Indemnisation des victimes d’actes de terrorisme

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A partir des motifs de la décision, voici 3 conseils juridiques à prendre en compte :

1. Attention à bien justifier toutes les demandes de réparation des préjudices subis, en fournissant des pièces justificatives solides pour étayer votre demande. Cela permettra d’éviter tout rejet de demande par manque de précision ou de preuves.

2. Il est recommandé de prendre en compte les critères d’indemnisation spécifiques aux victimes d’actes de terrorisme, tels que le préjudice d’angoisse de mort imminente, le préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme, et de les inclure dans vos demandes d’indemnisation si vous êtes concerné.

3. Il est conseillé de se faire accompagner par des professionnels du droit, tels qu’un avocat spécialisé dans les victimes d’actes de terrorisme, pour vous assister dans vos démarches et vous aider à obtenir une juste réparation de vos préjudices. Cela vous permettra de bénéficier d’un soutien juridique et de maximiser vos chances d’obtenir une indemnisation adéquate.


Madame [M] [G], journaliste, a été victime de l’attentat survenu à [Localité 9] le 13 novembre 2015. Bien qu’elle n’ait pas été physiquement blessée, elle a subi un état de stress aigu et a nécessité un suivi psychologique. Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme lui a versé des provisions, mais aucun accord final d’indemnisation n’a été trouvé. Madame [M] [G] a assigné le FGTI et la CPAM de Haute-Garonne pour obtenir une indemnisation de ses préjudices. Les demandes d’indemnisation de Madame [M] [G] et du FGTI diffèrent, et la décision finale est en attente après une audience des plaidoiries.

Sur le droit à indemnisation

Madame [M] [G] assistait au concert donné au [6] le 13 novembre 2015 au cours duquel un acte de terrorisme a été commis. Au total, 130 personnes ont été tuées durant cette nuit où ont été commis plusieurs actes terroristes. Elle a ainsi été victime directe de l’attentat terroriste du 13 novembre 2015 et le FGTI ne conteste pas cette qualification. Par conséquent, elle sera déclarée recevable en l’ensemble de ses demandes.

Sur la réparation des préjudices de Madame [M] [G]

Au vu de l’ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [M] [G], née le [Date naissance 4] 1986 et journaliste lors des faits, sera réparé. Les dépenses de santé, les frais divers, les frais de transport, et l’assistance tierce personne seront indemnisés selon les justifications fournies. En ce qui concerne l’incidence professionnelle, le tribunal a retenu une indemnisation de 30.000 euros. Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires et permanents, tels que les souffrances endurées, l’angoisse de mort imminente, le déficit fonctionnel permanent, et le préjudice d’agrément, seront également indemnisés. Enfin, un préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme sera alloué à hauteur de 30.000 euros.

Sur les autres demandes

Le FGTI prendra à sa charge les dépens de l’instance et sera condamné à payer la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision bénéficie de plein droit.

– Dépenses de santé actuelles : 160 euros
– Frais divers : 355,59 euros
– Assistance tierce personne temporaires : 612 euros
– Incidence professionnelle : 30.000 euros
– Déficit fonctionnel temporaire : 6.678,75 euros
– Souffrances endurées : 25.000 euros
– Préjudice d’angoisse de mort imminente : 30.000 euros
– Déficit fonctionnel permanent : 27.600 euros
– Préjudice spécifique des victimes d’actes de terrorisme : 30.000 euros
– Somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

– Article L126-1 du code des assurances
– Article 421-1 du code pénal
– Article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006
– Article 700 du code de procédure civile
– Articles L422-1 à L422-33 du code des assurances

Texte de l’article L126-1 du code des assurances:
“Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, seront indemnisés dans les conditions définies aux articles L422-1 à L422-33.”

Texte de l’article 421-1 du code pénal:
“Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration.”

Texte de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006:
« Le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge. »

Texte de l’article 700 du code de procédure civile:
« Le FGTI sera condamné à payer la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. »

Texte des articles L422-1 à L422-33 du code des assurances:
Ces articles définissent les conditions d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, y compris les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces actes, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Valentine JUTTNER, avocat au barreau de PARIS
– Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés

– Indemnisation
– Actes de terrorisme
– Victime directe
– FGTI
– Dépenses de santé
– Frais divers
– Assistance tierce personne
– Incidence professionnelle
– Préjudices patrimoniaux
– Préjudices extra-patrimoniaux
– Souffrances endurées
– Préjudice d’angoisse de mort imminente
– Déficit fonctionnel permanent
– Préjudice d’agrément
– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme
– Décision du 14 Mars 2024
– Dépens de l’instance
– Exécution provisoire

– Indemnisation: Compensation financière versée à une personne pour réparer un préjudice subi.
– Actes de terrorisme: Actions violentes visant à créer la terreur et à causer des dommages importants.
– Victime directe: Personne ayant subi directement les conséquences d’un acte de terrorisme.
– FGTI: Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions.
– Dépenses de santé: Frais engagés pour les soins médicaux et les traitements liés à un préjudice.
– Frais divers: Dépenses supplémentaires liées à un préjudice, telles que les frais de déplacement ou d’hébergement.
– Assistance tierce personne: Aide apportée à une personne ayant subi un préjudice pour accomplir les actes de la vie quotidienne.
– Incidence professionnelle: Conséquences d’un préjudice sur la capacité d’une personne à exercer son activité professionnelle.
– Préjudices patrimoniaux: Dommages financiers subis par une personne suite à un préjudice.
– Préjudices extra-patrimoniaux: Dommages non financiers subis par une personne, tels que la douleur morale ou les troubles dans les conditions d’existence.
– Souffrances endurées: Douleurs physiques ou morales subies par une personne suite à un préjudice.
– Préjudice d’angoisse de mort imminente: Crainte intense et légitime de se retrouver face à la mort.
– Déficit fonctionnel permanent: Perte définitive de capacités physiques ou mentales suite à un préjudice.
– Préjudice d’agrément: Perte de plaisir ou de possibilités de loisirs suite à un préjudice.
– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme: Dommages particuliers subis par les victimes d’actes de terrorisme.
– Décision du 14 Mars 2024: Jugement rendu à une date précise concernant un litige.
– Dépens de l’instance: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire.
– Exécution provisoire: Mise en œuvre d’une décision de justice avant qu’elle ne soit définitive.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

PRPC JIVAT

N° RG 23/03498 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZDQ3

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Février 2023
02 Mars 2023

JUGEMENT
rendu le 14 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [M] [E] [F] [G]
[Adresse 10]
[Localité 8]
ITALIE

représentée par Me Valentine JUTTNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1996

DÉFENDEURS

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0082

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE HAUTE-GARONNE
[Adresse 1]
[Localité 2]

défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe
Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame GENDRE, Vice-Présidente

assistées de Véronique BABUT, Greffier

Décision du 14 Mars 2024
PRPC JIVAT
N° RG 23/03498
N° Portalis 352J-W-B7H-CZDQ3

DEBATS

A l’audience du 11 Janvier 2024 tenue en audience publique
Après clôture des déabts, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

JUGEMENT

– Réputé contradictoire,
– En premier ressort,
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [M] [G], née le [Date naissance 4] 1986 et journaliste, a été victime de l’attentat survenu à [Localité 9] (75) le 13 novembre 2015 dans la salle de concert du [6].

Elle s’était rendue au concert avec une amie et se trouvait au balcon lors de l’attaque terroriste. Elle se plaquait au sol en entendant et voyant les tirs. Elle rampait pour s’enfuir, essayait de se cacher dans les toilettes de l’étage avant de descendre les escaliers et de sortir par [Adresse 7]. Elle se réfugiait dans un bar avec d’autres personnes blessées.

Madame [M] [G] n’était pas blessée physiquement, mais un état de stress aigu était constaté aux UMJ le 16 novembre 2015. Elle entreprenait différents suivis pour faire face aux lourdes conséquences psychiques des faits.

Madame [M] [G] a pris contact avec le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI), qui lui a versé des provisions.

Les conclusions définitives de l’expertise amiable confiée par le FGTI au docteur [V], psychiatre, et réalisée le 26 septembre 2017 et 5 avril 2018 sont les suivantes :
– Consolidation le 28 février 2018,
– Arrêt d’activité professionnelle imputable du 13 au 29 novembre 2015
– Gêne temporaire partielle à 75% du 13 au 29/11/15 avec aide humaine de 2 heures par jour durant cette période,
– Gêne temporaire partielle à 40% du 30/11/15 au 20/10/16,
– Gêne temporaire partielle à 25% jusqu’à la consolidation,
– Souffrances endurées : 4/7 selon nous et 4.5/7 selon le docteur [L]
– Préjudice d’angoisse qualifié de majeur
– Dépenses de santé actuelles : 2 séances EMDR
– Déficit fonctionnel permanent global : 12%
– Préjudice sexuel : diminution de la libido, mais accès au plaisir demeurant possible
– Incidence professionnelle : persistance de l’évitement des concerts et des films pouvant contenir des scènes violentes, perte de plaisir à évoquer la musique avec les artistes qu’elle est amenée à rencontrer dans le cadre de son activité et remise en question de celle-ci,
– Préjudice d’agrément pour les concerts qui n’ont pas été repris,
– Dépenses de santé futures : dizaine de séances d’acupuncture.

Aucun accord final d’indemnisation n’est intervenu.

Par acte d’huissier régulièrement signifié les 28 février et 2 mars 2023, Madame [M] [G] a assigné le FGTI, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Haute-Garonne devant cette juridiction aux fins de voir reconnaître et indemniser ses préjudices.

Dans ces écritures, auxquelles il est référé expressément conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Madame [M] [G] notamment au tribunal de :
Condamner, le fonds de garantie des actes de terrorisme et d’autres infractions à verser à Madame [M] [G] la somme de 318.138,75 € au titre des préjudices subis du fait des événements survenus au [6] le 13 novembre 2015 : Préjudices patrimoniaux
Dépenses de santé actuelles : 160€
Frais divers : honoraires Dr [L] 300€ et honoraires avocat 7.000 €
Assistance temporaire à tierce personne 8.200 €
Les frais de transports 4.000 €
Préjudices extrapatrimoniaux
L’incidence professionnelle 55.000 €
Déficit fonctionnel temporaire 6.678,75 €
Souffrances endurées 25.000 €
Le préjudice d’angoisse de mort imminente (PAMI) 200.000 €
Déficit fonctionnel permanent 27.600 €
Préjudice d’agrément 30.000 €
PESVT 30.000 €
Condamner, le fonds de garantie des actes de terrorisme et d’autres infractions au paiement des intérêts de retard ; Rappeler que l’exécution provisoire est de droit ; Condamner, le FGTI au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives régulièrement signifiées le 13 juin 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le FGTI demande notamment au tribunal de :
Indemniser Madame [M] [G] en fixant les indemnités suivantes : Dépenses de santé actuelles : rejet
Frais divers : 355,39 €
Présence humaine : 510 €
Incidence professionnelle : 20.000 €
Déficit fonctionnel temporaire : 6.678,75 €
Souffrances endurées : 20.000 €
Préjudice d’angoisse : 12.000 €
Déficit fonctionnel permanent : 25.080 €
Préjudice d’agrément : rejet
Constater l’acceptation de l’offre du Fonds de Garantie de payer à Madame [M] [G] la somme de 30 000 € au titre du PESVT Allouer à Madame [M] [G] la somme de 30 000 € au titre du PESVT. Débouter Madame [M] [G] du surplus de ses demandes, plus amples ou contraires. Déduire les provisions versées à Madame [M] [G] à hauteur de 90.800 €. Laisser les dépens à la charge du Trésor Public.
La CPAM de Haute-Saône a indiqué, par courrier du 23 mars 2023, qu’elle n’entendait pas intervenir à l’instance, mais qu’elle communiquait ses débours définitifs.

Susceptible d’appel, la présente décision sera donc réputée contradictoire à l’égard de tous.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 22 juin 2023. L’affaire a été appelée à l’audience des plaidoiries du 11 janvier 2024, puis mise en délibéré au 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur le droit à indemnisation

L’article L126-1 du code des assurances issues de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice dispose que :
“Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, seront indemnisés dans les conditions définies aux articles L422-1 à L422-33.”

Selon l’article 421-1 du code pénal, “constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration”.

Madame [M] [G] assistait au concert donné au [6] le 13 novembre 2015 au cours duquel un acte de terrorisme a été commis. Au total, 130 personnes ont été tuées durant cette nuit où ont été commis plusieurs actes terroristes.

Elle a ainsi été victime directe de l’attentat terroriste du 13 novembre 2015 et le FGTI ne conteste pas cette qualification.

Par conséquent, elle sera déclarée recevable en l’ensemble de ses demandes.

II- Sur la réparation des préjudices de Madame [M] [G]

Au vu de l’ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [M] [G], née le [Date naissance 4] 1986 et journaliste lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

– PREJUDICES PATRIMONIAUX

– Préjudices patrimoniaux temporaires

– Dépenses de santé

Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec le fait dommageable.

En l’espèce, la notification définitive des débours de la CPAM de Haute-Saône du 21 décembre 2020 fait état de dépenses pour un montant total de 1889,27 euros à ce titre.

Madame [M] [G] expose avoir conservé des dépenses de santé à sa charge pour un montant de 160 euros au titre de deux séances d’EMDR.

Le FGTI conteste cette demande faute de précision du justificatif fourni.
Néanmoins, le tribunal relève que le rapport d’expertise a mentionné deux séances d’EMDR au titre des dépenses de santé actuelles et que Madame [M] [G] produit une attestation de son thérapeute sur la réalisation de deux séances d’EMDR en novembre 2017 avant la consolidation. Enfin, le montant demandé, même s’il ne ressort pas de cette attestation, est cohérent avec ce type de prise en charge non remboursée par les organismes sociaux.

En conséquence, il convient d’allouer la somme de 160 euros.

– Frais divers

Il s’agit des frais autres que médicaux pris en charge par la victime. Par exemple, l’assistance de la victime lors des opérations d’expertise par un, ou des, médecins conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu’elle permet l’égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d’indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité.

Sur les frais d’assistance à expertise

En l’espèce, Madame [M] [G] sollicite la somme de 300 euros, correspondant aux frais et honoraires d’assistance du médecin conseil, le docteur [L], et la somme de 7.000 euros correspondant aux frais d’avocat restant à charge.

Le FGTI s’oppose à ces demandes.
Or, il convient d’une part de relever que les frais d’avocat relèvent de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. D’autre part, il n’est pas produit de facture s’agissant du règlement des frais de médecin-conseil par Madame [M] [G], alors qu’il est produit des courriers du FGTI sur une prise en charge de ces frais par la société d’assurance MAAF. Cette demande n’est donc pas suffisamment étayée.

Dès lors, il convient de rejeter ces demandes.

Sur les frais de transport

En l’espèce, Madame [M] [G] sollicite la somme forfaitisée de 4 000 euros au titre des frais de transport engagés pour se déplacer en taxi/Uber après les faits. Elle indique, en effet, qu’elle ne pouvait plus prendre les transports en commun.

Le FGTI propose de verser une somme de 355,39 euros correspondant aux factures produites.

Or, il ressort du rapport d’expertise qu’elle a pris le taxi pour se rendre au travail après les faits, mais qu’elle a pu ensuite reprendre les transports en commun malgré des difficultés réelles.

Dès lors, il convient d’allouer uniquement la somme de 355,59 euros sur la base du relevé de compte Uber attestant des courses effectuées pour différents trajets.

En conséquence, il convient d’allouer au titre de l’ensemble de ce préjudice la somme de 355,59 euros.

– Assistance tierce personne

Il convient d’indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l’assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s’entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l’espèce, Madame [M] [G] sollicite la somme de 8.200 euros sur la base d’un taux horaire de 25 euros pendant deux périodes (24 heures par jour pendant 2 jours puis 10 heures par jour pendant 28 jours).

Le FGTI propose une somme de 510 euros sur la base d’un taux horaire de 15 euros et du volume d’heures moindre, tel qu’indiqué par le rapport d’expertise.

Or, l’expert psychiatre a relevé le besoin suivant au regard du retentissement uniquement psychique des faits : gêne temporaire partielle à 75% du 13 au 29/11/15 avec aide humaine de 2 heures par jour durant cette période.

Aucune pièce de nature médicale ou autre n’est, en revanche, produite par la requérante pour soutenir sa demande d’indemnisation d’un nombre plus important d’heures.

Il convient donc de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assistée d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante uniquement sur la période de déficit fonctionnel partiel à 75%, soit 17 jours, pour une durée de 2 heures par jour sur la base d’un taux horaire de 18 euros s’agissant d’une aide non spécialisée n’ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales.

En conséquence, il sera alloué à Madame [M] [G] la somme de 612 euros (18 eurosx2heuresx17jours).

– Préjudices patrimoniaux permanents

– Incidence professionnelle

Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Madame [M] [G] sollicite la somme totale de 55.000 euros considérant qu’elle est dans l’impossibilité de se rendre à des concerts et que cela impacte donc nécessairement son activité professionnelle de journaliste musicale et animatrice radio en termes de dévalorisation professionnelle et de pénibilité. Elle indique, par ailleurs, que cela l’a conduite à engager une reconversion professionnelle en 2019.

Le FGTI offre la somme de 20.000 euros.

La CPAM de Haute-Saône indique ne pas avoir versé de débours imputables sur ce poste.

L’expert a relevé qu’elle avait pu reprendre son activité quelques semaines après les faits avec le soutien de ses collègues et malgré des difficultés. Il a indiqué concernant le préjudice professionnel : «persistance de l’évitement des concerts et des films pouvant contenir des scènes violentes, perte de plaisir à évoquer la musique avec les artistes qu’elle est amenée à rencontrer dans le cadre de son activité et remise en question de celle-ci».

De plus, il ressort des attestations circonstanciées de plusieurs de ses collègues qu’elle a fait face à ses obligations professionnelles avec beaucoup de courage, bien que la participation à des événements en public, notamment dans des salles de concert, lui ait été très difficile et qu’elle en était très affectée.

Ils évoquent, notamment, sa passion pour la musique, ses qualités professionnelles, mais également ses angoisses, ses départs précipités de certains lieux, la nécessité de la soutenir et d’adapter le déroulement des déplacements en extérieur, ainsi que le sentiment de culpabilité du survivant qui entrave désormais son travail.

L’augmentation de la pénibilité de l’emploi occupé lors des faits et encore plusieurs années après et la dévalorisation pérenne sur le marché professionnel en raison des limitations des activités en lien avec du public pouvant être exercées sont donc établies.

En revanche, s’il n’est pas contesté que Madame [M] [G] a rompu son contrat de travail en 2019 et qu’il est produit un courrier de sa part faisant état d’un projet pour se reconvertir dans la kinésiologie, il n’est pas établi que cette reconversion soit imputable aux faits, alors que celle-ci a également fait le choix de déménager en Italie pour des raisons personnelles.

Par conséquent, il sera alloué à Madame [M] [G] la somme de 30.000 euros.

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

– Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

– Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

Madame [M] [G] sollicite la somme de 6.678,75 euros sur la base d’un taux horaire de 25 euros pour un déficit fonctionnel total, le FGTI acceptant la demande.

En l’espèce, l’expert retient les éléments suivants :
– Gêne temporaire partielle à 75% du 13 au 29/11/15,
– Gêne temporaire partielle à 40% du 30/11/15 au 20/10/16,
– Gêne temporaire partielle à 25% jusqu’à la consolidation,

Eu égard à ces éléments, il convient d’entériner l’accord pour un montant de 6.678,75 euros.

– Souffrances endurées

Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

L’angoisse liée à une situation ou à des circonstances exceptionnelles résultant de la commission d’un acte de terrorisme soudain et brutal provoquant chez la victime, pendant le cours de l’événement, une très grande détresse et une angoisse dues à la conscience d’être confrontée à la mort constitue, par ailleurs, une souffrance psychique particulière. Ainsi, est caractérisé un préjudice spécifique dit « d’angoisse de mort imminente », qu’il conviendra d’indemniser de manière distincte.

Madame [M] [G] sollicite la somme de 25.000 euros, et le FGTI offre la somme de 20.000 euros.

En l’espèce, l’expert a retenu des souffrances endurées cotées à 4/7 compte tenu notamment des «les suites psycho-traumatologiques ont été marquées par des éléments caractéristiques d’un état de stress post-traumatique avec syndrome de répétition diurne et nocturne, abattement les premières semaines, anxiété et détresse lors des images intrusives, conduites d’évitement des transports en commun jusqu’en janvier 2016, du cinéma la première année, mais surtout des concerts». Le médecin-conseil de Madame [M] [G] les a évaluées à 4,5/7.

De plus, les pièces médicales fournies par la requérante établissent l’intensité du traumatisme, qui a nécessité la mise en place de divers suivis (psychothérapie, acupuncture) et un soutien médicamenteux pendant plusieurs années.

En conséquence, les souffrances endurées subies par Madame [M] [G] seront réparées par l’allocation de la somme de 25.000 euros.

– Préjudice d’angoisse de mort imminente

Le préjudice d’angoisse de mort imminente est ressenti par la victime directe entre le début du fait traumatique et l’issue de celui-ci constituée soit par la prise en charge par les services de secours de la victime vivante, soit par son décès. Il est lié à la conscience du risque de mort de manière distincte des souffrances morales indemnisables au titre du poste de préjudice temporaire intitulé « souffrances endurées ».

Cette souffrance est, par ailleurs, spécifique du fait du contexte collectif de l’infraction subie qui a amplifié ce sentiment d’angoisse, notamment du fait du nombre de personnes impliquées, de leurs réactions, ainsi qu’en raison de l’importante couverture médiatique en temps réel de cet acte de terrorisme.

Madame [M] [G] sollicite la somme de 200.000 euros, et le FGTI offre la somme de 12.000 euros.

En l’espèce, l’expert a retenu un préjudice d’angoisse qu’il qualifie de «majeur».

Au regard des éléments produits aux débats sur les faits, soit uniquement le rapport d’expertise et ses écritures, Madame [M] [G] a été exposée directement à un risque de mort dans la salle du [6].

Elle a tenté de se cacher au premier étage avant de parvenir à s’enfuir par [Adresse 7], cette fuite la mettant également en danger. Elle a dû, enfin, faire face aux nombreux corps des personnes blessées ou décédées.

Ce préjudice caractérisé peut, ainsi, être indemnisé.

Au regard de ces éléments, il sera alloué la somme de 30.000 euros à Madame [M] [G].

– Préjudices extra-patrimoniaux permanents

– Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence.

En l’espèce, Madame [M] [G] sollicite la somme de 27.600 euros sur la base d’un taux de déficit fonctionnel permanent de 12%. Le FGTI offre la somme de 25.080 euros en retenant une valeur de point inférieur.

Or, l’expertise a retenu un taux de 12% au regard du taux de retentissement psychique persistant, notamment : «Pour autant, il subsiste à plus de deux ans des faits une perte de plaisir musical et une remise en question de son activité professionnelle, ce d’autant que les concerts et les films d’action pouvant mettre en jeu des armes à feu n’ont pas été repris (…). En outre, Madame [G] conserve une certaine irritabilité et un sentiment de colère et un syndrome de répétition (avec flashbacks pluri-hebdomadaires et cauchemars lors des réexpositions aux faits). Enfin, si la labilité émotionnelle s’est amendée et si les anxiolytiques ont pu être arrêtés à son initiative en décembre 2015, l’anxiété et l’hyper-vigilance demeurent.»

Partant, la victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 12% par l’expert désigné compte-tenu des séquelles uniquement psychiques relevées, et étant âgée de 29 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de calculée sur la base d’un point d’incapacité de 2.300 euros tel que demandé.

Par conséquent, il sera alloué la somme de 27.600 euros (2.300×12).

– Préjudice d’agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités.

Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

Madame [M] [G] sollicite la somme de 30.000 euros, le FGTI s’opposant à la demande.

En l’espèce, l’expert a retenu un tel préjudice «pour les concerts qui n’ont pas été repris».

Madame [M] [G] soutient que sa passion pour la musique, dont elle avait fait son métier, est désormais et définitivement impraticable pour elle.

Néanmoins, elle ne produit pas d’autres pièces que les attestations de ses collègues relatant ses difficultés à continuer à assister à des concerts dans un cadre professionnel. Par ailleurs, le FGTI produit des extraits d’interviews données sur internet, dans lesquelles elle fait état d’une vie socio-culturelle riche.

Or, si un arrêt ou une limitation des activités peuvent être indemnisés, il n’en reste pas moins que la demande doit être justifiée pour établir un préjudice, qui n’ait pas déjà été indemnisé par ailleurs. Tel n’est pas le cas en l’espèce, d’autant que les difficultés pour assister à des concerts ont été prises en compte au titre de la pénibilité professionnelle.

Au regard de ces éléments, Madame [M] [G] sera déboutée de sa demande.

– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme

Ce poste de préjudice a été retenu par le FGTI à la suite d’une délibération de son conseil d’administration du 19 mai 2014 et est destiné à prendre en compte la spécificité de la situation des victimes directes ou indirectes d’un acte de terrorisme et notamment de l’état de stress post traumatique et des troubles liés au caractère particulier de cet événement.

La nomenclature Dintilhac n’a pas prévu ce poste de préjudice en tant que tel mais a néanmoins retenu la possibilité de reconnaître l’existence de préjudices permanents exceptionnels en raison des circonstances particulières de commission des faits et de leur résonance.

En l’espèce, l’attentat terrorisme du 13 novembre 2015 a été commis dans des circonstances particulières du fait à la fois de sa nature, s’agissant d’un acte d’intimidation et de terreur d’une Nation entière, et de sa dimension collective, cet acte ayant été commis dans le but de gravement déstabiliser ou détruire ses structures et de porter atteinte à l’ensemble de ses citoyens. Ces faits dramatiques ont, en outre, eu une résonance majeure et durable dans l’opinion publique et dans les médias.

Ces faits à la dimension nationale et même internationale causent à Madame [M] [G] de manière permanente un préjudice moral exceptionnel lié au caractère collectif de l’acte subi, aux motivations de ses auteurs, à la médiatisation des faits, et à la réitération de passages à l’acte de même nature.

En conséquence, il sera alloué la somme de 30.000 euros conformément à l’accord intervenu entre les parties.
Décision du 14 Mars 2024
PRPC JIVAT
N° RG 23/03498
N° Portalis 352J-W-B7H-CZDQ3

III- Sur les autres demandes

Le FGTI prendra à sa charge les dépens de l’instance.

En outre, le FGTI sera condamné à payer la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de plein droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort

Dit que Madame [M] [G] a été victime d’un acte de terrorisme le 13 novembre 2015 et qu’elle a droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale en application des articles L126-1 et L422-1 et suivants du code des assurances ;

Condamne le FGTI à payer à Madame [M] [G], en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes en réparation des préjudices subis en tant que victime directe de l’attentat terroriste :
– dépenses de santé actuelles : 160 euros,
– frais divers : 355,59 euros,
– assistance tierce personne temporaires : 612 euros,
– incidence professionnelle : 30.000 euros,
– déficit fonctionnel temporaire : 6.678,75 euros,
– souffrances endurées : 25.000 euros,
– préjudice d’angoisse de mort imminente : 30.000 euros,
– déficit fonctionnel permanent : 27.600 euros,
– préjudice spécifique des victimes d’actes de terrorisme : 30.000 euros ;

Déboute Madame [M] [G] de ses demandes formulées au titre du préjudice d’agrément ;

Condamne le FGTI à payer à Madame [M] [G], la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le FGTI aux dépens de l’instance ;

Rappelle que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 14 Mars 2024

Le GreffierLe Président

 

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