Honnêteté et rigueur dans l’information : sanction de 50 000 euros contre CNEWS

Notez ce point juridique

Les données statistiques présentées lors d’émissions audiovisuelles d’information doivent être présentées de façon objective en citant la source des données. L’évocation d’un « classement » sans données officielles (exemple : la sécurité en France) » doit appeler à des précautions de la part de l’éditeur, qui ne peut présenter les résultats de ce dernier comme des faits établis. Dans tous les cas, le détail de la méthodologie et les écueils doivent être présentés à l’antenne.

Sanction de l’émission Face à l’info

Au cours de l’émission Face à l’info diffusée le 26 septembre 2022, a été évoqué, un « classement » international des villes les plus sûres réalisé par le site Numbeo, une base de données alimentée par ses utilisateurs.

Le sujet a été introduit par la présentatrice en ces termes : « […] Tout ça arrive dans un contexte de déclassement de la France au niveau de la sécurité, la France est le dernier des pays européens dans le classement, parmi ceux comptant au moins quatre villes évaluées, et elle se classe derrière le Mexique, en troisième position en partant de la fin devançant seulement le Brésil et l’Afrique du Sud, la France plonge en matière d’insécurité, réactions. »

Les personnes présentes en plateau ont alors toutes exprimé un point de vue analogue.

Les propos tenus ont été accompagnés d’un bandeau indiquant « Insécurité en France : le grand déclassement » ainsi qu’à deux reprises d’un graphique intitulé « Classement des pays les plus sûrs ».

L’obligation d’honnêteté

En ce qui concerne l’obligation d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information :


Il ressort du compte rendu de visionnage de cette émission que les résultats du « classement » Numbeo ont été présentés par les personnes présentes en plateau comme des faits établis, propos étayés par un bandeau et un graphique incrustés à l’écran.


Or, Numbeo est un site fondé sur le recueil de données provenant d’avis émis par les personnes le visitant, et non sur le sondage d’un échantillon représentatif de la population. Aucune garantie n’est prise concernant l’identité des votants, leur représentativité ou encore leur connaissance des villes au sujet desquelles ils s’expriment. De tels résultats sont donc dépourvus de tout caractère scientifique. Par ailleurs, ce « classement » n’est fondé sur aucune donnée chiffrée officielle.


Dès lors, l’évocation de ce « classement » aurait dû appeler à des précautions de la part de l’éditeur, qui ne pouvait présenter les résultats de ce dernier comme des faits établis. Ni le détail de sa méthodologie, ni les écueils de cette dernière n’ont été présentées à l’antenne.

Ainsi, la présentation du « classement » Numbeo faite par l’éditeur dans la séquence du 26 septembre 2022, était de nature à faire croire aux téléspectateurs que ce « classement » était fondé sur des chiffres établis, alors que tel n’est pas le cas.


En conséquence, concernant cette séquence, l’éditeur ne s’est pas conformé à son obligation de faire preuve d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. Il a ainsi méconnu les stipulations de l’article 2-3-7 de sa convention et les dispositions de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie.

L’expression des différents points de vue


En ce qui concerne l’obligation d’expression des différents points de vue sur des questions prêtant à controverse :


Il ressort également du compte rendu de visionnage de la séquence mentionnée au point 4 que les personnes présentes en plateau ont toutes déploré ce résultat et formulé une opinion identique sur la dangerosité de la France et notamment de Paris par rapport à d’autres villes et pays dans le monde, aboutissant à un déséquilibre marqué dans le traitement de ce sujet, a fortiori sur le seul fondement d’un « classement » contestable présenté à tort comme un fait établi.


Or, le thème de l’insécurité est un sujet d’intérêt général particulièrement sensible. Il relève des questions prêtant à controverse et nécessite de ce fait que l’éditeur assure l’expression de différents points de vue.


Dès lors, cette situation caractérise un manquement de l’éditeur, pour cette séquence, aux stipulations de l’article 2-3-7 de sa convention et aux dispositions de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie, selon lesquelles l’éditeur est tenu d’assurer l’expression des différents points de vue sur les questions prêtant à controverse.

Le pouvoir de sanction de l’ARCOM

Pour rappel, en vertu de l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Si la personne faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure, une des sanctions suivantes : […] 3° Une sanction pécuniaire assortie éventuellement d’une suspension de l’édition ou de la distribution du ou des services ou d’une partie du programme […] ».

L’article 42-2 de cette même loi dispose que : « Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. »


Aux termes du troisième alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l’article 1er de [cette] loi » affirmant le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique.

Sur ce fondement, l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 dispose que l’éditeur « doit assurer l’honnêteté de l’information et des programmes qui y concourent. / […] /Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. / Il veille au respect d’une présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l’expression des différents points de vue par les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d’antenne ».

Par ailleurs, l’article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 stipule que « l’exigence d’honnêteté s’applique à l’ensemble des programmes. L’éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent ».

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