Les Avocats fichés à la sécurité intérieure ?

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Sans circonstance spécifique, il n’existe pas d’urgence à obtenir l’accès à des données personnelles que renfermeraient les fichiers de la sécurité intérieure (Sirex et autres)

Une avocate a demandé en référé (en vain), à exercer ses droits d’accès et de rectification concernant des données personnelles que renfermeraient les fichiers Sirex, gérés par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DPSD), le fichier de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et le fichier Cristina de la direction générale de la sécurité intérieure.

Se plaignant des conditions dans lesquelles la procédure d’accès indirect a été mise en œuvre par la CNIL, elle a saisi sans succès le juge des référés du Conseil d’Etat sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin qu’il ordonne à la CNIL de mener les investigations nécessaires et de l’aviser de leur résultat.

Pour établir l’urgence qui s’attacherait au prononcé de ces mesures, l’avocate a fait valoir que la connaissance du fait que des données personnelles la concernant pourraient figurer dans ces fichiers serait susceptible d’avoir un impact sur sa pratique professionnelle, sans mentionner de circonstance concrète pouvant illustrer cette prétention.  Ces éléments sont insusceptibles d’établir l’urgence qui s’attacherait à l’intervention du juge des référés.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Conseil d’État

29 avril 2022

N° 463532, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme A… B… demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à la Commission nationale de l’information et des libertés (CNIL), dans un délai de huit jours à compter de l’ordonnance à intervenir, d’une part, de mener les investigations utiles et les vérifications nécessaires relatives à sa demande tendant à exercer ses droits d’accès et de rectification concernant des données personnelles que renfermeraient divers fichiers gérés par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, la direction générale de la sécurité extérieure et la direction générale de la sécurité intérieure et, d’autre part, de lui communiquer les données éventuellement contenues dans les fichiers concernés ou de l’informer qu’il a été procédé aux investigations nécessaires, qu’un responsable de traitement refuse de répondre ou s’oppose à la communication d’informations la concernant, en mentionnant les voies et délais de recours.

Elle soutient que :

 – la condition d’urgence est satisfaite, d’une part, eu égard à la privation de droits qu’elle subit depuis deux ans et, d’autre part, dès lors que la présence d’informations la concernant dans les fichiers concernés peut avoir une influence sur les dossiers qu’elle traite dans sa profession d’avocate, ou sur ceux où elle intervient en tant que victime ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un recours effectif dès lors qu’elle est dans l’impossibilité d’exercer ses droits de rectification ou d’effacement de données ou ses droits juridictionnels, n’ayant jamais été informée d’un quelconque traitement de sa demande, ni d’aucune possibilité de recours.

 – la CNIL a méconnu l’article 77 du règlement général sur la protection des données (RGPD) dès lors qu’elle n’a pas mentionné la possibilité de recours prévue par l’article 78 du même règlement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution, notamment son Préambule ;

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ;

 – le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

 – la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

 – le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

2. Mme B… exerce la profession d’avocat et a demandé à exercer ses droits d’accès et de rectification concernant des données personnelles que renfermeraient les fichiers Sirex, gérés par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DPSD), le fichier de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et le fichier Cristina de la direction générale de la sécurité intérieure. Se plaignant des conditions dans lesquelles la procédure d’accès indirect a été mise en œuvre par la CNIL, elle saisit le juge des référés du Conseil d’Etat sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin qu’il ordonne à la CNIL de mener les investigations nécessaires et de l’aviser de leur résultat.

3. Pour établir l’urgence qui s’attacherait au prononcé de ces mesures, la requérante se borne à soutenir que la connaissance du fait que des données personnelles la concernant pourraient figurer dans ces fichiers serait susceptible d’avoir un impact sur sa pratique professionnelle, sans mentionner la moindre circonstance concrète pouvant illustrer cette prétention. Elle allègue également que faute de diligences de la CNIL, son droit au recours contre d’éventuelles irrégularités dans le traitement de données est méconnu depuis deux ans. Il est manifeste que ces éléments sont insusceptibles d’établir l’urgence qui s’attacherait à l’intervention du juge des référés.

4. Par suite, il résulte de tout ce qui précède, que la requête de Mme B… ne peut qu’être rejetée, sans qu’il soit besoin d’examiner la gravité de l’atteinte à une liberté fondamentale qu’elle allègue, selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A… B….

Fait à Paris, le 29 avril 2022

Signé : Thierry Tuot

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