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MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture
L’article 784 du code de procédure civile énonce en substance que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.
En l’espèce, Madame [W] veuve [Z] soutient que la proposition de logement social faite par la RIVP, postérieurement à la clôture constitue une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture, au motif que le débat doit se prononcer sur la nature mixte ou commerciale du bail.
Or, d’une part, le rapport d’expertise envisage les deux hypothèses sur la nature du bail, de sorte que cet élément n’est pas nouveau dans le débat, d’autre part, la proposition de logement fait suite à une demande de logement social formulée par Madame [W] veuve [Z] en 2016, soit antérieurement à sa prise à bail, elle est donc parfaitement étrangère à la procédure. En conséquence, le moyen tiré de l’existence d’une cause grave ne saurait prospérer.
Il en résulte que la demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera rejetée, pour défaut de cause grave.
La clôture étant maintenue, les conclusions postérieures notifiées par les parties seront déclarées irrecevables. Sur la nature du bail
L’alinéa 1 de l’article L. 145-1 du code de commerce dispose en substance que les dispositions du statut des baux commerciaux s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat immatriculée au registre national des entreprises, accomplissant ou non des actes de commerce.
Il est constant que le principe de l’indivisibilité du bail donne une nature commerciale au bail exploité à des fins commerciales, même lorsqu’il y a d’autres usages et ce, quelle que soit l’importance de l’activité commerciale par rapport à l’ensemble du local. Il est également constant que la qualification commerciale donnée au bail par les parties ne peut être réputée abandonnée du seul fait de la tolérance d’un usage exclusif d’habitation depuis plusieurs années, le silence ne pouvant valoir renonciation non équivoque à se prévaloir des conditions d’application du statut des baux commerciaux.
En l’espèce, le bail stipule que les locaux sont donnés à bail » pour y continuer l’activité qui est déjà exercée : blanchisserie laverie automatique nettoyage à sec et libre-service « . Il ressort de la désignation du bail tacitement reconduit que les lieux consistent en :
-Une boutique au rez-de-chaussée d’une superficie de 35m² environ ; -Une arrière-boutique d’une superficie de 37m² environ ; Il est indiqué que la surface n’est pas garantie et n’est mentionnée qu’à titre de renseignement. La clause stipule que les locaux ont été transformés partiellement à usage d’habitation avant son acquisition du fonds de commerce, sans l’autorisation du propriétaire. Il en résulte que le bailleur et le preneur initial ont entendu sans équivoque placer sous le statut des baux commerciaux le bail litigieux. En outre, l’acte de cession de fonds de commerce du 27 décembre 2017 entre Monsieur [N] et Madame [W] veuve [Z] mentionne la titularité d’un bail commercial édicté par un acte authentique pour l’exploitation d’un fonds de laverie automatique situé dans les locaux, fonds immatriculé au RCS de Paris sous le n°528 105 406.
Constatant l’exploitation d’un fonds de commerce immatriculé au RCS dans le cadre d’un bail que les parties ont entendu placer sous le statut des baux commerciaux, c’est donc à tort que Madame [W] veuve [Z] prét
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
31 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 22/02908
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me MARTIGNON
Me MONGBO
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18° chambre
2ème section
N° RG 22/02908
N° Portalis 352J-W-B7G-CWHBF
N° MINUTE : 2
Assignation du :
25 Février 2022
JUGEMENT
rendu le 31 Janvier 2024
DEMANDERESSE
S.A. LA RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 5] (RCS Paris 552 032 708)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Laurent MARTIGNON de la SARL CABINET TROUVIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0354
DÉFENDERESSE
Madame [D] [W] veuve [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Daniel MONGBO de la SELEURL Cabinet MONGBO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1711
Décision du 17 Janvier 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 22/02908 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWHBF
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Jean-Christophe DUTON, Vice-président, statuant en juge unique,
assisté de Henriette DURO, Greffier.
DÉBATS
A l’audience du 18 Octobre 2023 tenue en audience publique.
Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2024 prorogé au 31 Janvier 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort
_________________
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte notarié du 19 janvier 2007, la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 5], ci-après dénommée la » RIVP » a donné à bail, en renouvellement, à Monsieur et Madame [S], des locaux commerciaux sis au [Adresse 2], pour une durée de 9 années à compter rétroactivement du 1er avril 2003 avec échéance au 31 mars 2012. Le bail a été consenti pour l’exploitation d’une activité de blanchisserie, laverie automatique, nettoyage à sec et libre-service.
Par acte sous seing privé du 7 mai 2007, Madame et Monsieur [S] ont cédé à Monsieur [B] [G] leur fonds de commerce, en ce compris, le droit au bail des locaux pour le temps restant à courir.
Par acte sous seing privé du 1er octobre 2010, Monsieur [G] a cédé à Monsieur [N] son fonds de commerce, en ce compris, le droit au bail des locaux pour le temps restant à courir.
Depuis le 1er avril 2012, le bail s’est poursuivi par tacite prolongation.
Par acte sous seing privé du 27 décembre 2017, Monsieur [N] a cédé à Madame [W] [D] veuve [Z] (la défenderesse) son fonds de commerce, en ce compris le droit au bail des locaux précités.
Par exploit du 25 juin 2021, la RIVP a fait signifier à Madame [W] veuve [Z], un congé avec refus de renouvellement du bail et paiement d’une indemnité d’éviction, à effet au 31 décembre 2021.
Par exploit introductif d’instance délivré le 8 octobre 2021, la RIVP a assigné Madame [W] veuve [Z] en référé devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir désigner un expert judiciaire pour déterminer l’indemnité d’éviction, ainsi que le montant de l’indemnité d’occupation.
Par ordonnance du 14 décembre 2021, le tribunal a désigné Monsieur [K] en qualité d’expert judiciaire. Celui-ci a déposé son rapport le 21 juillet 2022.
Par exploit d’huissier du 25 février 2022, la RIVP a assigné Madame [W] veuve [Z] en fixation de l’indemnité d’éviction à la somme de 15 600 euros et de l’indemnité d’occupation à la somme de 18 570 euros HT / HC par an à compter du 1er janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 août 2022, la RIVP demande au tribunal judiciaire de Paris de :
-La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
-Débouter Madame [W] veuve [Z] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
-Fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 23 800 euros HT / HC par an ;
-Fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 9144 euros HT / HC par an, à compter du 1er janvier 2022 ;
-Condamner Madame [W] veuve [Z] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Au soutien de ses prétentions, la RIVP énonce :
-Que l’indemnité accessoire de frais de réemploi doit être écartée au motif que Madame [W] veuve [Z] n’a pas manifesté sa volonté d’exploiter une nouvelle laverie ; pour les mêmes raisons, elle ne pourrait non plus prétendre au versement d’une indemnisation au titre des frais de réinstallation ;
-Que les frais de déménagement sont inexistants en cas de perte du fonds de commerce dans l’hypothèse d’un bail commercial ; que dans l’hypothèse d’un transfert, l’expert les estime à 7400 euros, mais les arrondit à 8000 euros, arrondi qui n’est pas justifié ;
-Qu’aucun local n’ayant été proposé au jour des conclusions, il convient de considérer que l’éviction de Madame [W] veuve [Z] entraînera une perte du fonds de commerce et qu’il convient donc de retenir cette hypothèse, en distinguant l’approche où l’on considère qu’il s’agit d’un bail commercial de celle où l’on considère qu’il s’agit d’un bail mixte ;
-Qu’elle s’en rapporte à l’expert sur l’indemnité d’occupation ; soit, si c’est qualifié de bail commercial : 9144 euros par an, soit, si c’est qualifié de bail mixte de 15 360 euros par an.
Madame [W] veuve [Z] n’a pas fait valoir de conclusions en réponse.
La clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.
Dans des conclusions notifiées postérieurement à la clôture, en date du 8 octobre 2023, Madame [W] veuve [Z] demande au tribunal judiciaire de Paris de :
-La recevoir en ses demandes ;
-Ordonner le rabat de la clôture de l’instruction ;
-Fixer le calendrier de la procédure.
Subsidiairement,
-Dire qu’elle est bénéficiaire d’un bail mixte commercial et à usage d’habitation ;
-Déclarer, en l’absence de relogement préalable, nul et de nul effet le congé avec refus de renouvellement de bail commercial et offre d’indemnité d’éviction signifié le 25 juin 2021 ;
-Condamner la RIVP au paiement de 93 121 euros au titre de l’indemnité d’éviction hors indemnisation de l’arrière-boutique à usage d’habitation, dont compensation par l’attribution d’un logement de type F3 ;
-Condamner la RIVP au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la RIVP aux entiers dépens.
Dans des conclusions en réponse pareillement notifiées postérieurement à la clôture, en date du 11 octobre 2023, la RIVP demande au tribunal judiciaire de Paris de :
-Dire et juger que la demande de révocation de clôture de Madame [W] veuve [Z] ne repose sur aucune cause grave et contrevient donc aux dispositions de l’article 784 du code de procédure civile ;
-Débouter Madame [W] veuve [Z] de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture et de réouverture des débats le 18 octobre 2023 ;
-Rejeter les conclusions récapitulatives noti?ées par Madame [W] veuve [Z] postérieurement à l’ordonnance de clôture du 4 janvier 2023 ;
-Dire et juger que, conformément aux termes de l’ordonnance de clôturé du 4 janvier 2023, l’affaire sera appelée pour être plaidée à l’audience du 18 octobre 2023.
La clôture a été prononcée le 04 janvier 2023. L’audience de plaidoirie a eu lieu le 18 octobre 2023. La décision a été mise en délibéré au 17 janvier 2024 prorogée au 31 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture
L’article 784 du code de procédure civile énonce en substance que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.
En l’espèce, Madame [W] veuve [Z] soutient que la proposition de logement social faite par la RIVP, postérieurement à la clôture constitue une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture, au motif que le débat doit se prononcer sur la nature mixte ou commerciale du bail.
Or, d’une part, le rapport d’expertise envisage les deux hypothèses sur la nature du bail, de sorte que cet élément n’est pas nouveau dans le débat, d’autre part, la proposition de logement fait suite à une demande de logement social formulée par Madame [W] veuve [Z] en 2016, soit antérieurement à sa prise à bail, elle est donc parfaitement étrangère à la procédure. En conséquence, le moyen tiré de l’existence d’une cause grave ne saurait prospérer.
Il en résulte que la demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera rejetée, pour défaut de cause grave.
La clôture étant maintenue, les conclusions postérieures notifiées par les parties seront déclarées irrecevables.
Sur la nature du bail
L’alinéa 1 de l’article L. 145-1 du code de commerce dispose en substance que les dispositions du statut des baux commerciaux s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat immatriculée au registre national des entreprises, accomplissant ou non des actes de commerce.
Il est constant que le principe de l’indivisibilité du bail donne une nature commerciale au bail exploité à des fins commerciales, même lorsqu’il y a d’autres usages et ce, quelle que soit l’importance de l’activité commerciale par rapport à l’ensemble du local.
Il est également constant que la qualification commerciale donnée au bail par les parties ne peut être réputée abandonnée du seul fait de la tolérance d’un usage exclusif d’habitation depuis plusieurs années, le silence ne pouvant valoir renonciation non équivoque à se prévaloir des conditions d’application du statut des baux commerciaux.
En l’espèce, le bail stipule que les locaux sont donnés à bail » pour y continuer l’activité qui est déjà exercée : blanchisserie laverie automatique nettoyage à sec et libre-service « .
Il ressort de la désignation du bail tacitement reconduit que les lieux consistent en :
-Une boutique au rez-de-chaussée d’une superficie de 35m² environ ;
-Une arrière-boutique d’une superficie de 37m² environ ;
Il est indiqué que la surface n’est pas garantie et n’est mentionnée qu’à titre de renseignement.
La clause stipule que les locaux ont été transformés partiellement à usage d’habitation avant son acquisition du fonds de commerce, sans l’autorisation du propriétaire.
Il en résulte que le bailleur et le preneur initial ont entendu sans équivoque placer sous le statut des baux commerciaux le bail litigieux.
En outre, l’acte de cession de fonds de commerce du 27 décembre 2017 entre Monsieur [N] et Madame [W] veuve [Z] mentionne la titularité d’un bail commercial édicté par un acte authentique pour l’exploitation d’un fonds de laverie automatique situé dans les locaux, fonds immatriculé au RCS de Paris sous le n°528 105 406.
Constatant l’exploitation d’un fonds de commerce immatriculé au RCS dans le cadre d’un bail que les parties ont entendu placer sous le statut des baux commerciaux, c’est donc à tort que Madame [W] veuve [Z] prétend invoquer la mixité du bail, alors qu’elle ne pouvait ignorer être cessionnaire d’un bail commercial, lequel exclut toute possibilité de mixité du fait du principe d’indivisibilité, ce d’autant plus que le bailleur n’a jamais entendu y renoncer de façon expresse, comme l’indique la stipulation » les locaux ont été transformés partiellement à usage d’habitation avant son acquisition du fonds de commerce sans l’autorisation du propriétaire « .
En conséquence, le bail sera qualifié de commercial.
Sur l’indemnité d’éviction
Sur l’indemnité principale
Aux termes de l’article L. 145-14 du code du commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée selon les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
En l’espèce, la RIVP mentionne que Madame [W] veuve [Z] n’a pas fait valoir une possibilité de transfert, et l’expert est d’avis dans ses conclusions que l’éviction entraînera une perte du fonds de commerce. En conséquence, il y a lieu de conclure à la perte de fonds.
Dès lors, en application des dispositions de l’article L. 145-14, alinéa 2, du code de commerce, il y a lieu de constater que le refus de renouvellement entraînera la disparition du fonds de commerce et que l’indemnité d’éviction prendra la forme d’une indemnité de remplacement.
Dans l’hypothèse du bail commercial qui nous intéresse, l’expert conclut à une valeur du fonds de commerce supérieure (22 000 euros) à la valeur du droit au bail (7600 euros). En conséquence, l’indemnité principale sera par conséquent égale à la valeur du fonds de commerce qu’il conviendra d’évaluer.
Il est d’usage de retenir la méthode du chiffre d’affaires, s’agissant d’un fonds de blanchisserie de détail. Il ressort du rapport d’expertise que le chiffre d’affaires moyen pour les années 2018, 2019 est de 21 709 euros hors taxe. L’expert retient un taux moyen de 100% sur le chiffre d’affaires TTC qui n’apparaît pas contesté. Il conclut à une valeur du fond de 22 000 euros.
En conséquence, l’indemnité principale d’éviction sera fixée à 22 000 euros, compte tenu de la juste application de la méthode du chiffre d’affaires qui a valablement déterminé la valeur d’un fonds de commerce qui reflète fidèlement la valeur d’un fonds situé dans un quartier résidentiel adapté à l’activité, mais qui a une faible rentabilité, présente des locaux dans un état moyen d’entretien, et nécessite de nombreux travaux (22 000*100% = 22 000 euros).
Sur les indemnités accessoires
Les frais de remploi
L’acquisition d’un nouveau fonds de commerce est soumise à des droits. Compte tenu des frais de transactions et de rédaction d’actes, il est généralement retenu un pourcentage de l’ordre de 10% de la valeur du fonds pour déterminer cette indemnité de remploi. L’expert a d’ailleurs retenu ce taux de 10% à juste titre.
Ces frais seront habituellement fixés à 10 % de l’indemnité principale. Il n’existe aucun élément permettant d’écarter ce montant forfaitaire, l’absence de manifestation de réinstallation de Madame [W] veuve [Z] n’excluant pas qu’elle puisse conserver le droit d’acquérir un nouveau fonds de commerce distinct du précédent, sans avoir à supporter les frais administratifs afférents. Il sera donc fixé comme suit : soit 22 000 euros x 10 % = 2200 euros.
Les frais de déménagement
Le bail ayant été qualifié de commercial, Madame [W] veuve [Z] ne peut prétendre à des frais de déménagement.
Le trouble commercial
Ce préjudice résulte de la perte de temps générée par l’éviction et le moindre investissement dans le commerce, ayant eu des incidences sur l’exploitation. Il est d’usage que cette indemnité corresponde à trois mois de l’excédent brut d’exploitation (EBE) moyen des trois derniers exercices, et, s’il est nul ou déficitaire, en tenant compte d’autres paramètres comme le chiffre d’affaires ou la masse salariale.
L’expert a déterminé le trouble commercial en retenant 2 mois d’EBE moyen, faute pour Madame [W] veuve [Z] d’avoir fourni les comptes 2020 et 2021. Il n’a donc pu fonder son estimation que sur les années 2018 et 2019. Il y a donc lieu de retenir la proposition de 1 800 euros en indemnités du trouble commercial qui n’est pas contestée.
Total de l’indemnité d’éviction :
L’indemnité d’éviction sera dès lors être fixée comme suit :
– indemnité principale : 22 000 euros ;
– indemnité de frais de remploi : 2200 euros ;
– indemnité de trouble commercial : 1800 euros.
Soit un total de : 26 000 euros.
Il y a donc lieu de fixer l’indemnité d’éviction due par la RIVP à Madame [W] veuve [Z] à 26 000 euros.
Sur l’indemnité d’occupation
En application de l’article L. 145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, ou jusqu’à son départ s’il est parti avant, fixée d’après la valeur locative déterminée conformément aux articles L. 145-33 et suivants du code de commerce et en tenant compte de tous éléments d’appréciation, notamment de la précarité de l’occupation.
Pour l’hypothèse du bail commercial, après avoir déterminé la superficie à 37 m² pour la surface commerciale et 37 m² pour les annexes, l’expert judiciaire estime l’indemnité d’occupation à 9144 euros par an, soit 762 euros par mois.
Ce montant n’est pas contesté par la RIVP. Madame [W] veuve [Z] n’a pas fait valoir d’observations avant la clôture des débats.
Le montant annuel de l’indemnité d’occupation due par Madame [W] veuve [Z] à la RIVP, à compter du 1er janvier 2022 sera donc fixé à la somme annuelle de 9144 euros en principal.
Sur les autres demandes
L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie au paiement d’une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens. Dans ce cadre, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique des parties.
L’instance et l’expertise ont eu pour cause la délivrance par la RIVP du congé refusant le renouvellement. Il appartient à la RIVP en conséquence d’en supporter les dépens.
La RIVP sera en outre déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est constaté que la RIVP bénéficie d’un droit de repentir et ne sollicite pas l’exécution provisoire. En conséquence, il n’y a pas lieu de l’ordonner.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
CONSTATE qu’à la suite du refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction, le bail qui lie la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 5] et Madame [W] [D] veuve [Z] a pris fin le 31 décembre 2021,
CONDAMNE la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 5] à payer à Madame [W] [D] veuve [Z] la somme totale de 26 000 euros au titre de l’indemnité d’éviction toutes causes confondues, laquelle se décompose comme suit :
– indemnité principale : 22 000 euros,
– indemnité de frais de remploi : 2200 euros,
– indemnité de trouble commercial : 1800 euros,
CONSTATE que Madame [W] [D] veuve [Z] bénéficie d’un droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction,
DIT que Madame [W] [D] veuve [Z] est redevable à l’égard de la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 5] d’une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2022,
FIXE le montant de cette indemnité d’occupation à la somme annuelle de 9144 euros hors taxe, outre les charges à payer,
CONDAMNE la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 5] aux entiers dépens,
REJETTE le surplus des demandes de la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 5],
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Fait et jugé à Paris le 31 Janvier 2024
Le Greffier Le Président
Henriette DURO Jean-Christophe DUTON