Fusion de la carte vitale avec la carte d’identité : un pas en avant contre la fraude sociale

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Dans le cadre de son plan de lutte contre la fraude sociale, le Gouvernement a annoncé un projet de fusion de la carte vitale avec la carte d’identité. Cette fusion s’inscrit dans un cadre plus globale de lutte contre la fraude. A titre d’exemple, les caisses de sécurité sociale pourront accéder à de nouvelles données pour améliorer l’efficacité de leurs contrôles : données de voyage du fichier Passenger Name Record (PNR) pour contrôler la condition de résidence en France, données bancaires du fichier FICOBA pour vérifier automatiquement l’identité bancaire des allocataires de prestations etc.  


Les recommandations de la CNIL 

La CNIL a formulé plusieurs recommandations si le projet devait aboutir. Sous réserve d’apporter certaines garanties, la CNIL a estimé que le scénario visant à intégrer le numéro de sécurité sociale (NIR) dans la carte d’identité électronique constitue, parmi les scénarios envisagés, la solution la moins intrusive et la moins risquée. C’est ce scénario qui a été retenu par le gouvernement dans ses annonces.

La CNIL a formulé les recommandations suivantes :

S’assurer que le NIR soit inscrit dans un compartiment cloisonné au sein de la puce électronique des nouvelles « cartes d’identité électroniques » et non pas écrit sur la carte, même avec un QR code. Ce numéro ne serait lisible que par les outils et acteurs de la sphère médicale et médico-sociale.

Mettre en œuvre des mesures de sécurité particulières afin de garantir que le NIR ne soit pas communiqué à d’autres acteurs.

Prévoir l’application du secret professionnel à toute personne accédant au NIR sur la carte d’identité, notamment au moment de la création du titre.

La carte Vitale n’étant pas obligatoire, la loi devra prévoir la possibilité pour l’assuré de s’opposer à l’inscription de son numéro de sécurité sociale sur son titre d’identité, et des alternatives à l’utilisation de la carte d’identité devront être maintenues.

L’autre option : la carte Vitale biométrique

La CNIL n’est pas favorable à l’institution d’une carte vitale biométrique

L’autre scénario consistait à instituer une « carte Vitale biométrique ». Le Collège de la CNIL a indiqué ne pas y être favorable compte tenu des difficultés de déploiement chez les professionnels de santé (qui devraient être équipés de dispositifs de contrôle biométrique et les mettre en oeuvre), de la sensibilité des données en cause et des risques importants pour les personnes en cas d’attaque informatique visant à récupérer les données biométriques des assurés sociaux .

En outre, il a souligné qu’une carte Vitale biométrique poserait des difficultés en cas de délégation de la carte Vitale (par exemple son utilisation par un proche) et pourrait donc avoir des conséquences négatives pour la prise en charge de certaines personnes.

Il a donc estimé que le scénario faisant intervenir de la biométrie présentait le niveau de risques le plus élevé d’atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles.

Ce scénario n’a pas été retenu par le gouvernement dans ses annonces.

Les chiffres de la Fraude sociale

La fusion de la carte vitale s’inscrit dans un cadre plus global de lutte contre la Fraude sociale. 

Selon le Gouvernement,  sur la période 2018-2022, un total de 3,5 Md€ a été redressé par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) et un préjudice total de 3,4 Md€ a été détecté et évité par les caisses d’assurance maladie, d’allocations familiales et de retraite. En 2022, les résultats de la lutte contre la fraude sociale atteignaient des niveaux historiques : les redressements Urssaf étaient 50 % supérieurs à leur niveau de 2017 et les préjudices détectés et évités par les autres caisses de sécurité sociale supérieurs de 25 % à leur niveau de 2017.

Ces montants demeurent néanmoins inférieurs au coût total de la fraude sociale, qui est évalué à 8 Md€ de prélèvements sociaux éludés au titre du travail informel (évaluation du Haut conseil au financement de la protection sociale de février 2023), 2,8 Md€ de prestations sociales versées par les caisses des allocations familiales (CAF, évaluation de la branche Famille de 2021), 200 M€ par les caisses de retraite du régime général (évaluation de 2022) et entre 3 et 7 % de certaines dépenses d’assurance maladie selon les premières évaluations menées par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM, 2022).

Les actions de contrôles

Le nombre d’actions de contrôles conduites auprès des entreprises doublera d’ici 2027. La lutte contre la fraude au détachement de travailleurs représentera au moins 300 M€ de redressements sur le quinquennat, notamment par le croisement de données entre les déclarations préalables au détachement et les déclarations sociales des employeurs. Le recouvrement des cotisations sociales des micro-entrepreneurs devrait représenter 200 M€ de redressements supplémentaires sur le quinquennat.

En matière de prestations de santé, l’objectif de 500 M€ de préjudice financier détecté et évité devrait être atteint dès 2024, soit un doublement par rapport à la moyenne du précédent quinquennat. Les contrôles ciblés seront renforcés sur les professionnels de santé présentant des niveaux de prescription hors norme.

En matière d’allocations sociales, l’objectif est fixé à 3 Md€ de préjudice détecté et évité par les CAF et les caisses de retraite sur le quinquennat. La lutte contre la fraude à la résidence représentera un gain de 100 M€ pour les CAF. L’ensemble des dossiers de retraités de plus de 85 ans résidant dans un pays étranger sans échange d’état-civil avec la France feront l’objet d’un contrôle sur place d’ici la fin du quinquennat. Ce programme permettra d’assurer qu’aucune pension de retraite ne continue d’être versée après le décès de son titulaire, hors réversion à bon droit.

Les effectifs des caisses de sécurité sociale dédiés à la lutte contre la fraude seront renforcés de 1 000 ETP recrutés d’ici 2027 dans le cadre de leurs conventions d’objectifs et de gestion. Cela représentera une augmentation de 20 % de ces effectifs. Ces effectifs viendront en complément des 450 cyber-enquêteurs dotés de prérogatives de police judiciaire. Un grand plan de modernisation des systèmes d’information des caisses de sécurité sociale sera financé avec 1 Md€ de crédits d’investissement sur le quinquennat. Ces investissements permettront par exemple aux CAF de recouvrer jusqu’à 5 années de versements indus en cas de fraude.

Le Conseil de l’évaluation des fraudes fiscales

Un Conseil de l’évaluation des fraudes fiscales et sociales sera installé dès cet été. Présidé par le ministre des Comptes publics, il rassemblera les administrations compétentes, des personnalités qualifiées, des experts indépendants et des parlementaires afin de s’assurer de la fiabilité des estimations produites.

La mission interministérielle de coordination anti-fraude

La mission interministérielle de coordination anti-fraude, créée en 2020, assurera auprès du ministre des Comptes publics un rôle de suivi de l’exécution de la feuille de route de lutte contre les fraudes aux finances publiques et d’alerte sur l’atteinte des objectifs.

Gabriel Attal annonce des mesures fortes pour lutter contre le travail illégal et rétablir les droits des travailleurs qui en sont victimes.

La fraude aux sociétés éphémères

Un coup d’arrêt sera porté au développement des sociétés éphémères, qui organisent leur insolvabilité pour échapper au recouvrement social et fiscal. Les procédures de transmission universelle de patrimoine et de liquidation amiable des sociétés seront réformées pour éviter leurs détournements et permettre l’intervention des créanciers publics avant transfert à l’étranger ou disparition des dettes sociales. A titre d’exemple, depuis la crise du Covid, l’Urssaf Ile-de-France a repéré près de 100 M€ de préjudice financier au titre de ces sociétés éphémères. Des dispositions législatives seront préparées en ce sens.

Cotisations sociales des micro-entrepreneurs

Une réforme majeure de la collecte des cotisations sociales des micro-entrepreneurs des plateformes sera mise en œuvre dans le prochain PLFSS. Le niveau élevé de sous-déclaration du chiffre d’affaires de ces travailleurs indépendants, qui s’élève à 800 M€ par an, induit une perte de recouvrement pour les finances sociales mais aussi une moindre couverture sociale pour les travailleurs concernés, notamment pour les indemnités journalières ou la retraite. 

Trois mesures ont été concertées avec les représentants des micro-entrepreneurs et les plateformes de mise en relation : l’ouverture dès 2024 d’un guichet de régularisation amiable des dettes sociales sans pénalité sur l’initiative de l’Urssaf (grâce aux croisements de données fiscales et sociales) ou du micro-entrepreneur ; l’obligation à partir de 2026 pour les plateformes de déclarer le chiffre d’affaires des micro-entrepreneurs aux Urssaf afin de fiabiliser les régularisations ; le précompte (ou retenue à la source) d’ici 2027 des cotisations sociales des micro-entrepreneurs par les plateformes sans porter atteinte à leur statut d’indépendant.

Détection des cas de travail dissimulé

Après détection de cas de travail dissimulé, les Urssaf transmettront systématiquement aux organismes de protection sociale les données permettant de rétablir les droits des travailleurs. A titre d’illustration, les droits à retraite pourront être reconstitués.

Enfin, dans le domaine agricole, les échanges d’informations seront renforcés entre les caisses de la mutualité sociale agricole et les plateformes délivrant les autorisations de travail des salariés saisonniers pour renforcer la lutte contre les filières de main-d’œuvre clandestine.

La prévention de la fraude

Une meilleure prévention de la fraude aux prestations de santé et un durcissement des sanctions.

Le Gouvernement souhaite mieux associer les Français par leur vigilance aux politiques de lutte contre la fraude en matière de santé. D’ici 2025, chaque Français pourra recevoir sur son smartphone via l’application Ameli, par un SMS ou un e-mail, une notification des frais de santé facturés en son nom, en commençant par les centres de santé dentaires et ophtalmologiques. Dès la fin de l’année 2023, le site de l’assurance maladie permettra en outre de déposer un signalement en cas d’usurpation d’identité ou de surfacturation de soins. Ces signalements aideront à mieux cibler les contrôles sur les prescripteurs hors norme et les risques d’usurpation d’identité.

Les fausses déclarations d’accident du travail

Un programme national de contrôle des arrêts de travail sera lancé par l’assurance maladie dès la rentrée de septembre 2023. Il visera à mieux repérer les fausses déclarations d’accident du travail, notamment celles qui sont vendues sur des réseaux sociaux, ainsi que les prescripteurs atypiques. Dans le cadre des contrôles réalisés par l’assurance maladie notamment pour la prise en charge du « 100 % Santé », les coopérations avec les complémentaires santé seront renforcées.

Barème de sanctions financières durci

En cas de fraude, outre le barème de sanctions financières durci depuis la LFSS 2023, les professionnels de santé devront également rembourser les cotisations sociales prises en charge pour leur compte par l’assurance maladie, comme les employeurs remboursent les exonérations sociales dont ils ont bénéficié en cas de travail illégal. Cette mesure pourrait concerner 300 dossiers par an et fera l’objet d’un article dans le PLFSS 2024.

Fraudes liées aux cartes Vitale

Afin de renforcer la sécurisation du numéro de sécurité sociale et éviter les fraudes liées aux cartes Vitale, le Gouvernement lancera une mission de préfiguration pour examiner la fusion entre la carte nationale d’identité et la carte vitale.

Le croisement des données et des contrôles

Le renforcement des croisements de données et des contrôles pour résorber les fraudes aux prestations sociales.

Les caisses de sécurité sociale pourront accéder à de nouvelles données pour améliorer l’efficacité de leurs contrôles : données de voyage du fichier Passenger Name Record (PNR) pour contrôler la condition de résidence en France, données bancaires du fichier FICOBA pour vérifier automatiquement l’identité bancaire des allocataires de prestations, données des préfectures pour interrompre le versement de prestations à des étrangers dont le titre de séjour aurait été retiré, notamment pour des motifs d’ordre public. En outre, la condition de résidence en France pour bénéficier des prestations familiales, des aides au logement et des minima sociaux sera harmonisée à 9 mois par an par une disposition qui sera présentée dans le PLFSS 2024.

Par ailleurs, les allocataires fraudeurs devront acquitter une pénalité supplémentaire de 10 %.

Enfin, pour réduire drastiquement les erreurs de calcul et les déclarations frauduleuses, les CAF pré-rempliront à compter de 2025 les formulaires de demandes de RSA et de prime d’activité. Cela représentera une simplification administrative pour les allocataires de bonne foi, qui pourront toujours modifier les ressources pré-remplies par les CAF, comme pour la déclaration de revenus à l’impôt sur le revenu.

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