Contrat de commission affiliation et gérance de succursale
Les enseignes qui concluent un contrat de franchise ou un contrat de commission affiliation avec leur cocontractant doivent prendre garde à la qualification de gérant de succursale. Contrairement à une idée reçue, la requalification de la relation des parties en gérance de succursale ne suppose pas l’existence d’un lien de subordination.
Article L7321-2 du code du travail
L’article L7321-2 du code du travail stipule qu’est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature qui lui sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise. L’application des dispositions de l’article L7321-2 du code du travail a pour conséquence de permettre à la partie mise en situation de dépendance économique de son cocontractant, de bénéficier des règles du droit du travail, applicables au gérant de succursale.
Application à la vente de confection
Dans cette affaire, Mme C qui avait pris en exploitation personnelle, un commerce de lingerie sous une enseigne importante, a conclu un contrat de commission affiliation avec une société qui a développé en France et à l’étranger un réseau d’environ 100 magasins de lingerie et sous-vêtements qui vendent ses produits, sous un régime d’exclusivité en exploitation directe, en franchise, en commission-affiliation ou en corner. Mme C a bénéficié des dispositions de l’article L7321-2 du code du travail afférent aux gérants de succursales et a obtenu des sommes à titre d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts.
Condition de la gérance de succursale
L’application de la gérance de succursale suppose la réunion de quatre critères qui sont i) l’existence d’une activité essentielle de vente de marchandises ou de denrées, ii) la fourniture exclusive ou quasi-exclusive de ces marchandises ou denrées par une seule entreprise commerciale, iii) l’exercice de l’activité dans un local fourni ou agréé par cette entreprise, iv) l’exercice de l’activité aux conditions et prix imposés par la dite entreprise. Ces conditions doivent être cumulées et si tel est le cas le juge peut retenir l’application de la gérance de succursale sans avoir à établir l’existence d’un lien de subordination entre les parties.
Le droit du travail peut alors s’appliquer à des professionnels indépendants juridiquement mais qui évoluent sous l’emprise d’une personne ne leur laissant pas suffisamment la maîtrise de l’activité économique ; il s’agit d’une application du droit du travail et non d’une requalification du contrat en contrat de travail.
Critère de l’exclusivité
Le critère d’exclusivité est satisfait dès lors que le contrat de commission-affiliation stipule que le commissionnaire affilié bénéficie de plusieurs approvisionnements par mois étant précisé qu’il ne peut commercialiser dans sa boutique aucun autre produit que ceux à la marque distribuée.
Critère du bail
Le critère du bail est satisfait dès lors que le contrat de commission-affiliation stipule que le commissionnaire affilié fait établir par l’architecte du réseau un métré de son local, un plan d’implantation du concept et établit la demande de permis de construire et les autorisations nécessaires. L’emplacement et la surface du local sont ainsi connus, et agréés, par le chef du réseau. Il en résulte que si le chef du réseau n’a pas effectivement fourni le local et même si l’agrément n’a pas été formalisé (ce que la loi n’exige pas), il a bien agréé le local dans lequel a eu lieu l’exploitation commerciale de ses produits. Il est indifférent dans ces conditions que le bail ait été signé par l’affilié lui-même.
Critères du choix et du prix des produits
Le critère du prix imposé est satisfait dès lors que le contrat de franchise / commission-affiliation stipule que le franchisé reconnait expressément au franchiseur le droit à la maîtrise du mix-produit et du mix-marketing et que le franchiseur sélectionne, en adéquation avec le concept, une gamme de produits spécifiques qui permettent notamment de garantir tant à la clientèle qu’aux franchisés un mix-produit très spécifique un approvisionnement permanent des produits. Il ressort de ces dispositions contractuelles que l’affilié ne choisit pas son assortiment de produits, mais qu’il lui est imposé par le franchiseur. Quant aux prix, le contrat de commission -affiliation qui prévoit que le commissionnaire affilié recevra la marchandise pré-étiquetée au prix de vente public qu’il devra respecter remplit les conditions légales de la gérance de succursale.
Une fois ces critères remplis, l’ensemble des conditions cumulatives visées par l’article L7321-2 du code du travail sont réunies.
Conséquences de la requalification
Dès lors que lui est applicable la législation du travail, le gérant de succursale est en droit d’obtenir le paiement du salaire minimum conventionnel correspondant à sa classification dans la convention collective appliquée. Dans l’affaire soumise, les juges ont appliqué au gérant de succursale, la convention collective nationale de la bonneterie, lingerie, confection, mercerie, chaussures (commerces de gros et négoces connexes). Concrètement, les juges s’attachent à déterminer quelles étaient les fonctions occupées par le gérant afin de déterminer sa classification. Dans cette affaire, Mme C. était autonome quant aux horaires de travail, à la fixation des congés, et qu’elle gérait le personnel du magasin, recruté par elle. Elle avait la responsabilité de la comptabilité, de la tenue de caisse, des stocks et des ventes, elle ne justifiait pas non plus d’une formation initiale. Ses fonctions n’étaient donc pas celles d’un cadre.
Les fonctions de cadre sont décrites dans la convention collective ainsi : « salarié participant à la conception des projets de l’entreprise et ayant par délégation une fonction de direction .Tout en ayant à rendre compte, il fait preuve d’autonomie et de responsabilité. Il peut travailler seul, en raison de sa très haute technicité, ou animer ses équipes avec le souci de les associer pleinement aux objectifs poursuivis. Il s’assure de la bonne transmission du savoir-faire à tous les niveaux ».
Les fonctions de Mme C. correspondaient à une qualification d’agent de maîtrise niveau VI échelon 3, ainsi décrite : « salarié ayant une capacité d’autonomie lui permettant de recevoir mission d’exercer la conduite, l’animation et le contrôle du travail de personnels conformément à des directives. Cette mission implique l’organisation, la formation, et dans la limite de la délégation donnée par l’employeur, la gestion du personnel; il a acquis des connaissances soit par formation initiale spécifique soit par expérience professionnelle équivalente ».
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