunération mensuelle minimale définie à l’article L. 3232-3 du même code.

Lorsque les rémunérations dissimulées au cours du mois sont inférieures à la rémunération mensuelle minimale mentionnée au deuxième alinéa, l’annulation est réduite à due proportion en appliquant aux réductions ou exonérations de cotisations ou contributions pratiquées un coefficient égal au rapport entre les rémunérations dues ou versées en contrepartie du travail dissimulé et la rémunération mensuelle minimale.

Contrairement à ce que soutient Mme [J] qui vise une version du texte qui n’est pas applicable en l’espèce, il n’y a pas lieu de réduire l’annulation ou l’exonération des cotisations en proportion de la part, dans son chiffre d’affaires, du montant des prestations effectuées par M. [H] dés lors que les dispositions de l’article L 133-4-2 ne prévoient une telle réduction que dans les cas où les rémunérations dissimulées au cours du mois par le sous-traitant sont inférieures à la rémunération mensuelle minimale. Or, en l’occurrence, M. [H] qui n’avait pas de salariés n’a déclaré aucune rémunération le concernant.

Par ailleurs, l’agrément donné par le [2] à M.[H], à le supposer établi, n’est pas de nature à exonérer Mme [J] de ses obligations personnelles.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont validé le montant des annulations visées dans les deux mises en demeure contestées.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Mme [J], partie perdante, supportera la charge des dépens.

L’équité commande d’allouer à l’Urssaf la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

confirme le jugement entrepris

y ajoutant

condamne Mme [J] aux dépens et à payer à l’Urssaf Aquitaine la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E Veyssière

 

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