Le principe d’immunité judiciaire des écrits produits devant les tribunaux

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Le principe d’immunité judiciaire des écrits produits devant les tribunaux que consacre la loi sur la presse, sous la seule réserve des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires, exige que les passages des conclusions dont la suppression est demandée soient précisément identifiés, leur caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire caractérisé, et qu’ils soient étrangers à la cause ou excèdent le droit à la défense

L’article 24 du code de procédure civile dispose que les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice.

Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d’office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements.

L’application des dispositions de l’article 24 du code de procédure civile, sur le pouvoir du juge de suppression d’écrits estimés calomnieux, renvoie impérativement à l’application des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 dès lors que les écrits incriminés constituent des conclusions d’avocat.

Selon l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les écrits produits devant les tribunaux ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage mais les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, pourront néanmoins prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Résumé de l’affaire

Mme [A] [D] a été embauchée en tant que comptable par l’association UNIVAC en novembre 2000 et a été licenciée pour motif économique en novembre 2018. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Fréjus pour contester son licenciement. Le conseil de prud’hommes a statué en faveur de l’association UNIVAC, mais Mme [D] a interjeté appel. Elle demande à la cour d’infirmer le jugement, de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et de lui accorder des indemnités. L’association UNIVAC demande la confirmation du jugement et des dommages-intérêts pour des affirmations jugées désobligeantes.

Les points essentiels

Sur la recevabilité des conclusions du 25 janvier 2024

L’article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. Par ailleurs, selon l’article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Après examen des termes des conclusions du 25 janvier 2024, la cour constate que celles-ci ne contiennent aucun moyen nouveau ni demandes nouvelles par rapport à celles déposées en juin 2022 de sorte qu’elles n’appelaient pas nécessairement une réponse de la part de l’intimée et ne peuvent être considérées comme violant le principe du contradictoire ou la loyauté des débats. Il n’est dès lors pas fait droit à la demande de l’association UNIVAC tendant à faire écarter ces conclusions.

Sur la rupture du contrat de travail

En application de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit être notifiée par l’employeur ou par la personne habilitée par ce dernier. Le pouvoir de licencier appartient au président de l’association, sauf si les statuts attribuent cette compétence à un autre organe et l’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse, sauf à ce que l’employeur démontre l’existence d’une délégation de pouvoir en cette matière, conforme aux statuts et au règlement de l’association. La délégation de pouvoir doit avoir été donnée conformément aux statuts de l’association. En l’espèce, la lettre de convocation à entretien préalable et la lettre de licenciement ont été signées par M. [M] [D], «’directeur général’» de l’association. Les statuts de l’association ne prévoient pas la compétence de licencier pour un autre organe que le président. Pour justifier de la qualité à agir de M. [D], directeur général, en matière de licenciement, l’association UNIVAC verse aux débats plusieurs pièces. Il résulte de ce qui précède que les statuts prévoient une délégation du président de tout ou partie de ses attributions au vice-président ou à tout autre membre du bureau ou du conseil d’administration. Le directeur général de l’association n’avait dès lors pas qualité pour signer la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement et la lettre de rupture, ce qui rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

La salariée est en droit de prétendre à des dommages et intérêts au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement. Mme [D] demande à la cour d’écarter le barème d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3 du code du travail au motif que sa mise en ‘uvre concrète ne saurait créer une atteinte disproportionnée à son droit à une réparation adéquate reconnu par l’article 10 de la convention internationale du travail n°158 de l’Organisation Internationale du Travail. La cour considère que le barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail permet de réparer le préjudice invoqué par Mme [D] par une indemnisation adaptée, adéquate et appropriée et qu’il convient de faire application de celui-ci. Compte tenu notamment du montant de la rémunération, de l’âge de la salariée (54 ans), de son ancienneté, des circonstances de la rupture et des pièces produites, il convient de lui allouer la somme de 30’000,00 euros, sur la base d’une rémunération brute de référence de 3’015,92 euros, cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice.

Sur les demandes de suppression d’écritures et de dommages et intérêts

L’association UNIVAC demande à la cour de retrancher des conclusions de l’appelante un paragraphe contenant selon elle des propos extrêmement désobligeants envers M. [M] [D] et son cousin, M. [J] [D], frère de Mme [A] [D]. La cour observe que les propos litigieux ne sont pas étrangers à la cause, Mme [D] évoquant un ressenti et un mal-être durant la relation contractuelle. En conséquence, la demande tendant à la suppression d’un passage des conclusions de l’appelante ainsi que la demande de dommages et intérêts associée ne sont pas accueillies.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [A] [D] de sa demande relative aux frais irrépétibles et l’a condamnée aux dépens. Il convient de condamner l’association UNIVAC, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme [A] [D] la somme de 2’200,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel. L’association UNIVAC est déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d’appel.

Les montants alloués dans cette affaire: – 30’000,00 euros à Mme [A] [D] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2’200,00 euros à Mme [A] [D] au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel
– Montant non spécifié pour les dépens de première instance et d’appel

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code du travail

Article 15 du code de procédure civile:
Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Article 16 du code de procédure civile:
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Article L.1232-6 du code du travail:
La lettre de licenciement doit être notifiée par l’employeur ou par la personne habilitée par ce dernier.

Article L.1235-3 du code du travail:
Pour une ancienneté de 18 années (qui s’entendent en années complètes) et dans une entreprise d’au moins 11 salariés, l’indemnité de licenciement est comprise entre 3 mois de salaire et 14,5 mois de salaire.

Article 24 du code de procédure civile:
Les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d’office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Gordana TEGELTIJA
– Me Alain-David POTHET

Mots clefs associés & définitions

– Motifs de la décision
– Recevabilité des conclusions
– Code de procédure civile
– Principe de la contradiction
– Moyens de fait
– Éléments de preuve
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– Loyauté des débats
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– Pouvoir du signataire de la lettre de licenciement
– Article L.1232-6 du code du travail
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– Âge de la salariée
– Ancienneté
– Préjudice
– Suppression d’écritures
– Dommages-intérêts
– Immunité judiciaire des écrits
– Diffamation
– Injure
– Outrage
– Demande de suppression d’écrits
– Demande de dommages et intérêts
– Demandes accessoires
– Frais irrépétibles
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs de la décision: Raisons justifiant une décision prise par une autorité judiciaire ou administrative
– Recevabilité des conclusions: Possibilité pour les conclusions d’une partie d’être prises en compte par le juge
– Code de procédure civile: Ensemble des règles régissant le déroulement des procédures judiciaires civiles
– Principe de la contradiction: Obligation pour chaque partie de pouvoir discuter et contester les arguments de l’autre partie
– Moyens de fait: Arguments basés sur des faits concrets
– Éléments de preuve: Documents ou témoignages permettant d’établir la véracité des faits allégués
– Moyens de droit: Arguments basés sur des règles de droit
– Loyauté des débats: Obligation pour les parties de se comporter de manière loyale et respectueuse lors des débats judiciaires
– Association UNIVAC: Organisation regroupant des professionnels de l’informatique
– Rupture du contrat de travail: Fin anticipée du contrat de travail liant un employeur et un salarié
– Pouvoir du signataire de la lettre de licenciement: Capacité du signataire de la lettre de licenciement à engager l’employeur dans une procédure de licenciement
– Article L.1232-6 du code du travail: Article du code du travail français traitant des conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Compétence pour licencier: Capacité d’une personne à prendre la décision de licencier un salarié
– Délégation de pouvoir: Transfert de responsabilités et de pouvoirs à une autre personne
– Statuts de l’association: Document définissant les règles de fonctionnement et les objectifs d’une association
– Lettre de licenciement: Document officiel notifiant à un salarié son licenciement
– Dommages et intérêts: Somme d’argent versée à une partie lésée pour compenser un préjudice subi
– Licenciement sans cause réelle et sérieuse: Licenciement ne reposant pas sur des motifs valables et sérieux
– Barème d’indemnisation: Grille de référence fixant les montants d’indemnisation pour certains préjudices
– Convention internationale du travail: Accord international visant à protéger les droits des travailleurs
– Âge de la salariée: Nombre d’années de la salariée
– Ancienneté: Durée pendant laquelle un salarié a travaillé pour un même employeur
– Préjudice: Dommage subi par une personne du fait d’une action ou d’une situation
– Suppression d’écritures: Effacement de documents ou de données
– Dommages-intérêts: Somme d’argent versée en réparation d’un préjudice subi
– Immunité judiciaire des écrits: Protection légale empêchant la poursuite judiciaire pour certains écrits
– Diffamation: Atteinte à la réputation d’une personne par des propos mensongers
– Injure: Attaque personnelle visant à blesser l’honneur ou la dignité d’une personne
– Outrage: Comportement irrespectueux envers une autorité judiciaire
– Demande de suppression d’écrits: Requête visant à faire effacer des écrits jugés diffamatoires ou injurieux
– Demande de dommages et intérêts: Requête visant à obtenir une compensation financière pour un préjudice subi
– Demandes accessoires: Demandes complémentaires formulées dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Frais irrépétibles: Frais engagés par une partie dans le cadre d’une procédure judiciaire et non remboursables
– Dépens: Frais de justice engagés par les parties dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: Article permettant au juge de condamner une partie à verser une somme à l’autre partie pour ses frais de justice

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