Harcèlement moral au sein d’une association

Notez ce point juridique

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de management par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l’intention (malveillante ou non) de son auteur.

Le régime probatoire du harcèlement moral est posé par l’article L. 1154-1 du code du travail qui prévoit que dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que le salarié n’est tenu que d’apporter au juge des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et qu’il ne supporte pas la charge de la preuve de celui-ci.

De ce fait, le juge doit :

– en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués y compris les certificats médicaux ;

– puis qualifier juridiquement ces éléments en faits susceptibles, dans leur ensemble, de faire présumer un harcèlement moral ;

– enfin examiner les éléments de preuve produits par l’employeur pour déterminer si ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.


L’association [5] a engagé M. [I] en tant qu’animateur en décembre 2003. En 2019, après avoir été placé en arrêt maladie, M. [I] a été licencié pour faute grave pour avoir créé une entreprise concurrente avec sa compagne. Le conseil de prud’hommes de La Rochelle a condamné l’association à verser à M. [I] diverses sommes au titre de dommages et intérêts, indemnités de préavis, de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’association a interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions, l’association demande à la cour de juger que le licenciement de M. [I] pour faute grave était bien fondé et de le débouter de l’ensemble de ses demandes. De son côté, M. [I] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner l’association à lui verser une indemnité pour les frais irrépétibles d’appel.

SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

L’association [5] conteste le jugement qui l’a condamnée à payer des dommages et intérêts à M. [I] pour harcèlement moral, tandis que ce dernier demande la confirmation de cette décision. M. [I] invoque des agissements constitutifs de harcèlement moral, notamment des accusations injustes et des difficultés de planning. L’association [5] soutient que les faits allégués ne constituent pas du harcèlement moral et qu’elle a agi dans l’intérêt de ses salariés. La cour examine les éléments de preuve et conclut que les faits reprochés à l’employeur ne constituent pas du harcèlement moral.

SUR LES AGISSEMENTS REPROCHES A L’EMPLOYEUR

M. [I] est accusé d’avoir créé une société concurrente à celle de son employeur pendant son arrêt de travail, ce qui constituerait une faute grave. L’association [5] affirme que cette création a eu un impact négatif sur ses activités et justifie le licenciement pour faute grave de M. [I]. Ce dernier conteste ces accusations, affirmant que la société n’a pas réellement commencé son activité pendant son contrat de travail. La cour examine les éléments de preuve et conclut que la création de la société pendant l’arrêt de travail constitue une faute grave justifiant le licenciement de M. [I].

SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

La cour confirme le licenciement pour faute grave de M. [I] en raison de la création d’une société concurrente pendant son arrêt de travail. Le jugement est infirmé concernant les indemnités liées au licenciement, et M. [I] est débouté de ses demandes. L’association [5] est déboutée de ses demandes de frais irrépétibles.

– M. [N] [I] est débouté de l’ensemble de ses demandes.
– M. [N] [I] est condamné aux entiers dépens de première instance.
– M. [N] [I] est débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance.
– M. [N] [I] est condamné aux entiers dépens d’appel.
– M. [N] [I] est débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel.
– L’association [5] est déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.


Réglementation applicable

Il ressort des dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail qu’aucun « salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Il en résulte que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l’intention (malveillante ou non) de son auteur.

Le régime probatoire du harcèlement moral est posé par l’article L. 1154-1 du code du travail qui prévoit que dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que le salarié n’est tenu que d’apporter au juge des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et qu’il ne supporte pas la charge de la preuve de celui-ci.

De ce fait, le juge doit :

– en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués y compris les certificats médicaux ;

– puis qualifier juridiquement ces éléments en faits susceptibles, dans leur ensemble, de faire présumer un harcèlement moral ;

– enfin examiner les éléments de preuve produits par l’employeur pour déterminer si ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est constant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de management par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Sabrina GUYARD de la SELARL JURICA, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
– Me Jean-Philippe TALBOT de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
– Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Mots clefs associés

– Association régie par la loi 1901
– Accueil des gens de mer
– Port maritime de [Localité 2]
– Convention collective de l’animation
Contrat de travail à durée indéterminée
– Qualité d’animateur
– Classification « techniciens et agent de maîtrise »
– Coefficient 300 du groupe 5
– Demande de congés d’été
– Concubinage
– Arrêt maladie
Entretien préalable de licenciement
– Création d’une entreprise concurrente
– Licenciement pour faute grave
– Requête au conseil de prud’hommes
– Dommages et intérêts pour harcèlement moral
– Licenciement illégitime
– Indemnité de préavis
– Congés payés sur préavis
– Indemnité de licenciement
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Rupture brutale et vexatoire
– Article 700 du code de procédure civile
– Exécution provisoire de droit
– Appel de la décision
– Demande de réformation du jugement
– Déboutement de diverses demandes
– Frais de procédure

– Association régie par la loi 1901: association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août 1901.
– Accueil des gens de mer: obligation pour les ports maritimes d’accueillir et d’assister les marins en escale.
– Port maritime de [Localité 2]: installation portuaire située dans la localité 2.
– Convention collective de l’animation: accord conclu entre les employeurs et les salariés du secteur de l’animation pour régir les conditions de travail.
– Contrat de travail à durée indéterminée: contrat de travail qui ne prévoit pas de date de fin et peut être rompu à tout moment sous certaines conditions.
– Qualité d’animateur: statut professionnel d’une personne exerçant des fonctions d’animation.
– Classification « techniciens et agent de maîtrise »: catégorie de salariés regroupant les techniciens et les agents de maîtrise selon la convention collective.
– Coefficient 300 du groupe 5: niveau de classification salariale correspondant au coefficient 300 dans le groupe 5.
– Demande de congés d’été: demande formulée par un salarié pour prendre des congés pendant la période estivale.
– Concubinage: situation de deux personnes vivant en couple sans être mariées.
– Arrêt maladie: période pendant laquelle un salarié est absent du travail en raison de son état de santé.
– Entretien préalable de licenciement: entretien entre l’employeur et le salarié avant une éventuelle procédure de licenciement.
– Création d’une entreprise concurrente: création d’une entreprise exerçant une activité similaire à celle de l’employeur.
– Licenciement pour faute grave: rupture du contrat de travail motivée par une faute grave commise par le salarié.
– Requête au conseil de prud’hommes: demande adressée au tribunal des prud’hommes pour régler un litige entre un employeur et un salarié.
– Dommages et intérêts pour harcèlement moral: indemnisation accordée à une victime de harcèlement moral pour réparer le préjudice subi.
– Licenciement illégitime: rupture du contrat de travail jugée injustifiée par les tribunaux.
– Indemnité de préavis: somme versée au salarié en cas de rupture du contrat de travail avec un préavis.
– Congés payés sur préavis: congés payés pris pendant la période de préavis de rupture du contrat de travail.
– Indemnité de licenciement: somme versée au salarié en cas de licenciement pour compenser la perte d’emploi.
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: indemnisation accordée à un salarié licencié sans motif valable.
– Rupture brutale et vexatoire: rupture du contrat de travail soudaine et abusive.
– Article 700 du code de procédure civile: disposition permettant au juge d’allouer une somme à la partie ayant supporté des frais de justice.
– Exécution provisoire de droit: mise en œuvre immédiate d’une décision judiciaire en attendant un éventuel appel.
– Appel de la décision: recours formé par une partie mécontente d’une décision judiciaire devant une juridiction supérieure.
– Demande de réformation du jugement: demande visant à modifier une décision judiciaire.
– Déboutement de diverses demandes: rejet par le tribunal de plusieurs demandes formulées par une partie.
– Frais de procédure: dépenses engagées pour mener une procédure judiciaire.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

GB/LD

ARRET N° 133

N° RG 22/00051

N° Portalis DBV5-V-B7G-GOIQ

Association [5]

C/

[I]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 07 MARS 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 décembre 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE

APPELANTE :

Association [5]

N° SIRET : 394 785 331

[Adresse 7]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Sabrina GUYARD de la SELARL JURICA, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT, substituée par Me Jean-Philippe TALBOT de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉ :

Monsieur [N] [I]

né le 23 Octobre 1974 à [Localité 6] (59)

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant

Ayant pour avocat plaidant Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Décembre 2023, en audience publique, devant :

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, que l’arrêt serait rendu le 8 février 2024, à cette date le délibéré a été prorogé au 7 mars 2024,

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[5] est une association régie par les dispositions de la loi 1901 qui a pour objet l’accueil des gens de mer en escale au port maritime de [Localité 2] et elle relève de la convention collective de l’animation.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er décembre 2003, elle a engagé M. [N] [I] en qualité d’animateur.

Ce dernier bénéficiait en dernier lieu de la classification « techniciens et agent de maîtrise », coefficient 300 du groupe 5.

En mars 2019, M. [I] a demandé à prendre ses congés d’été en même temps que Mme [G] avec laquelle il a, suite à un refus opposé par son employeur, déclaré être en concubinage.

Le 20 août 2019, il a été placé en arrêt maladie.

Le 15 octobre 2019, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, dont la date a été fixée au 25 octobre 2019, entretien auquel il ne s’est pas présenté.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 novembre 2019, il a été licencié pour faute grave pour avoir créé avec Mme [G] une entreprise concurrente de l’association [5], la société Crew§Dock Service.

Par requête en date du 25 mai 2020, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle pour solliciter diverses indemnités.

Par jugement du 9 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de La Rochelle a :

– condamné l’association [5] à verser à M. [I] les sommes suivantes :

¿ 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

¿ 2.500 € pour « licenciement illégitime » ;

¿ 4.575,96 € bruts au titre de l’indemnité de préavis ;

¿ 457,59 € au titre des congés payés sur préavis ;

¿ 10.295,91 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

¿ 32.032 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

¿ 1.000 € pour dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

¿ 1.400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– dit qu’il y a lieu à exécution provisoire de droit et a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à 2.287,98 € ;

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

– condamné l’association [5] aux dépens de l’instance.

L’association [5] a interjeté appel de cette décision déclaration électronique du 7 janvier 2022.

* * *

Dans ses dernières conclusions du 13 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l’association [5] demande à la cour de juger qu’elle est recevable et bien fondée en son appel et, y faisant droit :

– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné l’association [5] à verser à M. [I] les sommes suivantes :

¿ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral : 2.500 € ;

¿ pour licenciement illégitime : 2.500 € ;

¿ au titre de l’indemnité de préavis : 4.575,96 € bruts ;

¿ au titre des congés payés sur préavis : 457,59 € ;

¿ au titre de l’indemnité de licenciement : 10.295,91 € ;

¿ au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 32.032 € ;

¿ au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire : 1.000 € ;

¿ au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1.400 € ;

– prononcé l’exécution provisoire de droit ;

– condamné l’association [5] aux dépens de l’instance.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

– juger le licenciement de M. [I] prononcé pour faute grave, comme bien-fondé ;

– débouter M. [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de sa demande au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouter M. [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre de circonstances brutales et vexatoires ;

– débouter M. [I] de sa demande au titre de l’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis ;

– débouter M. [I] de sa demande au titre de l’indemnité de licenciement ;

– de dire qu’aucun acte de harcèlement moral n’a été commis à l’encontre de M. [I] ;

– de débouter M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

– de condamner M. [I] à verser à l’association [5] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la somme de 1.500 € au titre de la présente procédure ;

– de condamner M. [I] aux entiers dépens et frais d’exécution d’appel ;

Si par extraordinaire, la cour considérait le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’association [5] à verser à M. [I] la somme de 32.032 € au titre de l’indemnité de licenciement et réduire cette indemnité à la somme de 6.864 € ;

– de débouter M. [I] de l’ensemble de ses autres demandes, fins et prétentions.

* * *

Dans ses dernières conclusions du 27 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, M. [I] demande à la cour de :

– « dire bien jugé, mal appelé » ;

– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

– de condamner l’association [5] à lui verser une indemnité de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel ;

– de condamner ladite association en tous les dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2023.

SUR QUOI

I – SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

L’association [5] sollicite l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [I] la somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral tandis que ce dernier sollicite la confirmation de la décision de ce chef.

Au soutien de ses prétentions du chef du harcèlement moral, M. [I] fait valoir :

– qu’il verse aux débats une attestation qui est parfaitement recevable même s’il l’a lui-même établie et qui démontre qu’il a été victime d’agissements constitutifs d’harcèlement moral ;

– qu’il a faussement été accusé par le président de l’association d’avoir tenu des propos dénigrants envers un collègue, [H] [D], ce qui a porté atteinte à sa dignité ;

– que, malgré les termes de l’article 4-6 de la convention collective de l’animation relatif aux concubins, l’employeur a artificiellement créé un litige en lui refusant le droit de poser des congés communs avec Mme [G] du 8 juillet au 4 août 2019 alors que l’activité du port industriel de [4] est au plus bas pendant cette période et que des saisonniers ont toujours été recrutés pour remplacer les salariés permanents pendant les vacances ;

– qu’alors qu’un accord avait été trouvé avec la direction, cette dernière l’a remis en cause le 4 août 2019 en voulant imposer un nouveau planning qui a finalement été modifié quelques heures après les protestations du salarié sans pour autant être satisfaisant pour lui ;

– qu’à son retour de congés, il a constaté que les difficultés de planning perduraient ;

– que cette situation, qui durait depuis le mois d’avril 2019, a détérioré son état de santé et qu’il a été de ce fait placé en arrêt de travail le « 20 août 2019 », cet arrêt ayant été ensuite plusieurs fois renouvelé ;

– que l’association [5] ne rapporte pas la preuve contraire du harcèlement moral invoqué par le salarié ;

– que les attestations émanant de membres de la direction de l’association se heurtent à l’adage selon lequel « nul ne peut s’établir de preuve à lui-même » et qu’elles ne portent pour la plupart que sur des éléments étrangers au harcèlement.

En réponse, l’association [5] fait valoir :

– que le harcèlement moral se caractérise essentiellement par la dégradation des conditions de travail résultant d’actes répétitifs, emportant des conséquences dommageables sur le plan professionnel ou sur la santé de la victime ;

– qu’il appartient dans un premier temps au salarié d’apporter les éléments matériels précis et concordants laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, ce que M. [I] ne fait pas ;

– que le foyer n’est autorisé à ouvrir en soirée que si au moins deux personnes de l’association sont présentes dans les locaux, à savoir un salarié désigné sous la dénomination de « permanent » et un bénévole ;

– que la demande de congés communs des 2 salariés a été transmise pour avis au conseil d’administration, étant précisé que personne ne connaissait alors la situation de concubinage de Mme [G] et M. [I] et ce d’autant plus que Mme [G] était mariée et que son mari venait de temps en temps à l’association ;

– que le conseil d’administration a donc refusé cette demande ;

– que le 15 avril 2019, M. [I] et Mme [G] ont adressé un courrier commun au président de l’association pour déclarer leur concubinage et demander un congé simultané en invoquant les dispositions de la convention collective relatives aux personnes vivant en couple alors qu’il était difficile d’apprécier la situation puisque Mme [G] était mariée ;

– que le bureau a souhaité rencontrer M. [I] le 24 avril 2019 mais que celui-ci ne s’est pas présenté ;

– que le 4 juin 2019, le bureau a décidé de faire droit à la demande de congés simultanés de trois semaines faites par les deux salariés ;

– qu’il n’y a donc pas eu d’harcèlement ;

– que le conseil de prud’hommes a considéré que la tardiveté de la communication des plannings était constitutive de harcèlement moral alors que, d’une part, l’élaboration des plannings faisait partie des attributions de M. [I] et que, d’autre part, un mail de Mme [G] démontre que les plannings étaient « discutés avec les salariés » et que ces derniers étaient satisfaits ;

– que ces discussions ont abouti à l’élaboration d’un nouveau planning tenant compte du respect du délai de prévenance invoqué par Mme [G] ;

– que ce retard de communication n’est pas constitutif d’un harcèlement moral ni même de la mise ‘uvre d’un moyen de pression mais qu’il témoigne d’un souci de l’employeur d’éviter tous conflits avec l’ensemble des salariés et d’une absence du bénévole chargé d’établir les plannings l’été ;

– que suite à une réunion en date du 4 juin 2019 en présence de M. [E], membre de l’association et « syndicaliste CFDT », les nouveaux plannings ont été adressés aux salariés pour être mis en ‘uvre à partir du 16 août 2019 mais que M. [I] lui a fait parvenir un arrêt de travail le 20 août ;

– que ces difficultés de planning n’ont pas concerné que M. [I] mais qu’elles ont également concerné Mme [G] et Mme [J] ;

– que diverses attestations font état de l’absence de tout harcèlement au sein de l’association et qu’un membre du personnel indique qu’elle lui a « permis de [se] reconstruire après le burn-out dont [il a] été victime’, ce qui démontre que l’association est attachée au bien-être de ses salariés et ce qui contredit les actes de harcèlement moral allégués.

Sur ce, il ressort des dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail qu’aucun « salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Il en résulte que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l’intention (malveillante ou non) de son auteur.

Le régime probatoire du harcèlement moral est posé par l’article L. 1154-1 du code du travail qui prévoit que dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que le salarié n’est tenu que d’apporter au juge des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et qu’il ne supporte pas la charge de la preuve de celui-ci.

De ce fait, le juge doit :

– en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués y compris les certificats médicaux ;

– puis qualifier juridiquement ces éléments en faits susceptibles, dans leur ensemble, de faire présumer un harcèlement moral ;

– enfin examiner les éléments de preuve produits par l’employeur pour déterminer si ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est constant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de management par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

1 ‘ Sur les agissements reprochés à l’employeur

Au soutien de la demande de reconnaissance du harcèlement moral dont il affirme avoir été victime de la part de son employeur, M. [I] expose :

1) avoir été faussement accusé par le président de l’association d’avoir tenu des propos dénigrants envers un collègue, ce qui a porté atteinte à sa dignité ;

3) s’être heurté à un refus injustifié de poser ses congés en même temps que sa concubine ;

4) s’être heurté avant et pendant ses congés à des difficultés de planning.

Afin d’étayer ses allégations, il verse aux débats :

– une « déclaration de concubinage » datée du 15 avril 2019 adressée à l’employeur ;

– une demande de congés simultanés avec Mme [G] datée du 15 avril 2019 et portant sur une période commune du 15 juillet au 4 août 2019 ;

– le compte-rendu du conseil d’administration de l’association du 29 mai 2019 ;

– un certificat médical établi le 13 mars 2020 par le docteur [P] selon lequel l’état de santé de M. [I] a nécessité un arrêt de travail du 20 août au 11 novembre 2019 pour un « épisode dépressif majeur » ;

– une demande établie par M. [I] le 20 novembre 2019 pour demander des précisions quant aux motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

* * *

A titre liminaire, la cour observe que si les faits de harcèlement moral invoqué par M. [I] doivent être examinés dans le contexte général des faits dont aurait également été victime Mme [G], il n’en demeure pas moins que la cour ne peut, sans méconnaître le principe contradictoire, statuer qu’en fonction des pièces produites dans le cadre de la présente instance.

Sur ce, il résulte de l’ensemble de ces éléments :

– que le fait n° 1 relatif aux propos dénigrants que M. [I] a été accusé d’avoir porté envers un collègue n’est établi par aucune des pièces qu’il verse aux débats ;

– que le fait n° 2 relatif au refus opposé le 2 avril 2019 à la demande de congés communs avec Mme [G] présentée par M. [I] pour l’été, bien que non étayé par les pièces produites par les parties, est établi ;

– que le fait n° 3 relatif aux difficultés de planning que M. [I] et sa compagne ont rencontré avant et pendant leurs congés est établi notamment par le compte-rendu du conseil d’administration du 29 mai 2019, le mail adressé par Mme [G] à l’employeur le 13 juin 2019 et les mails adressés par le bureau aux 3 salariés de l’association le 4 août 2019 qui démontrent l’existence de désaccords sur les plannings.

* * *

La matérialité des faits 2 et 3 étant établie et ces faits, pris dans leur ensemble, laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, il appartient à l’employeur de prouver qu’ils ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que les décisions qu’il a prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A titre liminaire, la cour rappelle que, contrairement à ce que soutient l’intimé, les attestations des membres du bureau de l’association produites par l’employeur ne sont pas dénuées de valeur probante au motif que « nul ne peut s’établir une preuve à soi-même » puisque ce principe concerne le régime probatoire des actes juridiques dont le montant est supérieur à 1.500 € et non pas celui des faits juridiques (Civ. 2e, 6 mars 2014, n° 13-14.295).

En outre, ces attestations s’inscrivent dans le processus probatoire du harcèlement moral prévu à l’article L. 1154-1 du code du travail en ce qu’elles permettent à la société de prouver que les faits reconnus comme établis par la cour ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral.

En conséquence, la valeur probante de ces attestations sera appréciée par la cour quel que soit la qualité de leurs auteurs.

Sur ce :

– s’agissant du fait n° 2 relatif au refus opposé le 2 avril 2019 à la demande de congés communs présentée la première fois par M. [I] et Mme [G], l’employeur fait valoir :

que ce refus était justifié par les nécessités de services ne lui permettant pas, avec 4 salariés permanents, parmi lesquels Mme [G] et M. [I], un comptable et un salarié en arrêt maladie (M. [D]), de faire droit à la demande simultanée de 2 salariés ayant une relation affective non officialisée, ce qui est corroboré par les pièces versées aux débats ;

que le président de l’association n’a été avisé que le 15 avril 2019 de la « déclaration de concubinage » de Mme [G] et de M. [I] et qu’il a, conformément à l’article 4-6 de la convention collective applicable, fait droit le 17 mai 2019 à leur demande de congés communs, le compte-rendu du conseil d’administration du 29 mai 2019 faisant à cet égard état d’une « situation inédite » ;

que la situation était d’autant plus difficile à gérer pour l’association que le foyer n’était autorisé à ouvrir en soirée que si au moins 2 personnes, dont un « permanent », étaient présentes, l’activité céréalière du port maritime de [Localité 2] étant en outre importante en juillet ;

que le refus du 2 avril 2019 n’avait rien d’offensant mais qu’il était au contraire justifié par les nécessités du service et l’impossibilité d’avoir 2 permanents absents en même temps tout en assurant l’ouverture du foyer sans discontinuité pendant l’été ;

– s’agissant du fait n° 3 relatif aux difficultés de planning rencontrées avant et pendant l’été 2019, l’employeur expose :

que le planning « pour un roulement de 3 semaines consécutives » qui a été transmis à Mme [G] avec une nouvelle fiche de poste ne démontre pas que le couple était victime de harcèlement puisqu’elle a elle-même indiqué dans un mail du 13 juin 2019 que cette fiche de poste a été « débriefée tous ensemble pendant la dernière réunion de l’équipe. Comme vous l’avez vu, nous sommes d’accord avec vous pour la plupart des points que nous avons revus ensemble et nous sommes très satisfaits d’avoir ce genre de réunion avec le bureau afin d’optimiser le travail à Marine Escale pour un accueil des marins optimal. » ;

que le retard pris dans la communication du planning prévu au retour de Mme [G] de ses congés d’été est consécutif aux discussions que l’association a eues avec cette dernière, ce qui démontre que l’employeur a privilégié le dialogue à une solution imposée au couple ;

que les nouveaux plannings ont été mis en vigueur le 16 août 2019 mais que M. [I] a été en arrêt maladie le 20 août 2019.

* * *

Il résulte de ce qui précède que l’employeur justifie par des éléments objectifs les faits qui auraient pu être considérés comme étant constitutifs d’harcèlement moral en ce que :

– le refus opposé lors du conseil d’administration du 2 avril 2019 à la demande de congés simultanés de 2 permanents, qui n’avaient pas encore déclaré vivre en concubinage, était justifié au regard des nécessités de services et de l’impossibilité pour l’employeur de faire fonctionner le foyer sans recruter des personnes pour pourvoir à leur absence simultanée alors que les congés étaient jusqu’alors pris par roulement entre les permanents, ce refus relevant du pouvoir de direction et étant dans ce contexte et à ce moment-là justifié au regard des informations dont disposait l’association quant à la vie personnelle des salariés ;

– l’association a fait droit à la demande de congés simultanés après avoir été avisée par Mme [G] et M. [I] le 15 avril 2019 de leur statut de concubinage, étant observé qu’il est constant que ce statut leur donnait droit à des congés simultanés conformément aux dispositions de l’article 4-7 de la convention applicable ;

– si le compte-rendu du conseil d’administration du 23 mai 2019 démontrent que les relations étaient alors tendues entre certains membres du conseil d’administration et M. [I], cette pièce fait également apparaître une volonté de l’employeur d’apaiser les tensions générées par les désaccords au sujet des congés ;

– selon l’attestation établie par Mme [W] [U] (bénévole depuis 2014 et secrétaire du bureau de l’association depuis 2016) :

M. [I] ne s’est pas présenté à une rencontre fixée avec le bureau le 24 avril 2019 ;

elle n’a jamais « ressenti un quelconque harcèlement envers madame [G] et monsieur [I] lors des nombreuses heures de permanence et réunions » auxquelles elle a assisté ;

le bureau « a joué son rôle d’interlocuteur avec tous ses salariés ne ménageant ni sa peine ni ses heures en provoquant nombre de réunions avec eux pour garder le dialogue, refaisant sans cesse le planning de travail des salariés en jonglant avec stagiaires et bénévoles et contractant des CDD » ;

– le mail que Mme [G] a adressé à son employeur le 13 juin 2019 démontre la volonté de ce dernier d’établir une fiche de poste emportant son adhésion et donc son attachement à ne pas rompre le dialogue avec le couple ;

– dans les échanges entre les parties le 4 août 2019, l’association a rapidement convenu d’une erreur sur le respect du délai de convenance invoquée par Mme [G] et acté son refus d’une modification tardive de son planning de la semaine du 5 août et elle a rapidement tenu compte de ce refus en lui écrivant : « Avec nos excuses pour cette erreur relative au code du travail par rapport au délai de convenance » ;

– le certificat médical établi le 13 mars 2020 par le docteur [P] selon lequel l’état de santé de M. [I] a nécessité un arrêt de travail du 20 août au 11 novembre 2019 pour un « épisode dépressif majeur » ne suffit pas à démontrer que cet épisode était consécutif à un harcèlement moral et ce d’autant qu’il n’est étayé par aucune autre prescription médicale.

* * *

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les faits que M. [I] qualifie de harcèlement moral :

– ne sont soit pas matériellement établis soit pas constitutifs d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

– qu’ils s’expliquent par les difficultés objectivement rencontrées par l’employeur pour réorganiser en quelques semaines, pendant l’été puis de manière plus pérenne, le travail de 4 permanents alors qu’un d’eux était en arrêt de travail et que l’association a été tardivement avisée du droit de deux autres permanents de poser leurs congés de manière simultanée du fait d’un concubinage qui ne lui a été déclaré que le 15 avril 2019 ;

– que malgré les tensions suscitées par ces difficultés, l’employeur s’est montré soucieux d’apaiser les tensions et de trouver des solutions respectueuses des droits dont Mme [G] et M. [I] pouvaient se prévaloir tout en veillant à être équitable avec les autres permanents.

En conséquence, et dans la mesure où il n’est pas établi que M. [I] a été victime d’un harcèlement moral de la part de l’association [5], la décision déférée sera infirmée de ce chef et l’intéressé sera débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

II – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

A- SUR LE MOTIF DU LICENCIEMENT

L’association [5] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement déféré des chefs des indemnités qu’elle a été condamnée à payer à Mme [I] au titre du « licenciement illégitime », de l’indemnité de préavis, des congés payés sur préavis, de l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

– de juger que le licenciement pour faute grave de M. [I] est fondé ;

– de débouter M. [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Au soutien de ses prétentions, l’association [5] fait valoir :

– que le fait pour un salarié de créer une société dont l’activité est concurrente à celle de son employeur, alors qu’il est à son service et sans l’en informer, constitue une faute grave ;

– que, pendant les périodes de suspension de son contrat de travail, le salarié reste tenu envers son employeur d’une obligation de loyauté ;

– que M. [I] a été licencié pour avoir créé une société concurrente à l’association et avoir commencé son activité alors qu’il était encore lié à l’association par un contrat de travail ;

– que la nature des entités importe peu puisqu’une société commerciale peut concurrencer une association et contrevenir aux intérêts de cette dernière ;

– que M. [I] n’a jamais avisé l’association de son intention de créer avec Mme [G] une entreprise et encore moins dans un secteur d’activité concurrent de celui de l’association ;

– que le comportement de M. [I] a radicalement changé à partir du mois de février 2019, ce qui s’explique par le fait que l’entreprise a été créée pendant l’exécution du contrat de travail, l’exploitation commerciale ayant commencé dès le mois de mai ;

– que le Kbis de la société de Crew§Dock Service et le procès-verbal du constat d’huissier en date du 17 octobre 2019 démontrent que, dès le mois de mai 2019, une page d’entreprise avait été créée sur Facebook avec le logo et que l’offre commerciale d’achats en ligne avait été mise en place ;

– que la société Crew§Dock Service fait concurrence à l’association qui vend notamment des cartes SIM prépayées, qui met à la disposition des marins des espaces de loisirs (fléchettes, jeux, billard) qui organise leur transport pour les emmener en ville et leur vend des boissons et des produits de première nécessité ;

– que cette concurrence a eu un impact important puisqu’elle a engendré une diminution notable du chiffre d’affaires pour les cartes téléphoniques sur l’exercice 2019 et que les recettes de l’association ont chuté de 7.016 € à 576 € ;

M. [I] sollicite la confirmation de la décision déférée de ces chefs aux motifs :

– qu’il y a « une présomption de doute renforcée » et qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave dont il se prévaut ;

– qu’il est reproché à M. [I], dans la lettre de licenciement, d’avoir constitué une société pendant le cours de son contrat de travail, ladite société ayant en outre une activité concurrentielle à celle de l’association ;

– que, lors de son entretien professionnel du 6 février 2019, Mme [G] avait informé l’association de son souhait de créer sa propre entreprise et d’effectuer une formation d’auto-entrepreneur le plus vite possible ;

– qu’il est évident qu’elle voulait effectuer cette formation pour créer son entreprise et qu’elle n’a donc rien dissimulé à son employeur ;

– qu’elle s’est inscrite comme convenu avec l’employeur à une formation dispensée par la CCI en 2019 et qu’elle a, avec l’aide des formateurs, établi les statuts qu’elle a signés le 21 juin 2019 avec M. [I] du fait de ses futures fonctions de directeur général ;

– que le fait que la société ait été inscrite au registre du commerce et des sociétés le 4 septembre 2019 ne signifie pas qu’elle pouvait réellement exister ;

– que le site a été créé le 14 novembre 2019 mais que cela ne démontre pas qu’elle a commencé son activité à cette date ;

– qu’en tout état de cause, il n’y a pas eu de commencement d’activité de la société pendant le cours du contrat de travail, qui a été interrompu par le licenciement du 5 novembre 2019 ;

– que le compte de la société, sans laquelle aucune activité n’était possible, n’a lui-même été ouvert que le 16 janvier 2020 ;

– qu’il appartient à l’association de prouver la date du commencement d’activité de la société ;

– qu’il n’y a par ailleurs pas de concurrence entre la SAS Crew§Dock Service et l’association puisque :

l’une est à but non lucratif et l’autre est une société commerciale et a pour vocation de réaliser un chiffre d’affaire générateur de bénéfices ;

la SAS Crew§Dock Service ne dispose d’aucun logement d’accueil mais d’un siège social ;

l’association n’effectue pas de transport de marins puisqu’elle n’a pas de salarié titulaire d’un permis de transport en commun, elle ne dispose d’aucune autorisation lui permettant de vendre des cartes pour smartphone et ne justifie pas de la moindre déclaration fiscale ;

– que le motif inavoué du licenciement réside dans le fait que M. [I] s’est installé en couple avec Mme [G], cet événement ayant été déclencheur de tracasseries avec 2 ou 3 membres du bureau, de changements de planning à répétition, d’envoi de courriers pendant ses congés auxquels il faut ajouter le comportement colérique et de mouvements d’humeur, voire d’agressivité, de la part de M. [Z] qui n’a pas accepté que deux salariés puissent contracter une union ;

– que son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur ce, il résulte des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, l’employeur est non seulement tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de notification, sous peine de voir reconnu un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais il lui incombe alors également, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, de rapporter la preuve :

– de la réalité de la faute grave, qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié personnellement entraînant une violation des obligations découlant du contrat ;

– de la teneur de la faute, qui doit être telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l’aggraver.

En cas de contestation de la sanction disciplinaire, l’employeur est en droit d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier du motif énoncé dans la lettre de licenciement, même si ces circonstances de fait ne sont pas mentionnées dans celle-ci (Cass. Soc. 15 octobre 2013, n° 11- 18.977).

* * *

En l’espèce, la lettre de licenciement du 6 novembre 2019, qui détermine les limites du litige est ainsi libellée :

« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute grave […].

Nous sommes donc amenés par la présente à vous notifier les griefs qui nous conduisent à prononcer votre licenciement pour faute grave.

Nous avons en effet découvert mi-septembre, que vous aviez constitué, avec Madame [O] [G], salariée de notre association, une société dénommée Crew&Dock Service SAS domiciliée à votre adresse personnelle, dont vous détenez 50 % du capital social, l’autre moitié étant détenue par la salariée précitée et dont vous exercez les fonctions de Directeur Général. »

Vous avez immatriculé cette société au Registre du commerce et des Sociétés de La Rochelle le 04 septembre 2019 avec une prise d’activité au 1er septembre 2019, soit pendant la suspension de votre contrat de travail à raison de votre congé de maladie ayant débuté le 20 août 2019 (à la même date que celle de Madame [O] [G]) et se poursuivant à ce jour.

Cette société actuellement exploitée directement par vous, intervient dans les domaines d’activité qui sont ceux de l’association [5] à savoir les services aux marins en escale au Port de [4], la vente de marchandises à ce même public.

Les activités de la société Crew&Dock Service SAS recoupent les fonctions qui sont les vôtres dans notre association [5] aux termes de votre contrat de travail à temps plein puisque vous êtes en charge de la vente de produits, de l’accueil et l’animation à destination des marins en escale au port de [4].

Le lancement d’une activité commerciale pendant votre congé maladie présente un caractère opportuniste dont nous sommes fort surpris. Nous considérons qu’il s’agit d’un manquement grave au devoir de loyauté et de bonne foi dans l’exécution de votre contrat de travail.

Compte tenu de la gravité de cette faute et de ses conséquences, votre maintien dans notre association s’avère impossible.

Le licenciement prend donc effet immédiatement […]. »

La faute reprochée à M. [I] consiste donc en la création, pendant son arrêt de travail, d’une société dont l’activité est concurrente à celle de l’association [5].

Il sera en conséquence rappelé que l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt et pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise (Cass. Soc. 21 novembre 2018, pourvoi n° 16-28.513).

Le salarié ayant, alors qu’il était au service de son employeur et sans l’en informer, créé une société dont l’activité était directement concurrente de la sienne, manque à son obligation de loyauté, peu important que des actes de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle soient ou non établis, ces faits sont constitutifs d’une faute grave (Cass. Soc., 30 novembre 2017, pourvoi n° 16-14-541).

Sur ce, il ressort :

– du compte rendu d’entretien professionnel de Mme [G] en date du 6 février 2019 que si celle-ci a fait part à cette occasion de son souhait de suivre dès que possible « une formation d’auto/entrepreneur/création entreprise à la CCI permettant de trouver un CDI dans une autre structure afin d’anticiper le retour du salarié remplacé», formation à laquelle elle s’est d’ailleurs inscrite dans les jours qui ont suivi, ce document ne démontre pas pour autant que l’employeur a été avisé du projet de M. [I] de créer avec Mme [G] une entreprise dans un secteur d’activité éventuellement concurrent à celui de l’association ;

– des statuts de la SAS Crew§Dock Service et de l’extrait KBIS de cette société que ses statuts ont été enregistrés le 21 juin 2019 et que la société a été immatriculée le 4 septembre 2019 avec une date de commencement d’activité fixée au 1er septembre 2019, soit pour partie à une période où M. [I] était en arrêt de travail pour maladie ;

– que cette société a été constituée à parts égales entre Mme [G] et M. [I], Mme [G] étant désignée première présidente de la société et M. [I] directeur général ;

– du procès-verbal de constat d’huissier du 17 octobre 2019 que le site Facebook de la société a été actif au moins du 21 mai 2019 jusqu’au 9 août 2019, et donc à une époque où le contrat de travail de Mme [G] n’était ni suspendu ni rompu, étant précisé :

– qu’en consultant ce site le 21 mai 2019, un lien permettait d’accéder à des catalogues de produits vestimentaires dont les prix étaient affichés ;

– que le site mentionnait le 14 juin 2019 : « photo de couverture de Crew§Dock Service » ;

-qu’il indiquait le 9 août 2019 : mention « disponible en France et diffusés par Crew§Dock Service en exclusivité » ;

– que le site Facebook présentait une activité de commerce d’équipements de protection individuel à destination des professionnels de la mer et du milieu portuaire » et que cette page comportait « un lien ayant pour adresse www.crewdockservice.com permettant la commande et l’achat en ligne des équipements précités ».

Ces éléments démontrent que la société Crew§Dock Service a commencé dès le mois de mai 2019 à utiliser les réseaux sociaux et une adresse internet lui permettant a minima de faire la publicité des produits qu’elle s’apprêtait à vendre, ce qui constitue une activité de prospection et donc un début d’exploitation de la société qui commençait à se faire connaître de ses clients potentiels.

Dans ce contexte, la création de cette société peut être analysée comme étant constitutive d’une faute grave s’il est par ailleurs démontré que l’activité de la société Crew§Dock Service est concurrente à celle de l’association [5].

Dès lors, s’agissant du caractère concurrentiel des activités exercées par l’association [5] et par la société Crew§Dock Service, la cour observe :

– que, contrairement à ce que soutient M. [I], une société peut faire de la concurrence à une association si elle propose des produits ou services similaires à celle-ci ;

– qu’il ressort des statuts de l’association [5], tels que modifiés suite à une assemblée générale du 7 mai 2011, qu’elle a pour but « l’accueil des gens de mer en escale à [4] » et que ses ressources proviennent notamment des « bénéfices réalisés sur la vente autorisée de quelques produits » ;

– que les caractéristiques du poste de travail occupé par M. [I], selon une fiche en date du 14 février 2003, consistaient notamment à proposer aux marins des cartes téléphoniques, la vente de boissons et de différents produits, de mettre à leur disposition des jeux, de la musique, d’assurer le transport des marins dans un bus pouvant transporter au maximum 8 personnes et le chauffeur ; »

– que les statuts de la société Crew§Dock Service indiquent qu’elle exerce une activité en « Import-export, vente et achat de marchandises, commerce de gros, demi-gros, détail et représentation commerciale, vente sur internet. Négoce de marchandise alimentaire et non alimentaire non réglementée transport public routier de personnes au moyen de véhicules n’excédant pas neuf places avec le conducteur ».

Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de constat établi par Maître [R] [M], huissier de justice, le 17 octobre 2019 que le site Facebook de la société Crew§Dock Service se présentait comme « le partenaire du bien-être des marins en escale. Accompagnement shopping, des articles de sport, électronique, instruments de musique, souvenirs, transport d’équipage en excursion et vêtements à flottabilité intégré Ki-Eléments ».

Il résulte de ce qui précède que l’activité de la société Crew§Dock Service était tournée, avant même le licenciement de Mme [G], vers une activité concurrente à celle de l’association [5] en ce qu’elles visaient toutes les deux un public commun s’agissant des marins en escale au port de [Localité 2] et qu’elles leur proposaient la vente de produits et de services dont certains étaient identiques à ceux commercialisés par l’association tels que les produits alimentaires ou le transport de personnes.

En conséquence, en prospectant à partir du mois de mai 2019, soit à une période où il était encore salarié de l’association [5], une clientèle dans un secteur d’activité concurrent à celui de l’association, puis en procédant à l’immatriculation de cette société et en fixant officiellement sa date de début d’activité pendant son arrêt maladie, M. [I] a manqué à son obligation de loyauté et commis une faute grave justifiant, du fait de l’absence de confiance que l’association [5] pouvait lui accorder dans ce contexte, son licenciement immédiat.

Il sera donc fait droit à la demande de l’association [5] tendant à voir dire que le licenciement pour faute grave de M. [I] est justifié.

B- SUR LES INDEMNITES SUBSEQUENTES AU LICENCIEMENT

Le licenciement pour faute grave de M. [I] étant justifié, le jugement déféré sera infirmé des chefs de l’indemnité de « licenciement illégitime », de l’indemnité de préavis, des congés payés sur préavis, de l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire et le salarié sera débouté de l’ensemble de ses demandes sur ces fondements, étant précisé s’agissant de l’attitude vexatoire et dénigrante reprochée à l’employeur, que celui-ci n’a fait qu’user de manière justifiée de son pouvoir disciplinaire en procédant à ce licenciement.

III – SUR LES DEPENS ET LES DEMANDES ACCESSOIRES

Dans la mesure où M. [I] succombe en appel :

– le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné l’association [5] aux dépens de première instance et à payer à M. [I] la somme de 1.400 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– M. [I] sera condamné aux entiers dépens de première instance et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

– M. [I] sera condamné aux entiers dépens d’appel et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel.

L’association [5] sera elle-même déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Dit que M. [N] [I] n’a pas subi de harcèlement moral de la part de l’association [5] ;

Dit que le licenciement de M. [N] [I] est fondé sur une faute grave ;

Déboute M. [N] [I] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne M. [N] [I] aux entiers dépens de première instance ;

Déboute M. [N] [I] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant :

Condamne M. [N] [I] aux entiers dépens d’appel ;

Déboute M. [N] [I] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Déboute l’association [5] de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 

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