En matière de gestion de succession confiée à un Avocat, il est conseillé de formaliser tout mandat.
Aux termes de l’article 1984 du Code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire.
L’article 1985 du même code prévoit que le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre des contrats ou des obligations conventionnelles en général. L’acceptation du mandat peut n’être que tacite, et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire.
En application de l’article 1359 du Code civil, tout mandat d’une valeur supérieure à 1.500 euros doit par principe être prouvé par écrit. Il est cependant possible de déroger aux exigences d’une preuve littérale dans les conditions décrites aux articles 1361 et 1362 du Code civil. Ainsi, en l’absence d’écrit au sens de l’article 1365 du Code civil, une partie peut se prévaloir d’un commencement de preuve par écrit, qui pourra être complété par des éléments extrinsèques tels que des témoignages ou des présomptions.
À la différence de la preuve de l’existence du mandat, la preuve de son étendue peut quant à elle se faire par tous moyens, y compris par de simples présomptions.
1. Attention à la preuve du mandat et de son étendue : Il est recommandé de prêter une attention particulière à la preuve du mandat confié à un avocat, ainsi qu’à son étendue. Selon l’article 1984 du Code civil, le mandat doit être accepté par le mandataire, et son existence peut être prouvée par écrit, sauf exceptions prévues par la loi. Il est également important de documenter clairement les missions confiées et les bénéficiaires des diligences effectuées, afin d’éviter toute contestation ultérieure.
2. Attention à la communication et à la confirmation des missions : Il est recommandé de maintenir une communication claire et documentée avec les avocats ou les parties concernées pour confirmer les missions et les instructions données. Les échanges de courriels, les courriers et les documents écrits peuvent servir de preuve en cas de litige sur l’étendue des mandats ou des diligences effectuées. Il est essentiel de s’assurer que toutes les parties impliquées comprennent et approuvent les actions entreprises.
3. Attention aux honoraires et aux factures : Il est recommandé de conserver une documentation précise des honoraires facturés et des services rendus. Il est essentiel de s’assurer que les factures émises correspondent aux services effectivement fournis et aux mandats confiés. En cas de litige sur les honoraires, il est important de pouvoir démontrer la légitimité des services rendus et des montants facturés, en fournissant des preuves tangibles telles que des contrats écrits, des échanges de courriels et des relevés d’activité détaillés.
En suivant ces conseils, il est possible de renforcer la documentation et la preuve des mandats confiés, d’éviter les malentendus et les contestations ultérieures, et de garantir une transparence et une clarté dans la relation entre les parties impliquées dans des affaires juridiques.
Monsieur [A] [E] est décédé en 2010, laissant derrière lui deux enfants et sa sœur, Madame [H] [E] épouse [Z], en tant que légataire et administratrice spéciale de la succession. Un litige est survenu concernant le paiement des honoraires de l’avocat, Me [T], qui a été mandaté pour intervenir dans le dossier de succession franco-américain. La Selarl Cabinet Shubert Collin Associés réclame le paiement des honoraires impayés à Madame [H] [E] épouse [Z], tandis que cette dernière conteste le mandat donné à l’avocat et les prestations facturées. Le tribunal doit trancher sur la validité du mandat, les bénéficiaires des prestations et le montant des honoraires réclamés.
Contexte de l’affaire
Dans le cadre d’une contestation d’honoraires devant le premier président de la cour d’appel de Paris, Madame [H] [E] épouse [Z], administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], conteste son obligation de paiement envers la Selarl Shubert Collin Associés, représentée par Me [M] [T]. Elle argue de l’absence de mandat et soutient que les héritiers de la succession d’[A] [E] ne sont pas débiteurs des honoraires réclamés.
Incompétence matérielle du tribunal
La Selarl Shubert Collin Associés demande l’application d’intérêts de retard sur les honoraires impayés. Cependant, selon les articles 175 et 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, cette demande relève de la compétence matérielle du premier président de la cour d’appel de Paris. Le tribunal se déclare donc incompétent pour statuer sur cette demande.
Existence et étendue du mandat
Madame [Z] conteste l’existence d’un mandat confié à Me [T]. Selon l’article 1984 du Code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir d’agir en son nom. La preuve de l’existence et de l’étendue du mandat doit être rapportée par Me [T], conformément à l’article 1353 du Code civil. En l’absence d’écrit, un commencement de preuve par écrit peut être complété par des éléments extrinsèques.
Preuves du mandat
La Selarl Shubert Collin Associés présente un contrat de mission du 15 mai 2013, signé par Madame [Z], confiant à Me [T] la mission de clarifier les rapports juridiques et fiscaux entre les héritiers et les SCI Poussimo et Foncière Européenne Investissement. Un courriel du 21 mai 2013 de Madame [Z] reconnaît que les bénéficiaires de la convention d’honoraires sont les héritiers d’[A] [E].
Extension tacite du mandat
La Selarl soutient que le mandat a été tacitement étendu jusqu’au courriel de révocation du 20 juin 2018. Dans ce courriel, Madame [Z] informe Me [T] de sa décision de le dessaisir des dossiers concernant la succession de son frère. Ce courriel constitue un commencement de preuve par écrit, reconnaissant l’extension du mandat jusqu’au 19 juin 2018.
Preuves supplémentaires
La Selarl produit divers courriels et échanges démontrant que Madame [Z] suivait les instructions de Me [T] sans les contester. Un procès-verbal d’huissier du 18 juillet 2018 confirme que Madame [Z] a confié à Me [T] le règlement de la succession américaine et du contentieux fiscal. Ces éléments démontrent la réalité des mandats confiés par Madame [Z] à Me [T].
Factures litigieuses
Les factures n°A10873, n°A11181 et n°A11496 concernent des diligences effectuées par la Selarl entre le 22 novembre 2017 et le 18 juin 2018, dans l’intérêt des héritiers d’[A] [E]. Les missions incluent la régularisation de contrats de prêts, l’obtention d’un certificat de « Probate », la demande de rescrit fiscal IRS, l’ouverture d’un compte centralisateur, et la recherche de financement.
Rejet des moyens contraires
Les moyens contraires avancés par Madame [Z] sont rejetés. Les diligences effectuées par la Selarl bénéficient directement aux héritiers et non à une indivision dénuée de personnalité morale. Les preuves apportées démontrent que les missions étaient réalisées avec l’aval de Madame [Z].
Dommages et intérêts
La Selarl demande 20.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et accusations mensongères. Cependant, cette demande est rejetée car la question des honoraires est encore pendante. La mauvaise foi de Madame [Z] est reconnue, et un préjudice moral de 3.000 euros est accordé à la Selarl.
Frais du procès et exécution provisoire
Madame [Z] est condamnée aux dépens et à payer 5.000 euros à la Selarl au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’exécution provisoire du jugement est ordonnée, et les demandes non justifiées sont rejetées.
Réglementation applicable
Voici la liste des articles des Codes cités dans le texte fourni, ainsi que le texte de chaque article :
Articles du Code civil
– Article 1984 du Code civil :
« Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire. »
– Article 1985 du Code civil :
« Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre des contrats ou des obligations conventionnelles en général. L’acceptation du mandat peut n’être que tacite, et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire. »
– Article 1353 du Code civil :
« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
– Article 1359 du Code civil :
« L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. Il ne peut être prouvé par témoignages, sauf impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. »
– Article 1361 du Code civil :
« Il peut être suppléé à l’écrit exigé par l’article 1359 par un commencement de preuve par écrit. Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. »
– Article 1362 du Code civil :
« Le commencement de preuve par écrit peut être suppléé par tous moyens. »
– Article 1365 du Code civil :
« L’écrit consiste en une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission. »
– Article 1231-7 du Code civil :
« Les dommages et intérêts dus par le débiteur sont, en l’absence de convention contraire, productifs d’intérêts au taux légal à compter du jour de la demande en justice. »
– Article 1343-2 du Code civil :
« Les intérêts échus des capitaux peuvent eux-mêmes produire des intérêts soit par une demande judiciaire, soit par une convention spéciale, pourvu que ce soit pour une année entière au moins. »
Articles du Code de procédure civile
– Article 696 du Code de procédure civile :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »
– Article 700 du Code de procédure civile :
« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. »
– Article 699 du Code de procédure civile :
« Les dépens sont recouvrés par l’avocat de la partie qui a obtenu la condamnation, sauf si celle-ci a été prononcée au profit d’une partie non représentée par un avocat. »
– Article 514 du Code de procédure civile :
« Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »
– Article 514-1 du Code de procédure civile :
« Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. »
Articles du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991
– Article 175 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 :
« Les contestations relatives aux honoraires des avocats sont portées devant le bâtonnier de l’ordre auquel appartient l’avocat. »
– Article 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 :
« Le bâtonnier statue par décision motivée susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel. »
Article de la loi du 29 juillet 1881
– Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 :
« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »
Article du Code de commerce
– Article L441-6 du Code de commerce (non cité explicitement mais souvent pertinent dans les contextes de paiement d’honoraires) :
« Les conditions de règlement doivent obligatoirement figurer dans les conditions générales de vente et dans les contrats conclus entre professionnels. Elles doivent préciser les délais de paiement appliqués et les conditions d’application et de calcul des pénalités de retard. »
Ces articles constituent le cadre juridique pertinent pour l’analyse et la résolution des questions soulevées dans le contexte de la contestation des honoraires et des mandats.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Yahia MERAKEB, avocat au barreau de PARIS
– Me Fanny SACHEL, avocat au barreau de PARIS
Mots clefs associés
– Contestation d’honoraires
– Administratrice légale
– Mandat
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– Code civil
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– Preuve par écrit
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– Courriel de révocation
– Courriel de confirmation
– Missions confiées
– Courriel d’instructions
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– Contestation du mandat
– Double facturation
– Dommages et intérêts
– Résistance abusive
– Procédure abusive
– Accusations mensongères
– Diffamation
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– Frais du procès
– Exécution provisoire
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– Article 700 du Code de procédure civile
– Article 696 du Code de procédure civile
– Article 1231-7 du Code civil
– Article 1343-2 du Code civil
– Article 514 du Code de procédure civile
– Article 514-1 du Code de procédure civile
– Contestation d’honoraires: Action entreprise par une partie pour contester le montant des honoraires facturés par un professionnel.
– Administratrice légale: Personne désignée par la loi pour gérer les biens d’une personne incapable de le faire elle-même.
– Mandat: Contrat par lequel une personne donne à une autre le pouvoir d’agir en son nom et pour son compte.
– Incompétence matérielle: Situation dans laquelle un tribunal n’a pas la compétence pour traiter une affaire en raison de sa nature.
– Intérêts de retard: Somme d’argent due en cas de non-paiement d’une dette dans les délais prévus.
– Code civil: Recueil de lois régissant les relations entre les individus en France.
– Preuve écrite: Élément matériel permettant de prouver un fait ou un acte juridique par écrit.
– Mandataire: Personne agissant au nom et pour le compte d’une autre personne dans le cadre d’un mandat.
– Acceptation tacite: Acceptation d’une proposition ou d’un contrat qui se manifeste par des actes ou des comportements sans parole explicite.
– Valeur supérieure à 1.500 euros: Se réfère à une somme d’argent dépassant 1.500 euros.
– Preuve par écrit: Moyen de preuve reposant sur des documents écrits pour établir la véracité d’un fait.
– Preuve testimoniale: Moyen de preuve reposant sur le témoignage oral de personnes ayant connaissance des faits en question.
– Mandat tacitement étendu: Extension implicite des pouvoirs d’un mandataire au-delà de ce qui était initialement prévu.
– Courriel de révocation: Courriel notifiant la révocation d’un mandat ou d’une autorisation précédemment accordée.
– Courriel de confirmation: Courriel confirmant la réception ou l’acceptation d’une demande, d’une proposition ou d’un contrat.
– Missions confiées: Tâches ou responsabilités assignées à une personne dans le cadre d’un mandat ou d’un contrat.
– Courriel d’instructions: Courriel contenant des directives ou des consignes à suivre dans l’exécution d’une tâche ou d’une mission.
– Factures litigieuses: Factures faisant l’objet d’un litige ou d’une contestation quant à leur montant ou leur légitimité.
– Contestation du mandat: Action entreprise pour contester la validité ou l’étendue des pouvoirs conférés par un mandat.
– Double facturation: Situation dans laquelle une même prestation ou un même service est facturé deux fois.
– Dommages et intérêts: Somme d’argent versée à une partie lésée en réparation du préjudice subi.
– Résistance abusive: Comportement visant à retarder ou empêcher la réalisation d’une décision de justice de manière injustifiée.
– Procédure abusive: Utilisation de la procédure judiciaire de manière malveillante ou dilatoire.
– Accusations mensongères: Allégations fausses ou calomnieuses portées à l’encontre d’une personne.
– Diffamation: Action de tenir des propos portant atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne.
– Capitalisation des intérêts: Calcul des intérêts dus sur une somme d’argent non payée, qui deviennent à leur tour productifs d’intérêts.
– Frais du procès: Dépenses engagées dans le cadre d’une procédure judiciaire, telles que les honoraires d’avocat ou les frais de justice.
– Exécution provisoire: Mise en œuvre d’une décision de justice avant même que celle-ci ne soit définitive.
– Dépens: Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire et qui peuvent être mis à la charge de la partie perdante.
– Article 700 du Code de procédure civile: Disposition légale permettant au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour ses frais de justice.
– Article 696 du Code de procédure civile: Article du Code de procédure civile français traitant des dépens et des frais de justice.
– Article 1231-7 du Code civil: Article du Code civil français concernant la capitalisation des intérêts en cas de retard de paiement.
– Article 1343-2 du Code civil: Article du Code civil français traitant de la prescription des actions en paiement des intérêts.
– Article 514 du Code de procédure civile: Article du Code de procédure civile français relatif à la résistance abusive.
– Article 514-1 du Code de procédure civile: Article du Code de procédure civile français traitant de la procédure abusive.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 19 JANVIER 2024
AFFAIRE N° RG 23/00573 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XGIY
N° de MINUTE : 24/00040
Chambre 7/Section 3
S.E.L.A.R.L. Cabinet d’avocats SHUBERT COLLIN ASSOCIES
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Yahia MERAKEB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0284
DEMANDEUR
C/
Madame [H] [Z], ès qualités d’administratrice légale du patrimoine successoral de Monsieur [A] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Fanny SACHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0160
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Présidente :Madame LEAUTIER, Vice-Présidente
Assesseurs :Madame GUIBERT, Vice-Présidente, magistrat ayant fait rapport à l’audience
Monsieur MARTINEZ, Juge
Assistés aux débats de : Madame FLAMANT, greffière.
DEBATS
Audience publique du 17 Novembre 2023
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame GUIBERT, Vice-Présidente, pour Madame LEAUTIER, Vice-Présidente empêchée, assistée de Madame BARBIEUX, faisant fonction de greffier.
*
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Monsieur [A] [E], père de deux enfants, [N] [E], née le 3 mai 2006 et [D] [E], né le 16 juillet 2007, est décédé le 10 décembre 2010.
Il a laissé pour lui succéder ses deux enfants, héritiers réservataires de la succession, et sa sœur, Madame [H] [E] épouse [Z], légataire à titre universel pour 33,33 % de la succession selon testament olographe du 18 novembre 2010 et a désigné Madame [H] [E] épouse [Z] en qualité d’administratrice spéciale aux biens successoraux reçus par les enfants par codicille du 20 novembre 2010.
Selon contrat de mission à objet fiscal du 15 mai 2013, Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], a demandé à Me [M] [T], avocat, d’intervenir en qualité de conseil fiscal dans le cadre du dossier de succession franco-américain.
Depuis cette date et jusqu’en 2018, Me [T] est intervenu à plusieurs reprises et via trois cabinets différents dans lesquels il a successivement exercé, notamment le cabinet Shubert Collin Associés à compter de novembre 2017, pour différentes missions.
Par courriel envoyé le 20 juin 2018, Madame [H] [E] épouse [Z] a informé la Selarl Cabinet Shubert Collin Associés de sa décision de la dessaisir de tous les dossiers dont elle avait la charge concernant la succession d’[A] [E], et l’a invité à transmettre rapidement toutes les pièces à deux autres cabinets d’avocats chargés de prendre sa suite.
Par courrier recommandé du 27 juin 2018, la Selarl cabinet Shubert Collin Associés a fait parvenir à Madame [H] [E] épouse [Z] une demande de paiement d’un solde d’honoraires pour des prestations effectuées entre le 22 novembre 2017 et le 18 juin 2018.
Par courriel du 13 juillet 2018, Madame [H] [E] épouse [Z] a informé Me [T] qu’elle contestait tant le principe que le quantum des factures adressées.
Par acte d’huissier du 23 août 2018, la Selarl cabinet Shubert Collin Associés a fait délivrer une opposition à partage sur le fondement de l’article 882 du Code civil pour sûreté et paiement de la somme de 41.135,62 euros sur le fondement des factures litigieuses.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 septembre 2018, la Selarl Shubert Collin Associés a mis en demeure Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice de la succession d’[A] [E], de lui régler le solde de ses honoraires, qu’elle chiffre à la somme de 40.735,29 euros aux termes de la facture n°A10873 émise le 16 février 2018, de la facture n°A11181 émise le 20 juin 2018 et de la facture n°A11496 émise le 24 septembre 2018.
Par courrier du 5 octobre 2018, la Selarl cabinet Shubert Collin Associés a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une demande en fixation d’honoraires auprès de Madame [Z] s’agissant des factures couvrant des diligences qui auraient été effectuées dans l’intérêt des héritiers, représentés par Madame [Z], de la succession d’[A] [E], pour la période précitée du 22 novembre 2017 au 18 juin 2018.
Par décision du 15 mai 2019, le bâtonnier a notamment fixé à la somme de 41.140,80 euros HT le montant total des honoraires dus au cabinet, soit un solde d’honoraires de 33.790,80 euros HT et a dit que Madame [Z] devrait verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier, soit à compter du 5 octobre 2018, outre la TVA au taux de 20 %.
Madame [H] [E] épouse [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 juin 2019.
Par un arrêt rendu le 2 décembre 2022, le premier président de la cour d’appel de Paris a annulé la décision prise le 15 mai 2019 par le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris et a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes présentées par les parties jusqu’à ce que la juridiction de droit commun compétente ait définitivement statué sur l’existence des mandats confiés à la Selarl Shubert Collin Associés et sur la détermination du ou des débiteurs des honoraires de ladite Selarl.
Par acte de commissaire de justice du 10 janvier 2023, la Selarl Shubert Collin Associés a fait assigner Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin que celui-ci juge à titre principal d’une part que la Selarl est bien titulaire d’un mandat confié par Madame [Z] en qualité et d’autre part que les héritiers d’[A] [E], représentés par Madame [Z], sont les débiteurs des honoraires du cabinet Shubert Collin Associés.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 juin 2023, la Selarl Shubert Collin Associés demande au tribunal de juger qu’elle était titulaire d’un mandat confié par Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], de juger que les héritiers de Monsieur [E], représentés par Madame [H] [E] épouse [Z], sont les débiteurs de ses honoraires, de juger qu’aux honoraires impayés s’appliquent de plein droit des intérêts de retard de 1,5 fois l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures considérées, et de condamner Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et capitalisation des intérêts. En tout état de cause, elle sollicite le débouté de l’ensemble des demandes formées par Madame [H] [E] épouse [Z] en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral de Monsieur [E] et de la condamner à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
S’agissant de la preuve du mandat qui lui a été confié pour intervenir dans la succession d’[A] [E], la Selarl produit le contrat de mission signé le 15 mai 2013 par Me [T] et Madame [H] [E] épouse [Z] en qualité de représentante des héritiers d’[A] [E] et soutient que le mandat a par la suite été tacitement étendu à d’autres missions, dans le respect des règles et usages de la profession d’avocat, jusqu’à sa révocation par lettre de révocation rédigée par Madame [H] [E] épouse [Z] elle-même le 19 juin 2018. Elle précise que de nombreuses factures ont été adressées à Madame [Z] et dûment réglées, quoi qu’avec retard, entre 2013 et 2018 pour des missions complémentaires à celles indiquées dans la lettre de mission initiale, sans que Madame [Z] n’émette la moindre protestation à leur encontre.
Elle ajoute que tant Madame [Z], par SMS du 14 juin 2018 puis courriel du 17 août 2018, que les autres conseils intervenant dans la succession, dont Me Sachel, ont expressément reconnu l’existence et les extensions de son mandat. Elle affirme qu’il n’est pas démontré que Me [T] ait outrepassé son mandat et qu’il a pris soin, s’agissant de missions habituellement réalisées par d’autres conseils, de se faire autoriser à intervenir par Madame [H] [E] épouse [Z].
S’agissant de la preuve des débiteurs des factures contestées, elle soutient que les héritiers d’[A] [E], représentés par Madame [Z], sont les seuls bénéficiaires des diligences facturées, à l’exclusion des SCI, de toute étude notariale ou d’une indivision par ailleurs dénuée de personnalité morale.
Elle précise à ce titre que les bénéficiaires de ses diligences fiscales sont nécessairement les héritiers en leur nom personnel, et que les bénéficiaires de ses recherches de financement auprès du CIC via les comptes de deux SCI sont in fine les héritiers en leur nom propre, qui auraient alors disposé des fonds nécessaires au règlement des différents passifs de la succession.
Si elle a pu envoyer deux factures à l’étude notariale en charge de la succession afin que le notaire, après accord de l’administratrice de la succession, paye avec les fonds successoraux les diligences effectuées dans l’intérêt des héritiers, elle soutient que lesdites factures, aujourd’hui annulées, ont fait l’objet d’un avoir à la demande du notaire et que les diligences qu’elles rémunéraient (ratification d’actes de prêts entre la société FEI et chaque héritier et participation à la préparation du dossier de Probate permettant la gestion des avoirs de la succession situés aux Etats-Unis par Madame [Z]) et dont le paiement est sollicité par la facture n°A11496 n’intéressaient que la succession [E].
Elle conteste toute double facturation, rappelle que sa mission dans le cadre du règlement de la succession américaine a été confirmée par SMS de la défenderesse en date du 14 juin 2018 et que le traitement de ladite succession impliquait, comme les pièces versées aux débats le démontrent, une action concernée entre Me [T] et un cabinet de l’Etat de New York, en l’espèce le cabinet Dentons. Elle ajoute que Madame [Z] se garde de produire les factures qu’elle aurait réglées au cabinet Dentons pour des diligences concurrençant celles de son conseil français.
Elle demande que soient appliqués aux honoraires impayés des intérêts de retard de 1,5 fois l’intérêt légal à compter de l’échéance des factures considérées, en application de l’article 3 du contrat de mission du 15 mai 2013.
Sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et de l’article 1240 du Code civil, elle sollicite la condamnation de Madame [Z] à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en arguant de la résistance abusive de Madame [Z], de ses accusations mensongères et diffamatoires, notamment dans ses conclusions d’appelante, et du caractère abusif de la procédure d’appel engagée par celle-ci.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 mai 2023, Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], demande au tribunal de débouter la Selarl cabinet Shubert Collin Associés de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle conteste tout mandat confié à la Selarl en violation des articles 10 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 2 août 2017.
Elle soutient qu’en tout état de cause les héritiers n’étaient pas les bénéficiaires des prestations réalisées par la Selarl, les factures A10710 et A10872 ayant été libellées à l’ordre de l’étude avant d’être remplacées par la facture A11496 désormais libellée à l’ordre de Madame [H] [E] épouse [Z], et les diligences effectuées au titre des factures A10873 et A11181 libellées à l’ordre de Madame [H] [E] épouse [Z] concernant l’étude notariale de l’épouse de Me [T], l’indivision conventionnelle [E]-[Z] ou les sociétés civiles.
Elle conteste enfin, pour chacune des factures litigieuses, la réalité des prestations facturées, évoquant une double facturation et l’absence d’acte rédigé par Me [T] sur la période considérée à l’exception d’une attestation Affidavit. Elle réaffirme contester les honoraires réclamés au titre des factures litigieuses, rappelant que Me [T] est selon elle intervenu sans mandat, que les diligences évoquées dans les factures n’ont pour l’essentiel pas eu de suites concrètes et que leur montant s’avère en tout état de cause excessif.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures, dans les conditions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2023 et l’affaire a été plaidée à l’audience collégiale du 17 novembre 2023.
Le jugement, contradictoire, a été mis en délibéré au 19 janvier 2024.
MOTIVATION
Dans le cadre de la contestation d’honoraires actuellement pendante devant le premier président de la cour d’appel de Paris, Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], conteste son obligation au paiement en arguant de l’absence de mandat confié à la Selarl Shubert Collin Associés en la personne de Me [M] [T] et soutient qu’en tout état de cause les héritiers de la succession d’[A] [E] ne sont pas les débiteurs des honoraires réclamés.
Sur l’incompétence matérielle du tribunal pour statuer sur les intérêts de retard
La Selarl Shubert Collin Associés sollicite du tribunal de céans l’application d’intérêt de retard aux honoraires impayés.
En application des articles 175 et 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, cette demande relève de la compétence matérielle d’ordre public du premier président de la cour d’appel de Paris, actuellement saisi de la contestation des honoraires de la Selarl Shubert Collin Associes détaillés dans les trois factures litigieuses.
Le tribunal se déclarera incompétent pour statuer sur cette demande.
Sur l’existence, l’étendue du mandat et les bénéficiaires des diligences effectuées
Aux termes de l’article 1984 du Code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire.
L’article 1985 du même code prévoit que le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre des contrats ou des obligations conventionnelles en général. L’acceptation du mandat peut n’être que tacite, et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire.
Dans la présente instance, Madame [H] [E] épouse [Z] conteste l’existence d’un mandat qu’elle aurait confié, en sa qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], à la Selarl Shubert Collin Associés en la personne de Me [M] [T], de sorte qu’il revient à ce dernier, en application de l’article 1353 du Code civil, de rapporter la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat dont il se prévaut.
En application de l’article 1359 du Code civil, tout mandat d’une valeur supérieure à 1.500 euros doit par principe être prouvé par écrit. Il est cependant possible de déroger aux exigences d’une preuve littérale dans les conditions décrites aux articles 1361 et 1362 du Code civil. Ainsi, en l’absence d’écrit au sens de l’article 1365 du Code civil, une partie peut se prévaloir d’un commencement de preuve par écrit, qui pourra être complété par des éléments extrinsèques tels que des témoignages ou des présomptions.
À la différence de la preuve de l’existence du mandat, la preuve de son étendue peut quant à elle se faire par tous moyens, y compris par de simples présomptions.
En l’espèce, la Selarl Shubert Collin Associés verse aux débats le contrat de mission du 15 mai 2013 par lequel Madame [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], a confié à Me [T] la mission de « clarifier les rapports juridiques futurs entre les héritiers et les SCI Poussimo et Foncière Européenne Investissement de même que leurs conséquences fiscales. A cet effet, tout moyen nécessaire à ce travail de clarification pourra être mis en œuvre, y compris judiciaire (…). Par ailleurs, le client confie à l’avocat la mission de clarifier les conséquences fiscales résultant des rapports juridiques instaurés entre les héritiers et les SCI Poussimo et Foncière Européenne Investissement », que ce soit pour ce qui concerne la fiscalité directe de ces sociétés ou pour ce qui concerne la fiscalité personnelle des héritiers (pièce en demande n°1).
Dans son courriel du 21 mai 2013, Madame [Z] reconnaissait expressément que les bénéficiaires de la convention d’honoraires conclue le 15 mai 2013 et, partant, des diligences effectuées par Me [T] sur le fondement de celle-ci, étaient les héritiers d’[A] [E], à savoir sa nièce, son neveu et elle-même (pièce en demande n°2).
La Selarl Shubert Collin Associés soutient que ce mandat a par la suite été tacitement étendu par Madame [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], jusqu’à son courriel de révocation en date du 20 juin 2018.
Dans ce courriel du 20 juin 2018, Madame [Z] transmet à Me [T] un écrit aux termes duquel elle indique « suite à nos récents échanges, je vous informe avoir pris la décision de vous dessaisir de tous les dossiers dont vous avez la charge concernant la succession de mon frère [A] [E]. J’ai demandé à Jérôme Casey de reprendre le volet américain du dossier et à Stanislas Vailhen du cabinet Alerion de prendre le volet fiscal (…). Je vous remercie de leur transmettre très vite toutes les pièces (…) » (pièce en demande n°16).
Par ce courriel qui constitue un commencement de preuve par écrit, Madame [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], reconnaît expressément que le mandat écrit conclu le 15 mai 2013 a bien été poursuivi et étendu jusqu’au 19 juin 2018, tant dans le « volet américain » que dans le « volet fiscal » de la succession de son frère.
En outre, la Selarl Shubert Collin Associés produit un email en date du 6 juin 2018 adressé à Madame [Z] par lequel Me [T] récapitule les différentes missions à réaliser par le cabinet, en lien avec le cabinet américain Dentons.
Il y précise ainsi que :
– « L’IRS a été saisie il y a environ 15 jours de notre demande de rescrit ;
– Nous avons saisi l’Etat de NY d’une demande de remboursement des fonds que détenait [A] au sein d’HSBC. Notre demande est à l’instruction ;
– Nous nous occupons également de la fiscalité de NY. Pour cela, et conformément à la loi américaine, le comptable nous a transmis les comptes de l’indivision [V]-[E] (…) ; je suggère que ce volet potentiellement contentieux soit traité par Dentons. Les juges français ne sont pas compétents. J’ai un RV téléphonique avec Dentons la semaine prochaine sur ce sujet ;
– Le CIC attend toujours les pièces manquantes conformément à vos instructions du 23 février 2018 et Habanski sait comment mettre à jour les comptes selon les demandes du CIC. Je lui ai parlé hier. Manquent seulement 3 AG que je peux préparer rapidement sauf instruction contraire (…) ;
– J’ai contacté [K] [O] de manière informelle pour qu’il nous accorde une transaction sur les pénalités et reprenne le contrôle du dossier, le SIE refusant de prendre position (…).
Voilà les questions pour lesquelles je me suis engagé pour vous. Je n’en vois pas d’autres, et je ne vois pas d’interférence avec ce que font vos autres conseils. Si vous souhaitez que je mettre un terme ou suspende telle ou telle mission, il vous suffit de me le faire savoir (rapidement SVP).
Vous demeurez en effet les seuls décideurs, et je ne reçois mes instructions que de vous » (pièce en demande n°13).
Si la Selarl Shubert Collin Associés déclare dans ses écritures ainsi que dans un courriel du 12 juin 2018 (pièce en demande n°14), que l’ensemble de ces missions lui ont été confirmées le soir même par un appel téléphonique de Madame [Z], sans cependant pouvoir le démontrer, Madame [Z] n’apporte au tribunal aucune pièce démontrant qu’elle aurait contesté, avant son courrier de révocation de mandat du 19 juin 2018, envoyé par mail du lendemain, les missions ainsi décrites, alors même que Me [T] lui a de nouveau demandé le lendemain, par sms du 7 juin 2018, de répondre à son dernier mail selon le procès-verbal d’huissier du 18 juillet 2018 versé aux débats (pièce en demande n°15).
Au contraire, le mail envoyé le 7 juin 2018 par Madame [Z] au cabinet Dentons avec copie à Me [T], sollicitant les paiements tels que sollicités par Me [T], démontre que Madame [Z] suivait bien, sans aucunement entendre à cette date les remettre en cause, les instructions de la Selarl Shubert Collin Associés dans le volet américain de la succession de son frère.
En outre, le procès-verbal de constat d’huissier de justice du 18 juillet 2018 versé aux débats démontre que Madame [Z] a envoyé le 14 juin 2018 à Me [T] un SMS confirmant qu’elle lui a « confié officiellement pour défendre au mieux nos intérêts le règlement de la succession américaine », qu’elle n’est pas opposée à la signature d’une lettre de mission en ce sens, qu’elle lui a également confié « le règlement du contentieux fiscal sur les droits » et aimerait qu’il prenne un rendez-vous au plus vite avec [O], et que, s’agissant du refinancement, elle souhaitait que Me Casey comprenne la situation (pièce en demande n°15).
La Selarl Shubert Collin Associés démontre encore, notamment par la copie du courriel du 8 janvier 2018 adressé par Me [L] Sachel, conseil représentant Madame [Z] dans la présente procédure et s’occupant parallèlement du rapport annuel d’activité de la succession, à Me Casey et à Me [T], avec copie à Madame [Z], qu’elle avait elle-même pleine connaissance de l’existence du mandat confié par Madame [Z] es qualité à Me [M] [T] s’agissant du volet américain de la succession d’[A] [E] et de la situation fiscale et bancaire de ses enfants mineurs. Me Sachel y indique en effet sans ambigüité :
« Vous voudrez bien trouver ci-joint, en projet, le rapport d’activité sur l’année 2017. [M], je vous remercie de bien vouloir actualiser les parties relatives aux appartements détenus aux Etats-Unis (II 7) et à la situation fiscale et bancaire des enfants mineurs » (pièce en demande n°84).
De même, Maître Casey écrit le 21 février 2018 à Me Sachel, dont Madame [Z] est en copie, « voici le rapport d’activité, augmenté de ma partie sur le référé en cours (…). Je laisse à [M] le soin de préciser la partie fiscale » (pièce en demande n°85).
Enfin, par courriel du 26 février 2018 adressé à Me Sachel, dont Madame [Z] et Me Casey sont en copie, Me [T] justifie transmettre ses propositions de modifications et d’ajouts au dernier projet de Me Sachel. « Concernant le volet « Refinancement », pourriez-vous lancer dès que possible les approbations des comptes 2017 de FEI et Poussimmo avec affectation de 98 % des résultats de ces sociétés en faveur de la holding Foncière de Participations [et] corriger les AG antérieures de ces sociétés (…). Suite à discussion avec le CIC vendredi dernier (23 février), le montage envisagé sera d’autant plus relutif pour les héritiers d’[A] [E] que nous serons en mesure d’augmenter le niveau actuel des comptes courants de la holding (…). M. et Mme [Z] ont indiqué au CIC que notre dossier pourrait être présenté à la banque dans un délai de 30 jours et il est prévu que le comptable dispose des pièces dès la fin de cette semaine pour préparer les comptes 2017. N’hésitez pas à me contacter directement si vous souhaitez de plus amples explications sur la question ».
Ces échanges entre confrères, avec copie à la cliente, démontrent que les missions précitées étaient pleinement acceptées par Madame [Z] es qualité, et que Me [T], alors associé de la Selarl Shubert Collin Associés, travaillait de concert avec ses autres conseils.
Si Madame [Z] soutient dans ses écritures que Me [T] a en tout état de cause outrepassé son mandat en empiétant sur celui de ses autres conseils, notamment en réalisant des diligences relatives à la tenue d’une assemblée générale de la société FEI, mission qui aurait selon elle dû être effectuée par Me Sachel, la Selarl Shubert Collin Associés démontre, par les échanges de mails des 12 décembre 2017 versés aux débats (pièce en demande n°21 bis), que Me [T] avait expressément demandé à Madame [Z] si sa consœur « qui s’occupe des AG » pouvait se charger d’obtenir un RIB de FEI et une AG de FEI autorisant la signature des contrats qu’il venait de rédiger ou si Madame [Z] préférait qu’il s’en occupe, et que cette dernière lui a répondu quelques minutes plus tard : « [M], tu as commencé, tu finis le projet. Bien à toi, [H] ». Me [T] démontre ainsi ne pas avoir outrepassé les limites de son mandat en sollicitant, en temps utile, l’accord de sa mandante pour effectuer certains actes qui auraient également pu être réalisés par d’autres conseils de Madame [Z].
Si Madame [Z] justifie avoir, à plusieurs reprises, sollicité des éclaircissements sur certains points de droit particuliers, ces questionnements ne dépassent pas les échanges classiques pouvant se tenir entre un avocat et son client s’agissant de questions juridiques complexes aux enjeux financiers importants et ne sauraient démontrer que la Selarl Shubert Collin Associés n’aurait pas été dûment mandatée pour s’atteler à ces questions.
Ces éléments constituent un faisceau d’indices démontrant de manière générale la réalité de multiples mandats confiés par Madame [Z] es qualité à la Selarl Shubert Collin Associés en la personne de Me [T] jusqu’au 19 juin 2018 et faisant présumer que les actes accomplis par celui-ci dans l’intérêt des héritiers d’[A] [E], à savoir Madame [N] [E], Monsieur [D] [E] et Madame [H] [E] épouse [Z], résultaient des mandats tacitement confiés.
L’étude de la facture n°A10873 émise le 16 février 2018, de la facture n°A11181 émise le 20 juin 2018 et de la facture n°A11496 émise le 24 septembre 2018, dont le paiement est parallèlement sollicité devant le premier président de la cour d’appel de Paris, démontre qu’elles concernent chacune des diligences pour lesquelles la Selarl Shubert Collin Associés a été dûment mandatée par Madame [H] [E] épouse [Z] en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], dans l’intérêt des héritiers de ladite succession, entre le 22 novembre 2017 et le 18 juin 2018, en ce qu’elles portent plus précisément sur les diligences suivantes :
– Traitement des questions fiscales relatives à la succession d’[A] [E], et notamment :
* Régularisation de contrats de prêts par les sociétés civiles détenues par la holding Société Foncière Européenne d’Investissement afin de justifier l’avance de trésorerie faite par ces sociétés civiles dans l’intérêt des héritiers d’[A] [E] au vu de l’importance considérable des droits dus par les héritiers d’[A] [E] à l’administration fiscale :
Les échanges de courriels entre Me [T], Me [F] et Madame [H] [E] épouse [Z] des 12 décembre 2017 (pièce en demande n°21) démontrent que la Selarl Shubert Collin Associés a rédigé les contrats de prêt de la société FEI en faveur des héritiers d’[A] [E].
Madame [Z], qui était soit destinataire directe du mail, soit mise en copie de celui-ci, ne justifie pas avoir contesté le principe même des diligences ainsi effectuées par son avocat, lesquelles ont permis de régulariser les actes de prêt après autorisation préalable du juge aux affaires familiales de Bordeaux (pièce en demande n°20).
Cette mission visait, comme le démontre notamment la requête adressée au juge aux affaires familiales de Bordeaux afin qu’il autorise la conclusion des prêts de la société FEI en faveur des héritiers mineurs, à régulariser les retraits opérés au profit de la succession en dehors de tout cadre légal et profitait comme telle à chacun des trois héritiers de la succession d’[A] [E] et non aux SCI ou à une indivision ne possédant pas la personnalité morale. Le moyen contraire est rejeté.
* Obtention par la justice américaine d’un certificat dit « Probate » permettant à Madame [H] [E] épouse [Z] d’être reconnue en sa qualité d’administratrice de la succession d’[A] [E] et de procéder aux déclarations fiscales américaines ;
Il est constant que Madame [Z] avait besoin d’un certificat de « Probate » émis par la juridiction américaine compétente et reconnaissant sa qualité de coadministratrice de la succession d’[A] [E].
Madame [Z] a expressément rappelé, par SMS du 14 juin 2018, avoir confié à Me [T] le règlement de la succession américaine (pièce en demande n°15).
Cette mission visait à permettre à Madame [H] [E] épouse [Z] d’être reconnue par l’administration américaine en qualité de coadministratrice de la succession d’[A] [E] et profitait comme telle à l’ensemble des trois héritiers de ladite succession et non à une indivision dénuée de personnalité morale. Le moyen contraire est rejeté.
Si Madame [Z] laisse entendre dans ses dernières écritures qu’elle subirait ainsi une double facturation injustifiée, tant par le cabinet américain Dentons que par la Selarl Shubert Collin Associés, les échanges produits entre le cabinet Dentons et la Selarl et le SMS envoyé par Madame [Z] le 14 juin 2018 démontrent que les deux cabinets agissaient de concert dans l’intérêt du règlement de cette succession complexe. En tout état de cause, elle ne produit aucune facture du cabinet Dentons pouvant démontrer une telle double facturation. Ce moyen, qui n’est pas étayé par la moindre pièce, est dès lors rejeté.
* Demande de rescrit fiscal IRS ;
La Selarl Shubert Collin Associés justifie avoir envoyé un mail du 9 avril 2018 à Me Casey et à Madame [Z] justifiant de ses démarches et des pièces qui lui était nécessaires en vue de préparer la demande de rescrit fiscal en association avec l’avocat new yorkais mandaté par Madame [Z].
Madame [Z] ne justifie pas avoir contesté les démarches ainsi entreprises par son avocat et a en tout état de cause confirmé le 14 juin 2018 qu’il était mandaté pour régler le contentieux fiscal de la succession (pièce en demande n°15).
Les diligences effectuées par la Selarl Shubert Collin Associés afin de résoudre le contentieux fiscal de la succession d’[A] [E] en sollicitant un rescrit fiscal auprès de l’IRS bénéficient nécessairement aux trois héritiers de ladite succession, en leur qualité de redevables légaux des droits de mutation par décès et de leurs accessoires et non à une indivision dénuée de personnalité morale. Le moyen contraire est rejeté.
* Ouverture d’un compte centralisateur dans les livres d’une banque américaine afin de centraliser les actifs successoraux sur le territoire américain ;
Ce compte visait à permettre le règlement directement depuis les Etats Unis et en dollars américains des dettes américaines de la succession d’[A] [E].
Par courriel du 13 avril 2018, la Selarl Shubert Collin Associés justifie avoir informé Madame [H] [E] épouse [Z] de la nécessité d’ouvrir un tel compte afin de recueillir les avoirs revenant à la succession et lui demandait de passer au cabinet afin de discuter des papiers à compléter et à signer.
Madame [Z] ne démontre pas avoir contesté ces démarches, et a en tout état de cause expressément mandaté la Selarl pour régler la succession américaine (pièce en demande n°15).
L’ouverture de ce compte vise à permettre à Madame [H] [E] épouse [Z] d’intervenir aux Etats-Unis dans l’intérêts des héritiers de la succession d’[A] [E], de sorte qu’il est incontestable que cette démarche est faite dans l’intérêt exclusif des trois héritiers et non dans l’intérêt d’une indivision dénuée de personnalité morale. Le moyen contraire est rejeté.
* Recherches visant à entreprendre les démarches fiscales sur le territoire américain ;
Il n’est pas contesté qu’[A] [E] avait créé aux Etats Unis une joint-venture avec un associé américain, Monsieur [V] et que la préparation de la déclaration du patrimoine de la succession auprès des services fiscaux américains impliquait de connaître précisément le contenu de ce patrimoine.
La Selarl justifie avoir envoyé un mail le 26 mars 2018 à Madame [Z] l’informant qu’elle avait sollicité les pièces comptables et fiscales nécessaires auprès de Monsieur [U] [V] via le cabinet américain Dentons et qu’elle allait rédiger les affidavits concernant la procédure judiciaire française (pièce en demande n°72). Elle démontre encore l’avoir informée par mail du 24 mai 2018 que les avocats français de Monsieur [V] entendaient leur faire parvenir d’ici la fin de la semaine prochaine les pièces demandées (pièce en demande n°76).
Madame [Z] ne justifie pas avoir contesté en temps utiles les démarches ainsi réalisées par son avocat, et a en tout état de cause reconnu lui avoir confié le règlement de la succession américaine par SMS du 14 juin 2018 (pièce en demande n°15).
Ces diligences visaient à connaître précisément l’étendue du patrimoine de feu [A] [E] aux Etats-Unis afin de préparer la déclaration du patrimoine de la succession auprès des services fiscaux américains et bénéficiaient aux trois héritiers de ladite succession et non à une indivision dénuée de personnalité morale. Le moyen contraire est rejeté.
* Recours gracieux à l’encontre des majorations fiscales envisagées par le Fisc français ;
Il n’est pas contesté que Madame [Z] a reçu des avis de recouvrement portant sur des intérêts de retard et des majorations relatifs aux droits de mutation dus par les trois héritiers au Trésor public français.
La Selarl justifie notamment que Madame [Z] lui a fait parvenir, par mail du 4 décembre 2017, les avis de recouvrement pour les montants de 160.924 euros et 194.250 euros, élément de fait démontrant qu’elle entendait obtenir les conseils juridiques de celle-ci sur lesdits avis (pièce en demande n°82).
La Selarl produit également, sous le même numéro de pièce, le courriel du 7 décembre 2017 par lequel elle lui adressait en retour deux projets de lettres d’observations destinées aux services fiscaux (pièce en demande n°82).
Ces éléments démontrent que la Selarl a bien été mandatée par la défenderesse jusqu’au 19 juin 2018 pour mettre en œuvre un recours contre les majorations et intérêts de retard envisagés par le Trésor public français.
Ces diligences, qui visaient à négocier et obtenir auprès des services fiscaux le retrait ou à tout le moins la diminution des majorations et intérêts de retard réclamés aux trois héritiers de feu [A] [E], bénéficiaient directement et exclusivement auxdits héritiers et non à une indivision dénuée de personnalité morale. Le moyen contraire est rejeté.
* Actualisation du volet fiscal du rapport d’activité de la succession centralisé par Me Sachel :
Par mail du 8 janvier 2018, Me Sachel a demandé à M. [T], avec copie à Madame [Z], d’actualiser le rapport d’activité sur l’année 2017 s’agissant des « parties relatives aux appartements détenus aux Etats-Unis et à la situation fiscale et bancaire des enfants mineurs ».
Par mail du 21 février 2018 avec copie à Madame [Z], Me Casey laissait à Me [T] « le soin de préciser la partie fiscale ».
Par mail du même jour avec copie à madame [Z], Me Sachel demandait à Me [T] de « travailler sur la version que Jérôme [Casey] va adresser ».
Par mail du 26 février 2018, Me [T] faisait parvenir à Me Sachel, avec copie à Madame [Z], ses propositions de modifications et d’ajouts.
Par retour de mail du même jour, Madame [Z] ne contestait aucunement les diligences effectuées par la Selarl, se contentant de préciser avoir placé une somme sur un compte en banque au nom de chaque enfant (pièce en demande n°85).
Ces échanges de courriels démontrent que la Selarl Shubert Collin Associés était, tant aux yeux des divers conseils de Madame [Z] qu’à ceux de Madame [Z] elle-même, pleinement missionnée pour actualiser le rapport d’activité de la succession par ailleurs rédigé par Me Sachel.
Ces diligences visaient à permettre à Madame [H] [E] épouse [Z], en sa qualité d’administratrice de la succession, de présenter le rapport annuel de gestion attendu par le juge des tutelles, de sorte qu’elles bénéficiaient directement aux trois héritiers de la succession et non à une indivision dénuée de personnalité morale. Le moyen contraire est rejeté.
– Recherche d’un financement en faveur des héritiers de la succession d’[A] [E] par la renégociation du refinancement des filiales immobilières de la holding Société Foncière de Participations ;
La Selarl Shubert Collin Associés justifie, par ses pièces n°55 à 70, des nombreuses démarches effectuées pour entamer la négociation d’un crédit auprès du CIC banque privée (notamment par mail du 6 février 2018), avoir à ce titre obtenu les documents nécessaires de Madame [H] [E] épouse [Z] (notamment après un mail du 25 janvier 2018), et avoir informée cette dernière des avancées de la négociation (notamment par mails du 24 mai 2018).
Madame [Z] ne peut valablement contester avoir eu connaissance de l’ensemble des démarches ainsi réalisées par la Selarl Shubert Collin Associés, en ce qu’elle les a favorisées en faisant parvenir à son avocat les documents qu’il sollicitait et qui s’avéraient nécessaires à la réalisation de cette mission. De plus, elle ne justifie pas lui avoir demandé d’y mettre un terme avant son courriel du 20 juin 2018, malgré les deux SMS explicites envoyés par Me [T] les 7 et 8 juin 2018 lui demandant de lui préciser « si je continue ou pas la négociation avec le CIC et si je peux préparer les PV (…) » et « [H], si on ne se voit pas rapidement sur le refinancement ou que vous ne me signez pas de lettre de mission, je laisse tomber (…) » (pièces en défense n°11 et 12). Ces SMS, loin de conforter la contestation de la défenderesse, démontrent que la Selarl Shubert Collin Associés interrogeait expressément sa mandante sur la poursuite de ses diligences relatives au refinancement, et la menaçait d’y mettre un terme.
Cette mission étant encore en cours lors de la révocation du mandat par courriel du 20 juin 2018, il n’est pas contesté que le projet final n’ait pas été validé par Madame [Z] (pièce en défense n°6). Il n’en reste pas moins qu’en ayant transmis à Me [T] tous les documents nécessités par ledit projet sans lui demander d’y mettre un terme avant le 20 juin 2018, Madame [Z] ne peut désormais valablement prétendre que ces diligences, antérieures au courriel de révocation, n’auraient pas été réalisées avec son aval.
Dans son courriel explicatif du 26 février 2018 adressé à Me Sachel, dont Madame [Z] et Me Casey sont en copie, Me [T] fait état des diligences restant à réaliser s’agissant du volet refinancement et rappelle que le montage envisagé avec le CIC sera particulièrement avantageux pour les héritiers d’[A] [E] dès lors qu’il permettra d’augmenter le niveau actuel des comptes courants de la holding (pièce en demande n° 85). Le courriel de prise d’attache avec le CIC, tacitement validé par Madame [Z] en l’absence d’opposition de sa part, et le memorandum y annexé (pièce en demande n° 56), démontrent que les fonds transitant par les comptes des deux sociétés détenues par la société Foncière de participations grâce aux financements sollicités devaient revenir in fine aux trois héritiers en leur nom personnel et leur permettre de régler le passif attendu. Ces diligences sont dès lors réalisées au bénéfice exclusif des trois héritiers de la succession de feu [A] [E] et non au bénéfice des SCI. Le moyen contraire est rejeté.
Si, dans ses dernières écritures, Madame [H] [E] épouse [Z] invoque deux factures (A10710 et A10872) originellement adressées à l’étude notariale en charge de la succession d’[A] [E], ces factures apparaissent avoir été adressées au notaire de Madame [Z] non pas pour obtenir le paiement de diligences effectuées au bénéfice de l’étude notariale, mais afin que celle-ci, après accord de l’administratrice légale de la succession, règle avec les fonds successoraux les diligences effectuées dans l’intérêt des trois héritiers de feu [A] [E]. En l’absence d’autorisation de Madame [Z], ces factures ont fait l’objet d’un avoir à la demande du notaire (pièce en demande n°12-bis), et ont été annulées, de sorte que ces factures ne sont pas celles dont la Selarl demande parallèlement le paiement devant le premier président de la cour d’appel.
La Selarl a par la suite édité le 24 septembre 2018 une nouvelle facture n°A11496, directement adressée à Madame [Z] es qualité, pour obtenir le paiement des diligences ainsi inventoriées, qui concernaient principalement la ratification de contrats de prêt entre la société FEI et chacun des trois héritiers et la participation de la Selarl à l’obtention du certificat de Probate.
Si Madame [Z] laisse entendre qu’au vu de ces diverses factures les prestations ainsi réalisées auraient fait l’objet d’une double facturation et pourraient avoir été payées deux fois, il lui revient le cas échéant de produire les factures adressées par son notaire à la succession sur la même période et portant sur les mêmes diligences, ce qu’elle ne fait pas. Dans ces conditions, elle ne démontre aucune double facturation et le moyen contraire, non étayé, ne peut qu’être rejeté.
Il ressort de l’ensemble des pièces précitées que la facture n°A10873 émise le 16 février 2018, la facture n°A11181 émise le 20 juin 2018 et la facture n°A11496 émise le 24 septembre 2018 concernent des diligences effectuées par la Selarl Shubert Collin Associés entre le 22 novembre 2017 et le 18 juin 2018 :
– Dans l’intérêt des héritiers de la succession d’[A] [E], à savoir Madame [N] [E], Monsieur [D] [E] et Madame [H] [E] épouse [Z],
– Pour lesquelles la Selarl Shubert Collin Associés avait été dûment mandatée par Madame [H] [E] épouse [Z] en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E].
Sur les dommages et intérêts et la capitalisation des intérêts
Sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et de l’article 1240 du Code civil, la Selarl sollicite la condamnation de Madame [Z], es qualité, à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, procédure abusive, accusations mensongères et diffamatoires.
Dès lors que la question du montant des honoraires n’est pas encore tranchée, l’affaire étant pendante devant le premier président de la cour d’appel, Madame [Z] ne saurait être à ce stade condamnée à régler à la Selarl demanderesse des dommages et intérêts fondés sur une éventuelle résistance abusive à les payer. Cette demande est dès lors rejetée.
La réalité du mandat confié à Me [T] dans l’intérêt des héritiers d’[A] [E] est en revanche démontrée par les multiples pièces apportées au dossier par la Selarl Shubert Collin Associés et la mauvaise foi de Madame [H] [E] épouse [Z] est de ce fait patente.
Les échanges versés aux débats par les parties démontrent le lien de confiance s’étant instauré au fil des années entre Me [T] et Madame [H] [E] épouse [Z], de sorte qu’il doit être considéré que les contestations tant du mandat que des bénéficiaires des diligences facturées a occasionné à la Selarl Shubert Collin Associés un préjudice moral qu’il convient d’évaluer à la somme de 3.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement et jusqu’à complet paiement conformément à l’article 1231-7 du Code civil.
La Selarl Shubert Collin Associés, professionnelle du droit, ne démontre pas subir d’autres préjudices, hormis la nécessité d’exercer plusieurs recours en justice, préjudice qui sera examiné dans le cadre de la demande relative aux frais du procès.
La capitalisation des intérêts est prononcée dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Madame [Z], es qualité, est condamnée aux entiers dépens.
En application de l’article 700 du Code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Il est équitable, au regard du travail considérable de recueil de pièces réalisé par la Selarl Shubert Collin Associés, de condamner Madame [H] [E] épouse [Z], es qualité, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le recouvrement direct énoncé à l’article 699 du Code de procédure civile étant expressément prévu pour les seuls dépens, la demande formée par la Selarl et visant à faire recouvrer ses frais irrépétibles dans les conditions de l’article 699 précité est rejetée.
Madame [H] [E] épouse [Z], es qualité, est quant à elle déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.
Les articles 514 et 514-1 du Code de procédure civile disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Aucun motif ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.
Les demandes plus amples ou contraires, non justifiées, sont rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,
Se déclare matériellement incompétent pour statuer sur la demande de condamnation au paiement d’intérêts de retard ;
Déboute Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], de ses demandes ;
Dit que la facture n°A10873 émise le 16 février 2018, la facture n°A11181 émise le 20 juin 2018 et la facture n°A11496 émise le 24 septembre 2018 concernent des diligences effectuées par la Selarl Shubert Collin Associés entre le 22 novembre 2017 et le 18 juin 2018 :
– dans l’intérêt des héritiers de la succession d’[A] [E], à savoir Madame [N] [E], Monsieur [D] [E] et Madame [H] [E] épouse [Z],
– pour lesquelles la Selarl Shubert Collin Associés avait été dûment mandatée par Madame [H] [E] épouse [Z] en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E] ;
Déboute la Selarl Shubert Collin Associés de sa demande de fixation du taux des intérêts de retard ;
Condamne Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], à payer à la Selarl Shubert Collin Associés la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement et jusqu’à complet paiement ;
Prononce la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil ;
Condamne Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], aux entiers dépens ;
Condamne Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E] à payer à la Selarl Shubert Collin Associés la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette la demande de recouvrement direct des frais irrépétibles formée par la Selarl Shubert Collin Associés ;
Déboute Madame [H] [E] épouse [Z], en qualité d’administratrice légale du patrimoine successoral d’[A] [E], de sa propre demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
Rappelle que l’exécution provisoire de l’entier jugement est de droit ;
Rejette comme injustifié les demandes plus amples ou contraires.
Le présent jugement ayant été signé par Madame GUIBERT, Vice-Présidente, pour la Présidente empêchée, Madame LEAUTIER, Vice-Présidente, et la greffière, Madame BARBIEUX
La GreffièrePour la Présidente empêchée
Corinne BARBIEUXMarjolaine GUIBERT, Vice-Présidente