La disproportion manifeste dans le cadre d’un cautionnement en 10 Questions / Réponses

Résumé de cette affaire : M. [S] [U] a interjeté appel d’un jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 16 novembre 2022, qui avait condamné M. [S] [U] à payer 32.312,74 euros au Crédit du Nord (désormais Société Générale) et débouté la banque de ses demandes contre M. [P]. En appel, M. [S] [U] conteste la régularité de son engagement de caution, demandant l’infirmation du jugement et la déchéance de son engagement. M. [P] a également formé un appel incident, demandant à être débouté des demandes de M. [S] [U] et à obtenir des condamnations à son encontre. La Société Générale a demandé à ce que l’appel de M. [S] [U] soit déclaré mal fondé et a sollicité la confirmation du jugement initial. La cour a finalement infirmé le jugement en ce qui concerne le montant dû par M. [S] [U], le retenant redevable d’une somme de 100 100,25 euros, tout en confirmant d’autres dispositions du jugement et en déboutant M. [S] [U] de ses demandes. M. [S] [U] a été condamné aux dépens d’appel et à verser des sommes à la Société Générale et à M. [P] au titre des frais irrépétibles.

1. Qu’est-ce que la disproportion manifeste dans le cadre d’un cautionnement ?

La disproportion manifeste dans le cadre d’un cautionnement est définie par l’article L. 332-1 du Code de la consommation, qui stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique si l’engagement de cette dernière est manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion du contrat. Cette appréciation se fait au moment de la signature de l’acte de cautionnement. Ainsi, si la caution ne peut prouver que son engagement était disproportionné par rapport à sa situation patrimoniale, elle ne pourra pas se prévaloir de cette disproportion pour contester son engagement. En l’espèce, M. [U] n’a pas produit d’éléments probants sur sa situation patrimoniale au moment de son engagement, ce qui a conduit à la confirmation de son obligation de paiement.

2. Quelle est la charge de la preuve en matière de disproportion manifeste ?

La charge de la preuve de la disproportion manifeste incombe à la caution, comme le précise la jurisprudence. En effet, selon l’article L. 332-1 du Code de la consommation, il appartient à la caution de démontrer que son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion du contrat. Dans le cas présent, M. [U] n’a pas fourni d’éléments concrets sur sa situation financière, ce qui a conduit à la conclusion que son engagement de caution n’était pas disproportionné. La banque, quant à elle, peut se fier aux informations fournies par la caution sans être tenue de vérifier leur exactitude, tant qu’aucune anomalie n’est apparente.

3. Quelles sont les obligations de la banque envers la caution ?

La banque a des obligations de mise en garde envers la caution, notamment lorsqu’il s’agit d’une caution non avertie. L’article L. 341-6 du Code de la consommation impose à la banque de s’assurer que la caution comprend les risques liés à son engagement. Dans le cas de M. [U], bien qu’il ait été associé de la société, il n’avait pas les compétences nécessaires pour évaluer les risques financiers. La banque doit donc prouver qu’elle a respecté son devoir de mise en garde, ce qui n’a pas été le cas ici, car elle n’a pas fourni de preuve suffisante de l’information donnée à M. [U].

4. Quelles sont les conséquences du défaut d’information annuelle ?

Le défaut d’information annuelle par la banque entraîne des conséquences significatives pour la caution. Selon l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier, la banque doit informer la caution du montant du principal et des intérêts restant dus au 31 décembre de chaque année. En cas de non-respect de cette obligation, la banque se voit déchue de son droit aux intérêts échus depuis la dernière information jusqu’à la communication de la nouvelle information. Dans le cas de M. [U], la banque n’a pas pu prouver qu’elle avait respecté cette obligation, ce qui a conduit à la déchéance de son droit aux intérêts.

5. Qu’est-ce qu’un incident de paiement et quelles sont les obligations de la banque ?

Un incident de paiement se définit comme le non-paiement d’une échéance à son terme. L’article L. 333-1 du Code de la consommation impose à la banque d’informer la caution dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois suivant son exigibilité. Si la banque ne respecte pas cette obligation, elle ne peut pas exiger le paiement des pénalités ou des intérêts de retard jusqu’à ce que la caution ait été informée. Dans le cas de M. [U], la banque n’a pas informé la caution du premier incident de paiement, ce qui a entraîné la déchéance de son droit aux intérêts.

6. Quelles sont les conséquences d’un engagement de cautionnement disproportionné ?

Lorsqu’un engagement de cautionnement est jugé disproportionné, la caution peut être déchargée de son obligation de paiement. L’article L. 332-1 du Code de la consommation stipule que si la caution prouve que son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, elle peut contester la validité de son engagement. Cependant, la charge de la preuve incombe à la caution, qui doit démontrer cette disproportion au moment de la signature de l’acte. Dans le cas de M. [U], l’absence de preuve de disproportion a conduit à la confirmation de son obligation de paiement.

7. Qu’est-ce que la perte de chance en matière de responsabilité bancaire ?

La perte de chance se réfère à la possibilité pour une partie de bénéficier d’un avantage qui a été compromis par la faute d’une autre partie. Dans le contexte bancaire, si une banque ne respecte pas son devoir de mise en garde, la caution peut revendiquer une perte de chance de ne pas s’engager. Cependant, la réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, et non à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Dans le cas de M. [U], sa demande de réparation pour perte de chance a été rejetée, car il n’a pas prouvé que la banque avait des informations qu’il ignorait.

8. Quelles sont les implications de la qualité de caution avertie ?

La qualité de caution avertie implique que la personne a une connaissance suffisante des risques liés à son engagement. Selon la jurisprudence, un banquier n’est tenu à un devoir de mise en garde que si la caution avertie n’a pas accès à des informations pertinentes sur sa situation financière. Dans le cas de M. [U], bien qu’il ait été un professionnel aguerri, il n’a pas démontré qu’il avait une compréhension adéquate des risques liés à son engagement de caution. Cela a conduit à la conclusion que la banque n’était pas tenue de le mettre en garde.

9. Quelles sont les conséquences d’une liquidation judiciaire sur les engagements de caution ?

La liquidation judiciaire d’une société a des conséquences directes sur les engagements de caution. Lorsqu’une société est placée en liquidation judiciaire, les créanciers, y compris les banques, doivent se conformer aux règles de la procédure collective. Les cautions peuvent être tenues de payer les dettes de la société, mais elles peuvent également contester leur engagement si elles peuvent prouver une disproportion manifeste. Dans le cas de M. [U], la liquidation judiciaire de la société Kas a été prononcée, mais il n’a pas pu prouver la disproportion de son engagement.

10. Quelles sont les implications des frais irrépétibles dans une procédure judiciaire ?

Les frais irrépétibles, selon l’article 700 du Code de procédure civile, sont des frais que la partie perdante peut être condamnée à payer à la partie gagnante. Ces frais ne peuvent pas être récupérés dans le cadre de la procédure, mais sont destinés à compenser les frais engagés par la partie gagnante. Dans le cas de M. [U], il a été condamné à verser des frais irrépétibles à la banque et à l’autre partie, car il a échoué dans ses demandes. Cela souligne l’importance de bien préparer sa défense et de prouver ses allégations dans une procédure judiciaire.