Le droit de communication des déclarations effectuées auprès de la CNIL

Notez ce point juridique

La seule circonstance qu’un employeur ne produise pas les déclarations effectuées auprès de la CNIL (télésurveillance et enregistrement des appels téléphoniques des commerciaux) ne caractérise pas une exécution déloyale du contrat de travail.

En la cause, s’agissant des caméras de vidéo surveillance, il n’est pas discuté que le salarié avait connaissance du fait que les différents lieux composant le site de travail étaient filmés, étant observé que la note de service susvisée fait d’ailleurs référence aux enregistrements de la vidéo surveillance. Le salarié ne justifie par aucun élément du fait que la vidéo surveillance avait en réalité pour objet de maintenir une pression constante sur les salariés, ainsi qu’il l’affirme dans ses écritures.

S’agissant de l’enregistrement des appels entrants et sortants, le salarié a signé une note de service l’informant que les appels entrants/sortants externes sont enregistrés et sauvegardés sur le serveur téléphonique et peuvent être écoutés à tout moment par la direction.

M. [F] [K] a été embauché par la SARL Le Kangourou en 1997 et a occupé divers postes, dont celui de conseiller clientèle. En février 2020, il a reçu un avertissement pour insubordination et non-respect des horaires. Après une période d’activité partielle due à la COVID-19, il a été mis à pied à titre conservatoire et licencié pour faute grave en mai 2020. M. [K] a contesté cet avertissement et son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Toulouse, qui a jugé en septembre 2022 que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, condamnant l’employeur à verser des indemnités totalisant environ 60 000 euros.

La société Le Kangourou a fait appel, soutenant que le licenciement était justifié. Dans ses écritures, elle a demandé la réformation du jugement initial. M. [K] a également formulé des demandes pour confirmer le jugement de première instance et obtenir des indemnités supplémentaires. La procédure a été clôturée en avril 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 juin 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/03580
07/06/2024

ARRÊT N°2024/216

N° RG 22/03580 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PBA7

EB/AR

Décision déférée du 08 Septembre 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de toulouse ( 20/01050)

Section commerce 2 – COSTA F.

S.A.S. LE KANGOUROU

C/

[F] [K]

Confirmation partielle

Grosse délivrée

le 7/6/24

à

Me Judith COURQUET Me Pauline VAISSIERE

ccc à FRANCE TRAVAIL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.S. LE KANGOUROU

prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]

Représentée par Me Judith COURQUET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [F] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Pauline VAISSIERE de la SELARL VOA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E. BILLOT, vice-présidente placée, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice-présidente placée

Greffière, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [K] a été embauché selon contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 22 septembre 1997 par la SARL Le Kangourou pour réaliser l’entretien et le nettoyage des locaux et la fabrication de boxes.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [K] exerçait les fonctions de conseiller clientèle.

La convention collective applicable est celle de la promotion immobilière.

La société Le Kangourou emploie au moins 11 salariés.

Par lettre du 27 février 2020, M. [K] a fait l’objet d’un avertissement pour insubordination et non-respect des horaires de travail.

Le salarié a contesté cet avertissement par lettre du 3 mars 2020.

Du 17 mars 2020 au 3 mai 2020, M. [K] était placé en activité partielle en raison de la crise sanitaire liée à la covid-19.

Selon lettre du 4 mai 2020 contenant mise à pied à titre conservatoire, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 mai 2020.

Il a été licencié pour faute grave selon lettre du 26 mai 2020.

Le 3 août 2020, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester l’avertissement et le licenciement et solliciter des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de loyauté.

Par jugement du 8 septembre 2022, le conseil a :

– dit et jugé que le licenciement de M. [F] [K] est dépourvu de cause réelle et

sérieuse.

En conséquence :

– condamné la SARL Le Kangourou, prise en la personne de son représentant légal ès qualités, à payer à M. [K] les sommes suivantes :

– 37 977 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 737,49 euros au titre des salaires non payés pendant la mise à pied conservatoire,

– 173,74 euros au titre des congés payés afférents,

– 14 960,60 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 4 603,28 euros au titre de l’indemnité de préavis non perçue,

– 460,32 euros au titre des congés payés afférents,

– 200 euros à titre de dommage et intérêts pour avertissement injustifié,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– fixé le salaire moyen des trois derniers mois de M. [K] à 2 301,64 euros,

– rappelé que les créances salariales, soit pour la somme de 21 935,43 euros, produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire,

– rappelé que les créances indemnitaires produisent intérêts, au taux légal, à compter du prononcé du jugement pour la somme de 38 177 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et avertissement injustifié,

– débouté M. [K] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Le Kangourou de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la société Le Kangourou aux entiers dépens.

Le 10 octobre 2022, la société Le Kangourou a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières écritures en date du 25 août 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société Le Kangourou demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– déclaré le licenciement de M. [K] comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et en conséquence, condamné la société Le Kangourou à lui verser les sommes suivantes :

– 37 977 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 737,49 euros au titre des salaires non payés durant la mise à pied à titre conservatoire,

– 173,74 euros au titre des congés payés y afférents,

– 14 960,60 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 4 603,28 euros au titre de l’indemnité de préavis non perçue,

– 460,32 euros au titre des congés payés y afférents,

– 200 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

– déclarer que licenciement pour faute grave de M. [K] est justifié par une cause

réelle et sérieuse, et n’y avoir lieu à aucune indemnité de licenciement , ni indemnité de préavis, ni congés payés,

– déclarer la mise à pied de M. [K] justifiée,

– rejeter les demandes indemnitaires de M. [K] à ce titre,

– déclarer l’avertissement du 27 février 2020 fondé,

– rejeter la demande indemnitaire de M. [K] à ce titre,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– débouté M. [K] de sa demande indemnitaire au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– débouté M. [K] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice de l’inégalité de traitement.

En tout état de cause :

– condamner M. [K] à une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle estime que l’avertissement et le licenciement sont justifiés. Elle ajoute n’avoir manqué ni à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail ni au principe d’égalité de traitement entre les salariés.

Dans ses dernières écritures en date du 18 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [K] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société Le Kangourou à lui verser les sommes de :

– 37 977,08 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 14 496,60 euros au titre d’indemnité légale de licenciement,

– 4 603,26 euros au titre de l’indemnité de préavis non perçu y compris la somme de 460,32 euros au titre des congés payés y afférents,

– 1 737,49 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied y compris la somme de 173,74 euros au titre des congés payés y afférents,

– confirmer le jugement en ce qu’il a annulé l’avertissement du 27 févier 2020 mais l’infirmer sur le quantum des dommages et intérêts et, statuant à nouveau, condamner la société Le Kangourou à verser à M. [K] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande relative au manquement de l’obligation de sécurité et, statuant à nouveau, condamner la société Le Kangourou à verser à M. [K] la somme de 13 809,84 euros pour non-respect de l’obligation de sécurité,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande relative à des dommages et intérêts tirés du préjudice de l’inégalité de traitement et, statuant à nouveau, condamner la société Le Kangourou à lui verser la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts tirés du préjudice de l’inégalité de traitement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Le Kangourou à verser à M. [K] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause :

– condamner la société Le Kangourou à verser à M. [K] la somme de 2 500 euros

au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner la société Le Kangourou aux entiers dépens.

Il réplique que l’avertissement puis le licenciement pour faute grave qui lui ont été notifiés sont injustifiés. Il considère que son employeur a exécuté de façon déloyale le contrat de travail et n’a pas respecté le principe d’égalité de traitement entre les salariés.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’avertissement

Il résulte des dispositions de l’article L 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge, apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le 27 février 2020, l’employeur a notifié au salarié un avertissement pour insubordination en lui reprochant :

– d’avoir quitté le 19 février 2020 son poste de travail avec 4 minutes d’avance, de même que le 21 janvier 2020 ;

– d’avoir tenu des propos qualifiés d’inacceptables envers son supérieur hiérarchique direct (M. [E]) le 24 février 2020 au cours de l’entretien durant lequel il lui a été rappelé l’obligation de respecter les horaires de travail, M. [K] ayant alors répondu ‘c’est offert ! C’est cadeau’. Il lui est également reproché d’avoir à l’occasion de cet entretien tenu des propos menaçants à l’encontre de la société et d’avoir le 19 février 2020 dit à son employeur que les clients l’énervaient ;

– de ne pas appliquer l’argumentaire de vente mis en place au sein de l’entreprise. L’employeur mentionne dans le courrier que ce rappel fait suite à des précédents rappels en ce sens en septembre 2017, septembre 2018 et septembre 2019, à l’occasion de réunions collectives et d’entretiens individuels ;

– d’avoir refusé de travailler dans une autre agence en signifiant son refus oralement de façon irrespectueuse ‘de toute façon c’est simple je n’irai plus’ le 19 février 2020 puis de nouveau le 24 février 2020.

La société produit les entretiens d’évaluation 2018 et 2019 mentionnant que l’argumentaire n’est pas respecté.

S’agissant du grief tenant au non respect des horaires, il est produit une attestation de M. [O], ami du gérant M. [S].

Par courrier du 03 mars 2020, M. [K] a contesté le bien fondé de l’avertissement.

Il soutient qu’il n’a pas tenu lors de son entretien avec M. [E] les propos qui lui sont imputés quant au non respect de ses horaires de travail, à sa prestation sur un autre site de la société et à l’existence de menaces proférées à l’encontre de la société. Il affirme également ne pas avoir déclaré à son employeur que les clients l’énervaient ni lui avoir signifié de façon virulente son refus de travailler sur une autre agence de la société.

S’agissant des horaires de travail, il conteste avoir quitté son poste de travail à l’avance.

Tout d’abord, la cour constate qu’aucun élément produit par l’employeur ne vient objectiver le fait que M. [K] aurait tenu des propos irrespectueux envers sa hiérarchie, ni même qu’il aurait signifié de façon irrespectueuse son refus de travailler sur un autre site. Il n’est par ailleurs produit aucune pièce sur le non respect des horaires de travail le 21 janvier 2020, alors que le salarié en conteste la matérialité.

Ces griefs ne sont donc pas établis.

En outre, s’agissant de l’absence de mise en application de l’argumentaire de vente par le salarié, l’employeur ne peut justifier le prononcé en février 2020 d’une sanction disciplinaire à ce titre en se fondant sur des entretiens d’évaluation remontant pour le plus récent au mois de septembre 2019 sans justifier par ailleurs de la poursuite de l’opposition de M. [K] quant à sa mise en oeuvre, étant précisé que ce dernier a dans son courrier de contestation du 03 mars 2020 mentionné sur ce point ‘s’agissant de l’argumentaire, dans un contexte de dialogue constructif, j’ai émis des remarques afin d’améliorer ce dernier, ce qui ne signifie nullement que je me situe dans une position de totale opposition’.

Le grief n’est donc pas établi.

S’agissant enfin du non respect des horaires de travail par le salarié sur la journée du 19 février 2020, l’employeur produit une attestation de M. [O], laquelle n’a pas à être écartée nonobstant le fait qu’elle ne réponde pas à l’ensemble des exigences de forme de l’article 202 du code de procédure civile dans la mesure où elle demeure accompagnée d’un justificatif de l’identité de son auteur.

M. [O] témoigne de ce que le 19 février 2020, alors qu’il s’était rendu sur le site en présence du gérant M. [S], peu avant 18 heures, il avait observé que le portail d’accès était déjà fermé et que l’employé M. [K] était déjà parti alors qu’il devait finir sa journée de travail à 18 heures.

Toutefois, cette seule attestation n’est pas suffisamment précise pour établir la réalité d’un départ anticipé de quelques minutes du salarié sur la journée du 19 février 2020.

Compte tenu de ces éléments, l’avertissement notifié le 27 février 2020 sera annulé. Il sera procédé par ajout au jugement, le conseil de prud’hommes ne s’étant pas spécialement prononcé dans son dispositif sur la demande d’annulation de l’avertissement. Les dommages et intérêts ont été à juste titre fixés par le conseil de prud’hommes à la somme de 200 euros, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d’en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, M. [K] a été licencié dans les termes suivants selon lettre du 04 mai 2020 :

‘Monsieur,

Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement fautif.

Nous avions été amenés à vous reprocher de ne pas respecter vos horaires de travail, et à notre demande d’explication vous nous aviez répondu «c’est offert, c’est cadeaux» ce qui nous laissait penser que cette question méritait d’être posée.

A réception de l’avertissement que nous vous avons adressé, (avertissement qui ne concernait pas que la problématique du non respect de vos horaires de travail) vous avez apporté une contestation, le 3 mars dernier, affirmant avoir en votre possession des éléments permettant d’établir que vous n’aviez pas quitté prématurément votre poste de travail.

Toutefois vous ne nous aviez pas fournis ces éléments.

Or, nous avons constaté que vous avez de votre propre chef procédé à des modifications sur le contrôle d’accès, vous amenant ainsi à modifier vos horaires d’embauche ou de départ de l’agence.

Ces manipulations ont été démontrées par le logiciel de contrôle d’accès des agences de notre société.

Ce logiciel permet d’assurer la sécurité des locaux, et durant le confinement, les agences ont dû être fermées à compter du 17 mars pour une réouverture le 11 mai.

Monsieur [E], en charge d’une part de l’activité de la société durant le confinement a sollicité notre prestataire afin d’étudier la faisabilité de mettre à jour la version dudit logiciel.

Un audit de ce logiciel et de ses manipulations sur les derniers mois a donc été établi par le prestataire informatique et nous en avons pris connaissance le 30 avril 2020.

L’examen de cet audit a démontré que sur le site [Adresse 4] des horaires avaient été modifiés pour qu’ils soient conformes avec vos horaires.

Pour mieux l’écrire, des horaires de départ enregistrés par le logiciel ont été modifiés manuellement et drastiquement pour correspondre à l’horaire que vous devez respecter.

Ces manipulations l’ont été durant votre temps de travail et ne concernent que vos horaires de travail.

Nous vous avons convoqué pour entendre vos explications, et ce le 20 mai dernier.

Lors de cet entretien, durant lequel vous étiez assisté, vous avez refusé de vous expliquer, vous contentant de nous préciser que « vous contestiez les faits ».

Vous comprendrez donc que ces explications ne peuvent suffire et que ces faits ruinent

irrémédiablement le lien de confiance qui doit nécessairement présider à nos relations.

Votre conduite met en cause la bonne marche du service et l’absence d’explication de votre part au cours de notre entretien du 20 mai ne nous permet pas de modifier notre appréciation à ce sujet.

Nous vous informons en conséquence que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible.

Le licenciement prendra donc effet immédiatement à la date du 26 mai sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied conservatoire. Par conséquent la période non travaillée du 04 mai 2020 au 26 mai 2020 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée. (…)’.

Ainsi, aux termes du courrier de licenciement, il est reproché à M. [K] d’avoir modifié ses horaires de travail sur le contrôle d’accès.

L’employeur soutient de la matérialité des faits est établie par l’audit du logiciel qui a mis en exergue que la modification des horaires de travail avait été faite manuellement sur le logiciel de sortie et d’entrée et que cette modification ne concerne que les horaires de M. [K]. Il ajoute que le départ du salarié avant l’heure de fermeture sans avoir averti personne a mis à mal la confiance que l’employeur porte à M. [K] et a mis en péril la sécurité des locaux.

M. [K] conteste quant à lui la réalité du grief, en faisant valoir que l’employeur est défaillant à rapporter la preuve des faits reprochés et son imputabilité.

En faisant référence à un précédent disciplinaire (avertissement) notamment pour non respect des horaires de travail par le salarié au cours du mois de février 2020, la société fonde sa décision de licenciement en s’axant sur une problématique de modification par le salarié de ses horaires de travail sur le logiciel de contrôle d’accès, modification frauduleuse dont il dit avoir eu connaissance le 30 avril 2020 lors d’un audit réalisé sur ledit logiciel.

Or, force est pour la cour de constater que le dit audit n’est pas produit aux débats. Rien ne permet ainsi d’établir que M. [K] aurait modifié le logiciel à son profit. Le procédé technique pour y parvenir, de même que les jours concernés sont inconnus. Au surplus, ainsi que le relève à juste titre le salarié, en l’absence de production de l’audit mentionné par l’employeur il ne peut être vérifié à quelle date ce dernier a eu connaissance du fait qu’il considère comme fautif, de sorte que le point de départ du délai de deux mois de prescription des faits découlant de l’article L 1332-4 du code du travail ne peut être apprécié.

Dans ses écritures, l’appelant se réfère uniquement à la journée du 19 février 2020 qui ne pourrait servir que d’exemple puisque l’employeur avait usé de son pouvoir disciplinaire, en arguant que M. [K] est parti du site à 17h56 alors que sa journée de travail finissait à 18 heures. Le rapport d’historique des événements pour la journée du 19 février 2020 mentionne qu’à 17h56 et 13 secondes, M. [K] est entré dans la zone marchandise, puis une sortie à 18h10 et une sortie du site à 18h10 et 31 secondes ainsi qu’une entrée de M. [L] à 18h00 et 55 secondes et une entrée sur le site à 18h02 et 3 secondes.

Quant à l’attestation de M. [O], la cour a retenu qu’elle n’était pas suffisamment précise pour établir la réalité d’un départ anticipé du salarié le 19 février 2020.

Ainsi, faute pour l’appelant de produire aux débats l’audit du logiciel et de ses manipulations sur les derniers mois mentionné dans la lettre de licenciement comme servant de fondement à la caractérisation d’une faute grave, la réalité d’une falsification des données du logiciel dont elle se prévaut et, a fortiori, son imputabilité à M. [K] n’est pas démontrée.

Il en résulte que la société Kangourou ne rapporte pas la preuve d’une faute de la part de M. [K], de sorte que le licenciement n’était fondé ni sur une faute grave ni même sur une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé.

En considération d’un salaire de 2 301,64 euros tel que retenu par le conseil de prud’hommes, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit aux demandes du salarié au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire, de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents à ces deux sommes et de l’indemnité de licenciement.

Quant au montant des dommages et intérêts, il sera tenu compte de l’âge du salarié au moment de la rupture (45 ans), d’une ancienneté de 22 années complètes, des circonstances de la rupture, des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail et de l’absence de tout élément sur la situation du salarié postérieurement au mois de mars 2021 (indemnisation pôle emploi). La cour considère que le montant en a été surévalué par le conseil de prud’hommes et les dommages et intérêts seront fixés à la somme de 25 000 euros.

Cette créance indemnitaire infirmée portera intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si le salarié a une ancienneté d’au moins 2 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Il convient donc, par ajout au jugement, d’ordonner le remboursement à Pôle Emploi devenu France travail à hauteur de 6 mois.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Au soutien de sa demande, M. [K] fait valoir plusieurs éléments que l’employeur conteste :

– le fait qu’il n’était pas dans les mails pour organiser la reprise après le confinement

et que sa messagerie professionnelle a été supprimée le 08 mai 2020.

S’il est discuté de la réalité de la suppression de la messagerie professionnelle, l’employeur faisant valoir qu’elle était simplement suspendue en raison de sa mise à pied conservatoire, il n’en reste pas moins qu’il est exact que M. [K] n’était pas destinataire des mails en lien avec la reprise d’activité et qu’il n’avait plus accès à sa boîte mail professionnelle à compter du 08 mai 2020, ainsi que le confirment les pièces 9 et 10 produites par le salarié.

– le fait que le 12 mai 2020 une offre d’emploi en tant que conseiller clients a été publiée sur le site Indeed alors même qu’il n’était pas encore licencié. L’employeur est taisant dans ses écritures sur cet élément dont la matérialité est, en tout état de cause, établie par la production de l’annonce d’emploi mise en ligne.

– le fait que la carte essence mise à sa disposition a été désactivée en mars 2020 sans explication. La réalité de la désactivation de la carte essence n’est toutefois pas justifiée par les pièces produites alors que le salarié ne verse à ce titre qu’un courrier dactylographié de M. [Y] mentionnant ‘comme plusieurs salariés de l’entreprise dont [F] [K] je disposais d’une carte essence individuelle Total et Esso pendant toute la période du contrat de travail chez Leader Box’, attestation qui ne peut au surplus être retenue car n’étant pas accompagnée d’un document justifiant de l’identité de son auteur, ce qui la prive des garanties minimales devant s’attacher à une telle pièce.

– le fait que les salariés étaient filmés en permanence et que les appels entrants et sortant étaient enregistrés, sans que l’employeur ne justifie de déclarations faites à la CNIL.

S’agissant de l’enregistrement, le salarié a signé le 19 septembre 2018 une note de service l’informant en son article 2-6 Enregistrement des appels, que les appels entrants/sortants externes sont enregistrés et sauvegardés sur le serveur téléphonique et peuvent être écoutés à tout moment par la direction.

S’agissant des caméras de vidéo surveillance, il n’est pas discuté que le salarié avait connaissance du fait que les différents lieux composant le site de travail étaient filmés, étant observé que la note de service susvisée fait d’ailleurs référence en son article 1-4 aux enregistrements de la vidéo surveillance. M. [K] ne justifie par aucun élément du fait que la vidéo surveillance avait en réalité pour objet de maintenir une pression constante sur les salariés, ainsi qu’il l’affirme dans ses écritures. Dès lors, la seule circonstance que la société ne produise pas les déclarations effectuées auprès de la CNIL ne caractérise pas une exécution déloyale du contrat de travail.

– un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en imposant à M. [K] dans le cadre de ses fonctions de conduire des chariots élévateurs alors que la formation CACES ne lui a jamais été proposée et dispensée.

Or, ainsi que l’observe à juste titre l’employeur, les fonctions de chargé de clientèle qui étaient celles de M. [K] n’impliquaient pas l’utilisation d’un chariot élévateur et l’employeur conteste avoir eu connaissance de son utilisation par le salarié. Si M. [K] verse aux débats des attestations d’un ancien salarié et d’un client qui témoignent du fait qu’il a effectivement utilisé un chariot élévateur, il ne démontre toutefois pas que des directives de travail avaient été données en ce sens à celui-ci par son employeur, lui imposant l’utilisation d’un tel engin pour lequel une formation spécifique est nécessaire, ni même que l’employeur avait connaissance de son utilisation par M. [K].

Le manquement invoqué n’est donc pas établi.

Ainsi, seuls les éléments tenant à la messagerie professionnelle et à la publication d’une annonce d’emploi sont établis, lesquels s’inscrivaient dans le contexte de la procédure de licenciement alors en cours. M. [K] ne justifie pas à ce titre d’un préjudice distinct de celui né de la rupture et réparé par l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé de ce chef.

Sur le principe d’égalité de traitement

En application de la règle ‘à travail égal, salaire égal’, l’employeur n’est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre salariés que pour un même travail ou un travail de valeur égale.

Il résulte de l’article L 3221-4 du code du travail que sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il incombe au salarié qui invoque une violation de ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération directe ou indirecte. Il appartient alors à l’employeur de rapporter la preuve d’élément objectifs, matériellement vérifiables, justifiant cette différence, dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.

M. [K] fait valoir qu’il a eu connaissance de ce que tous ses collègues de travail n’avaient pas la même rémunération fixe.

Il se compare à M. [S] et à M. [Y] et fait valoir que le premier, fils du gérant, occupait les mêmes fonctions que lui et que M. [Y] était positionné au même coefficient que lui alors que ce dernier avait une ancienneté bien moindre.

Il produit des cartes de visite de différents salariés, dont M. [R] [S] et un unique bulletin de salaire de M. [Y] du mois de novembre 2018.

Ces seuls éléments sont cependant très insuffisants à caractériser une inégalité de rémunération alors, qu’au delà de l’intitulé du poste, aucun élément concret n’est donné sur la réalité des fonctions et responsabilités comparables ainsi que sur l’ancienneté du salarié ou ses qualifications.

Quant à M. [Y], si le bulletin de paie versé au dossier atteste du fait que ce dernier était positionné au même coefficient que M. [K] et percevait un salaire de base de 1 884,66 euros contre 1 821,56 euros pour M. [K], alors que son ancienneté était moins importante, il subsiste que M. [Y] occupait un poste d’attaché commercial alors que M. [K] était chargé de clientèle, de sorte qu’il ne s’agissait pas des mêmes fonctions permettant utilement une comparaison. Il n’est d’ailleurs nullement soutenu que M. [Y] et lui-même avaient un travail de valeur égale.

La demande indemnitaire doit donc être rejetée sur le fondement de l’inégalité de traitement, par confirmation du jugement du conseil de prud’hommes, sans même qu’il n’y ait lieu d’analyser les éléments produits en réplique par l’employeur.

Sur les frais irrepétibles et les dépens

L’employeur étant partie perdante, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

L’appel étant pour l’essentiel mal fondé, la société Kangourou supportera les dépens d’appel et sera condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 08 septembre 2022, sauf sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le point de départ des intérêts afférents à cette créance indemnitaire, ces dispositions étant infirmées,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Annule l’avertissement du 27 février 2020,

Condamne la SARL Le Kangourou à payer à M. [F] [K] les sommes suivantes :

– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;

Dit que la condamnation à paiement de la créance indemnitaire infirmée (25 000 euros) porte intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par la SARL Le Kangourou à France travail des indemnités chômage versées à M. [F] [K] du jour du licenciement au jour du jugement à hauteur de 6 mois,

Condamne la SARL Le Kangourou aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière.

La greffière La présidente

A. RAVEANE C. BRISSET

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