Indemnité de privation de jouissance non contestée

Notez ce point juridique

Sur la demande principale de mainlevée des saisies conservatoires

La société Flat Lease Group a justifié d’une créance paraissant fondée en son principe en vertu du contrat de location du 22 janvier 2010. La société Aufa avait l’obligation de restituer le matériel loué dans les huit jours suivant la résiliation du contrat, sous peine de devoir payer une indemnité de privation de jouissance. La société Aufa n’ayant pas répondu aux mises en demeure de la société Flat Lease Group, la mainlevée des saisies conservatoires a été rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’équité ne justifie pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des parties. La société Aufa, partie perdante, devra supporter les entiers dépens d’appel sans frais d’exécution supplémentaires.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 26 OCTOBRE 2023

N° 2023/670

N° RG 22/14415 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHX6

SARL AUFA (GOLFE FRUITS)

C/

S.A.S.U. FLAT LEASE GROUP

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me SIMON-THIBAUD Roselyne

Me ABASSIT Florian

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 17 Octobre 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/05154.

APPELANTE

SARL AUFA (GOLFE FRUITS) Inscrite au RCS de Cannes sous le n°452.788.276, Représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège social sis, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me SIMON-THIBAUD Roselyne, avocat au barreau d’Aix-en-provence

Et ayant comme avocat plaidant Me LETELLIER Ludovic, avocat au barreau de Nice

INTIMEE

S.A.S.U. FLAT LEASE GROUP, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me ABASSIT Florian, avocat au barreau de Nice

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Anne-Marie BLANCO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Anne-Marie BLANCO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Une ordonnance du 13 septembre 2019 du juge de l’exécution de Grasse autorisait la SASU Flat Lease Group à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la Sarl Aufa (Golfe Fruits) auprès de la Caisse d’Epargne Côte d’Azur, aux fins de garantir le paiement d’une créance provisoirement évaluée à 23 965,39 €.

Le 2 octobre 2019, la société Flat Lease Group faisait signifier à la Caisse d’Epargne Côte d’Azur une saisie conservatoire des comptes bancaires de la société Aufa qui produisait son effet pour un montant de 3 280,23 € et était dénoncée, le 3 octobre suivant à la société Aufa.

Le 31 octobre 2019, la société Aufa faisait assigner la société Flat Lease Group devant le juge de l’exécution de Grasse aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire.

Un jugement du juge de l’exécution de Grasse du 17 octobre 2022 :

– rejetait la demande de sursis à statuer de la société Flat Lease Group,

– déboutait la société Aufa de ses demandes de mainlevée de la saisie conservatoire du 2 octobre 2019 et de sa demande subséquente afférente à la saisie,

– condamnait la société Aufa au paiement d’une indemnité de 1 800 € pour frais irrépétibles.

Ledit jugement était notifié par voie postale à la société Aufa par lettre recommandée avec avis de réception signé le 20 octobre 2022. Par déclaration reçue le 28 octobre 2022 au greffe de la cour, la société Aufa formait appel du jugement précité.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 24 mai 2023, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Aufa demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté l’exception de sursis à statuer,

– infirmer le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés,

– débouter la société Flat Lease Group de toutes ses demandes et ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire du 2 octobre 2019,

– condamner la société Flat Lease Group au paiement d’une indemnité de 2 500 € pour frais irrépétibles et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Badie-Simon Thibaud-Juston.

Elle rappelle que la relation contractuelle est soumise à une convention de collaboration du 9 février 2006 selon laquelle, entre le fournisseur et le bailleur, à l’issue de chaque location, le fournisseur sollicite une facture de rachat du matériel ou en cas de tacite reconduction, le bailleur reverse 70 % des loyers perçus au fournisseur. Dans les rapports entre bailleur et locataire, à l’échéance du contrat de location, le locataire doit résilier le contrat en respectant un délai de prévenance de 6 mois et restituer le matériel.

Elle invoque des pratiques d’adaptation entre février 2006 et février 2011 poursuivies par la société Flat Lease Group jusqu’en fin d’année 2012, selon lesquelles, à l’issue de chaque contrat de location, le bailleur adressait au fournisseur une facture de rachat payée par le fournisseur qui disposait alors du matériel pour le vendre ou le mettre à disposition du locataire. Elle rappelle que la société Flat Lease Group a été condamnée, par arrêt du 25 mars 2021 (dont le pourvoi a été rejeté) relative à un autre litige, de la cour d’appel d’Aix en Provence, à poursuivre les pratiques d’adaptation précitées qualifiées de novation par le premier juge.

Au cas d’espèce, elle rappelle que le contrat a été résilié à son terme, sans tacite reconduction, et son absence d’obligation de payer une indemnité d’immobilisation à défaut d’envoi d’une facture de rachat de matériel à la société Pesage 2000, obligation résultant des pratiques d’adaptation précitées, retenues par l’arrêt du 25 mars 2021, des clauses de la convention de collaboration. En outre, elle soutient que la résiliation du contrat à son terme initial a pour effet l’impossibilité de se prévaloir d’une clause contractuelle relative à ses effets et notamment à une indemnité d’immobilisation pour défaut de restitution du matériel.

En tout état de cause, elle conteste toute menace de non-recouvrement de la créance de 23 965 €, laquelle ne représente pas 1/10ème de son chiffre d’affaires de 1 964 158 €. Elle précise que la trésorerie était faible au jour de la saisie, le 2 octobre 2019, en raison du paiement des salaires et des charges. Enfin, elle justifie son absence de réponse aux relances et mises en demeure par l’existence d’un contentieux avec la société Pesage 2000.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 24 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Flat Lease Group demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– débouter la société Aufa de toutes ses demandes,

– condamner la société Aufa au paiement d’une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens et frais éventuels d’exécution.

Elle invoque une créance paraissant fondée en son principe, en l’état d’un contrat du 22 janvier 2010 de location de trois balances pour une durée de 5 ans, un procès-verbal de livraison du matériel du 26 février 2010 accompagné d’une facture, une lettre de résiliation du contrat à effet à février 2015, un courrier du 22 mai 2014 portant rappel des modalités de restitution du matériel et différentes mises en demeure de le restituer et à défaut, celle de payer une indemnité d’immobilisation stipulée par l’article 8.

Elle relève l’absence de tacite reconduction du contrat de location dénoncé, sans demande de rachat du matériel, à l’échéance de la période initiale et rappelle que la résiliation unilatérale a pour effet la restitution du matériel sous peine de paiement de l’indemnité contractuelle prévue à l’article 8. Elle précise que l’article 8-1 stipule un engagement du fournisseur (société Pesage) d’acquérir le bien mais ne stipule pas un engagement du bailleur à vendre le matériel au terme de chaque contrat de location. En tout état de cause, elle considère qu’il n’appartient pas au juge de l’exécution de statuer sur le fond du droit lorsqu’il est saisi d’une mesure conservatoire.

Elle soutient que les menaces de non-recouvrement de la créance sont établies par un faible solde de compte bancaire, créditeur de 3 280 € au jour de la saisie, un résultat d’exploitation déficitaire de 92 204 € au jour de la requête selon rapport de gestion du 30 juin 2019.

Elle relève que le dernier bilan disponible de l’exercice 2018 établit un montant de 490 400 € de dettes contre 367 400 € d’actif disponible et que le bénéfice de l’exercice 2019 limité à 10 346 € ne permet pas de couvrir sa créance de 42 112 € en février 2023.

Enfin, elle affirme que le défaut de réponse à ses nombreuses mises en demeure et relances confirme le défaut de capacité financière de l’appelante et sa volonté de se soustraire à ses obligations.

L’instruction de la procédure était close par ordonnance du 22 août 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

– Sur la demande principale de mainlevée des saisies conservatoires,

L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

* Sur l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe,

En l’espèce, la société Aufa a conclu, le 22 janvier 2010, un contrat de location financière avec la société Pesage 2000 portant sur trois balances pour une durée de 60 mois contre un loyer mensuel de 360,07 € HT. La société GP Finance devenue Altéa puis Flat Lease Group (selon acte de cession de fonds de commerce du 28 février 2011) a acquis les trois balances auprès d’un fournisseur choisi par la société Aufa afin de les mettre à la disposition de cette dernière.

Le contrat de location a pris effet du 26 février 2010 au 25 février 2015 et un courrier du 28 avril 2014 de la société Aufa notifiait la résiliation du contrat de location.

Un courrier du 22 mai 2014 de la société Flat Lease Group prenait acte de la résiliation à effet au 25 février 2015 et rappelait les stipulations de l’article 8 du contrat de location sur la restitution du matériel loué. Les mises en demeure de la société Flat Lease Group de restituer le matériel et de payer les indemnités dues, par courriers recommandés des 14 septembre 2015,18 avril et 18 mai 2016,6 février 2017 et 5 juin 2019, sont restées sans réponse.

Le lien de droit entre les sociétés Aufa et Flat Lease Group résulte exclusivement du contrat de location du 22 janvier 2010 dont l’article 8 stipule notamment que ‘dès la fin d’un des termes de la location ou en cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire doit restituer l’équipement en parfait état de marche au bailleur et à l’endroit désigné par celui-ci, les frais de transport incombant au locataire’.

Il stipule aussi ‘qu’en cas de retard de restitution excédant huit jours, le locataire est redevable d’une indemnité de privation de jouissance égale au total des montants hors taxe de tous les loyers initialement prévus au commencement de la location divisé par le nombre de mois totaux de location, majoré de 50 %, et ce pour chaque période de retard correspondant à un mois, toute période commencée étant due en entier ‘.

Il s’en déduit qu’au terme de la location, le 25 février 2005, la société Aufa avait l’obligation de restituer les trois balances louées dans un délai de huit jours, à défaut de quoi elle est tenue de payer l’indemnité de privation de jouissance stipulée à l’article 8. La résiliation du contrat de location ne prive pas d’effet la clause du contrat de location, acceptée par les parties, sur la sanction applicable en cas d’inexécution de l’obligation de restitution du matériel.

La faculté pour la société Aufa de procéder au rachat des trois balances n’est pas stipulée dans le contrat de location du 26 février 2010 et la lettre de résiliation de la société Aufa ne contient pas une telle demande. Elle a opté pour la résiliation du contrat de location et avait l’obligation de restituer les trois balances dans les huit jours de sa prise d’effet sous peine d’être débitrice de l’indemnité précitée de privation de jouissance stipulée par l’article 8 du contrat de location liant les parties.

Par ailleurs, la société Aufa n’est pas partie à la convention de collaboration complexe du 9 février 2006 entre la société Pesage 2000 et la société Flat Lease Group, juridiquement distincte du simple contrat de location de matériel du 22 janvier 2010.

En l’état de l’effet relatif des conventions, seul le juge du fond a le pouvoir de statuer sur les potentiels effets de la convention de collaboration précitée à l’égard des tiers alors que le juge de l’exécution doit se limiter à l’examen d’un principe de créance.

Il en est de même de la portée de l’arrêt du 25 mars 2021 de la présente cour sur l’existence d’une adaptation des modalités de la relation contractuelle entre les sociétés Pesage 2000 et Flat Lease Group, décision de justice à laquelle la société Aufa n’est pas partie.

De plus, l’arrêt précité se limite à la relation contractuelle entre les sociétés précitées et ne contient aucune disposition relative aux conséquences des modalités d’exécution de la relation entre fournisseur et bailleur sur la restitution du matériel prévue par le contrat individuel de location de la société Aufa.

Il s’en déduit que la société Flat Lease Group justifie d’un principe de créance d’un montant de 23 965,59 € à titre d’indemnités de privation de jouissance au 28 août 2019 ( cf décompte pièce n°15 intimée ).

* Sur l’existence de circonstances de nature à menacer son recouvrement,

Il résulte des pièces versées au débat que le bénéfice net comptable de la société Aufa est limité à 9 845 € au titre de l’exercice 2018 et à 10 346 € au titre de l’exercice 2019.

Le montant du solde créditeur du compte bancaire de la société Aufa, de 3 820,23 €, au jour de la saisie, soit 1/7ème de la créance garantie, confirme l’existence de profits limités et d’une faible capacité financière.

L’absence de réponse de la société Aufa aux cinq lettres de mise en demeure expédiées par la société Flat Lease Group entre le 14 septembre 2015 et le 5 juin 2019, alors que le contrat de location avait pris fin en février 2005, confirme une intention de se soustraire à ses obligations et donc l’existence d’une menace de non-recouvrement de la créance.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Aufa de mainlevée de la saisie-conservatoire délivrée le 2 octobre 2019 par la société Flat Lease Group.

– Sur les demandes accessoires,

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des parties.

La société Aufa, partie perdante, supportera les entiers dépens d’appel sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter les frais éventuels d’exécution, lesquels présentent à ce jour un caractère hypothétique.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Aufa au paiement des dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 

 

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