Le refus injustifié ou l’absence illégitime d’insertion d’un droit de réponse par le directeur de publication constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du code de procédure civile précité.
Ce trouble illicite doit être manifeste, le juge des référés ne pouvant se prononcer qu’au regard d’une évidence qui s’impose à lui, s’agissant de prendre des mesures destinées à y mettre un terme, au surplus en l’espèce susceptibles d’avoir une incidence sur la liberté d’expression. L’article 835 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il résulte des dispositions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 que le droit de réponse, ouvert à toute personne nommée ou désignée dans un journal ou écrit périodique quotidien, est un droit général et absolu, destiné à assurer la protection de la personnalité et que la réponse apportée à l’article doit donc concerner la défense de cette personnalité. Ce droit de réponse ne peut donc tendre à devenir une tribune libre pour défendre des thèses. Celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion. Le refus d’insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ou si elle porte sur un objet différent de celui qui a été traité dans l’article, étant rappelé que la réponse est indivisible et que le directeur de la publication ne peut en retrancher le moindre élément. |
→ Résumé de l’affaire[B] [I] a assigné [X] [T], directeur de publication du journal Libération, afin de le voir condamné à publier sa réponse dans le journal, lui payer des dommages et intérêts, ainsi que des frais de procédure. L’assignation a été contestée par [X] [T] pour non-respect de la loi du 29 juillet 1881. Les parties ont plaidé devant le tribunal et l’affaire a été mise en délibéré pour le 17 avril 2024.
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→ Les points essentielsSur l’exception de nullité de l’assignationLe demandeur conclut à l’irrecevabilité de la demande visant à voir constater la nullité de l’assignation en ce que le conseil du défendeur lui a adressé des conclusions au fond le 13 mars 2024, qui ont donné lieu à des échanges d’écritures entre eux le 14 mars 2024, montrant qu’un débat au fond est intervenu avant les conclusions aux fins de nullité adressées le 15 mars suivant. Le défendeur soutient au contraire que l’exception de nullité a bien été soulevée avant tout débat au fond, le fait d’avoir communiqué un projet de conclusions au fond préalablement à l’envoi des conclusions aux fins de nullité ne modifiant en rien le déroulé des débats, au cours desquels cette exception a été évoquée in limine litis. En l’espèce, il est constant que l’exception de nullité a été soulevée par le défendeur avant que le fond soit évoqué par la juridiction. Sur le bien-fondé du moyen[B] [I] excipe de la nullité de l’assignation au motif qu’elle ne contient pas en son sein le texte du droit de réponse dont l’insertion est sollicitée, contrevenant en cela aux exigences posées par l’article 53 de loi du 29 juillet 1881. [X] [T] soutient au contraire que l’assignation respecte l’article précité, le texte du droit de réponse étant annexé à l’assignation délivrée. Il sera rappelé que les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 imposent que l’assignation pour refus d’insertion de réponse comporte le texte de la réponse. En l’espèce, le droit de réponse est précisément déterminé et identifié dans l’assignation délivrée à [X] [T]. Sur les faits[B] [I] se présente comme étant le président fondateur de la société LPN GROUP, tandis que [X] [T] est le directeur de publication du quotidien Libération. Un article controversé a été publié sur le site internet et dans l’édition papier de Libération, entraînant une demande de droit de réponse de la part de [B] [I]. Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite lié au refus d’insertion du droit de réponseLe refus injustifié ou l’absence illégitime d’insertion d’un droit de réponse par le directeur de publication constitue un trouble manifestement illicite. Cependant, en l’espèce, le refus d’insertion ne présente pas les caractères d’un trouble manifestement illicite, ne relevant pas des pouvoirs du juge de l’évidence. Sur les autres demandesIl serait inéquitable de laisser à la charge de [X] [T] les frais exposés par lui au titre de la présente procédure, il y a lieu en conséquence de condamner [B] [I] à lui payer la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. [B] [I], qui succombe, sera également condamné aux dépens. Les montants alloués dans cette affaire: – [X] [T] : 2.000 euros
– [B] [I] : frais de justice |
→ Réglementation applicable– Code de procédure civile
– Loi du 29 juillet 1881 sur la Liberté de la presse Article 74 du code de procédure civile: Article 53 de la loi du 29 juillet 1881: Article 835 du code de procédure civile: Article 13 de la loi du 29 juillet 1881: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Guillaume VAN DOOSSELAERE, avocat au barreau de PARIS
– Maître Charles-Emmanuel SOUSSEN de la SCP JEAN-PAUL LEVY ET CHARLES-EMMANUEL SOUSSEN, avocats au barreau de PARIS |
→ Mots clefs associés & définitions– Nullité de l’assignation
– Recevabilité du moyen – Exception de nullité – Débat contradictoire – Assignation – Droit de réponse – Irrecevabilité – Article 74 du code de procédure civile – Assignation délivrée – Texte du droit de réponse – Irrecevabilité de l’exception de nullité – Assignation délivrée à [X] [T] – Président fondateur de la société LPN GROUP – Directeur de publication du quotidien Libération – Article publié le 17 août 2023 – Article publié le 18 août 2023 – Droit de réponse sollicité – Refus d’insertion du droit de réponse – Trouble manifestement illicite – Liberté d’expression – Demande de droit de réponse – Article 13 de la loi du 29 juillet 1881 – Directeur de publication – Insertion du droit de réponse – Demande de référé – Convention européenne des droits de l’homme – Dépens et frais de procédure – Nullité de l’assignation: invalidité de l’acte d’assignation pour non-respect des règles de forme ou de fond
– Recevabilité du moyen: possibilité pour un moyen d’être pris en compte par le juge – Exception de nullité: moyen de défense invoqué par une partie pour contester la validité d’un acte de procédure – Débat contradictoire: principe selon lequel les parties doivent être entendues et avoir la possibilité de présenter leurs arguments de manière contradictoire – Assignation: acte par lequel une partie convoque une autre devant un tribunal – Droit de réponse: possibilité pour une personne mise en cause dans un média de répondre à des accusations ou des critiques – Irrecevabilité: caractère de ce qui ne peut être admis par le juge – Article 74 du code de procédure civile: disposition légale relative à la nullité des actes de procédure – Assignation délivrée: acte d’assignation remis à la personne convoquée – Texte du droit de réponse: contenu rédigé par la personne souhaitant exercer son droit de réponse – Irrecevabilité de l’exception de nullité: impossibilité pour une partie de contester la nullité d’un acte de procédure – Assignation délivrée à [X] [T]: acte d’assignation remis à une personne spécifique – Président fondateur de la société LPN GROUP: personne ayant fondé la société LPN GROUP – Directeur de publication du quotidien Libération: personne responsable de la publication du quotidien Libération – Article publié le 17 août 2023: contenu diffusé dans un média le 17 août 2023 – Article publié le 18 août 2023: contenu diffusé dans un média le 18 août 2023 – Droit de réponse sollicité: demande d’exercice du droit de réponse – Refus d’insertion du droit de réponse: décision de ne pas publier le droit de réponse – Trouble manifestement illicite: atteinte grave et évidente à un droit ou à une liberté – Liberté d’expression: droit fondamental permettant à chacun de s’exprimer librement – Demande de droit de réponse: requête visant à exercer le droit de réponse – Article 13 de la loi du 29 juillet 1881: disposition légale relative à la responsabilité des directeurs de publication – Directeur de publication: personne responsable de la publication d’un média – Insertion du droit de réponse: publication du droit de réponse dans un média – Demande de référé: requête visant à obtenir une décision rapide du juge – Convention européenne des droits de l’homme: traité international garantissant les droits de l’homme en Europe – Dépens et frais de procédure: frais engagés lors d’une procédure judiciaire |