La reconnaissance d’une maladie professionnelle

Notez ce point juridique

1. Assurez-vous de bien respecter les délais de prise en charge des maladies professionnelles, notamment en vérifiant la date de première constatation médicale de la maladie et en fournissant les éléments nécessaires pour prouver cette date.

2. Veillez à ce que la désignation de la maladie sur les certificats médicaux soit suffisamment précise pour permettre une instruction de la déclaration de maladie professionnelle, même si elle ne correspond pas exactement aux termes du tableau des maladies professionnelles.

3. Assurez-vous que les conditions du tableau des maladies professionnelles, telles que l’exposition aux risques et la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie, sont remplies et documentées de manière adéquate pour éviter tout litige ultérieur.


Monsieur V K, salarié de la société 5, a déclaré une maladie professionnelle à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Localité 4 en septembre 2022. Après enquête, la CPAM a pris en charge l’affection de Monsieur V K comme une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche au titre de la législation sur les risques professionnels. La société 5 a contesté cette décision devant la commission de recours amiable et ensuite devant le tribunal. La société 5 conteste la caractérisation médicale de la maladie, le respect du délai de prise en charge, l’exposition aux risques de l’assuré, le respect du contradictoire, et demande l’annulation de la décision de la CPAM. La CPAM soutient que les conditions médicales et administratives sont remplies et demande le rejet des demandes de la société 5. L’affaire a été plaidée devant le tribunal et les parties ont exposé leurs arguments.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’indépendance des rapports caisse/employeur et salarié/employeur

Les rapports CAISSE/ASSURE et les rapports CAISSE/EMPLOYEUR sont indépendants car le salarié et son employeur ont des intérêts distincts à contester les décisions de la CPAM. En conséquence, la présente décision n’aura aucun effet sur les droits reconnus à l’assuré qui conservera, quelle que soit la décision rendue avec ce jugement, le bénéfice des prestations qui lui ont été attribuées par la décision initiale de la CPAM.

Sur la conformité de la pathologie aux conditions du tableau des maladies professionnelles

Une maladie professionnelle est reconnue si trois conditions sont remplies : une désignation de la maladie professionnelle telle mentionnée dans le tableau des maladies professionnelles, le délai de prise en charge, et la liste des travaux mentionnée dans le tableau des maladies professionnelles. Il appartient à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, subrogée dans les droits de l’assuré qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau T57 A sont remplies.

Sur la désignation de la maladie

La CPAM a pris en charge l’affection de Monsieur [V] [K] au titre de la législation sur les risques professionnels comme étant une maladie professionnelle du tableau 57 A des maladies professionnelles. La société [5] conteste cette désignation en arguant que la pathologie n’est pas conforme au tableau 57 A. Cependant, la jurisprudence de la Cour de Cassation permet une interprétation large des certificats médicaux initiaux pour caractériser la pathologie prise en charge.

Sur la condition tenant au délai de prise en charge

Le délai de prise en charge de la maladie est de 1 an. La société [5] conteste la date de première constatation médicale, mais la jurisprudence permet de déduire cette date de tous éléments de nature à révéler l’existence de la maladie. En l’espèce, le délai de prise en charge était respecté.

Sur l’exposition aux risques et la liste limitative des travaux

La CPAM démontre que Monsieur [K] effectue bien des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction dans les conditions prévues au tableau 57A des maladies professionnelles. La condition du tableau 57 A des maladies professionnelles est donc bien remplie.

Sur le respect du contradictoire

La consultation du dossier a bien eu lieu dans le délai de 10 jours prévu par la loi. Le moyen soulevé par la société [5] tiré de la violation du principe du contradictoire n’est pas fondé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société [5] est condamnée aux dépens. Sa demande indemnitaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée. L’indemnité réclamée par la CPAM sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile n’est pas appliquée pour des raisons d’équité.

– Caisse Primaire d’Assurance Maladie du MORBIHAN: 0 € (mise hors de cause)
– Madame [R] [M]: 0 € (déboutée de ses demandes)
– Dépens: à la charge de Madame [R] [M] (montant non spécifié)


Réglementation applicable

– Article L461-1 du code de la sécurité sociale
– Article L461-2 du code de la sécurité sociale
– Article R 441-13 du code de la sécurité sociale
– Article R 461-9 du code de la sécurité sociale
– Article 700 du code de procédure civile

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Hervé MORAS
– Me Julie VALLEZ
– Mme [N] [E]

Mots clefs associés

– Maladie professionnelle
– Tendinopathie non fissuraire sub-scapulaire et infra-épineux épaule gauche
– Rupture de la coiffe des rotateurs
– Déclaration de maladie professionnelle
– Prise en charge législative des risques professionnels
– Tableau 57 A des maladies professionnelles
– Commission de recours amiable
– Recours judiciaire
– Principe du contradictoire
– Conditions de travail et exposition aux risques
– Délai de prise en charge de la maladie
– Caractérisation médicale de la maladie
– Demande de non-opposabilité de la décision de la CPAM
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens

Chargement en cours…

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/01010 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XIIR
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 13 FEVRIER 2024

N° RG 23/01010 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XIIR

DEMANDERESSE :

S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentée par Me Hervé MORAS, avocat au barreau de VALENCIENNES, substitué par Me Julie VALLEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

DEFENDERESSE :

CPAM DE [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représentée par Mme [N] [E], munie d’un pouvoir

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur: Valérie GRULIER LANGRAND, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur: Nadia LAHOUARI MEHUYS, Assesseur pôle social collège salarié

Greffier

Louise DIANA,

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Décembre 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 13 Février 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 septembre 2022, Monsieur [V] [K], salarié de la société [5], a transmis à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 4] une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial du 6 septembre 2022 mentionnant notamment une « tendinopathie non fissuraire sub-scapulaire et infra-épineux épaule gauche ».

Après enquête, par courrier du 17 février 2023, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 4] a notifié à la société [5] une décision de prise en charge de l’affection de Monsieur [V] [K] « rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche » du 12 novembre 2021 au titre de la législation sur les risques professionnels comme étant une maladie professionnelle du tableau 57 A des maladies professionnelles.

Le 22 mars 2023, la société [5] a saisi la commission de recours amiable afin de contester cette décision.

Par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 7 juin 2023, la société [5] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

L’affaire, appelée à l’audience de mise en état du 7 septembre 2023, a été entendue à l’audience de renvoi fixée pour plaidoirie du 12 décembre 2023.

Lors de celle-ci, la société [5], par l’intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.

Elle demande au tribunal de :
– Dire et juger son recours recevable et bien fondé,
– Constater que la pathologie prise en charge n’a pas fait l’objet d’une caractérisation médicale conforme au tableau 57A des maladies professionnelles,
– Constater que la CPAM ne justifie pas du respect de la condition tenant au délai de prise en charge de la maladie,
– Constater que la CPAM ne justifie pas de l’exposition aux risques de l’assuré ni du respect de la liste limitative des travaux,
– Constater que la CPAM ne justifie pas du respect du principe du contradictoire,
– Infirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable,
– En conséquence, dire et juger inopposable à la société la décision de la CPAM du 17 février 2023 de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie de Monsieur [K] déclarée le 16 septembre 2022,
– Débouter la CPAM de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner la CPAM au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la CPAM aux dépens.

En réponse, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 4] a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenues oralement.

Elle demande au tribunal de :
– Constater que la condition médicale tenant à la désignation de la maladie est remplie,
– Constater que la condition tenant au délai de prise en charge est remplie,
– Constater que Monsieur [K] était bien exposé aux risques de maladie professionnelle dans les conditions du tableau,
– Constater le respect du principe du contradictoire,
– En conséquence, déclarer opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie de Monsieur [V] [K] au titre de la législation sur les risques professionnels,
– Débouter la société [5] de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner la société [5] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société [5] aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’indépendance des rapports caisse/employeur et salarié/employeur

Les rapports CAISSE/ASSURE et les rapports CAISSE/EMPLOYEUR sont indépendants car le salarié et son employeur ont des intérêts distincts à contester les décisions de la CPAM.

En conséquence, la présente décision n’aura aucun effet sur les droits reconnus à l’assuré qui conservera, quelle que soit la décision rendue avec ce jugement, le bénéfice des prestations qui lui ont été attribuées par la décision initiale de la CPAM.

Sur la conformité de la pathologie aux conditions du tableau des maladies professionnelles

En vertu de l’article L461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale : « est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et constatée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

L’article L461-2 du même code précise que « Des tableaux annexés aux décrets énumèrent les manifestations morbides d’intoxications aiguës ou chroniques présentées par les travailleurs exposés d’une façon habituelle à l’action des agents nocifs mentionnés par lesdits tableaux, qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l’emploi de ces agents. Ces manifestations morbides sont présumées d’origine professionnelle.
Des tableaux spéciaux énumèrent les infections microbiennes mentionnées qui sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été occupées d’une façon habituelle aux travaux limitativement énumérés par ces tableaux.
D’autres tableaux peuvent déterminer des affections présumées résulter d’une ambiance ou d’attitudes particulières nécessitées par l’exécution des travaux limitativement énumérés.
Les tableaux mentionnés aux alinéas précédents peuvent être révisés et complétés par des décrets, après avis du Conseil d’orientation des conditions de travail. Chaque décret fixe la date à partir de laquelle sont exécutées les modifications et adjonctions qu’il apporte aux tableaux. Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 461-1, ces modifications et adjonctions sont applicables aux victimes dont la maladie a fait l’objet d’un certificat médical indiquant un lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle entre la date prévue à l’article L. 412-1 et la date d’entrée en vigueur du nouveau tableau, sans que les prestations, indemnités et rentes ainsi accordées puissent avoir effet antérieur à cette entrée en vigueur. Ces prestations, indemnités et rentes se substituent pour l’avenir aux autres avantages accordés à la victime pour la même maladie au titre des assurances sociales. En outre, il sera tenu compte, s’il y a lieu, du montant éventuellement revalorisé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, des réparations accordées au titre du droit commun.
A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d’être exposé à l’action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse primaire et la caisse régionale ne prennent en charge, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau ».

Une maladie professionnelle est reconnue si trois conditions sont remplies :
– Une désignation de la maladie professionnelle telle mentionnée dans le tableau des maladies professionnelles,
– Le délai de prise en charge,
– La liste des travaux mentionnée dans le tableau des maladies professionnelles.

Il appartient à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, subrogée dans les droits de l’assuré qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau T57 A sont remplies.

Sur la désignation de la maladie

En l’espèce, la CPAM a, par décision du 17 février 2023, pris en charge l’affection de Monsieur [V] [K] « Rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche » du 12 novembre 2021 (DPMC) au titre de la législation sur les risques professionnels comme étant une maladie professionnelle du tableau 57 A des maladies professionnelles.

La désignation de la maladie au tableau 57 A – EPAULE est ainsi libellée :
« Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
(* ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l’IRM) ».

La société [5] soutient que la pathologie prise en charge n’est pas conforme au tableau 57 A des maladies professionnelles en ce que le libellé de la maladie figurant sur le certificat médical initial était une « tendinopathie non fissuraire sub-scapulaire et infra-épineux épaule gauche » alors que la CPAM a changé de qualification pour retenir une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche.

Elle ajoute que la CPAM ne prouve pas que ladite rupture de coiffe des rotateurs ait été objectivée par une IRM ; la seule mention d’une IRM au colloque médico-administratif sans autre élément extrinsèque est insuffisante à caractériser la nature exacte de la pathologie ; ni la DMP ni le CMI ne faisait état d’une rupture de la coiffe des rotateurs ; les résultats de l’IRM ne lui ont pas été communiqués

Dès lors, la société [5] estime que la condition relative à la désignation de la maladie n’est pas remplie.

La CPAM indique à juste titre que la mention portée sur le certificat médical initial du 6 septembre 2022 de « tendinopathie non fissuraire sub-scapulaire et infra-épineux épaule gauche » était suffisante pour permettre une instruction de la déclaration de maladie professionnelle.

La jurisprudence de la Cour de Cassation pose qu’en matière de désignation de la maladie, il est admis la validité d’un certificat médical initial même s’il ne mentionne pas précisément la maladie telle que désignée au tableau des maladies professionnelles dès lors que les éléments mentionnés sur ledit certificat permettent de caractériser la pathologie prise en charge. Il n’appartient pas au juge de procéder à une analyse littérale du certificat médical initial mais de rechercher si l’affection déclarée est au nombre des pathologies désignées au tableau des maladies professionnelles visé.

Autrement dit, un certificat médical initial ne reprenant pas expressément les termes de la maladie désignée dans un tableau ne fait pas obstacle à une prise en charge dans la mesure où ce qui est mentionné sur le certificat permet de rattacher la pathologie à un tableau, pathologie qui devra ensuite être confirmée et précisée dans le cadre de l’enquête médico-administrative pour être retenue.

Dans le cadre de l’instruction du dossier, il appartient en effet au Médecin Conseil de la Caisse de vérifier si les conditions médicales réglementaires du tableau sont remplies et de confirmer la pathologie.

Tel est bien le cas en l’espèce, le médecin conseil, le Docteur [T], a, sur le colloque médico-administratif maladie professionnelle en date du 28 octobre 2022, mentionné expressément : « Rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche » en précisant que la nature et la date de l’examen ayant permis l’objectivation requise de la pathologie est une « IRM du 19 octobre 2022 du Docteur [C] de [Localité 6] », en indiquant que les conditions médicales réglementaires étaient remplies.

Par ailleurs, l’IRM en tant que pièce médicale est une pièce qui appartient à l’assuré et qui légalement ou réglementairement (article R 441-13 du code de la sécurité sociale) n’a pas à être communiquée par la caisse à son employeur, ce d’autant que les pièces médicales de l’assuré sont présentées au service médical de la caisse mais ne sont pas détenues par le service administratif de la caisse.

La jurisprudence de la Cour de Cassation pose que la Caisse n’est pas tenue de produire ni la prescription d’arrêt de travail valant date de première constatation médicale, ni l’examen IRM qui a permis d’objectiver la maladie pourvu que la réalisation de cet examen soit reportée sur la fiche colloque du médecin conseil de la caisse.

Tel est bien le cas en l’espèce avec une objection de la pathologie de rupture de la coiffe des rotateurs par IRM, vérifiée par le médecin conseil pour retenir que la condition médicale du tableau 57A était bien remplie s’agissant de la pathologie retenue.

Dès lors, ce moyen non fondé de la société [5] sera donc rejeté.

Sur la condition tenant au délai de prise en charge

La date de 1ère constatation médicale de la maladie est la date qui permet de vérifier les conditions relatives au délai de prise en charge et à la durée de l’exposition aux risques.

La date mentionnée sur le certificat médical initial est la date à laquelle la victime est informée médicalement du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, il s’agit de la date administrative de la maladie professionnelle.

En l’espèce, le délai de prise en charge est de 1 an.

Le délai de prise en charge détermine la période au cours de laquelle, après cessation de l’exposition au risque, la maladie doit se révéler et être médicalement constatée pour être indemnisée au titre des maladies professionnelles.

La société [5] fait valoir que la DMP n’a mentionné aucune date de 1ère constatation médicale tandis que le CMI a indiqué une date au 12 mars 2020 puis le colloque médico-administratif a mentionné une date au 12 novembre 2021 sans que l’on sache à quoi cette date correspond.

Comme le souligne la CPAM, c’est le médecin conseil qui, dans le cadre de l’instruction du dossier, fixe la date de 1ère constatation médicale après étude des éléments médicaux du dossier en sa possession.

C’est ainsi qu’il résulte du colloque médico-administratif que le médecin conseil de la CPAM a fixé la date de 1ère constatation médicale de la maladie au 12 novembre 2021 en se fondant sur un arrêt de travail du Docteur [P] de [Localité 3].

La jurisprudence de la cour de cassation pose que « la première constatation médicale de la maladie professionnelle n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat médical initial et peut se déduire de tous éléments de nature à révéler l’existence de cette maladie, même s’ils sont postérieurs à la déclaration ; qu’elle peut notamment se déduire d’un avis du médecin conseil de la caisse figurant sur une fiche de colloque médico-administratif, quelle que soit sa date ; que cette date de première constatation médicale s’impose sans avoir besoin d’être corroborée ; qu’en refusant de retenir la date de première constatation médicale de la maladie professionnelle portée sur la fiche colloque médico-administratif versée aux débats au motif qu’elle ne ferait référence à aucun document médical précis, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L 461-1 et L 461-5 du code de la sécurité sociale ».

La jurisprudence de la Cour de Cassation pose que la Caisse n’est pas tenue de produire la prescription d’arrêt de travail valant date de première constatation médicale, cette pièce détenue par l’assuré étant soumise au secret médical.

Le délai de prise en charge de 1 an était respecté dans la mesure où Monsieur [K] a travaillé au sein de la société [5] jusqu’au 10 novembre 2021.

Dès lors, ce moyen non fondé de la société [5] sera donc rejeté.

Sur l’exposition aux risques et la liste limitative des travaux

Le tableau 57A des maladies professionnelles dans sa rédaction applicable au présent litige se présente de la manière suivante :

DÉSIGNATION DE LA MALADIE
DÉLAI DE PRISE EN CHARGE
LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER CES MALADIES
Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
1 an sous réserve d’une durée d’exposition de 1an)
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction () :

– avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé

Ou

– avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

Il appartient à la CPAM, subrogée dans les droits de l’assuré qu’elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau 57 des maladies professionnelles dont elle invoque l’application sont remplies.

La société [5] fait valoir que l’enquêteur s’est contenté des déclarations du seul salarié pour reconnaître l’exposition au risque sans tenir compte de ses déclarations ; si des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé peuvent exister, ils ne sont en revanche que très ponctuels et non pas habituels.

Elle ajoute, comme indiqué à sa lettre de réserves, que Monsieur [K] est droitier, que les commandes des machines sont situées à droite, qu’il n’y a pas de cadence imposée et que des moyens de levage sont à disposition des salariés, outre le fait que Monsieur [K] effectue du bricolage sur ses temps libre.

Monsieur [K], opérateur multi-machine, a complété le questionnaire de la Caisse en indiquant qu’il effectuait des gestes de décollement du bras droit du corps à un angle de 60° ainsi que des mouvements avec les bras au-dessus des épaules s’agissant de l’épaule gauche à raison de 7 heures par jour sur 5 jours par semaine et ce pour les opérations liées au découpage, perçage, poinçonnage de barres, tubes, poutrelles.. :
– sciage : alimentation manuelle de séries de pièces métalliques lourdes en vue du sciage sur machine,
– perçage répétitif des pièces de sciage pouvant aller jusqu’à 2000 trous/jour,
– poinçonnage des pièces de sciage pouvant aller jusqu’à 2000 trous/jour,
– filetage tube acier avec serrage manuel des pièces de 2 à 20kg.

Dans son questionnaire en ligne, la société [5] a répondu à la négative à chacune des questions.

Monsieur [K] a été contacté au téléphone par l’agent enquêteur et a explicité de façon plus circonstanciée l’ensemble de ses tâches de sciage, perçage et de poinçonnage pour confirmer exercer de façon habituelle et quotidienne des mouvements tels que visés au tableau avec son bras gauche nonobstant le fait qu’il soit droitier.

Monsieur [I], N+1 de Monsieur [K], contacté par l’agent enquêteur et en réponse aux déclarations de Monsieur [K] a indiqué que :
– pour les tâches de sciage, oui au dessus des épaules est le départ de cycle qui se fait à chaque coupe (angle supérieur ou égal à 90°),
– pour les tâches de perçage, oui l’appui sur le bouton à chaque perçage (angle supérieur ou égal à 90°),
– pour les tâches de poinçonnage, non,
Précisant que le sciage, c’est 50% du temps de travail et le perçage 20%.

Il résulte de ces éléments que la CPAM démontre que Monsieur [K] effectue bien, en sa qualité d’opérateur multi-machine, de manière habituelle des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction dans les conditions d’angle et de durée, lesquelles sont alternatives, prévues au tableau 57A des maladies professionnelles.

La condition du tableau 57 A des maladies professionnelles tenant à la liste limitative des travaux est donc bien remplie.

En conséquence et sur le fond, la société [5] sera déboutée de sa demande tendant à ce que la décision de la CPAM en date du 17 février 2023 qui a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Monsieur [K] du 12 novembre 2021 lui soit déclarée inopposable.

Sur le respect du contradictoire

La société [5] soutient que la CPAM n’a pas mis à sa disposition l’ensemble des courriers échangés et ne l’a pas mise en mesure de venir consulter les pièces du dossier dans un délai raisonnable avant la prise de décision.

La CPAM verse aux débats le courrier d’ouverture de l’instruction daté du 26 octobre 2022 portant le calendrier de la procédure d’instruction que la société [5] a reconnu avoir accusé réception le 4 novembre 2022 dans son courrier du 5 décembre 2022.

La société [5] a complété son questionnaire en ligne le 6 décembre 2022 et a consulté le dossier en ligne le 9 février 2023, elle a par ailleurs fait des observations en ligne le 14 février 2023 et à nouveau consulté le dossier en ligne le 15 février 2023.

Aux termes de l’article R 461-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige :
« I.- La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L 461-1.
Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.
La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent.

II.- La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.
La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.

III.-A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le moyen soulevé par la société [5] tiré de la violation du principe du contradictoire n’est pas fondé puisque la consultation du dossier a concrètement bien eu lieu dans le délai de 10 jours tel que visé au courrier du 26 octobre 2022.

En conséquence, la société [5] sera déboutée de sa demande tendant à ce que la décision de la CPAM en date du 17 février 2023 qui a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Monsieur [K] du 12 novembre 2021 lui soit déclarée inopposable.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société [5], qui succombe, est condamnée aux dépens. Sa demande indemnitaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile devra dès lors être rejetée.

L’équité commande de ne pas faire application de l’indemnité réclamée par la CPAM sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DECLARE le recours formé par la société [5] recevable mais mal fondé,

DEBOUTE la société [5] de sa demande tendant à ce que la décision de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 4] du 17 février 2023 qui a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Monsieur [V] [K] du 12 novembre 2021 lui soit déclarée inopposable,

CONDAMNE la société [5] aux dépens,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties en application de l’article R.142-10-7 du code de la sécurité sociale.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal les jours, mois et an ci-dessus.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE
Louise DIANAFanny WACRENIER

Expédié aux parties le :
1 CE à la CPAM
1 CCC à la Sté
1 CCC à Me Moras

 

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