Légalité du fichier de lecture des plaques d’immatriculation

Notez ce point juridique

Un délinquant poursuivi pour tentatives de meurtre aggravées et association de malfaiteurs, a présenté sans succès des requêtes en nullité portant sur la consultation du fichier de lecture automatisé des plaques d’immatriculation (LAPI) et sur les perquisitions effectuées d’une part dans un appartement, d’autre part dans un garage et dans le véhicule qui y était stationné.

Les articles L. 233-1, L. 233-2, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et 230-6 du code de procédure pénale qui renvoient à un décret le soin de déterminer les modalités de désignation des personnes ayant accès aux fichiers de traitement de données personnelles sans les encadrer, ne  méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données personnelles garantis par les articles 2 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et 34 de la Constitution.

De surcroît, le délinquant ne peut se prévaloir d’aucun droit sur les véhicules en cause qui appartiennent à des tiers et il n’établit pas, ni même n’allègue, que ces investigations auraient porté atteinte à sa vie privée.

____________________________________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour de cassation

Chambre criminelle

5 octobre 2021

Pourvoi 21-82.399

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° Y 21-82.399 F-D

N° 01147

5 OCTOBRE 2021

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 5 OCTOBRE 2021

M. [V] [D] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 29 mars 2021, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs notamment de tentatives de meurtre aggravées et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 30 juin 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme de Lamarzelle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [V] [D], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme de Lamarzelle, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 18 mai 2020, M. [D] a été mis en examen des chefs précités.

2. Les 13 et 18 novembre 2020, il a présenté des requêtes en nullité portant notamment sur la consultation du fichier de lecture automatisé des plaques d’immatriculation (LAPI) et sur les perquisitions effectuées d’une part dans un appartement, d’autre part dans un garage et dans le véhicule qui y était stationné.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

3. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté l’exception de nullité

relative aux fichiers LAPI, alors « que les articles L. 233-1, L. 233-2, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et 230-6 du code de procédure pénale qui renvoient à un décret le soin de déterminer les modalités de désignation des personnes ayant accès aux fichiers de traitement de données personnelles sans les encadrer, méconnaissent le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données personnelles garantis par les articles 2 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et 34 de la Constitution ; que l’annulation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité en application de l’article 61-1 de la Constitution, privera de base légale la décision attaquée. »

Réponse de la Cour

5.Par arrêt du 7 septembre 2021, la chambre criminelle a dit n’y avoir lieu à saisir le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles L. 233-1, L. 233-2, L. 234-1, L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et 230-6 du code de procédure pénale.

6. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté l’exception de nullité relative aux fichiers LAPI, alors « que le droit au respect de la vie privée et la droit à la protection des données personnelles imposent que soient déterminées les conditions et modalités de désignation des personnes ayant accès aux fichiers de données personnelles ; que l’accès aux fichiers est prévu pour les agents « individuellement désignés et dûment habilités » ; qu’était invoquée l’insuffisance de la désignation de ces agents, notamment l’absence de leurs noms et qualités ; que la chambre de l’instruction qui s’est bornée à relever que la consultation de ces données a été confiée à « un officier de police judiciaire » ou encore au « chef du CODT » sans autre mention et sans spécifier le nom dudit opérateur, n’a pas répondu au moyen soulevé et a méconnu les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, L. 233-1, L. 233-2, L. 234-1, L. 234-2, R. 234-1 et R. 234-2 du code de la sécurité intérieure, 5 de l’arrêté du 18 mai 2009, préliminaire, 230-6, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Le demandeur ne saurait se faire un grief des motifs par lesquels la chambre de l’instruction a rejeté sa requête en annulation tirée de l’absence de précision permettant de s’assurer de l’habilitation des agents ayant consulté le fichier LAPI.

9. En effet il ne peut se prévaloir d’aucun droit sur les véhicules en cause qui appartiennent à des tiers et il n’établit pas, ni même n’allègue, que ces investigations auraient porté atteinte à sa vie privée.

10. En conséquence, l’intéressé est dépourvu de qualité pour solliciter l’annulation des consultations de ce fichier.

11. En conséquence, le moyen sera rejeté.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté l’exception de nullité relative aux perquisitions alors « qu’une perquisition ne peut avoir lieu au domicile d’une personne qu’en sa présence, ou celle d’un représentant de son choix, ou celle de deux témoins ; que des lieux loués par M. [D] ayant été perquisitionnés sans la présence de l’une des personnes susmentionnées, la chambre de l’instruction qui n’a pas annulé ces actes, a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 57, 59, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 57, 96 et 593 du code de procédure pénale :

13. Selon les deux premiers de ces textes, la personne, autre que celle mise en examen, chez laquelle une perquisition est opérée doit être invitée à y assister ou, en cas d’impossibilité, à désigner un représentant de son choix.

14. Tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

15. Pour écarter le moyen d’annulation des perquisitions effectuées d’une part dans un appartement en présence du seul gérant de l’agence immobilière chargée de la gestion de ce bien, d’autre part dans un garage et dans le véhicule y étant stationné en présence de deux témoins, sans que M. [D] ait eu la possibilité d’y assister ou de désigner un représentant de son choix, l’arrêt attaqué retient, s’agissant de l’appartement, que les enquêteurs ont sollicité le directeur de l’agence immobilière et que ce dernier les a informés de ce que les lieux n’étaient « normalement » pas occupés car s’ils avaient quelques semaines auparavant été loués par M. [D], celui-ci lui avait ensuite demandé à louer un autre bien dans la même commune.

16. Les juges ajoutent qu’il n’était donc pas établi que l’appartement était un domicile de M. [D] mais seulement un lieu où il avait pu se trouver à un moment donné. Ils énoncent également que lors de la perquisition, l’appartement avait manifestement été abandonné précipitamment par ses occupants.

17. Ils en concluent que les opérations, effectuées en la présence du directeur d’agence qui avait les clés de l’appartement, ne sont pas irrégulières.

18. S’agissant par ailleurs de la perquisition dans le garage et dans le véhicule, les juges énoncent que rien n’indiquant qu’ils étaient utilisés par M. [D], il n’y avait aucune raison de l’inviter à assister aux opérations ou à désigner un représentant.

19. Les juges ajoutent que ces opérations, effectuées en présence de deux témoins, sont régulières.

20. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision.

21. D’une part, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer par l’examen du procès-verbal de contact avec le gérant de l’agence immobilière (D.670) qu’avant le début de la perquisition dans l’appartement, ce dernier a informé les enquêteurs que les lieux avaient été loués plusieurs semaines auparavant à M. [D] de sorte que l’intéressé apparaissait comme en étant l’occupant.

22. D’autre part, la saisie dans cet appartement de la télécommande qui a conduit à la découverte du box objet d’une autre perquisition devait conduire à considérer que M. [D] était également l’occupant de ces lieux.

23. En conséquence, les perquisitions effectuées dans l’appartement, dans le box et dans le véhicule y étant stationné ne pouvaient être déclarées régulières sans que soit constatée l’impossibilité pour M. [D] d’y assister ou de désigner un représentant de son choix, formalité dont la méconnaissance est susceptible de faire grief à l’intéressé.

24. Par conséquent, la cassation est encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 29 mars 2021, mais en ses seules dispositions ayant refusé d’annuler les perquisitions, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE, l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt et un.

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