Aux termes de l’article L.222-2-6 du code du sport : ‘Le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d’homologation du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l’entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l’homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d’absence d’homologation du contrat.
Les conditions dans lesquelles l’absence d’homologation du contrat peut faire obstacle à son entrée en vigueur sont déterminées par une convention ou un accord collectif national’.
L’article 256 de la chartre du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, énonce : ‘Tout contrat, ou avenant de contrat, non soumis à l’homologation ou ayant fait l’objet d’un refus d’homologation par la commission juridique est nul et de nul effet’.
La Ligue du football professionnel participant à l’exécution d’une mission de service public administratif en organisant, conformément à l’article R. 132-12 du code du sport, la réglementation et la gestion de compétitions sportives, la décision d’homologation ou de refus d’homologation constitue un acte administratif qui s’impose au juge judiciaire.(Soc., 14 septembre 2016, pourvoi n° 15-21.794).
Si la décision d’homologation a donc la nature juridique d’un acte administratif et relève de la compétence de la juridiction administrative, les effets qu’elle entraîne sur le contrat de travail relèvent en revanche de la compétence du juge judiciaire en application des dispositions du code du travail.
Le juge judiciaire est donc compétent pour statuer sur les demandes d’un salarié relatives à l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée et sur les conséquences de sa rupture.
L’affaire concerne M. [P], un joueur de football professionnel et capitaine de la sélection nationale du Sénégal, et son ancien club, la SA [Localité 2] Sporting Club de l’Ouest (SCO). Après avoir joué pour SCO pendant les saisons 2015/2016 et 2016/2017, M. [P] a été transféré à Birmingham City pour deux saisons. Pour la saison 2018/2019, un accord de « mutation temporaire internationale » a été conclu entre Birmingham City et SCO, permettant à M. [P] de revenir jouer pour SCO. Un contrat de travail à durée déterminée a été signé pour la saison du 15 août 2018 au 30 juin 2019.
Cependant, M. [P] a subi une grave blessure en mars 2019, ce qui a entraîné plusieurs prolongations de son arrêt de travail. En novembre 2019, SCO a refusé sa demande de reprise d’entraînement. En janvier 2020, M. [P] a pris acte de la rupture de son contrat avec SCO et a rejoint le Red Star FC en octobre 2020.
M. [P] a alors saisi la commission juridique de la LFP, qui a infligé des amendes à SCO et à M. [P], et a rejeté les demandes de M. [P]. Par la suite, M. [P] a porté l’affaire devant le conseil de prud’hommes d’Angers, affirmant que le document signé le 15 août 2018 constituait une promesse d’embauche valant contrat de travail, et que sa rupture devait être considérée comme une rupture anticipée. Le conseil de prud’hommes a statué en faveur de M. [P], lui accordant des dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat.
M. [P] a fait appel de ce jugement, demandant des dommages et intérêts supplémentaires pour divers préjudices et la remise de documents officiels de travail. SCO a également fait appel, contestant la validité du contrat et les décisions du conseil de prud’hommes. L’affaire est actuellement en appel devant la cour d’appel d’Angers, avec une audience prévue pour décembre 2023.
Compétence des juridictions de l’ordre judiciaire
La société [Localité 2] SCO conteste la compétence du conseil de prud’hommes et de la cour pour statuer sur les demandes de M. [P], arguant que celles-ci relèvent du tribunal administratif en raison de l’homologation du contrat de travail. Cependant, le conseil de prud’hommes est compétent pour régler les litiges entre salariés, et la décision d’homologation relève de la compétence du juge judiciaire. Ainsi, le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les demandes de M. [P] concernant le contrat de travail.
Défaut d’homologation
Le SCO d'[Localité 2] soutient que le contrat est nul en raison du défaut d’homologation par la commission juridique de la LFP. Cependant, M. [P] fait valoir que ce défaut d’homologation n’est pas opposable en raison de la carence du club employeur. La commission juridique n’ayant pas été saisie par le club, le contrat ne peut être considéré comme nul pour ce motif.
Nature du document signé par les parties
M. [P] affirme que le document signé est un contrat de travail, étant rédigé au présent de l’indicatif et précisant les conditions d’emploi. Il s’agit donc bien d’un contrat de travail, et non d’une simple proposition ou promesse d’embauche.
Caducité du contrat
Le SCO soutient que le contrat est devenu caduc en raison de la non-réalisation d’une condition suspensive liée à une visite médicale d’embauche. Cependant, M. [P] a été victime d’un accident du travail et n’a pas pu remplir cette condition. Le contrat n’ayant pas reçu de commencement d’exécution, il est devenu caduc du fait de l’absence de visite médicale.
Frais irrépétibles et dépens
M. [P] supportera les dépens de première instance et d’appel en tant que partie succombante. Il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile à son encontre.
– Aucune somme spécifique allouée à M. [M] [P].
– M. [M] [P] condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Réglementation applicable
– Code du travail
– Code du sport
– Charte du football professionnel
– Code de procédure civile
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Didier LACOMBE de la SELARL LEX ARENA – AVOCAT
– Maître Patricia MOYERSOEN
Mots clefs associés
– SA [Localité 2] Sporting Club de l’Ouest
– Ligue 1
– Ligue de Football Professionnel (LFP)
– Convention collective nationale des métiers du football
– M. [M] [P], joueur et capitaine de la sélection nationale du Sénégal
– Mutation temporaire internationale
– Rupture des ligaments croisés
– Arrêt de travail
– Refus de reprise d’entraînement
– Commission juridique de la LFP
– Rupture de contrat
– Conseil de prud’hommes d’Angers
– Promesse d’embauche valant contrat de travail
– Rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée
– Dommages et intérêts pour rupture anticipée
– Appel et appel incident
– Tribunal administratif
– Homologation
– Indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Dépens
– Motifs de la décision : Raisons juridiques et factuelles qui justifient la décision rendue par un tribunal.
– Demande de nullité du contrat pour dol : Requête visant à annuler un contrat en raison de la présence de dol, c’est-à-dire de manœuvres ou de mensonges ayant induit une partie à consentir au contrat.
– Article 1130 du code civil : Disposition légale stipulant que l’erreur, le dol et la violence sont des vices du consentement pouvant entraîner la nullité du contrat.
– Article 1137 du code civil : Norme qui définit le dol comme étant un vice du consentement résultant de manœuvres ou de mensonges pratiqués par une partie pour obtenir le consentement de l’autre.
– Preuve du dol : Éléments de preuve nécessaires pour démontrer l’existence de manœuvres ou de mensonges ayant conduit à la conclusion d’un contrat.
– Contrat de 12.278 euros : Accord commercial ou transaction spécifique d’une valeur de 12.278 euros.
– Exception d’inexécution : Principe selon lequel une partie peut refuser d’exécuter ses obligations contractuelles si l’autre partie n’a pas exécuté les siennes.
– Article 1219 du code civil : Article qui énonce le droit pour une partie de suspendre l’exécution de ses obligations si l’autre partie ne respecte pas les siennes, sous réserve de notification.
– Absence de fonctionnement du site internet : Situation où un site web ne fonctionne pas conformément aux attentes ou aux spécifications contractuelles.
– Erreurs sur le site internet : Défauts ou dysfonctionnements présents sur un site web, pouvant affecter son utilisation ou sa fonctionnalité.
– Conditions générales du contrat : Ensemble des clauses et des règles qui régissent les droits et obligations des parties dans un contrat.
– Mail du 14 septembre 2018 : Correspondance électronique spécifique envoyée à cette date, pouvant contenir des informations ou des preuves pertinentes pour une affaire.
– Mail du 25 septembre 2018 : Autre correspondance électronique envoyée à cette date, relevant pour l’évaluation des faits ou des obligations contractuelles.
– Mail du 3 octobre 2018 : Courriel envoyé à cette date, potentiellement significatif pour le dossier en question.
– Manquements de la société Local.fr : Fautes ou négligences commises par l’entreprise Local.fr dans l’exécution de ses obligations contractuelles.
– Demande en paiement de 12.075,50 euros : Réclamation financière de 12.075,50 euros faite par une partie contre une autre en raison de services ou de biens fournis ou en compensation de dommages.
– Article 700 du Code de procédure civile : Disposition légale permettant à une partie de demander une indemnité pour les frais engagés dans une procédure judiciaire qui ne sont pas couverts par les dépens.
– Dépens et frais irrépétibles : Frais de justice que la partie perdante est souvent condamnée à payer à la partie gagnante, incluant les dépens (frais de procédure standard) et les frais irrépétibles (frais non standard comme les honoraires d’avocat).
– Indemnité de procédure de 2.500 euros : Somme d’argent que le tribunal peut ordonner à une partie de payer à l’autre pour couvrir les frais de procédure.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00444 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E3WF.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 22 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 20/00344
ARRÊT DU 22 Février 2024
APPELANT :
Monsieur [M] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Didier LACOMBE de la SELARL LEX ARENA – AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
S.A. [Localité 2] SCO
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Maître Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS – N° du dossier 20190102
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Décembre 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame PORTMANN, président et Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Sylvie ROUSTEAU
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 22 Février 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
FAITS ET PROCÉDURE
La SA [Localité 2] Sporting Club de l’Ouest (ci-après dénommée la société [Localité 2] SCO ou le SCO) est une société sportive constituée par l’association [Localité 2] SCO et composant avec elle le Groupement Sportif SCO [Localité 2]. Le club évolue depuis le 1er juillet 2015 dans le championnat de la Ligue 1 organisé par la Ligue de Football Professionnel (LFP). La société [Localité 2] SCO emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des métiers du football dite Charte du football professionnel.
M. [M] [P] est joueur et capitaine de la sélection nationale de football du Sénégal. Parallèlement, il a successivement évolué dans les clubs de football d'[Localité 6] (saisons 2010/2011 et 2011/2012), de l’US [Localité 5] (saisons 2012/2013, 2013/2014 et 2014/2015) et de l'[Localité 2] SCO au cours des saisons 2015/2016 et 2016/2017.
À l’issue de la saison 2016/2017, M. [P] a été engagé par le club de Birmighmam City pour une durée de deux saisons (2017/2018 et 2018/2019).
Au début de la saison 2018/2019, les clubs de Birmighmam City et d'[Localité 2] SCO se sont entendus sur le principe d’une ‘mutation temporaire internationale’ de M. [P] pour l’intégralité de cette deuxième saison.
Les conditions de retour de M. [P] au club d'[Localité 2] SCO ont été négociées pour le club par M. [O], son directeur général de l’époque et pour le joueur, par M. Dia, conseiller. Le club d'[Localité 2] SCO a proposé de contracter avec le joueur pour une durée de trois saisons sportives, une saison au titre de la mutation internationale (2018/2019) et deux saisons supplémentaires (2019/2020 et 2020/2021) au titre d’un nouveau contrat.
Les parties ont régularisé un contrat de travail à durée déterminée spécifique en application des articles L. 222.2.3 et suivants du code du sport pour une durée d’une saison du 15 août 2018 au 30 juin 2019. Ce contrat a été homologué par la LFP et a pris effet le 15 août 2018.
Le 26 mars 2019, lors d’un match disputé avec la sélection nationale du Sénégal, M. [P] a été victime d’une rupture des ligaments croisés du genou et il a été placé en arrêt de travail jusqu’au 25 mai 2019. Cet arrêt de travail a été prolongé une première fois jusqu’au 30 juin 2019, une deuxième fois jusqu’au 1er octobre 2019 et une troisième fois jusqu’au 31 octobre 2019.
Le 8 novembre 2009, M. [P] a demandé à pouvoir reprendre l’entrainement, ce qui lui a été refusé.
Le 22 novembre 2019, M. [P] a saisi la commission juridique de la LFP laquelle a convoqué les parties pour une audience fixée le 17 décembre 2019.
Le 17 janvier 2020, M. [P] a informé le club qu’il prenait acte de la rupture de son contrat en date du 16 août 2018. Il a intégré le Red Star FC depuis le 6 octobre 2020.
La commission juridique de la LFP a entendu les parties le 24 janvier 2020 et a infligé une amende de 10 000 euros au club SCO d'[Localité 2], de 5 000 euros assortie du sursis à M. [P] et rejeté les demandes de M. [P].
Par requête du 15 septembre 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers afin qu’il constate que le document intitulé ‘proposition de contrat’ daté du 15 août 2018 est une promesse d’embauche valant contrat de travail lequel n’a pas été exécuté et dont la rupture doit s’analyser comme une rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée. Il sollicitait en conséquence la condamnation de la société [Localité 2] SCO à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, des dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, des dommages et intérêts pour le non-paiement de la prime contractuelle prévue le 10 septembre 2020, une indemnité pour la perte de chance d’obtention des primes de participation, une indemnité pour la perte de chance d’obtention des primes de réussite et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [Localité 2] SCO s’est opposée aux prétentions de M. [P] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 22 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé que le document intitulé ‘proposition de contrat’ daté du 15 août 2018 est une promesse d’embauchevalantcontrat de travail car dûment accepté par les parties contractantes ;
– dit et jugé que la non-exécution de ce contrat de travail à l’issue de l’arrêt pour accident de travail est bien à l’initiative de la société [Localité 2] SCO et s’analyse comme une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée ;
– condamné la société [Localité 2] SCO à verser à M. [P] la somme de 450 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée correspondant aux rémunérations qu’il aurait perçues du 1er juillet 2019 au 17 janvier 2020, date de la prise d’acte de rupture par M. [P] ;
– débouté M. [P] de ses autres demandes ;
– débouté M. [P] de sa demande d’exécution provisoire ;
– condamné la société [Localité 2] SCO à payer 2 000 euros à M. [P] à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société [Localité 2] SCO de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société [Localité 2] SCO, partie succombante, aux dépens.
M. [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 26 juillet 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.
La société SCO [Localité 2] a constitué avocat en qualité d’intimée le 4 août 2021.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2023 et le dossier a été fixé à l’audience collégiale de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers du 21 décembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [P], dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– dire et juger régulier et bien fondé son appel partiel ;
– dire et juger que le document intitulé ‘proposition de contrat’ daté du 15 août 2018 est un contrat de travail, confirmant sur ce point le jugement dont appel partiel ;
– constater que ce contrat de travail n’a pas été exécuté en raison de la volonté seule de la société [Localité 2] SCO, confirmant sur ce point le jugement dont appel partiel ;
– dire et juger que la non-exécution de ce contrat de travail à l’initiative de la société [Localité 2] SCO doit s’analyser comme étant une rupture abusive anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée, confirmant sur ce point le jugement dont appel partiel.
Statuer à nouveau et en tout état de cause :
– condamner la société [Localité 2] SCO à lui verser les sommes suivantes :
* 1 800 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée (salaires mensuels courant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2021) ;
* 1 200 000 euros au titre de dommages et intérêts pour le non-paiement de la prime contractuelle prévue le 10 septembre 2020 ;
* 40 000 euros au titre de l’indemnité pour la perte de chance d’obtention des primes de participation ;
* 30 000 euros au titre de l’indemnité pour la perte de chance d’obtention des primes de réussite ;
* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société [Localité 2] SCO à lui remettre des bulletins de paie, certificat de travail, attestation Pôle emploi, attestation de sécurité sociale, reçu pour solde de tout compte sous astreintes journalières fixées à 100 euros par document ;
– condamner la société [Localité 2] SCO aux entiers dépens de première instance et d’appel.
*
La société [Localité 2] SCO, dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
In limine litis :
– la recevoir en son exception d’incompétence ;
– dire la cour incompétente au profit du tribunal administratif ;
– la recevoir en son appel incident et infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :
– a dit et jugé que le document intitulé ‘proposition de contrat’ en date du 15 août 2018 est une promesse d’embauche valant contrat de travail car dûment accepté par les parties contractantes,
– a dit et jugé que la non-exécution du contrat de travail à l’issue de l’arrêt pour accident du travail est à son initiative et s’analyse comme une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,
– l’a condamnée à verser à M. [P] la somme de 450 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du CDD correspondant aux rémunérations du 1er juillet 2019 au 17 janvier 2020, date de la prise d’acte de rupture de M. [P],
– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée à payer 2000 euros à M. [P] à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux dépens.
À titre principal,
– débouter M. [P] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– dire et juger qu’en conséquence de la décision de refus d’homologation de la commission juridique de la Ligue de Football professionnel en date du 21 janvier 2020, le document intitulé ‘proposition de contrat’ en date du 15 août 2015 et nul et de nul effet.
À titre infiniment subsidiaire,
– dire et juger que la document intitulé ‘proposition de contrat’ en date du 15 août 2015 n’a jamais reçu commencement d’exécution ;
– dire et juger le document intitulé ‘proposition de contrat’ en date du 15 août 2015 caduc en conséquence de la non réalisation de la condition suspensive prévue.
À titre très subsidiaire,
– dire et juger que M. [P] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice et réduire à de plus justes proportions le quantum de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle,
– condamner M. [P] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
*
MOTIFS
I – In limine litis, sur la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire :
La société [Localité 2] SCO fait valoir que le conseil de prud’hommes et la cour de céans sont incompétents pour statuer sur les demandes de M. [P] lesquelles relèvent de la compétence du tribunal administratif. À cet égard, elle soutient que les demandes de M. [P] portent sur un contrat de travail à durée déterminée spécifique soumis à une procédure d’homologation de la commission juridique de la LFP pour sa validité, laquelle constitue un acte administratif s’imposant au juge judiciaire. En tout état de cause, elle rappelle que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour apprécier la légalité d’une décision administrative.
M. [P] réplique que le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur ses demandes reprenant la motivation des premiers juges.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 1411-3 du code du travail :
‘Le conseil de prud’hommes règle les différends et litiges nés entre salariés à l’occasion du travail’.
Aux termes de l’article L.222-2-6 du code du sport :
‘Le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d’homologation du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l’entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l’homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d’absence d’homologation du contrat.
Les conditions dans lesquelles l’absence d’homologation du contrat peut faire obstacle à son entrée en vigueur sont déterminées par une convention ou un accord collectif national’.
L’article 256 de la chartre du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, énonce : ‘Tout contrat, ou avenant de contrat, non soumis à l’homologation ou ayant fait l’objet d’un refus d’homologation par la commission juridique est nul et de nul effet’.
La Ligue du football professionnel participant à l’exécution d’une mission de service public administratif en organisant, conformément à l’article R. 132-12 du code du sport, la réglementation et la gestion de compétitions sportives, la décision d’homologation ou de refus d’homologation constitue un acte administratif qui s’impose au juge judiciaire.(Soc., 14 septembre 2016, pourvoi n° 15-21.794).
Si la décision d’homologation a donc la nature juridique d’un acte administratif et relève de la compétence de la juridiction administrative, les effets qu’elle entraîne sur le contrat de travail relèvent en revanche de la compétence du juge judiciaire en application des dispositions du code du travail.
Le juge judiciaire est donc compétent pour statuer sur les demandes de M. [P] relatives à l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée et sur les conséquences de sa rupture. L’exception d’incompétence sera rejetée.
II-Sur le défaut d’homologation :
Le SCO d'[Localité 2] se prévaut de la décision de la commission juridique de la LFP du 21 janvier 2020 pour soutenir que l’acte sous seing privé litigieux est nul et de nul effet, faute d’homologuation, soulignant que M. [P] n’a formé aucun recours contre cette décision devenue alors définitive.
M. [P] estime que le défaut d’homologation du contrat lui est inopposable dans la mesure où il résulte de la carence du club employeur.
Sur ce,
En application de l’article 256, alinéa 1, de la charte du football professionnel, tout contrat, ou avenant de contrat, non soumis à l’ homologation ou ayant fait l’objet d’un refus d’ homologation par la commission juridique est nul et de nul effet.
Concernant la non homologation de l’écrit du 16 août 2018 (et non du 15 août 2018 comme indiqué par erreur par le CPH et les parties) par la Fédération Française de Football (F.F.F.), il est exact, comme l’expose Monsieur [P], qu’il est admis en la matière qu’un joueur ne peut se voir opposer un défaut d’homologation par la F.F.F. résultant de la carence du club dans l’accomplissement de cette obligation, de sorte que l’engagement précité ne peut être considéré comme nul et de nul effet par application des dispositions du statut du joueur fédéral.
Or, si la décision de la commission juridique du 21 janvier 2020 mentionne ‘considérant que ces éléments suffisent à qualifier la proposition litigieuse d’acte sous-seing privé contraire au Statut du joueur au sens de l’article 257 précité, rendant impossibles son homologuation et, par conséquent, l’examen des demandes au fond introduites par le joueur’, force est de constater qu’elle ne mentionne à aucun moment avoir été saisie par le club, auquel cette obligation incombait, d’une demande d’homologation. Au contraire, dans ses motifs, outre qu’elle inflige une amende à chacune des parties, elle rejette les seules demandes de monsieur [M] [P] et explique avoir été saisie parce que ce dernier faisait grief au SCO d'[Localité 2] de ne pas avoir exécuté son engagement, ce qui relève effectivement de sa lettre du 22 novembre 2019 (pièce 8 de l’employeur).
Au surplus, M. [P] n’était pas en mesure de former un recours quant à un refus d’homologation, non expressément prononcé par cette décision qui intervenait dans un cadre disciplinaire et pour tenter une conciliation (article 51 de la chartre du football professionnel).
Par suite, le SCO ne peut se prévaloir de celle-ci pour soutenir que l’acte sous seing privé du 19 août 2018 est nul du seul fait qu’il n’a pas été homologué.
Le jugement entrepris sera de ce chef confirmé.
III – Sur la nature du document signé par les parties :
M. [P] soutient que le document signé par les parties est un contrat synallagmatique entraînant alors la qualification d’un contrat de travail et non d’une simple proposition de contrat ou de promesse d’embauche. À cet égard, il fait observer que ce document est rédigé au présent de l’indicatif et qu’il précise le poste de travail, la date et le lieu d’exécution du travail. À titre subsidiaire, il fait valoir qu’une promesse d’embauche vaut également contrat de travail et que la violation de la promesse par l’employeur doit s’analyser en une rupture anticipée du contrat sans cause entraînant l’octroi de dommages et intérêts pour la partie lésée.
Le document signé le 16 août 2018 par les deux parties, mentionne l’emploi proposé (joueur professionnel), la rémunération constituée de primes, ainsi que la date d’entrée en fonction (1er juillet 2019), sa durée (deux saisons). Il est rédigé au présent de l’indicatif et comporte une clause d’exclusivité établie en ces termes : ‘Par l’acceptation du présent accord, Monsieur [M] [P] s’engage exclusivement auprès de la SA [Localité 2] SCO et par conséquent sera amené à refuser catégoriquement toute sollicitation émanant d’un autre club’. (Souligné dans le texte).
En 2018, le président d'[Localité 2], [T] [V] a d’ailleurs annoncé à la presse que [M] [P] rejoignait le club pour trois années.
Il s’agit donc bien d’un contrat de travail.
III – Sur la caducité du contrat du fait de sa non-réalisation d’une condition suspensive:
La société SCO [Localité 2] soutient que le second contrat dont se prévaut M. [P] et devant débuter le 1er juillet 2019 est devenu caduc du fait de sa non-réalisation entraînée par son arrêt de travail. À cet égard, elle précise que l’article 1 prévoyait une condition suspensive caractérisée par la nécessité de passer une visite médicale d’embauche laquelle n’a jamais eu lieu. Elle ajoute que M. [P] n’était pas en capacité physique de remplir ses obligations de sorte qu’aucun commencement d’exécution du contrat n’a pu intervenir. Elle fait encore observer que l’engagement dont se prévaut M. [P] a été jugé comme étant nul et non avenu par la commission juridique de la LFP.
M. [P] rappelle qu’il a été victime d’un accident du travail le 26 mars 2019 et que les trois arrêts prolongeant son arrêt de travail initial portent le cachet commercial de son employeur, le SCO d'[Localité 2]. Il ajoute qu’il n’a, à aucun moment, été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail et qu’il a pu poursuivre son activité professionnelle dans un autre club au terme d’une période de remise en forme. Il ajoute que la non-exécution du contrat à la seule initiative de l’employeur sans motif légitime doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur ce,
Le contrat signé le 16 août 2018 prévoyait une condition suspensive relative au maintien du club en ligne 1, dont il n’est pas contesté qu’elle s’est réalisée.
Il mentionnait en outre : ‘La SA [Localité 2] SCO propose d’engager le joueur professionnel [M] [P] conformément aux dispositions de la charge du football professionnel, du code du travail, sous réserve de la visite médicale d’embauche’.
Il résulte des dispositions d’ordre public de l’article L. 1243-1 du code du travail, auxquelles ni la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas d’accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. (Soc., 10 février 2016, pourvoi n° 14-30.095).
Mais attendu que lesdites dispositions d’ordre public, dont il résulte que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme que dans les seuls cas visés par ce texte, ne prohibent pas la stipulation de conditions suspensives. ( Soc., 15 mars 2017, pourvoi n° 15-24.028).
Or, en l’espèce, il apparaît que M. [P], en arrêt de travail jusqu’au 31 octobre 2019, en raison d’une rupture des ligaments croisés du genou gauche, n’a pas pu se présenter à son travail le 1er juillet 2019, date de prise d’effet du contrat.
Si les arrêts de travail prescrits par son employeur portent le cachet du SCO d'[Localité 2], ce qui était tout à fait normal pour ceux allant jusqu’au 30 juin 2019, il ne peut être déduit de ce seul élément que le club avait entendu renoncer à la condition suspensive imposant un examen médical.
Le contrat litigieux n’a donc pas reçu de commencement d’exécution.
Il est devenu caduc du seul fait de l’absence de visite médicale d’embauche, laquelle ne pouvait être organisée au regard de la situation du joueur.
La demande de ce dernier faite le 8 novembre 2009 de reprendre l’entrainement ne pouvait avoir pour effet de faire renaître un contrat caduc.
Par suite, la prise d’acte par M. [P] de la rupture de son contrat, suivant lettre du 17 janvier 2020, est dépourvue d’objet, et le joueur ne peut soutenir que le contrat a été abusivement rompu de manière anticipée à l’initiative du club.
Le jugement sera infirmé de chef et en ce qu’il a alloué à M. [P] une somme de 450000 euros à titre de dommages et intérêts.
IV – Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Partie succombante, M. [P] supportera les dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,
-Rejette l’exception d’incompétence soulevée par le SCO d'[Localité 2],
-Infirme le jugement rendu le 22 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes d’Angers sauf en ce qu’il a décidé que que le document intitulé’proposition de contrat’ daté du 15 août 2018 (du 16 août en réalité) est une promesse d’embauche valant contrat de travail car dûment accepté par les parties contractantes ;
Statuant de nouveau et y ajoutant,
-Déboute M. [M] [P] de l’ensemble de ses demandes,
-Le condamne aux dépens de première instance et d’appel,
-Rejette les demandes pour le surplus.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN