Fraude aux virements bancaires : affaire Société Générale

Notez ce point juridique

Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n’a pas à procéder à de quelconques investigations sur l’origine et l’importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu’aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421). Ainsi, le prestataire de services de payement, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de payement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.


La Société Générale a reçu des instructions de virement suspectes pour des montants importants vers la Hongrie. Après des échanges par email et téléphone avec le prétendu dirigeant de l’entreprise bénéficiaire, la banque a finalement réalisé les virements. Cependant, suite à des doutes sur l’identité du dirigeant, la banque a demandé le rappel des fonds. Il s’est avéré que les virements étaient le résultat d’une fraude, et le dirigeant a déposé plainte pour escroquerie. Malgré ces événements, la cour a jugé que la Société Générale avait rempli son obligation de vigilance.

Confirmation du jugement et condamnation aux dépens

En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions. Les sociétés [Adresse 8] et Idéal sont condamnées aux dépens d’appel.

Pas de condamnation supplémentaire

L’équité commande de ne pas prononcer de condamnation supplémentaire en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Sociétés [Adresse 8] et Idéal: Condamnées in solidum aux dépens d’appel.
– Article 700 du code de procédure civile: Pas de condamnation prononcée.
– Autres demandes: Rejetées.


Réglementation applicable

– Article 700 du code de procédure civile

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS
– Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
– Me Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés

– confirmation du jugement
– condamnation des sociétés [Adresse 8] et Idéal
– dépens d’appel
– équité
– article 700 du code de procédure civile

– Fraude : Acte intentionnel de tromperie pour obtenir un avantage illégitime ou pour causer un préjudice à autrui.

– Marque française : Signe distinctif (nom, logo, etc.) déposé auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) pour identifier les produits ou services d’une entreprise sur le territoire français.

– Transfert : Action de déplacer la propriété ou le contrôle d’un bien, d’un droit ou d’une obligation d’une partie à une autre.

Association Choose Paris région : Non spécifiquement défini dans le droit français; pourrait désigner une association promouvant l’attractivité de la région parisienne.

– Indemnité : Somme d’argent versée pour compenser un dommage ou pour rémunérer un service ou un droit.

– Dépôt frauduleux : Action de déposer un droit (par exemple, une marque ou un brevet) en sachant que l’on n’est pas le véritable titulaire des droits ou en ayant l’intention de nuire à un tiers.

– Connaissance : État de celui qui sait, qui est informé ou conscient de quelque chose; souvent utilisé en droit pour déterminer la responsabilité basée sur ce qu’une personne savait au moment des faits.

– Intention de nuire : Volonté délibérée de causer un préjudice à quelqu’un.

– Activité : Ensemble d’actions ou de tâches réalisées par une personne ou une organisation dans le cadre de ses fonctions ou de ses objectifs.

– Services bancaires en ligne : Services financiers offerts par les banques via internet, permettant aux clients de réaliser des transactions, de gérer leurs comptes, etc., à distance.

– Recherches scientifiques et techniques : Ensemble des travaux systématiques entrepris pour accroître le stock de connaissances, y compris la connaissance de l’homme, de la culture et de la société, et l’utilisation de ce stock de connaissances pour de nouvelles applications.

– Booster d’innovations sociales : Initiative ou programme visant à accélérer le développement et l’impact d’innovations destinées à répondre à des défis sociaux.

– Start-ups : Jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance, souvent liées à la technologie ou à de nouveaux modèles économiques.

– Post-incubation : Phase suivant l’incubation d’une entreprise, où elle continue de se développer après avoir bénéficié d’un soutien initial (mentorat, financement, etc.).

– Innovations sociales : Nouvelles stratégies, concepts, idées et organisations qui répondent aux besoins sociaux de toutes sortes et qui étendent et renforcent la société civile.

– Changement d’échelle : Processus par lequel une entreprise ou une organisation augmente significativement sa portée ou son impact, souvent en élargissant son marché ou en étendant ses activités.

– Phase : Étape ou période dans le développement ou le processus de quelque chose.

– Base légale : Fondement juridique ou ensemble de règles qui régissent un acte ou une procédure.

– Code de la propriété intellectuelle : Ensemble de lois régissant les droits relatifs à la propriété intellectuelle, incluant les droits d’auteur, les brevets, les marques, les dessins et modèles en France.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 28 FEVRIER 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01547 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCQW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2021 -tribunal de commerce de Paris – 6ème chambre – RG n° 2021015122

APPELANTES

S.A.S. IDEAL

[Adresse 5]

[Localité 3]

N° SIRET : 438 885 238

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

S.A.S. [Adresse 8]

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 392 449 880

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Représentées par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : 118

INTIMÉE

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 6]

N° SIRET : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS, toque : B1084, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

MMME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Vincent BRAUD, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société [Adresse 8] exploite un domaine dans le vignoble bordelais. La société Idéal en est la société mère financière et de gestion, qui contrôle la société [Adresse 8] et a des participations dans d’autres exploitations viticoles comme le [Adresse 8].

La société Idéal agit par le truchement d’un groupement d’intérêt économique dénommé FCCH, qui exerce pour son compte des activités en matière de comptabilité et emploie trois personnes, dont [Y] [N].

Ces deux sociétés ont ouvert des comptes bancaires dans les livres de la Société générale, à son agence [Localité 3] Vignobles. [Y] [N] dispose d’une signature sur ces comptes et des droits pour utiliser la plateforme Sogécash Net, dans la limite d’un plafond de 90 000 euros.

Entre le 16 et le 24 avril 2019, [Y] [N] a donné six ordres de virements pour des montants proches de la limite de sa délégation de pouvoir, sur les comptes des sociétés [Adresse 8] et Idéal dans les livres de la Société générale, pour des montants respectifs totaux de 263 256,74 euros et 269 481 ,06 euros, au bénéfice de sociétés sises en Hongrie :

‘ le mardi 16 avril 2019, 90 000,00 euros pour Idéal et 84 326,12 euros pour [Adresse 8] ;

‘ le jeudi 18 avril 2019, 89 748,12 euros pour Idéal et 89 318,14 euros pour [Adresse 8] ;

‘ le mercredi 24 avril 2019, 89 732,94 euros pour Idéal et 89 612,48 euros pour [Adresse 8].

Les sociétés [Adresse 8] et Idéal exposent avoir été victimes d’une fraude au président, et estiment que la Société générale, qui n’a pu recupérer qu’une partie des fonds, est responsable de cette situation.

Par exploit en date du 18 mars 2021, les sociétés [Adresse 8] et Idéal ont assigné la Société générale devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement contradictoire en date du 16 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

‘ Débouté la société [Adresse 8] et la société Idéal de l’ensemble de leurs demandes ;

‘ Condamné la société [Adresse 8] et la société Idéal à payer chacune 3 000 euros à la Société générale au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

‘ Rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

‘ Condamné la société [Adresse 8] et la société Idéal in solidum aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 euros dont 14,94 euros de taxe sur la valeur ajoutée.

Par déclaration du 17 janvier 2022, les sociétés [Adresse 8] et Idéal ont interjeté appel du jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 11 décembre 2023, les sociétés par actions simplifiées Idéal et [Adresse 8] demandent à la cour de :

‘ REFORMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 16 décembre 2021

Et statuant à nouveau

Vu les dispositions des articles 1231 et 1231-1 du Code Civil

Vu les dispositions des articles L133-1 et suivants et notamment L133-22 du Code Monétaire et Financier

‘ CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer :

o A la société IDEAL la somme principale de 179.771,28€, outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la date de la présente assignation et jusqu’à parfait paiement ;

o A la société [Adresse 8] la somme principale de 173.689,96€, outre intérêts au taux légal à compter de la date de la présente assignation et jusqu’à parfait paiement ;

‘ CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer :

o A la société IDEAL une somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

o A la société [Adresse 8] une somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts ;

‘ CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à la société IDEAL et à la société [Adresse 8], pour chacune d’entre elles, une somme de 3.000€ à titre de d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

‘ CONDAMNER la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens et frais d’exécution, cette condamnation pour ces derniers profitant à la SCP AFG sur ses infirmations de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 octobre 2023, la société anonyme Société générale demande à la cour de :

– CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 décembre 2021 en toutes ses dispositions,

– DÉBOUTER en conséquence la SAS IDEAL et la SAS [Adresse 8] de l’intégralité de leurs demandes dirigées contre SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ;

Y ajoutant,

– CONDAMNER la SAS IDEAL et la SAS [Adresse 8] à payer à SOCIÉTÉ GÉNÉRALE la somme de 3.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– LES CONDAMNER solidairement aux entiers dépens d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023 et l’audience fixée au 16 janvier 2024.

CELA EXPOSÉ,

Sur la responsabilité de la Société générale :

Au visa des articles 1231 et 1231-1 du code civil, les sociétés [Adresse 8] et Idéal invoquent un manquement de la Société générale à son obligation de vigilance, en ce que la banque n’a pas relevé les anomalies intellectuelles qui affectaient les virements litigieux, à savoir :

‘ le siège hongrois des sociétés destinataires ;

‘ l’absence de relation commerciale antérieure avec lesdites sociétés ;

‘ le caractère douteux des factures communiquées ;

‘ le montant des virements, proche du maximum autorisé ;

‘ la répétition des opérations en l’espace de huit jours.

Les sociétés [Adresse 8] et Idéal reprochent à la Société générale de n’avoir pas passé de contre-appel au dirigeant de la société Idéal, [D] [O].

La Société générale réplique que sa responsabilité ne peut être engagée du fait des opérations de payement litigieuses que sur le fondement des articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier, lesquels écartent toute responsabilité du prestataire de services de payements lorsque les opérations de payement sont autorisées.

Par son arrêt no C-337/20 du 2 septembre 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 58 et l’article 60, paragraphe premier, de la directive no 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de payement dans le marché intérieur, modifiant les directives nos 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/00/CE ainsi que 2006/48/CE abrogeant la directive no 97/5/CE, doivent être interprétées en ce sens qu’ils s’opposent qu’un utilisateur de services de payement puisse engager la responsabilité du prestataire de ces services sur le fondement d’un régime de responsabilité autre que celui qui est prévu par ces dispositions lorsque cet utilisateur a manqué à son obligation de notification prévue audit article 58.

En l’espèce, il n’est pas soutenu que les sociétés [Adresse 8] et Idéal n’aient pas satisfait à leur obligation de notification conformément aux articles L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier. Il s’ensuit qu’elles peuvent engager la responsabilité de la Société générale sur le fondement d’un régime de responsabilité autre que celui qui est prévu par les articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier, et notamment sur le fondement du régime de droit commun de la responsabilité contractuelle.

Aussi bien l’article L. 133-5 du code monétaire et financier dispose-t-il que la responsabilité prévue aux sections 2 à 9 du présent chapitre ne s’applique pas lorsque le prestataire de services de paiement est lié par d’autres obligations légales prévues par des législations nationales ou communautaires.

Il résulte de l’article 1231-1 du code civil que toute inexécution d’une obligation contractuelle ayant causé un dommage au créancier de l’obligation oblige le débiteur de celle-ci à en répondre (Com., 9 fév. 2022, no 17-19.441).

Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n’a pas à procéder à de quelconques investigations sur l’origine et l’importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu’aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421). Ainsi, le prestataire de services de payement, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de payement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.

S’il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de l’établissement de crédit prestataire de services de payement, c’est à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont fournis, soit de la nature elle-même de l’opération ou encore du fonctionnement du compte.

Il résulte des pièces versées aux débats qu’à la suite du premier ordre de virement du 16 avril 2019, la Société générale sollicitait [Y] [N] pour obtenir la confirmation de son montant ainsi que sa justification. [Y] [N] répondait quelques minutes plus tard à la banque (pièce no 1 de l’intimée) :

« Bonjour Madame [M],

« Je vous confirme le montant du virement de 90 000 € en paiement de la facture INVEST PLUS TRADE no TH8795X.

« Vous trouverez en pièce jointe la facture. »

Était annexée à ce courriel une facture à l’en-tête de la société Invest Plus Trade d’un montant de 90 000 euros, datée du 15 avril 2019, adressée à la société Idéal et correspondant à des caisses ainsi qu’à des bouteilles en verre (pièce no 1 de l’intimée).

Le vendredi 19 avril 2019, à 12 heures 13, [R] [M], employée de l’agence [Localité 3] Vignobles, envoyait le message électronique suivant à [Y] [N] :

« Vous trouverez ci-dessous le message reçu de la banque du bénéficiaire, nous vous remercions par avance de bien vouloir nous confirmer par retour de mail le montant du virement et son motif.

« Merci de revenir vers nous rapidement, le cas échéant la banque bénéficiaire rejettera les fonds. »

Suivait un message par lequel la banque hongroise bénéficiaire des fonds relevait la nature inhabituelle du virement de 90 000 euros qu’elle avait reçu au profit de la société Invest Plus Trade, et demandait à la Société générale de lui confirmer que tout était en ordre (pièce no 22 des appelantes).

Passé la fin de semaine et le lundi de Pâques 22 avril 2019, [Y] [N], à la demande de la Société générale, lui faisait parvenir par courriel du 23 avril 2019, à 11 heures 47, la copie d’une seconde facture du 15 avril 2019 d’un montant de 84 326,12 euros, également émise par la société Invest Plus Trade à l’attention de la société [Adresse 8], facture dont [Y] [N] précisait qu’elle correspondait au virement ordonné (pièce no 2 de l’intimée).

Le conseiller de la clientèle des entreprises de la banque, [F] [V], tentait néanmoins de prendre l’attache de [D] [O], ainsi qu’il ressort de deux courriels qu’il adressait le mardi 23 avril 2019 au service d’appui de la banque (pièces nos 3 et 4 de l’intimée).

La teneur du premier courriel, envoyé à 18 heures 2, est la suivante (pièce no 3 de l’intimée) :

« Bonsoir,

« Le dirigeant ne serait pas joignable avant demain matin 10 h 00. Si vous pouvez me confirmer que la société en question est une société qui commercialise des articles de sports et qui a été immatriculée depuis seulement un mois, alors, merci de demander le retour des fonds. Si nous nous trompons, le client réémettra un paiement. Je reste disponible sur ce sujet. »

Le second courriel, envoyé à à 18 heures 9, se rapportait à la seconde facture de 84 326,12 euros (pièce no 4 de l’intimée) :

« Bonsoir,

« De la même manière pour cette seconde facture, merci de ne pas confirmer pour l’instant le paiement à la banque bénéficiaire.

« Nous devrions avoir demain matin le dirigeant en ligne à ce sujet. Merci beaucoup pour vos alertes sur ces deux opérations. »

Le lendemain 24 avril 2019, à 9 heures 4, [F] [V] demandait au service d’appui de rappeler les deux payements. [T] [L], chargée d’opérations au centre de services de [Localité 3], lui répondait à 9 heures 23 :

« Nous allons faire 2 demandes de recall motif fraude.

« À défaut du dépôt de plainte merci de nous donner un accord RQO pour y procéder. »

[F] [V] lui répondait à 9 heures 45 :

« Je n’ai pas encore eu le client, pas de fraude pour le moment. En revanche, les éléments de Lexis ne sont pas rassurants.

« Est-il possible de rappeler les fonds sans motif ‘ ».

[T] [L] lui répondait à 9 heures 59 :

« Je vous confirme que nous avons envoyé une demande de recall motif ce jour pour les 2 virements (dossiers recherches R725 et R740).

« Dossiers RECALL R0135 et R0136.

« Nous recevrons une réponse de la banque bénéficiaire sous 10 jours » (pièce no 5 de l’intimée).

Le 24 avril 2019, à 16 heures 48, [F] [V] écrivait à [T] [L], sous l’objet « URGENT Virement inhabituel [SGN 51795142] ‘ SAS IDEAL ‘ Détection MOSAIC » :

« J’attends le retour du client avec qui je n’ai pas encore réussi à m’entretenir directement.

« Merci de mettre ces deux opérations en attente. »

Il lui était répondu à 16 heures 55 :

« Nous ne pouvons plus intervenir, celles-ci ont déjà été collectées.

« Si fraude avérée, il faudra passer en procédure de Recall Fraude avec le CDS et vos RQO/SQO. »

Le 24 avril 2019 à 17 heures 57, [F] [V] adressait un courriel à [D] [O] (pièce no 6 de l’intimée) avec [Y] [N] en copie, intitulé « Notre conversation aujourd’hui », et dont le texte était ainsi libellé :

« Monsieur [O],

« Suite à la conversation que nous venons d’avoir et au cours de laquelle vous m’avez confirmé l’authenticité des 6 virements à destination de la Hongrie, je vous remercie de me faire parvenir un email de confirmation. »

Il en ressort que [F] [V] venait d’avoir au téléphone quelqu’un se présentant comme [D] [O]. Or, les appelantes contestent que [D] [O] ait confirmé par téléphone l’authenticité des six virements litigieux. Elles expliquent que le 24 avril, [D] [O] se trouvait à [Localité 7] ; que vers 13 heures 30, il recevait un appel téléphonique de [F] [V] ; qu’étant alors dans l’impossibilité de lui répondre utilement, il était convenu d’un rappel en fin d’après-midi ; que de retour à [Localité 3], [D] [O] prenait connaissance du courriel précité de [F] [V] ; qu’ayant appelé [Y] [N], celle-ci lui révélait qu’il s’agissait de «virements secrets » ; qu’il en informait aussitôt [F] [V].

L’intimée confirme ce déroulement des faits puisqu’elle expose pour sa part qu’à défaut d’avoir été rappelé dans la matinée du mercredi 24 avril 2019, comme cela lui avait été indiqué, le représentant de la Société générale appelait le dirigeant, [D] [O], dans le courant de l’après-midi sur son portable. S’étant présenté, le dirigeant lui indiquait rappeler dans une demi-heure, étant très occupé. Une demi-heure plus tard, le représentant de la Société générale était appelé sur son téléphone fixe, aucun numéro ne s’affichant. Ayant décroché, son interlocuteur lui indiquait être [D] [O] et faire suite à ses échanges avec [Y] [N]. Il confirmait les différents paiements pour des bouteilles et des caisses en bois. Le représentant de la Société générale sollicitait alors de son interlocuteur un courriel confirmant ses dires. Le préposé de la banque était alors surpris par le ton assez conciliant de son interlocuteur supposé être [D] [O], qui se serait en temps ordinaire étonné du refus de la banque d’exécuter les ordres de virement donnés. Également alerté par le discours parfois imprécis de son interlocuteur, le préposé de la banque avait le sentiment qu’il n’était en fait pas [D] [O], mais un usurpateur. S’étant ouvert de ses doutes auprès de sa hiérarchie, le préposé de la Société générale adressait à [D] [O] le courriel précité (pièce no 6 de l’intimée).

À la suite de l’envoi de ce courriel, [F] [V] était rappelé depuis le téléphone portable de [D] [O]. Celui-ci disait ne pas comprendre les termes du courriel qui venait de lui être adressé, et s’émouvait de savoir que six virements à destination de la Hongrie avaient été exécutés. Il était alors avéré que l’interlocuteur que [F] [V] avait eu au téléphone quelques instants auparavant, et se présentant comme étant [D] [O], n’était pas le dirigeant mais un usurpateur.

Ayant alors confirmation que les virements s’inscrivaient dans une fraude, il sollicitait à 18 heures 58 pour ce motif le retour des fonds correspondant aux six virements exécutés (pièce no 7 de l’intimée).

Le 25 avril 2019, [D] [O] déposait une plainte pour escroquerie.

Au regard des diligences de la Société générale sus-exposées, et des réponses fournies par les sociétés payeuses en la personne de [Y] [N], dont il est constant qu’elle disposait de la signature sur les comptes, la cour fait sienne la juste appréciation des faits à laquelle ont procédé les premiers juges en concluant que la Société générale avait satisfait à son obligation de vigilance.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner les sociétés [Adresse 8] et Idéal aux dépens d’appel, l’équité commandant de ne pas prononcer de condamnation supplémentaire en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu au prononcé d’une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les sociétés [Adresse 8] et Idéal aux dépens d’appel ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

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