Les conditions de la saisie-conservatoire sur les comptes d’une société

Notez ce point juridique

Un enrichissement sans cause ou la disparition de l’objet d’un contrat, entraîne une obligation de restitution des sommes versées à cette fin. A ce titre, la saisie-conservatoire sur compte bancaire est possible tout comme une mesure de sequestre entre les mains du bâtonnier.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

1. Attention à respecter les dispositions légales en matière de dépôt de notes en délibéré, conformément à l’article 445 du code de procédure civile, pour éviter toute contestation ultérieure.

2. Il est recommandé de justifier de circonstances menaçant le recouvrement d’une créance avant de solliciter une mesure conservatoire, en conformité avec l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution.

3. Il est conseillé d’examiner attentivement les circonstances financières des parties impliquées pour déterminer la nécessité d’une mesure conservatoire ou d’une substitution de celle-ci, en tenant compte des dispositions de l’article L. 512-1 du code des procédures civiles d’exécution.


L’affaire concerne une saisie conservatoire pratiquée par M. [C] sur les comptes bancaires de M. [I] et de la société 2 Rives Conseil, pour garantir le remboursement de sommes versées en vue de la création d’une société qui n’a pas abouti. Le juge de l’exécution a débouté les demandes de mainlevée des saisies et a condamné M. [I] et la société 2 Rives Conseil à verser des dommages-intérêts à M. [C]. Les appelants contestent cette décision, arguant que les sommes versées étaient liées à un contrat d’édition et que leur patrimoine est suffisant pour garantir le remboursement. M. [C] maintient sa position et demande des dommages-intérêts supplémentaires. La décision finale de la cour est attendue.

Sur la demande de mainlevée des saisies conservatoires

Aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

Sur l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe

Il résulte de ces dispositions que le juge de l’exécution apprécie souverainement si la créance invoquée paraît fondée en son principe, sans avoir à établir la preuve d’une créance certaine. Il incombe néanmoins au juge de l’exécution d’examiner les contestations même si elles portent sur le fond du droit, si elles sont de nature à remettre en question l’existence d’une telle créance.

Sur l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance

S’agissant de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance dont l’apparence a été admise, il convient de déterminer si les craintes que l’intimé entretient à ce sujet sont légitimes, sans qu’il soit besoin de démontrer que la société 2 Rives Conseil et M. [I] se trouvent nécessairement en état de cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise.

Sur les demandes en dommages-intérêts

L’issue du litige commande le rejet des demandes en dommages-intérêts pour saisies abusives formées par les appelants, compte tenu de ce que, comme il a été dit supra, les conditions pour que soient pratiquées des saisies conservatoires demeurent réunies.

Sur les demandes accessoires

L’issue du litige commande de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et de condamner les appelants in solidum aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. En revanche, l’équité et les circonstances de la cause ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’aucune des parties ni à hauteur de première instance ni à hauteur d’appel.

– La SARL 2 Rives Conseil et M. [J] [I] sont condamnés in solidum aux dépens de première instance
– Une somme de 67.500 euros est séquestrée entre les mains du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris
– La SARL 2 Rives Conseil et M. [J] [I] sont condamnés in solidum aux dépens d’appel


Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code des procédures civiles d’exécution

Article 445 du code de procédure civile:
« Les notes déposées en délibéré sont autorisées par le juge à l’audience. »

Article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution:
« Toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »

Article L. 512-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution:
« A la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties. »

Article 699 du code de procédure civile:
« Les dépens d’appel peuvent être recouvrés conformément aux dispositions du présent code. »

Article 700 du code de procédure civile:
« L’équité et les circonstances de la cause peuvent justifier l’octroi d’une somme au titre des frais exposés par une partie et non compris dans les dépens. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS
– Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
– Me Jean-baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés

– Motifs
– Mainlevée des saisies conservatoires
– Créance paraissant fondée en son principe
– Circonstances menaçant le recouvrement de la créance
– Comportement de M. [I]
– Patrimoine de M. [I]
– Patrimoine de la société 2 Rives Conseil
– Mesure conservatoire
– Dommages-intérêts
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile

– Motifs: Raisons ou justifications qui soutiennent une décision ou une action.
– Mainlevée des saisies conservatoires: Décision judiciaire permettant de lever une saisie conservatoire sur des biens.
– Créance paraissant fondée en son principe: Une créance qui semble légitime et justifiée.
– Circonstances menaçant le recouvrement de la créance: Situations qui mettent en péril la possibilité de recouvrer une créance.
– Comportement de M. [I]: Actions ou attitudes de la personne nommée [I].
– Patrimoine de M. [I]: Ensemble des biens et des droits appartenant à la personne nommée [I].
– Patrimoine de la société 2 Rives Conseil: Ensemble des biens et des droits appartenant à la société 2 Rives Conseil.
– Mesure conservatoire: Décision judiciaire visant à protéger des biens ou des droits en attendant une décision définitive.
– Dommages-intérêts: Somme d’argent versée en réparation d’un préjudice subi.
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire, qui peuvent être remboursés par la partie perdante.
– Article 700 du code de procédure civile: Disposition légale permettant au juge d’allouer une somme d’argent à la partie gagnante pour ses frais de justice.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRET DU 21 MARS 2024

(n° )

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/11679 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CH4ZI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2023 -Juge de l’exécution de Paris RG n° 23/80362

APPELANTS

Monsieur [J] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.R.L. 2 RIVES CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

INTIME

Monsieur [U] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Plaidant par Me Jean-baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0028

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Autorisé en ce sens par ordonnance du 1er février 2023 du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris, M. [U] [C] a fait pratiquer, le 3 février 2023, une saisie conservatoire sur les comptes bancaires ouverts par M. [J] [I] dans les livres du Crédit du Nord, pour garantie de la somme de 189.000 euros en principal. Cette saisie, dénoncée le 9 février 2023, s’est avérée fructueuse à hauteur de la somme de 1091,99 euros seulement.

Autorisé par la même ordonnance, M. [C] a fait pratiquer, le 3 février également, une saisie conservatoire sur les comptes bancaires ouverts par la société 2 Rives Conseil dans les livres du Crédit du Nord, pour garantie de la somme de 67.500 euros en principal. Cette saisie, dénoncée le 9 février 2023, a été entièrement fructueuse, soit à hauteur de 67.500 euros, le compte étant créditeur à hauteur de la somme de 165.850,56 euros.

Par acte de commissaire de justice du 24 février 2023, M. [I] et la société 2 Rives Conseil ont assigné M. [C] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris en mainlevée des saisies conservatoires du 3 février précédent, et en dommages-intérêts pour abus de saisie.

Par jugement du 30 juin 2023, le juge de l’exécution a :

débouté la société 2 Rives Conseil et M. [I] de leur demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 3 février 2023 ;

condamné in solidum la société 2 Rives Conseil et M. [I] à verser à M. [C] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum la société 2 Rives Conseil et M. [I] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu que :

– la créance paraissait fondée en son principe sur l’enrichissement sans cause né du versement de sommes par M. [C] en vue de la création d’une société FBNHS, projet qui n’avait pas abouti ;

– le risque pesant sur le recouvrement de la créance résultait de la stratégie d’évitement adoptée, à partir du versement des fonds, par M. [I], qui se les était en apparence appropriés et avait cessé d’accomplir les démarches auxquelles il s’était engagé, enfin de l’absence de mention des dettes financières dans le bilan de l’exercice 2022 de la société 2 Rives Conseil ; les biens immobiliers appartenant à M. [I] sont situés soit en France mais en indivision, soit en pleine propriété mais à l’étranger ; les actions détenues par l’intéressé dans la société 2 Rives Conseil et la SAS La Haine Productions ne sont pas évaluées correctement, faute de prise en considération des versements invoqués dans le bilan de la première, de production des pièces comptables de la seconde.

Par déclaration du 3 juillet 2023, M. [I] et la société 2 Rives Conseil ont formé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 6 février 2024, M. [I] et la société 2 Rives Conseil demandent à la cour de :

déclarer leur appel recevable et bien fondé ;

infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 3 février 2023 et les a condamnés in solidum aux dépens de l’instance, ainsi qu’à verser à l’intimé la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence et statuant à nouveau,

prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de M. [I] auprès du Crédit du Nord ;

prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de la société 2 Rives Conseil auprès du Crédit du Nord ;

« accepter » que la somme de 67.500 euros revendiquée par M. [C] à l’égard de la société 2 Rives Conseil soit placée sous séquestre entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris ;

condamner M. [C] à verser à M. [I] la somme de 5000 euros pour abus de saisie ;

condamner M. [C] à verser à la société 2 Rives Conseil la somme de 20.000 euros pour abus de saisie ;

condamner M. [C] à leur verser la somme de 5.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [C] aux entiers dépens.

Les appelants soutiennent que :

compte tenu de la pression inadmissible exercée par M. [C] sur M. [I] à la veille du versement du financement convenu en vue de la création de la société FBNHS, pour subordonner celui-ci à des conditions déséquilibrées de signature d’un autre contrat, celui d’édition relatif à l’adaptation en comédie musicale du film « La Haine » de [Y] [W], M. [I], s’estimant victime d’une extorsion de signature, ne pouvait raisonnablement poursuivre le projet de reprise des studios de l’Olivier avec M. [C] ;

la créance résultant d’un prétendu enrichissement sans cause n’existe pas, les sommes de 189.000 et 67.500 euros n’ayant pas été versées par M. [C] sans contrepartie mais comme condition de la signature du contrat d’édition, sous la pression, conférant à ce dernier 48,388% des droits d’édition des oeuvres de la comédie musicale La Haine ;

M. [I] dispose d’un patrimoine important, constitué : d’un appartement dans le [Localité 4] d’une valeur de plus d’un million d’euros, acquis en 2018 en indivision avec son épouse ; d’un appartement à [Localité 6] évalué à 500.000 euros, en indivision avec sa mère et son frère ; d’un appartement en Algérie d’une valeur de 115.372 euros ; de l’ensemble des actions de la société 2 Rives Conseil, dont les capitaux propres s’élèvent à 142.323 euros ; de 12,29% des actions de la SAS La Haine Productions ;

de même, la société 2 Rives Conseil dispose d’un patrimoine important, les comptes de l’exercice 2022 faisant apparaître un résultat net de 51.297 euros et des capitaux propres s’élevant à 104.397 euros et ceux de l’exercice 2023 un résultat net de 37.926 euros et des capitaux propres de 142.323 euros ; elle est propriétaire de 8,55% des actions de la SAS La Haine Productions ; le 11 août 2022, les associés de la SAS La Haine Productions ont accordé à la société 2 Rives Conseil une avance de 5000 euros HT par mois sur 15 mois, en sa qualité de producteur exécutif, soit 75.000 euros ;

lors de la saisie conservatoire du compte de la société 2 Rives Conseil, la banque a indiqué que celui-ci présentait un solde créditeur disponible de 165.850,56 euros ;

contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, les comptes 2022 de la société 2 Rives Conseil font bien apparaître les sommes versés sur le compte courant de M. [I] et à la société 2 Rives Conseil, ainsi qu’en atteste et l’explique son expert-comptable ;

malgré l’absence de risque sur le recouvrement de la créance, elle propose de voir placer sous séquestre entre les mains du bâtonnier, la somme de 67.500 euros revendiquée à l’égard de la société 2 Rives Conseil.

Par dernières conclusions du 13 février 2024, M. [C] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

condamner in solidum M. [I] et la société 2 Rives Conseil à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’intimé fait valoir que :

les versements qu’il a opérés correspondaient au dépôt de garantie pour la location des studios par la société FBNHS dont lui-même et M. [I] devaient être associés à hauteur de 50% chacun, au paiement des travaux et aux six premiers de loyers exigés par la société Garma, bailleur ; il a constaté par la suite les manoeuvres frauduleuses de M. [I] pour le convaincre de faire ces virements, en n’ayant jamais eu l’intention de faire les démarches nécessaires pour la création de la société FBHNS ;

à tous les stades de la procédure, M. [I] et la société 2 Rives Conseil ont expressément reconnu devoir restituer les sommes versées ;

la prétendue contrepartie aux versements, invoquée par les appelants, qui serait la signature du protocole relatif aux droits d’édition dans La Haine Production, n’existe pas, les échanges WhatsApp communiqués par les appelants, de même que les termes de ce protocole, ne montrant aucun lien direct entre ce protocole d’accord et ses versements ;

sans la promesse de création d’une société commune pour exploiter les studios en lieu et place de la société 2 Rives Conseil, il n’aurait jamais accepté de verser de l’argent ni à M. [I] ni à sa société ; or, après avoir reçu les fonds, M. [I] a mis fin, unilatéralement, à toutes les démarches de constitution de la société FBNHS et a commencé à exploiter les studios en direct avec sa société 2 Rives Conseil plutôt qu’avec la société commune ;

il justifie largement en quoi l’attitude malhonnête de la société 2 Rives Conseil et de son associé unique, M. [I], peuvent mettre en péril le recouvrement de sa créance ;

les comptes 2022 de la société 2 Rives Conseil, produits devant le juge de l’exécution, étaient faux ; le projet de bilan 2023 fait apparaître un résultat deux fois inférieur au montant de la créance ; elle ne justifie pas de la valeur de ses actions dans la SAS La Haine Productions ni des avances de 5000 euros HT qu’elle percevrait tous les mois ;

une société de M. [I], la société FBZ Entertainment a fait l’objet d’une faillite ;

il ne voit pas l’intérêt du séquestre proposé, et à titre subsidiaire, il demande qu’il porte sur la totalité des sommes saisies, soit 166.942, 55 euros.

MOTIFS

Il n’y a pas lieu de prendre en considération les notes déposées en délibéré, en violation des dispositions de l’article 445 du code de procédure civile, comme n’ayant pas été autorisées par la cour à l’audience du 21 février 2024.

Sur la demande de mainlevée des saisies conservatoires

Aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

Sur l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe

Il résulte de ces dispositions que le juge de l’exécution apprécie souverainement si la créance invoquée paraît fondée en son principe, sans avoir à établir la preuve d’une créance certaine.

Il incombe néanmoins au juge de l’exécution d’examiner les contestations même si elles portent sur le fond du droit, si elles sont de nature à remettre en question l’existence d’une telle créance.

Il n’est pas contesté que le projet de création en commun d’une société FBNHS, pour l’exploitation des anciens studios de l’Olivier, n’a pas abouti et que les virements effectués par M. [C] les 28 juin et 15 juillet 2022 avaient pour cause le versement au bailleur, la société Garma, du dépôt de garantie, du financement de travaux et des six premiers mois de loyers en vue de la location de ces studios.

Les appelants soutiennent que M. [I] n’a pas souhaité poursuivre ce projet en raison de l’attitude de M. [C] qui lui aurait « extorqué », le 15 juillet 2022, la signature d’un protocole d’accord aux conditions déséquilibrées, entérinant son exigence de disposer de 48,388% des droits d’édition de la comédie musicale La Haine, en contrepartie du versement le même jour des sommes susvisées.

Mais, même si les échanges WhatsApp entre MM. [C] et [I] font apparaître en effet des tensions lors de la conduite simultanée des négociations de ces deux contrats, il n’est pas possible pour la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution et non de ceux du juge du fond, de considérer comme suffisamment fondée en son principe une contre-créance des appelants à l’égard de l’intimé, résultant des conditions d’un autre contrat, lequel ne fait pas référence aux sommes versées par M. [C] les 28 juin et 15 juillet 2022.

Il demeure que l’intimé dispose, à l’égard des appelants, d’une créance paraissant suffisamment fondée en son principe, qu’elle résulte d’un enrichissement sans cause ou de la disparition de l’objet du contrat de création de la société FBNHS, entraînant une obligation de restitution des sommes versées à cette fin.

Sur l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance

S’agissant de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance dont l’apparence a été admise ci-dessus, il convient de déterminer si les craintes que l’intimé entretient à ce sujet sont légitimes, sans qu’il soit besoin de démontrer que la société 2 Rives Conseil et M. [I] se trouvent nécessairement en état de cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise.

En ce qui concerne le comportement de M. [I], les pièces produites à hauteur d’appel ne confirment pas la « stratégie d’évitement » retenue par le premier juge et expliquent pourquoi il n’a pas poursuivi les démarches en vue de la création de la société FBNHS, l’affectio societatis ayant en effet disparu, quelle qu’en soit l’imputabilité. Il n’en résulte pas davantage qu’il se soit approprié la somme de 189.000 euros versée au titre de l’avance des six premiers mois de loyers des studios, puisqu’il est justifié par la production du bilan pour l’exercice 2022 et attesté par le commissaire aux comptes de la société 2 Rives Conseil (pièces n°6,18 et 40 appelants), que M. [I], qui a reçu cette somme par erreur (pièce n°21 appelants) en a aussitôt opéré le transfert au compte courant de la société, inscrite au poste « emprunts et dettes financières diverses » du bilan de la société pour l’exercice 2022 pour la somme de 192.021 euros, se décomposant en un virement de 189.000 euros reçu du Crédit du Nord et en des mouvements divers à hauteur de 3021 euros.

En ce qui concerne le patrimoine de M. [I], celui-ci justifie être propriétaire d’un appartement d’une surface de 86 m² (avec balcon de 17 m²) dans le [Localité 4], d’une valeur avoisinant un million d’euros mais, au vu de l’acte notarié d’acquisition, il s’agit d’un bien acquis en commun et non pas en indivision avec son épouse. Il ressort des autres pièces produites qu’il est propriétaire en indivision avec sa mère et son frère d’un bien immobilier situé à [Localité 6], qui peut être évalué entre 400 000 et 500.000 euros au regard des évaluations fournies ; qu’il est propriétaire d’un appartement en pleine propriété situé à [Localité 5], acquis le 4 mars 2021 moyennant le prix de 17.055.600 DA, soit 115.372 euros, étant précisé qu’en vertu de la convention entre l’Etat algérien et l’Etat français, les décisions françaises ont autorité de la chose jugée en Algérie en matière civile et commerciale ; de l’ensemble des actions de la société 2 Rives Conseil, dont les capitaux propres s’élevaient à 142.323 euros au 31 décembre 2023 ; enfin qu’il est propriétaire de 12,29% des actions de la SAS La Haine Productions.

Quant au patrimoine de la société 2 Rives Conseil, l’examen de la comptabilité produite pour l’exercice 2023 révèle que si les dettes envers M. [C] figurent toujours au passif du bilan et que ses capitaux propres ont sensiblement augmenté, passant de 104.397 en 2022 à 142.323 euros en 2023, en revanche son compte de résultat affiche un bénéfice de 37.926 euros nettement inférieur à celui de 2022 (51.297 euros), ses charges de salaires ayant plus que doublé (43.970 euros en 2022 ; 113.922 euros en 2023).

Par la production de l’annexe 6 au pacte d’actionnaires de la société La Haine Productions du 11 août 2022, constituée d’un contrat de prestations de services entre cette dernière et la société 2 Rives Conseil en qualité de producteur exécutif, celle-ci perçoit une avance sur rémunération d’un montant de 75.000 euros HT, payables en 15 mensualités de 5000 euros HT à compter du 11 août 2022. Mais les revenus de ce contrat ont par conséquent été pris en considération dans les comptes de l’exercice 2023 de la société 2 Rives Conseil, dont le bénéfice reste insuffisant pour faire face à la créance paraissant fondée en son principe ci-dessus retenue, a fortiori si la société 2 Rives Conseil, qui les a inscrites toutes deux au passif de son bilan, se reconnaît désormais débitrice de l’ensemble des sommes de 189.000 et 67.500 euros, soit d’une somme totale de 256.500 euros. Le solde créditeur de ses comptes bancaires, s’élevant à 165.850,56 euros à la date du 3 février 2023, serait également insuffisant à faire face à cette somme totale et, en revanche, a permis de saisir la somme de 67.500 euros, en garantie de laquelle la saisie conservatoire a été autorisée par le juge de l’exécution.

Enfin la valeur des actions détenues tant par M. [I] (à hauteur de 12,29%) que par la société 2 Rives Conseil (à hauteur de 8,55%) dans le capital social de la SAS La Haine Productions est difficilement évaluable à l’heure actuelle alors que la tournée des spectacles ne commencera qu’à l’automne 2024. D’ailleurs aucune pièce justificative de leur valeur n’est produite aux débats.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour constate que si les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance apparente, ci-dessus retenue au profit de M. [C], sont bien moindres que celles retenues par le premier juge, elles ne sont toutefois pas inexistantes.

Il suit de ce qui précède que les conditions prévues à l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution demeurent réunies.

Cependant, aux termes de l’article L. 512-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, à la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties.

Les appelants demandent, à titre subsidiaire, à voir substituer à la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes bancaires de la société 2 Rives Conseil une décision de séquestre de la somme de 67.500 euros saisie. Ils ne formulent pas pareille proposition en ce qui concerne la somme saisie sur les comptes bancaires de M. [I], mais la cour observe que la saisie conservatoire, pratiquée pour garantie de la somme de 189.000 euros, n’a été fructueuse qu’à hauteur de 1091,99 euros. Dans ses écritures, l’intimé réclame, à titre subsidiaire également, pour le cas où il serait fait droit à cette demande, que le séquestre porte sur l’intégralité des sommes saisies, qu’il dit s’élever à 166.942,55 euros, correspondant à la somme des soldes créditeurs des comptes des appelants dans les livres du Crédit du Nord.

Cependant, c’est de manière erronée que l’intimé prétend que les saisies ont porté sur l’intégralité des soldes créditeurs des comptes bancaires des appelants. En réalité, il ressort de l’examen des procès-verbaux de saisie conservatoire du 3 février 2023 que les sommes saisies au titre des saisies conservatoires autorisées ont été limitées à :

1091,99 euros sur les comptes ouverts au nom de M. [I] (la saisie ayant été autorisée par le juge de l’exécution pour une somme de 189.000 euros, mais le solde, créditeur à hauteur de 1690,53 euros, n’ayant permis de saisir que la somme susvisée) ;

67.500 euros sur les comptes ouverts au nom de la société 2 Rives Conseil (la saisie ayant été autorisée par le juge de l’exécution pour la somme de 67.500 euros).

Estimant qu’une mesure de séquestre entre les mains du bâtonnier de l’Ordre des avocats de la somme de 67.500 euros est de nature à sauvegarder suffisamment les intérêts des parties, la cour substitue à la saisie conservatoire sur les comptes de la société 2 Rives Conseil, étant observé qu’il n’en est pas de même de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de M. [I], les appelants n’en ayant pas formulé la demande.

Ainsi le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [I] et la société 2 Rives Conseil de la demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de M. [I].

Sur les demandes en dommages-intérêts

L’issue du litige commande le rejet des demandes en dommages-intérêts pour saisies abusives formées par les appelants, compte tenu de ce que, comme il a été dit supra, les conditions pour que soient pratiquées des saisies conservatoires demeurent réunies.

Sur les demandes accessoires

L’issue du litige commande de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et de condamner les appelants in solidum aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En revanche, l’équité et les circonstances de la cause ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’aucune des parties ni à hauteur de première instance ni à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

débouté la SARL 2 Rives Conseil et M. [J] [I] de leur demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par M. [U] [C] le 3 février 2023 sur les comptes ouverts dans les livres de la SA Crédit du Nord au nom de M. [I] ;

condamné in solidum la SARL 2 Rives Conseil et M. [J] [I] aux dépens de première instance ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Substitue à la saisie conservatoire pratiquée le 3 février 2023 par M. [U] [C] sur les comptes ouverts au nom de la SARL 2 Rives Conseil dans les livres de la SA Crédit du Nord une mesure de séquestre de la somme de 67.500 euros et ordonne le séquestre de cette somme entre les mains du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ni à hauteur de première instance ni à hauteur d’appel ;

Condamne in solidum la SARL 2 Rives Conseil et M. [J] [I] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 

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