Fraude bancaire en ligne : la responsabilité du client retenue

Notez ce point juridique

Quand bien même le client d’une banque n’aurait pas intentionnellement transmis des données personnelles, s’il est avisé par mail des opérations qui étaient réalisées par un tiers et qu’il ne contact sa banque que 7 jours après avoir reçu un mail, il engage sa responsabilité pour négligence.

L’omission de se rapprocher immédiatement de sa banque après avoir reçu des informations constitue une négligence grave qui justifie que le client supporte les pertes occasionnées par ces opérations non autorisées.

Par ailleurs, la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier.


Mme [H] [P], cliente de la BRED Banque Populaire, a constaté deux virements non autorisés de son compte les 24 et 27 septembre 2021, pour des montants de 4 707,75 euros et 3 642,84 euros respectivement. Elle conteste avoir autorisé ces transactions et a demandé à sa banque de les rembourser. Face au refus de la banque, elle a porté plainte pour escroquerie et captation de données informatiques le 26 octobre 2021.

Mme [P] a ensuite engagé une action en justice contre la BRED Banque Populaire, demandant le remboursement des sommes débitées ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral et les frais de procédure. Elle argue que l’authentification des virements ne prouve pas son consentement et critique la banque pour ne pas avoir détecté les transactions frauduleuses malgré des signes avant-coureurs, comme un autre virement frauduleux signalé précédemment et des appels suspects d’un individu se faisant passer pour un agent de la banque.

De son côté, la BRED Banque Populaire maintient que les virements ont été correctement authentifiés et accuse Mme [P] de négligence, notamment pour ne pas avoir prêté attention à des communications importantes de la banque concernant la sécurité de son compte. La banque demande donc le rejet de la plainte de Mme [P] et réclame également le paiement de frais de justice.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 13 décembre 2023, et l’affaire doit être plaidée le 17 janvier 2024.

Sur la responsabilité de la banque au titre des opérations non autorisées

La banque est tenue de rembourser les opérations de paiement non autorisées, sauf en cas de fraude ou de négligence grave de la part du payeur. La preuve de l’autorisation du paiement incombe au prestataire de services de paiement. Dans le cas présent, la négligence grave de l’utilisateur a été démontrée, justifiant le rejet des demandes indemnitaires.

Sur la responsabilité de la banque au titre de son obligation de vigilance

La banque doit contrôler la régularité des opérations de paiement autorisées, mais le simple caractère inhabituel d’une opération ne suffit pas à constituer une anomalie. Les obligations de vigilance et de déclaration des banques visent la lutte contre le blanchiment et ne peuvent être invoquées pour réclamer des dommages-intérêts en cas de fraude. Par conséquent, la demande d’indemnisation de la victime est rejetée.

Sur les frais du procès

Les frais du procès, y compris les dépens, sont à la charge de la partie perdante. En l’occurrence, la demanderesse sera condamnée à payer les dépens et une somme de 1 000 euros à la banque pour compenser les frais de justice non compris dans les dépens.

Sur l’exécution provisoire

Les décisions de première instance sont exécutoires à titre provisoire, sauf si le juge estime que cela est incompatible avec la nature de l’affaire. En l’absence de circonstances justifiant l’écarter, l’exécution provisoire est maintenue dans cette affaire.

– Mme [H] [P]:
– Rejet des demandes
– Condamnation aux entiers dépens
– Paiement de 1 000 euros à la société BRED Banque Populaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Société BRED Banque Populaire:
– Réception de 1 000 euros de Mme [H] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

L’article L.133-18 du code monétaire et financier pose le principe du remboursement par la banque des opérations de paiement non autorisées : « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. »
Par dérogation à ce principe, l’article L.133-19 IV prévoit que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L.133-16 et L.133-17, lesquels lui font obligation notamment de préserver la sécurité de ses données.
L’article L.133-23 du code monétaire et financier fixe les règles de preuve applicables lorsque l’utilisateur conteste avoir donné son autorisation au paiement : « En application de l’article L.133-23 du code monétaire et financier, lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. »
La négligence grave de l’utilisateur ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été utilisés. Il appartient donc à la banque de prouver la faute volontaire ou non du payeur, autrement qu’en démontrant l’utilisation de données hautement confidentielles.
L’article L.133-44 du code monétaire et financier impose au prestataire de services de paiement de mettre en œuvre une authentification forte notamment pour les opérations de paiement électronique à distance. Lorsque cette authentification forte est requise, le payeur ne supporte aucune conséquence financière, sauf agissement frauduleux de sa part, si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Olivier LAGRANGE
– Maître Jean-philippe GOSSET

Mots clefs associés

Compte bancaire
– BRED Banque Populaire
– Virements non autorisés
– Contestation et remboursement
– Plainte pour escroquerie
Assignation devant le tribunal
– Demande de remboursement et dommages-intérêts
– Preuve de consentement
– Mécanisme d’authentification
– Négligence grave
– Communication de données personnelles
– Défaut de vigilance de la banque
– Opposition sur carte bancaire
Risque de fraude
– Appels téléphoniques suspects
– Anomalie dans les transactions
– Authentification des virements par la banque
– Convention d’ouverture de compte
– Conditions générales du contrat
– Négligence de Mme [P]
– Procédure de « RECALL »
– Directive anti-blanchiment
– Clôture de l’instruction
– Audience judiciaire prévue

– Mme [H] [P]: personne concernée dans l’affaire
– Compte bancaire: compte détenu par Mme [H] [P] à la BRED Banque Populaire
– BRED Banque Populaire: établissement bancaire où est détenu le compte de Mme [H] [P]
– Virements non autorisés: transferts d’argent effectués sans le consentement de Mme [H] [P]
– Contestation et remboursement: action de contester les virements non autorisés et de demander le remboursement des sommes prélevées
– Plainte pour escroquerie: action en justice visant à dénoncer une escroquerie
– Assignation devant le tribunal: convocation à comparaître devant le tribunal
– Demande de remboursement et dommages-intérêts: demande de restitution des fonds et de compensation pour le préjudice subi
– Preuve de consentement: élément nécessaire pour prouver que les virements étaient autorisés
– Mécanisme d’authentification: système de sécurité utilisé pour valider les transactions
– Négligence grave: manquement important aux obligations de prudence et de diligence
– Communication de données personnelles: divulgation d’informations confidentielles
– Défaut de vigilance de la banque: manquement de la banque à son devoir de surveillance
– Opposition sur carte bancaire: blocage de la carte bancaire en cas de fraude
– Risque de fraude: possibilité d’une tromperie ou d’une escroquerie
– Appels téléphoniques suspects: communications téléphoniques douteuses
– Anomalie dans les transactions: irrégularité dans les opérations bancaires
– Authentification des virements par la banque: vérification de l’identité des personnes effectuant les virements
– Convention d’ouverture de compte: contrat établissant les conditions d’ouverture du compte bancaire
– Conditions générales du contrat: termes et conditions régissant la relation entre la banque et le client
– Négligence de Mme [P]: manquement aux obligations de prudence de la part de Mme [P]
– Procédure de « RECALL »: procédure de rappel des virements non autorisés
– Directive anti-blanchiment: règlement visant à prévenir le blanchiment d’argent
– Clôture de l’instruction: fin de l’enquête judiciaire
– Audience judiciaire prévue: date fixée pour comparaître devant le tribunal

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 22/09215

N° Portalis 352J-W-B7G-CXPQQ

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
27 juillet 2022

JUGEMENT
rendu le 20 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [H] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Olivier LAGRANGE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #NA330

DÉFENDERESSE

Société BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, greffière.

Décision du 20 Mars 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 22/09215 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXPQQ

DÉBATS

A l’audience du 17 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Cécile SOULARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

A l’audience du 17 janvier 2024, avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue le 06 mars 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 20 mars 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [H] [P] est titulaire d’un compte bancaire ouvert dans les livres de la société BRED Banque Populaire.
Les 24 et 27 septembre 2021, deux virements d’un montant respectif de 4 707,75 euros et 3 642,84 euros ont été débités du compte bancaire de Mme [P].
Mme [P] conteste avoir autorisé ces virements et en a demandé le remboursement à sa banque.
Le 26 octobre 2021, Mme [P] a déposé plainte pour escroquerie et captation de donnée informatique auprès du commissariat de [Localité 6].
La BRED Banque Populaire a refusé de rembourser à Mme [P] le montant des deux virements contestés.
Mme [P] a donc fait assigner la Bred Banque Populaire devant le tribunal judiciaire de Paris par acte d’huissier du 27 juillet 2022.
Demandes et moyens de Mme [P]
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juin 2023, Mme [P] demande au tribunal de :
« – DECLARER Madame [H] [P] recevable en son action et en ses demandes et les dire bien fondées ;
– CONDAMNER BRED BANQUE POPULAIRE à payer à Madame [H] [P] la somme de 8.971,59 euros, avec intérêts calculés selon les modalités de l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier ;
– ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
– CONDAMNER BRED BANQUE POPULAIRE à payer à Madame [H] [P] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral;
– CONDAMNER BRED BANQUE POPULAIRE à verser à Madame [H] [P] la somme de 4.800 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER BRED BANQUE POPULAIRE aux entiers dépens ;
– DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir »
Mme [P] considère que la BRED Banque Populaire ne rapporte pas la preuve qu’elle ait donné son consentement aux deux virements litigieux. Elle fait valoir que le mécanisme d’authentification utilisé pour effectuer les deux virements ne suffit pas à prouver son consentement. Elle soutient qu’elle n’a commis aucune négligence grave et conteste en particulier avoir communiqué ses données personnelles.
Mme [P] critique l’attitude de la BRED Banque Populaire qui refuse le remboursement de ces deux virements alors qu’elle a accepté de recréditer sur son compte la somme de 6 600 euros débitée le 28 septembre 2021 à la suite d’un troisième virement frauduleux.
Mme [P] allègue avoir contacté le service « BRED DIRECT » dès le 21 septembre 2021 pour lui faire part d’un virement frauduleux qu’elle aurait constaté le même jour sur son compte, mais qui n’est pas en cause dans le présent litige. Elle s’oppose aux dires de la banque selon laquelle elle n’aurait contacté son conseiller que le 1er octobre 2021.
Mme [P] affirme avoir fait opposition sur sa carte bancaire dès le 21 septembre 2021 et estime que sa banque aurait dû l’alerter du risque de fraude à la suite de ce premier incident. Elle précise qu’elle a reçu 14 appels téléphoniques d’un Monsieur [M] se présentant comme un agent de la banque mais réfute lui avoir communiqué des données personnelles.
En outre, Mme [P] reproche à la banque un défaut de vigilance et souligne que les montants prélevés à trois jours d’intervalle caractérisent une anomalie au regard du fonctionnement habituel de son compte bancaire. Elle relève que le remboursement spontané du troisième virement met en évidence le défaut de vigilance de la banque pour les deux premiers virements.
Demandes et moyens de la BRED Banque Populaire
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 octobre 2023, la BRED Banque Populaire demande au tribunal de :
« RECEVOIR la BRED en ses conclusions, l’y déclarant bien fondée,
JUGER que Madame [P] ne peut obtenir le remboursement par la BRED des opérations de virements litigieuses en présence d’opérations conformément authentifiées et donc autorisées et, en toute hypothèse, suite à ses négligences graves ayant permis leur exécution,
DEBOUTER en conséquence Madame [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la BRED,
CONDAMNER Madame [P] à verser à la BRED la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
La CONDAMNER aux entiers dépens. »
La BRED Banque Populaire affirme que l’authentification conforme des virements enregistrée par ses services constitue la preuve du consentement de Mme [P]. Elle se réfère à la convention d’ouverture de compte et aux conditions générales du contrat pour considérer que la preuve du consentement de Mme [P] résulte de la réalisation des opérations avec le service de banque en ligne.
La BRED Banque Populaire observe que Mme [P] dit avoir été appelée le 23 septembre par un Monsieur [M] disant faire partie du service des fraudes de la BRED et que concomitamment à cet appel elle a reçu un mail de sa banque l’informant de ce qu’un nouveau téléphone de confiance avait été ajouté à son espace personnel. La banque relève que Mme [P] admet qu’elle n’a pas prêté attention à ce mail et en conclut qu’elle a autorisé les virements contestés en communiquant ses données confidentielles d’authentification à un tiers. Elle souligne que les virements litigieux n’ont pu être exécutés qu’en raison de la négligence de Mme [P].
La BRED Banque Populaire réfute avoir remboursé spontanément le montant d’un troisième virement frauduleux émis le 28 septembre 2023. Elle indique que le retour des fonds sur le compte de Mme [P] fait suite à la mise en œuvre de la procédure dite de « RECALL » lors de laquelle les fonds sont retournés par la banque du bénéficiaire.
La banque conteste également avoir manqué à son devoir de vigilance à défaut d’anomalies sur les ordres de virement et ajoute que Mme [P] ne saurait se prévaloir des dispositions de la directive anti-blanchiment dans le cadre du présent litige.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes et de leurs défenses.
Le juge de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire par ordonnance du 13 décembre 2023 et fixé l’affaire pour être plaidée à l’audience tenue en juge rapporteur du 17 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la responsabilité de la banque au titre des opérations non autorisées
L’article L.133-18 du code monétaire et financier pose le principe du remboursement par la banque des opérations de paiement non autorisées : « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. »
Par dérogation à ce principe, l’article L.133-19 IV prévoit que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L.133-16 et L.133-17, lesquels lui font obligation notamment de préserver la sécurité de ses données.
L’article L.133-23 du code monétaire et financier fixe les règles de preuve applicables lorsque l’utilisateur conteste avoir donné son autorisation au paiement : « En application de l’article L.133-23 du code monétaire et financier, lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement. »
La négligence grave de l’utilisateur ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été utilisés. Il appartient donc à la banque de prouver la faute volontaire ou non du payeur, autrement qu’en démontrant l’utilisation de données hautement confidentielles.
L’article L.133-44 du code monétaire et financier impose au prestataire de services de paiement de mettre en œuvre une authentification forte notamment pour les opérations de paiement électronique à distance. Lorsque cette authentification forte est requise, le payeur ne supporte aucune conséquence financière, sauf agissement frauduleux de sa part, si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur.
Il ressort des onglets de connexions fournis par la BRED Banque Populaire que les virements des 24 et 27 septembre 2021 ont été émis après connexion authentifiée par l’utilisateur des services de paiement et que la création du RIB bénéficiaire et les virements subséquents ont été confirmés par mail à l’adresse « [Courriel 5] » et par téléphone sur un appareil de type « Iphone IOS 14.7.1, Scale /3.00 ».
Mme [P] indique dans sa plainte du 26 octobre 2021 qu’elle ne possède pas de téléphone de ce type. Elle précise qu’elle n’a ainsi pas reçu les codes envoyés par SMS pour valider les virements litigieux.
Toutefois, elle précise qu’elle a bien reçu les mails de la banque : « le 24/09/2021 j’ai reçu un mail de ma banque la Bred banque populaire me confirmant un virement d’un montant de 4 707,75 euros effectué à partir de mon compte courant sur un compte au nom de [P] [B]. Je ne connais pas cette personne. Il ne s’agit pas d’un membre de ma famille. Je me suis rendue compte à ce moment-là que j’avais déjà reçu des mails de la banque qui m’informaient qu’une connexion avait été effectuée sur mon compte courant le 23/09/2021. Le 24/09/2021 un bénéficiaire a été ajouté mais je n’y ai pas prêté attention ».
Mme [P] précise également dans sa plainte qu’une personne s’est introduite dans son espace client et a modifié ses données personnelles, notamment son numéro de téléphone portable.
Dans son courrier de réclamation à sa banque, Mme [P] apporte des précisions supplémentaires sur les circonstances de la fraude. Elle indique notamment avoir pris contact le 21 septembre 2021 avec le service BRED DIRECT après avoir constaté un débit frauduleux, sans autre précision sur la nature de ce débit qui ne figure pas sur ses relevés de compte et dont elle ne demande pas le remboursement.
Elle précise avoir reçu le 23 septembre un appel d’un M. [M] qui dit faire partie du service de la BRED et lui « donne la marche à suivre ». Elle souligne cependant qu’elle ne lui a pas communiqué son identifiant ni son mot de passe.
Le 29 novembre 2021, la BRED Banque Populaire répond à Mme [P] que M. [M] ne fait pas partie de ses salariés et observe que Mme [P] n’a contacté son conseiller que le 1er octobre 2021.

Il résulte de ces éléments que Mme [P] a été approchée par un interlocuteur se faisant passer pour un agent du service des fraudes de la BRED Banque Populaire, qu’à la suite de ce contact l’espace bancaire en ligne de Mme [P] a été utilisé par un tiers. Les explications de Mme [P] sur le débit frauduleux qu’elle aurait initialement constaté et « la marche à suivre » suggérée par M. [M] sont évasives et ne permettent pas d’écarter qu’elle aurait transmis à ce tiers des informations lui donnant accès à son espace en ligne. Le procédé décrit par Mme [P] s’apparente à une technique de fraude consistant à tromper la vigilance des victimes en leur faisant croire qu’elles sont réellement en contact avec leur banque et qu’elles doivent communiquer des données personnelles pour déjouer une fraude à la carte bancaire, procédé décrit dans un article versé aux débats par la BRED Banque Populaire.
Quand bien même Mme [P] n’aurait pas intentionnellement transmis des données personnelles, elle a été avisée par mail des opérations qui étaient réalisées par un tiers et elle n’a contacté sa banque que 7 jours après avoir reçu un mail l’avisant du premier virement qu’elle n’avait pas autorisé.
L’omission de se rapprocher immédiatement de sa banque après avoir reçu de telles informations constitue une négligence grave qui justifie que Mme [P] supporte les pertes occasionnées par ces opérations non autorisées.
Dans ces conditions, les demandes indemnitaires de Mme [P] seront rejetées.
2. Sur la responsabilité de la banque au titre de son obligation de vigilance
L’article L. 133-6 du code monétaire et financier dispose qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.
En application de l’article 1231-1 du code civil, le principe de la non-ingérence du banquier dans les affaires de son client cède devant son obligation de vigilance portant sur la régularité apparente du fonctionnement d’un compte.
Ainsi, dans l’hypothèse d’un virement autorisé, le banquier demeure tenu de contrôler la régularité de l’ordre de virement, afin de déceler toute anomalie tant matérielle qu’intellectuelle susceptible de l’affecter.
Mme [P] soutient que ces virements ne correspondaient pas au fonctionnement habituel de son compte. Toutefois, il ressort de ses relevés de compte que d’autres mouvements pour des montants similaires ont été réalisés par Mme [P].
En outre, pour le banquier, non alerté par des éléments extérieurs tangibles, le simple caractère inhabituel d’une opération n’implique pas nécessairement qu’elle soit illicite ou frauduleuse. Dès lors, le seul fait que des virements d’un montant inhabituel soient réalisés n’est pas susceptible de constituer une anomalie que la BRED Banque Populaire devait déceler.
Mme [P] met également en cause le défaut de vigilance de la banque au regard de ses obligations au titre du dispositif de lutte contre le blanchiment.
Toutefois, les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-2 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il résulte de l’article L. 561-18 du code monétaire et financier que la déclaration de soupçon mentionnée à l’article L. 561-15 est confidentielle et qu’il est interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès du service mentionné à l’article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l’auteur de l’une des opérations mentionnées à l’article L. 561-23 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l’article L. 561-36.
Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d’assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs.
Selon l’article L.561-30 du même code, sous réserve de l’application de l’article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l’article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s’en déduit que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier.
Par conséquent, Mme [P] n’est pas fondée à se prévaloir du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme pour réclamer une indemnisation à la banque.
3. Sur les frais du procès
L’article 695 du code de procédure civile énumère les frais du procès qui entrent dans la catégorie des dépens. Il est de principe que les dépens sont à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Partie perdante au procès, Mme [P] sera condamnée au paiement des entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée à payer à la BRED Banque Populaire la somme de 1 000 euros afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens que la banque a dû exposer afin d’assurer la défense judiciaire de ses intérêts, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
4. Sur l’exécution provisoire
Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge peut toutefois écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire, conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile.
Aucune circonstance du présent litige n’impose d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
REJETTE les demandes de Mme [H] [P] ;
CONDAMNE Mme [H] [P] aux entiers dépens :
CONDAMNE Mme [H] [P] à payer à la société BRED Banque Populaire la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 20 mars 2024.

Le greffière La Présidente

 

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