Intervention volontaire en cause d’appel de l’union locale des syndicats CGT de l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle
Sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail, le syndicat représenté par M. [U] défenseur syndical fait valoir qu’il s’est constitué partie intervenante et qu’il est « fondé en son intervention ». Il sollicite une provision en réparation du dommage causé à l’intérêt collectif de la profession, mais sa demande est jugée irrecevable en cause d’appel.
Demandes de M. [I] tendant à constater la nullité de son licenciement et à ordonner sa réintégration
M. [I] soutient que son licenciement est nul en raison de motifs discriminatoires liés à ses activités syndicales. La Société conteste ces allégations et affirme que le licenciement est justifié par des absences injustifiées. Après examen des éléments présentés, la cour conclut qu’il n’y a pas de discrimination dans la mesure de licenciement et confirme l’ordonnance de non-lieu à référé.
Dépens et article 700 du code de procédure civile
M. [I] et l’Union Locale CGT sont condamnés aux dépens de la procédure d’appel et à payer une indemnité de procédure. Leurs demandes sont rejetées.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07388 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFU2
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Juin 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 22/00127
APPELANT
Monsieur [O] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par M. [M] [U] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE
S.A. COMPAGNIE D’EXPLOITATION DES SERVICES AUXILIAIRES AERIENS (SERVAIR)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre
Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente
Madame LAGARDE Christine, conseillère
Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Compagnie d’exploitation des services auxiliaires aériens SA (ci-après ‘la Société’) assure une activité dite de ‘catering’ qui consiste à l’élaboration de repas, leur confection et l’agencement des plateaux repas pour les compagnies aériennes clientes. Elle assure également, une activité dite de ‘handling’ qui consiste en l’acheminement de tous les éléments nécessaires pour assurer l’avitaillement d’un avion.
La société comporte quatre établissements dont deux établissements sur l’aéroport [5] (Servair 1 et Servair 2).
M. [O] [I] a été embauché par la Société par contrat durée indéterminée, à compter du 17 avril 1998, d’abord en tant que ‘Chauffeur chargeur PL’, puis évoluant pour un emploi de ‘Ajusteur chargeur PL’ classe B1, indice 206 au sein de l’établissement Servair 2.
M. [I] a été placé en activité partielle à compter du 24 avril 2020.
A la suite de la situation sanitaire liée à l’épidémie du Covid et de la baisse de l’activité aérienne qui en est résultée, la Société a signé un accord relatif à la mise en ‘uvre d’une rupture conventionnelle collective le 31 juillet 2020 et un accord de performance collective (APC) du 24 novembre 2020 avec les syndicats FO, SLICA et CFE-CGC.
L’accord APC à durée déterminée prenant fin en décembre 2023, prévoyait notamment la possibilité de mettre en place des mobilités temporaires des salariés entre l’établissement Servair 2 et l’établissement Servair 1.
le 1er mars 2021 la société a convoqué M. [I] à un entretien en vue d’organiser sa mobilité temporaire de l’établissement Servair 2 vers l’établissement Servair 1.
M. [I] a signé un avenant à son contrat de travail prévoyant sa mobilité temporaire vers l’établissement Servair 1 à effet du 1er avril 2021 se terminant le 30 septembre 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 29 septembre 2021, la Société a notifié à M. [I] son licenciement pour faute grave.
C’est dans ces conditions que Monsieur [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny, en sa formation de référé aux fins de voir annuler et faire cesser les effets de la mesure de licenciement et d’ordonner la poursuite du contrat de travail et sa réintégration. Il sollicitait en outre à titre provisionnel des dommages et intérêts pour discrimination syndicale et une indemnité pour salaire à raison de 3 082 euros par mois.
Par ordonnance de référé rendue le 24 juin 2022, le conseil de prud’hommes:
«DIT n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes.
DÉBOUTE Monsieur [O] [I] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
DÉBOUTE la société SERVAIR de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [O] [I] ».
Selon déclaration du 22 juillet 2022, Monsieur [I] a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions déposées au greffe le 12 octobre 2022, Monsieur [I], par son défendeur syndical et l’union locale des syndicats CGT de l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle intervenant volontaire demandent à la cour :
« Vu les articles R 1455-6, L 2141-5 du Code du Travail ;
– RECEVOIR l’appel de Monsieur [O] [I]
– RECEVOIR l’intervention de Union Locale des syndicats CGT de l’aéroport ROISSY cdg ;
– INFIRMER l’ordonnance précitée, en toutes ses dispositions ;
En statuant à nouveau,
– CONSTATER le trouble manifestement illicite et RECEVOIR les demandes,
– CONSTATER la nullité du licenciement du 29 septembre 2021 ;
– SUSPENDRE la rupture du contrat de travail, en faisant cesser les effets de la mesure de licenciement intervenue le 29 septembre 2021 ;
– ORDONNER la poursuite du contrat de travail, et la réintégration à son emploi de chargeur ajusteur à l’établissement SERVAIR 2, avec une astreinte de 1.000 € par jour de retard.
– ORDONNER le paiement d’une indemnité provisionnelle au titre des salaires interrompu depuis le 1er octobre 2021 à raison de 3.082 € par mois, soit la somme de 36.984 € à fin septembre, à poursuivre.
– ORDONNER le paiement d’une indemnité provisionnelle au titre des salaires non versés entre le 13 juillet et le 29 septembre 2021 pour la somme de 6.042 €.
– CONDAMNER à payer une indemnité provisionnelle sur dommages et intérêts pour discrimination syndicale et pour exercice du droit de grève, de 3.000 €.
– CONDAMNER la société SERVAIR au paiement d’une indemnité provisionnelle au titre des dommages et intérêts des préjudices portés à la liberté syndicale et à l’intérêt des salariés de l’aéroport, pour un montant de 1.500 € ;
– CONDAMNER la SA SERVAIR à payer une indemnité au titre de l’article 700 du CPC de 1.500€ de première instance et d’appel ;
– CONDAMNER la SA SERVAIR à verser une indemnité au titre de l’article 700 du CPC de 500€ à l’Union Locale des syndicats CGT de l’aéroport de ROISSY cdg, de procédure d’appel;
– CONDAMNER la SA SERVAIR aux entiers dépens, de première instance et d’appel».
Par conclusions transmises par RPVA le 10 novembre 2022 et régulièrement signifiées, la Société demande à la cour :
« – RECEVOIR SERVAIR en ses conclusions et l’y déclarer bien-fondée ;
– JUGER Monsieur [I] et l’UL CGT ROISSY CDG mal fondés en leur appel et les en débouter ;
Et en conséquence,
– CONFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 24 juin 2022 rendue par la formation de référé du Conseil de prud’hommes de Bobigny ;
Et, y ajoutant,
– DÉBOUTER l’UL CGT ROISSY CDG de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
– CONDAMNER Monsieur [I] et l’UL CGT ROISSY CDG à verser chacun la somme de 2.000 euros à SERVAIR au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ».
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’intervention volontaire en cause d’appel de l’union locale des syndicats CGT de l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle
Sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail, le syndicat représenté par M. [U] défenseur syndical fait valoir qu’il s’est constitué partie intervenante et qu’il est « fondé en son intervention ».
Il sollicite la somme de 1 500 euros à titre de provision en réparation du dommage causé à l’intérêt collectif de la profession, estimant que la Société a recours à des « procédés de voie de fait » et des « procédés pernicieux destinés à nuire des salaires aux fins d’intimer d’autres salariés de l’entreprise ».
Sur ce,
Aux termes de l’article 546 du code de procédure civile « le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé ».
La cour ne peut que constater à la lecture de l’ordonnance entreprise, que devant le conseil de prud’hommes M.[U], défenseur syndical représentait uniquement M. [I].
L’Union Locale CGT n’y était pas « partie intervenante », et aucune demande n’avait été faite au bénéfice du syndicat.
Dès lors, sa demande est irrecevable en cause d’appel.
Sur les demandes de M. [I] tendant à « constater la nullité du licenciement du 29 septembre 2021 », à en suspendre les effets et ordonner sa réintégration sous astreinte
M. [O] [I] fait valoir que :
– au visa des articles L. 1132-2 et L. 2141-5 du code du travail, son licenciement est nul en ce qu’il repose sur un motif discriminatoire lié à ses activités syndicales, le trouble illicite étant constitué par son licenciement en lien avec ses activités syndicales connues de son employeur alors qu’il occupait des fonctions syndicales depuis son embauche en 1998 ;
– il a exercé des fonctions représentatives dans l’entreprise jusqu’aux élections de décembre 2017 où il n’a pas été élu dans le collège maîtrise comme candidat suppléant, et à compter de cette date, son employeur a démontré son intention de le licencier en lien avec son activité syndicale en lui adressant des avertissements en évoquant des sanctions disciplinaires à son égard suite à de « prétendues absences de badgeage contestées » ;
– sa protection spéciale de six mois à la suite de son mandat expirait en juin 2018, et dès le 8 juin 2018 il était convoqué à un entretien préalable au licenciement ce qui démontre que la Société utilisait des procédures disciplinaires dans des contextes où il dénonçait les faits qui lui étaient reprochés en lien avec son activité syndicale ;
– la société, après avoir qualifié son absence le 24 juin et du 13/15 juillet et du 10 août 2021 de « faute grave », ne lui a finalement reproché qu’une « absence » sans être en mesure de démontrer qu’il avait été informé de ses convocations au suivi d’une formation ;
– cette attitude de la Société témoigne d’une « précipitation stupéfiante pour licencier » alors qu’elle a montré une « désinvolture inexplicable » dans la tentative de le joindre pendant deux mois ;
– l’absence d’éléments objectifs sur la réalité des faits reprochés et sur leur gravité, permet de déduire que c’est son activité syndicale qui a motivé la décision de le licencier.
La Société soutient que :
– M. [I] ne détenait aucun mandat au moment de la notification de son licenciement et n’apporte aucun élément permettant de déterminer qu’il répond à l’un des cas légaux de discrimination ;
– le licenciement pour faute grave est justifié par les absences aux formations préalables nécessaires à la reprise d’activité et par plusieurs absences injustifiées ;
– la demande d’annulation de la mesure de licenciement et sa demande de réintégration dans l’entreprise sont infondées et ne relèvent pas des prérogatives du juge des référés ;
– la demande provisionnelle au titre du rappel de salaires est infondée dans son principe et dans son quantum ;
– M. [I] n’a fait l’objet d’aucune discrimination au titre de son activité syndicale ou de l’exercice du droit de grève, de sorte que sa demande en dommages et intérêts est infondée.
Sur ce,
Aux termes de l’article L.2145-5 du code du travail « il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ».
Aux termes de l’article R.1455-6 du code du travail, « la formation de référé peut toujours prescrire les mesures de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ».
En application de la disposition précitée, le trouble manifestement illicite résulte d’un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente d’une norme obligatoire dont l’origine peut être contractuelle, législative ou réglementaire, l’appréciation du caractère manifestement illicite du trouble invoqué, relevant du pouvoir souverain du juge des référés.
Il ressort du compte rendu de l’entretien du 12 mars 2021 que trois formations devaient être planifiées et que M. [I] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le 27 mai 2021 aux actions de formation suivante :
-« FCO Transport de marchandises » les 7 juin et 11 juin 2021 ;
-« Permis T et familiarisation » le 24 juin 2021 ;
-« Approche avion initiale ‘ Théorie + pratique » du 13 juillet au 15 juillet 2021.
Il n’est pas contesté que M. [I] s’est présenté à la première formation « FCO » mais pas aux formations suivantes.
Il est justifié que ces convocations ont été adressées en lettre recommandée avec accusé de réception le 28 mai 2021, mais n’ont pas été retirées par M. [I] qui en a été avisé.
M. [I] s’est toutefois présenté à la première action de formation les 7 et 11 juin 2021 et il est démontré que les convocations lui avaient été adressées par M. [E], présenté par la Société comme étant le ‘manager’ de l’appelant, dès le 28 mai, au moyen de l’application WhatsApp.
Il est à noter que dans ce message adressé à M. [I], M. [E], lui « confirme » ses périodes de congés, ce qui tend à établir que ce dernier était le supérieur de l’appelant, étant constaté en tout état de cause que ce dernier en a accusé réception en ayant indiqué « bien reçu je te remercie bonne journée ».
Il ne saurait donc être reproché à la Société d’avoir fait preuve de « désinvolture », alors qu’un moyen utile, rapide et efficace de communication avait permis de palier la non-remise du courrier.
Les absences aux actions de formation du 28 juin et des 13 et 15 juillet figurent en « absences injustifiées » sur le bulletin de paie du mois de juillet 2021.
Par courrier du 10 août 2021, la société a mis en demeure M. [I] de justifier de ses absences depuis le 13 juillet 2021 et par courrier postérieur, ce dernier a confirmé avoir reçu les convocations par la messagerie WhatsApp.
La cour constate à l’étude des pièces produites aux débats, qu’il n’existe aucun élément de nature à laisser suspecter l’existence d’une quelconque discrimination dans la mesure de licenciement qui trouverait sa source dans l’exercice de l’activité syndicale qu’il avait antérieurement exercée, étant relevé qu’il n’avait pas de mandat électif contemporain à cette mesure depuis 2018.
Les pièces communiquées en appel par l’appelant constituées de procédures disciplinaires antérieures portant sur des absences injustifiées, des retards, ou des comportements critiquables à l’égard de ses collègues ou de sa hiérarchie ne présentent aucun caractère de concomitance avec la mesure de licenciement contestée.
Il résulte ainsi de l’ensemble des considérations qu’en l’absence de trouble manifestement illicite constitué par la procédure de licenciement initiée à l’encontre de M. [I], il y a lieu de confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé, et ce sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
M. [I] et l’Union Locale CGT qui succombent, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de la procédure d’appel, et à payer, chacun, une indemnité de procédure et seront déboutés de leurs demandes à cet égard.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Y ajoutant:
Décide que l’Union Locale des syndicats CGT de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle est irrecevable en son appel ;
Condamne in solidum M. [O] [I] et l’Union Locale des syndicats CGT de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle aux dépens de la procédure d’appel ;
Condamne M. [O] [I] et l’Union Locale des syndicats CGT de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle à payer, chacun, à la société Compagnie d’exploitation des services auxiliaires aériens SA la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et les déboute de leur demande à ce titre.
La greffière, Le président,