Le droit de rétractation du professionnel

Notez ce point juridique

Pour bénéficier de son droit de rétractation, s’il est constant qu’une société a contracté dans un domaine qui ne ressort pas de son domaine de compétence, et hors établissement, elle doit démontrer qu’elle emploie cinq salariés au maximum.

En effet, les conditions de l’article L221-3 du Code de la consommation sont cumulatives pour obtenir la qualité de consommateur et donc bénéficier desdites dispositions protectrices.


La SARL Jimbat a conclu un contrat de location avec la SAS Locam pour la réalisation d’un site internet financé par la SAS Ecklipse. Suite à des impayés, Locam a assigné Jimbat en justice pour obtenir le paiement de 11 088 euros. Le tribunal de commerce de Saint-Étienne a donné raison à Locam et condamné Jimbat à payer la somme due. Jimbat a interjeté appel et demande l’annulation du jugement en invoquant notamment un droit de rétractation non respecté, un contrat dénué de contenu licite et certain, et un dol de la part de Locam. Locam demande quant à elle la confirmation du jugement initial. La procédure est en attente de délibéré.

Introduction de l’affaire

L’affaire en question concerne un litige entre la société Jimbat et la société Locam, portant sur la validité et l’exécution d’un contrat de location de site web. La société Jimbat conteste la compétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne et de la cour d’appel de Lyon, ainsi que l’engagement contractuel avec la société Locam. Plusieurs points de droit sont soulevés, notamment l’absence d’engagement contractuel, l’application de la clause attributive de compétence, le droit de rétractation, et la demande de nullité du contrat pour défaut de contenu licite et certain, ainsi que pour vice du consentement.

Sur l’incompétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne et de la cour d’appel de Lyon

La société Jimbat argue que le contrat la liant à la société Locam n’a jamais été signé par son gérant et que les documents présentés par Locam comportent des mentions discordantes. Jimbat soutient que l’absence de cachet et de la mention « lu et approuvé » remet en cause la réalité de la conclusion de la convention. De plus, elle conteste la validité du procès-verbal de livraison, affirmant qu’il a été signé avant la réception réelle du bien commandé. En conséquence, Jimbat demande l’exclusion de la compétence des juridictions de Saint-Étienne et de Lyon.

Réponse de la société Locam

Locam rétorque que Jimbat ne conteste pas la signature du contrat par son gérant et que les allégations concernant l’ajout de certains mots ne sont pas prouvées. Locam souligne que Jimbat a exécuté le contrat pendant plusieurs mois, ce qui démontre son engagement contractuel. De plus, Locam affirme que l’appelante n’a pas appelé en cause la société Eclikpse, ce qui contrevient aux dispositions de l’article 14 du code de procédure civile.

Décision sur l’engagement contractuel

Le tribunal conclut que les documents versés aux débats montrent que le contrat a été signé par le gérant de Jimbat et qu’aucune différence significative n’est relevée dans les intitulés ou l’objet du contrat. La vérification des écritures ne permet pas de déceler les différences mises en avant par Jimbat. En conséquence, le tribunal rejette le moyen présenté par Jimbat concernant l’absence d’engagement contractuel.

Sur l’application de la clause attributive de compétence

Jimbat soutient qu’elle est artisan et non commerçant, et ne peut donc se voir opposer une clause attributive de juridiction. Elle argue que son inscription au RCS n’est intervenue que pour exercer sous la forme de société et que le droit du commerce ne lui est pas applicable. Locam, de son côté, affirme que Jimbat est une société commerçante par sa forme et a contracté à ce titre avec Eclikpse.

Décision sur la clause attributive de compétence

Le tribunal rappelle que l’article 48 du code de procédure civile permet une clause attributive de compétence entre commerçants. Il est constant que Jimbat est une société commerciale et a contracté pour développer son activité commerciale. L’article 21 du contrat portant attribution de compétence est visible et compréhensible. En conséquence, la clause attributive de compétence est opposable à Jimbat, et la compétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne est retenue.

Sur le non-respect du droit de rétractation

Jimbat argue que les contrats souscrits ne comportent aucune mention de l’exercice du droit de rétractation, ce qui prolonge le délai de rétractation à un an et quatorze jours. Locam conteste en affirmant que Jimbat ne prouve pas qu’elle peut se prévaloir du droit de la consommation, notamment en ne démontrant pas qu’elle employait moins de cinq salariés lors de la signature du contrat.

Décision sur le droit de rétractation

Le tribunal rappelle que les dispositions du code de la consommation s’appliquent aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels si l’objet du contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel et si celui-ci emploie cinq salariés ou moins. Jimbat ne démontre pas qu’elle emploie cinq salariés au maximum. En conséquence, le moyen soulevé par Jimbat est rejeté.

Sur la demande de nullité du contrat

Jimbat demande la nullité du contrat pour défaut de contenu licite et certain, arguant que le montage contractuel est contradictoire et que Locam n’a aucune obligation contractuelle. Locam n’a pas présenté de moyens sur ce point. Le tribunal conclut que les contrats entre Jimbat, Eclikpse, et Locam ont des objets et causes différents. Le financement par Locam a permis à Jimbat d’obtenir le site web, rendant le contrat valide.

Conclusion

Le tribunal rejette l’ensemble des moyens soulevés par Jimbat, confirmant ainsi la décision déférée. Jimbat devra supporter les dépens de la procédure d’appel, et aucune indemnisation ne sera accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


Réglementation applicable

Voici la liste des articles des Codes cités dans les motifs de la décision, ainsi que le texte de chaque article :

Code de procédure civile

– Article 14 :
« Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. »

– Article 48 :
« Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. »

– Article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Code civil

– Article 1103 :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

– Article 1137 :
« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

– Article 1169 :
« Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire. »

Code de la consommation

– Article L221-3 :
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux contrats conclus entre deux professionnels lorsque l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »

– Article L221-5 :
« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat conclu à distance ou hors établissement, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à l’identité du professionnel, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques, et à ses activités, celles relatives aux garanties légales, à la fonctionnalité du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et autres conditions contractuelles. »

– Article L221-20 :
« Lorsque le professionnel n’a pas fourni les informations relatives au droit de rétractation prévues au 2° de l’article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de la fin du délai de rétractation initial, sans préjudice de l’application des autres sanctions prévues au présent chapitre. »

– Article L221-27 :
« L’exercice du droit de rétractation met fin à l’obligation des parties soit d’exécuter le contrat à distance ou le contrat hors établissement, soit de le conclure lorsque le consommateur a fait une offre. L’exercice du droit de rétractation d’un contrat principal à distance ou hors établissement met automatiquement fin à tout contrat accessoire, sans frais pour le consommateur autres que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25. »

– Article L221-29 :
« Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle et de nul effet. »

Ces articles ont été cités et reproduits dans le cadre de la décision judiciaire concernant l’incompétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne et de la cour d’appel de Lyon, ainsi que les divers points de litige entre la société Jimbat et la société Locam.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Isabelle GRANGE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
– Me Rémi GIROUTX, avocat au barreau de LILLE
– Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Mots clefs associés

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 20/03194 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NAC2

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 10 mars 2020

RG : 2019j00419

S.A.R.L. JIMBAT

C/

S.A.S. LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Janvier 2024

APPELANTE :

S.A.R.L.U. JIMBAT immatriculée au répertoire des métiers sous le n° 823 038 120 RM 59 – immatriculée au RCS de VALENCIENNES sous le n°823 038 120, prise en la personne de son gérant Monsieur [D] [H], domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle GRANGE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 51, postulant et par Me Rémi GIROUTX, avocat au barreau de LILLE,

INTIMEE :

S.A.S. LOCAM au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

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Date de clôture de l’instruction : 08 Mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 11 Janvier 2024

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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EXPOSÉ DU LITIGE

Le 10 novembre 2017, la SARL Jimbat a conclu un contrat portant sur la réalisation d’un site internet avec la SAS Ecklipse. Ce contrat était financé par un contrat de location signé avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) et moyennant le règlement de 48 loyers mensuels de 240 euros TTC (200 euros HT). Un procès-verbal de livraison et de conformité aurait été signé le 12 février 2018.

Par courrier recommandé du 6 décembre 2018, la société Locam a mis en demeure la société Jimbat de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l’exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Par acte du 5 février 2019, la société Locam a assigné la société Jimbat devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne afin d’obtenir la somme principale de 11.088 euros.

Par jugement contradictoire du 10 mars 2020, le tribunal de commerce de Saint-Étienne, après avoir retenu sa compétence, a :

– dit que le contrat de location lie dûment la société Jimbat à la société Locam,

– dit irrecevables les demandes fondées sur le comportement de la société Ecklipse,

– débouté la société Jimbat de ses demandes de nullité du contrat,

– dit que la société Locam a dûment résilié le contrat de location par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 décembre 2018,

– débouté la société Jimbat du surplus de ses demandes,

– condamné la société Jimbat à payer à la société Locam la somme de 11.088 euros, correspondant à l’intégralité des loyers échus impayés et à échoir en ce compris la clause pénale y afférent, outre intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 6 décembre 2018,

– condamné la société Jimbat à verser à la société Locam la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens sont à la charge de la société Jimbat,

– dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire du jugement,

– débouté la société Locam du surplus de ses demandes.

La société Jimbat a interjeté appel par acte du 23 juin 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 5 mars 2021 fondées sur les articles 48, 90 et 288 du code de procédure civile, les articles R. 221-1, L.221-3, 221-5, 221-18, 221-20 et 221-24 du code de la consommation, les articles 1128, 1129, 1130, 1131, 1132, 1137, 1138, 1139, 1162, 116ç, 1170, 1178, 1186 et 1240 du code civil, la société Jimbat a demandé à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il se déclare compétent, ne procède à aucune vérification en écriture, l’a débouté de ses demandes en nullité et l’a condamné au paiement de la somme de 11.088 euros,

statuant à nouveau,

– procéder à une vérification en écriture du PV de livraison et du contrat Locam et constater, en superposition de l’exemplaire locataire :

– que les mentions du PV de livraison se sont autocopiées sur le contrat principal, signé 4 mois auparavant,

– qu’il est donc antidaté car rempli en novembre 2017 et non février 2018,

– qu’aucune signature ni tampon ne figure sur l’autocopiant, ni même la mention lu et approuvé, à l’inverse du PV de livraison, antidaté,

– que ses tampons sont seulement présents sur l’exemplaire Locam,

– dire que ces pièces ont été modifiées et les écarter des débats,

– se déclarer incompétent au profit de la cour d’appel de Douai car elle est artisan,

à titre subsidiaire, sur le fond,

– constater qu’elle disposait du droit de rétractation prévu par le code de la consommation et que l’exercice de ce droit n’a pas été respecté,

– constater que le contrat Locam est dénué de tout contenu licite et certain,

– constater, au surplus, le dol exercé par la société Locam,

en conséquence,

– prononcer la disparition rétroactive des contrats en raison du bon exercice du droit de rétractation,

ou,

– prononcer la nullité du contrat pour défaut de contenu licite et certain, vice du consentement, dol,

– condamner la société Locam au remboursement de l’ensemble des sommes perçues au titre du contrat,

– condamner la société Locam au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts au titre de sa responsabilité délictuelle,

– lui accorder la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Locam aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 décembre 2020 fondées sur les articles 14 et 48 du code de procédure civile, 1103 et 1231-2 du code civil, les articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation et les articles 311-2 et 511-21 du code monétaire et financier, la société Locam a demandé à la cour de :

– dire non fondé l’appel de la société Jimbat,

– la débouter de toutes ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner la société Jimbat à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2021, les débats étant fixés au 9 novembre 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’incompétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne et de la cour d’appel de Lyon

– Sur l’absence d’engagement contractuel de la société Jimbat à l’égard de la société Locam

La société Jimbat a fait valoir que :

– le contrat la liant à la société Locam n’a jamais été signé par son gérant de même que le procès-verbal de livraison,

– l’exemplaire du contrat dont elle est en possession est auto-copiant et ne comporte pas les mêmes mentions que le contrat produit aux débats par l’intimée,

– l’absence du cachet sur les deux contrats ne peut que mener à remettre en cause la réalité de la conclusion de la convention entre les parties, de même que l’absence de la mention « lu et approuvé », de même que la mention site web vitrine n’est présente que sur un seul exemplaire, celui de l’appelante et pas celui de l’intimée,

– le procès-verbal de livraison ne peut être retenu comme preuve eu égard aux mentions discordantes et au fait qu’il a été signé avant la réception réelle du bien commandé,

– l’absence d’engagement contractuel de la société Jimbat doit mener à exclure la compétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne et de la cour d’appel de Lyon,

– la juridiction doit mener une vérification d’écritures notamment concernant les mentions présentes et absentes en fonction des exemplaires du contrat concerné, mais aussi des ajouts réalisés par le commercial de la société Eclikpse,

– le caractère frauduleux du contrat de type « one shot » qui mène à signer immédiatement le procès-verbal de livraison quand bien même le bien n’est pas mis à disposition.

La société Locam a fait valoir que :

– l’appelante ne conteste pas la signature du contrat par son gérant, et qu’elle procède par allégation concernant l’ajout de certains mots, sans pour autant expliquer qui aurait ajouté les mots ou termes évoqués,

– l’appelante n’a pas appelé en la cause la société Eclikpse et ne peut donc prétendre s’appuyer sur une faute éventuelle de celle-ci, sans pour autant l’autoriser à faire valoir sa propre défense, ce qui contreviendrait aux dispositions de l’article 14 du code de procédure civile,

– un éventuel ajout du terme « vitrine » après les mots site web est sans influence sur l’objet du contrat et les obligations des parties,

– l’appelante ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle aurait signé le procès-verbal de livraison dès le 10 novembre 2017, et non le 12 février 2018 comme l’indique le document versé aux débats, dont l’authenticité ne saurait être remise en ‘uvre,

– il appartenait à la société Jimbat de s’opposer à toute éventuelle signature en blanc d’un document, et que dans ce cas, elle ne saurait s’en prévaloir à l’égard de la société Locam,

la société Jimbat a exécuté pendant plusieurs mois le contrat, suite à la signature d’une autorisation de prélèvements et la remise d’un RIB, ce qui a permis le paiement des loyers.

Sur ce,

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

La lecture des documents versés aux débats par les deux parties permet de constater, s’agissant du contrat liant la société Jimbat à la société Locam, que ce contrat a été signé par le gérant de la société appelante et qu’en outre, aucune différence n’est relevée dans les intitulés ou bien l’objet du contrat qui indique site web.

S’agissant du procès-verbal de réception, il est relevé que le mot « vitrine » est de la même écriture que celle des mots « site web » et encore de la même écriture que sur le contrat initial de location longue durée.

La vérification des écritures ne permet pas de déceler les différences mises en avant par l’appelante concernant le contrat. En outre, les signatures sont semblables et l’objet du contrat est clair, de même que l’intitulé du contrat liant la société Jimbat à la société Locam.

Qui plus est, les conditions du contrat, ainsi que son intitulé ne permettent pas d’entretenir une ambiguïté sur le contrat souscrit avec la société intimée, à savoir le fait que si la société Eclikpse créé le site internet au profit de la société Jimbat, la propriété de ce site est cédée à la société Locam qui le loue à la société appelante, l’envoi de la facture unique de loyers précisant les différentes échéances et reprenant en outre les éléments de la première page du contrat de location longue durée.

Si la société Jimbat a pu éventuellement conclure avec la société Eclikpse un contrat de maintenance du site, la société Locam n’intervient pas à ce titre.

Au regard de l’ensemble des éléments, la société Jimbat ne peut prétendre ne pas être engagée avec la société Locam ou bien que sa signature ou les mentions du contrats ont été falsifiées. Le moyen présenté sera donc rejeté.

– Sur l’application de la clause attributive de compétence à la société Jimbat

La société Jimbat a fait valoir que :

– elle est artisan et non commerçant et ne peut donc se voir opposer une clause attributive de juridiction,

– elle est inscrite avant toute au répertoire des métiers en qualité d’artisan pour des activités artisanales de maçonnerie et gros ‘uvre du bâtiment, couverture, carrelage, plâtrerie et isolation,

– son inscription au RCS n’est intervenue que dans le but de pouvoir exercer sous la forme de société,

– le droit du commerce ne lui est pas applicable puisqu’elle a agi comme artisan dans le cadre de ses fonctions d’artisan,

– la clause litigieuse ne lui est pas opposable puisqu’elle n’est pas engagée contractuellement,

– la compétence juridictionnelle est celle de la cour d’appel de Douai.

La société Locam a fait valoir que :

– la société Jimbat est une société commerçante par sa forme et a contracté à ce titre avec la société Eclikpse,

– l’article 21 portant attribution de compétence est parfaitement lisible et compréhensible par les parties.

Sur ce,

L’article 48 du code de procédure civile dispose : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. »

Il est constant que la société Jimbat est une société commerciale comme le démontre son numéro d’inscription au registre des sociétés. Qui plus est, elle a contracté afin de développer son activité commerciale dont le support est effectivement une activité artisanale.

Toutefois, elle ne peut prétendre en raison de la nature de son activité, méconnaître les conséquences liées à sa qualité de société commerciale.

De plus, l’article 21 du contrat portant attribution de compétence juridictionnelle est parfaitement visible et est présent en en-tête du contrat liant les parties, à côté de l’intitulé du contrat.

Par ailleurs, il a été statué sur le fait que la société Jimbat était engagée contractuellement auprès de la société Locam.

En conséquence, la clause attributive de compétence est opposable à la société Jimbat et la compétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne ne pouvait qu’être retenue.

Le moyen présenté par la société Jimbat sera donc rejeté et la décision déférée sera ainsi confirmée sur ce point.

Sur le non-respect du droit de rétractation et l’application des dispositions du code de la consommation au profit de la société Jimbat

La société Jimbat a fait valoir que :

– les contrats souscrits ne comportent aucune mention de l’exercice du droit de rétractation alors même que la signature est intervenue dans le cadre d’un démarchage,

– elle disposait d’un délai d’un an et quatorze jours pour exercer son droit de rétractation faute d’information sur ce droit, en l’absence de toute clause ou de tout formulaire type de rétractation,

– l’exercice de ce droit est intervenu dans les délais légaux soit le 6 août 2018 suite à une signature du 10 novembre 2017,

– l’exercice de ce droit entraîne l’anéantissement des contrats de fourniture et de location,

la société Locam ne peut prétendre fournir un service bancaire, le contrat étant intitulé « contrat de location de site web »,

– le droit de rétractation était bien mentionné au contrat de la société Eclikpse, et que son exercice à l’égard du contrat de la société Locam fait tomber l’ensemble contractuel.

La société Locam a fait valoir que :

– la société Jimbat ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle peut se prévaloir du droit de la consommation en ne démontrant pas qu’elle employait moins de cinq salariés lors de la signature du contrat,

– elle ne peut se voir opposer le droit de la consommation puisque le service fourni dans le cadre de l’ensemble contractuel dépend d’une opération de financement et relève donc du droit bancaire.

Sur ce,

L’article L221-3 prévoit que les dispositions du code de la consommation applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principal du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieure ou égal à cinq.

Il ressort des dispositions des articles L221-5 et L221-20 du code de la consommation que lorsque les éléments concernant le droit de rétractation ne sont pas indiqués au contrats, à savoir le délai initial de 14 jours, ce délai est prolongé d’une année.

L’article L221-27 du code de la consommation dispose que l’exercice du droit de rétractation met fin à l’obligation des parties soit d’exécuter le contrat à distance ou le contrat hors établissement, soit de le conclure lorsque le consommateur a fait une offre et que l’exercice du droit de rétractation d’un contrat principal à distance ou hors établissement met automatiquement fin à tout contrat accessoire, sans frais pour le consommateur autres que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

Enfin, l’article L221-29 du code de la consommation dispose que toute dérogation aux textes susvisés serait nulle et de nul effet, les dispositions ayant vocation à s’appliquer de plein droit.

Il appartient à la société Jimbat de démontrer qu’elle peut prétendre à l’application des dispositions de l’article L221-3 du code de la consommation.

En l’espèce, s’il est constant que la société Jimbat a contracté dans un domaine qui ne ressort pas de son domaine de compétence, et hors établissement, elle ne démontre toutefois pas qu’elle emploie cinq salariés au maximum. Or, les conditions de l’article L221-3 sont cumulatives pour obtenir la qualité de consommateur et donc bénéficier des dispositions protectrices qui peuvent effectivement s’appliquer dans le cadre des relations contractuelles avec la société Locam, quand bien même il s’agit de deux sociétés commerciales.

En conséquence, le moyen soulevé par la société Jimbat ne saurait prospérer et devra être rejeté.

Sur la demande de nullité du contrat

– Sur la demande de nullité pour défaut de contenu licite et certain

La société Jimbat a fait valoir que :

– le montage contractuel comprend deux objets à sa voir « contrat de licence et d’utilisation de logiciel & prestations de service » avec la société Eclikpse, et « contrat de location de site web » avec la société Locam, et qu’à aucun moment l’appelante n’a eu de lien avec l’intimée qui pourrait prétendre être propriétaire du site,

– le seul contact a eu lieu avec la société Eclikpse qui lui a vendu la création d’un site internet avec un abonnement,

– le gérant de l’appelante n’a jamais été informé de ce qu’il avait contracté avec la société Locam et que de fait, il loue deux fois le même site, une fois à la société Eclikpse et une seconde fois à la société Locam,

– les clauses des différents contrats sont contradictoires notamment quant à l’alimentation du site web mais aussi concernant les relations entre les parties, sans compter que la société Locam indique être uniquement chargée d’encaisser les sommes dues au titre de l’hébergement qu’elle n’assure pourtant pas,

– la société Locam n’a aucune obligation contractuelle mise à sa charge et ne se présente que comme un établissement financier,

– le contrat conclu avec la société Locam, postérieurement à la création du site web par la société Eclikpse est dénué de tout objet et de toute cause.

La société Locam n’a pas présenté de moyens sur ce point.

Sur ce,

L’article 1169 du code civil dispose : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire. »

Il convient de rappeler le schéma contractuel existant en la présente espèce.

La société Jimbat a conclu avec la société Eclikpse un contrat de fourniture de site web. Toutefois, ce contrat portait uniquement sur la création du site web en question et non sur sa création et la transmission de sa propriété.

En outre, la société Jimbat n’a, à aucun moment, payé à la société Eclikpse le prix de la création de ce site web, ce paiement ayant été réalisé par la société Locam qui est devenue propriétaire du site web et a conclu avec la société Jimbat un contrat de location de ce site.

De fait, chacun des contrats, celui conclu entre la société Jimbat et la société Eclikpse et celui conclu entre la société Jimbat et la société Locam, n’ont pas le même objet, et ont chacun une cause différente.

La société Jimbat prétend donc à tort que le contrat la liant à la société Locam est dépourvu de cause car sans le financement par cette dernière société qui a payé effectivement la société Eclikpse, elle n’aurait pas pu obtenir de site web.

En conséquence, le moyen soulevé est inopérant et devra être rejeté.

– Sur la demande de nullité pour vice du consentement

La société Jimbat a fait valoir que :

– un dol est constitué en la présente espèce puisque la société Locam a falsifié les documents et notamment le procès-verbal de réception rendant exigibles les loyers,

– elle n’a jamais donné son accord pour la mise en ligne du site web puisqu’elle n’a jamais signé le procès-verbal de conformité, et qu’il est certain que la signature du procès-verbal a eu lieu en novembre, soit quatre mois avant la livraison, par l’usage d’un document auto-copiant,

– elle a subi un dol d’importance en payant des loyers pour un site web qu’elle n’a jamais eu à sa disposition, ce qui lui occasionne un préjudice certain nécessitant l’octroi de dommages et intérêts,

– les pratiques de la société Locam sont dénoncées par de nombreuses personnes morales et physiques, y compris devant l’Assemblée Nationale.

La société Locam n’a pas présenté de moyens sur ce point.

Sur ce,

L’article 1137 du code civil dispose : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

En l’espèce, et comme déjà indiqué plus haut, aucune falsification n’est constatée sur les contrats engageant la société Jimbat avec la société Locam, de même que sur le procès-verbal de réception, l’appelante étant légalement engagée.

De plus, évoquer comme dol le paiement des loyers ne permet pas de qualifier un dol puisque le dol doit être constaté et prouvé lors de la conclusion du contrat et non postérieurement à la conclusion de la convention.

La société Jimbat ne rapportant pas la preuve de l’existence d’un dol, il convient de rejeter le moyen soulevé.

Au regard de ce qui précède, il convient de confirmer l’intégralité de la décision déférée.

Sur les demandes accessoires

La société Jimbat qui échoue en ses prétentions devra supporter les dépens de la procédure d’appel.

L’équité ne commande pas d’accorder à l’une ou l’autre des parties une indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel

Rejette l’intégralité des moyens de nullité soulevées par la SARLU Jimbat,

Confirme la décision déférée dans son intégralité,

Y ajoutant

Condamne la SARLU Jimbat à supporter les dépens de la procédure d’appel,

Déboute la SARLU Jimbat de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Locam de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 

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