Fraude aux prestations familiales

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Dans cette affaire, Madame P a contesté une décision de la Caisse d’Allocations Familiales de la Réunion concernant des indus de prestations familiales et une pénalité administrative pour fraude. Le tribunal judiciaire de Saint-Denis a jugé que l’intention frauduleuse de Madame P était caractérisée et a validé les indus et la pénalité. Cependant, en appel, la Cour d’Appel de Saint-Denis a infirmé cette décision. Elle a jugé que la caisse n’avait pas prouvé la fraude de Madame P et a ordonné à la caisse de restituer les sommes retenues à Madame P. La Cour a également condamné la caisse à payer des frais d’instance à Madame P et aux dépens.



AFFAIRE : N° RG 21/00366 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FQKJ  Code Aff. :AL ARRÊT N° ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de ST DENIS en date du 27 Janvier 2021, rg n° 19/01928 COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 24 MAI 2022 APPELANTE : Madame [D] [P] [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Eloïse ITEVA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMÉE : CAISSE D’ALLOCATION FAMILIALE DE LA RÉUNION [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Mme [S] [H], agent audiencier, en vertu d’un pouvoir général DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d’instruire l’affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffiière, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain LACOUR Conseiller:Laurent CALBO Conseiller :Aurélie POLICE Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022 * * * LA COUR : Exposé du litige : Par requête enregistrée le 13 novembre 2019, Mme [P] a saisi le tribunal de grande instance de Saint-Denis-de-la-Réunion de la contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse d’allocations familiales de la Réunion (la caisse) relative à des indus de prestations familiales et à une pénalité administrative pour fraude. Par jugement rendu le 27 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Denis-de-la-Réunion, auquel l’affaire avait été transmise, a jugé que l’intention frauduleuse de Mme [P] est caractérisée, déclaré que l’action en recouvrement de la caisse n’est pas prescrite, validé l’indu pour la période du mois d’octobre 2013 au mois de septembre 2014 à hauteur de 4’303, 86 euros et celui pour la période du mois d’octobre 2014 au mois de septembre 2016 à hauteur de 5’589, 75 euros, constaté que ces dettes sont soldées par les retenues opérées par la caisse, validé la pénalité administrative d’un montant de 870 euros, constaté que le solde dû de cette pénalité est de 670 euros, condamné Mme [P] à payer à la caisse 670 euros, débouté Mme [P] de ses demandes reconventionnelles et de celle fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [P] aux entiers dépens et ordonné l’exécution provisoire. Appel de cette décision a été interjeté par Mme [P] le 26 février 2021. Vu les conclusions notifiées par Mme [P] les 7 septembre et 7 décembre 2021, oralement soutenues lors de l’audience de plaidoiries qui s’est déroulée le 14 mars 2022′; Vu les conclusions notifiées par la caisse les 7 novembre et 7 décembre 2021, oralement soutenues lors de l’audience de plaidoiries ; Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements infra. Sur ce : Sur la recevabilité « des procédures d’indu et de fraude » : Attendu que Mme [P] demande à la cour à titre principal de prononcer l’irrecevabilité «’des procédures d’indu et de fraude », sans toutefois invoquer aucune fin de non-recevoir à l’appui de cette prétention ; que cette demande sera donc rejetée ; Sur la fraude : Vu les articles L. 115-3, L. 553-1 du code de la sécurité sociale et L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration ; Attendu que la caisse soutient que Mme [P] s’est rendue auteur d’une fraude en ne lui déclarant pas, alors qu’elle en avait l’obligation, le changement intervenu dans sa situation professionnelle puisque, alors qu’elle était antérieurement agent contractuel de la fonction publique territoriale de Mayotte, ce qui lui ouvrait droit à la perception des allocations familiales, elle est ensuite devenue fonctionnaire d’État titulaire à compter du 17 mars 2008, ce qui la privait de ce bénéfice ; Attendu que la bonne foi étant présumée, il incombe à la caisse de prouver la fraude qu’elle allègue ; qu’à cet effet, elle invoque ses pièces : – n° 1, constituée d’un formulaire intitulé «’Déclaration de situation pour les prestations familiales et les aides au logement », rempli le 22 août 2006 par M. [P], époux de Mme [P], qui mentionne notamment qu’elle est salariée de la direction de l’équipement située à [Localité 5], en qualité d’agent non titulaire, depuis le 8 avril 2002 ; – n° 2, constituée d’un formulaire portant le même intitulé, rempli le 22 janvier 2016 par Mme [P], qui mentionne notamment qu’elle est agent titulaire de la fonction publique depuis le 28 avril 2008 ; – n° 3, constituée d’un formulaire intitulé «’Demande de prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ou complément de libre choix d’activité (Clca) », rempli le 13 juin 2016 par M. [P], qui mentionne notamment qu’elle est agent titulaire de la fonction publique depuis le 1er avril 2002 ; – n° 12, constituée d’un formulaire intitulé « Avis de changement de situation pour les prestations familiales » rempli le 28 décembre 2009 par Mme [P], où elle ne signale que son changement d’adresse ; Attendu, en premier lieu, que Mme [P] a été titularisée, dans la fonction publique d’État, à compter du 17 mars 2008, en qualité d’ingénieur des travaux publics de l’État, puis mutée à la direction départementale de l’équipement de la Réunion par arrêté ministériel du 7 avril 2008 (pièce n° 3 de Mme [P]), alors qu’elle était auparavant agent contractuel, et que c’est par erreur que son mari, M. [P], a indiqué le 13 juin 2016 qu’elle avait été titularisée le 1er avril 2002 ; Attendu, en deuxième lieu, que la déclaration remplie et signée par Mme [P] le 22 janvier 2016 (pièce n° 2 de la caisse) ne comporte aucune erreur, Mme [P] ayant exactement indiqué qu’elle est agent titulaire de la fonction publique d’État depuis avril 2008, date à laquelle elle a été affectée dans le département de la Réunion ; Attendu, en troisième lieu, que si, comme le relève exactement la caisse, Mme [P] aurait dû lui signaler rapidement le changement ayant affecté sa situation professionnelle lorsqu’elle a été titularisée et qu’elle ne l’a pas fait, notamment en remplissant le formulaire produit en pièce n° 12 par la caisse, il convient néanmoins de relever que la rubrique intitulée «’votre nouvelle situation professionnelle » de ce formulaire ne comportait aucun item correspondant à la nouvelle situation de Mme [P] puisque n’y sont envisagées que les hypothèses où l’allocataire devient salarié, employeur, travailleur indépendant, non-salarié agricole, sans activité professionnelle, pensionnaire ou retraité’; que l’hypothèse où l’allocataire devient fonctionnaire titulaire n’est pas envisagée, sans que la mention figurant au pied de ce formulaire, rédigée comme suit : «’Votre situation a changé, mais vous n’avez pas trouvé où l’indiquer ci-dessus : envoyez-nous une lettre en précisant quel est ce changement et sa date. S’il s’agit d’un changement de compte, joignez un relevé d’identité bancaire, postal ou caisse d’épargne » ne supplée à cette absence’; Attendu qu’il résulte de ce qui précède que ni ces pièces, ni aucune autre, ne caractérisent le fait que Mme [P] aurait établi une fausse déclaration dans le but de percevoir des prestations familiales auxquelles elle savait ne pas pouvoir prétendre, étant relevé qu’il est constant qu’elle avait effectivement droit aux prestations familiales qu’elle a reçues, en raison de sa situation personnelle et de celle de sa famille, mais que l’organisme qui en était débiteur à compter de sa titularisation n’était plus la caisse, mais l’administration qui l’emploie’; Attendu que la caisse échoue ainsi à démontrer la fraude de Mme [P], en sorte qu’il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a validé l’indu pour la période du mois d’octobre 2013 au mois de septembre 2014, à hauteur de 4’303, 86 euros, qui correspond à une période couverte par la prescription, en ce qu’il a validé la sanction administrative d’un montant de 870 euros et condamné Mme [P] au paiement de la somme de 670 euros de ce chef ; que la caisse sera par conséquent condamnée à restituer ces sommes à Mme [P]’; Sur l’indu correspondant à la période d’octobre 2014 à septembre 2016 : Vu les articles L. 553-2 du code de la sécurité sociale et 1302 du code civil ; Attendu que Mme [P] a perçu de la caisse des allocations familiales, au cours de cette période, à hauteur de 5’589, 75 euros, alors que son mari et elle-même étaient fonctionnaires titulaires et que les prestations familiales ne devaient pas leur être servies par la caisse, mais par leur employeur ; Attendu en conséquence que la caisse justifie d’un indu de 5’589, 75 euros, qui sera validé ; Sur la demande de Mme [P] tendant à voir enjoindre la caisse de lui communiquer un décompte détaillé des retenues opérées sur les prestations familiales d’octobre 2016 à janvier 2020 et de lui restituer 921, 63 euros abusivement retenus au titre de l’indu référencé IN1 RG1 et à voir ramener cet indu à 4876, 37 euros : Attendu qu’à l’appui de cette demande, Mme [P] fait valoir qu’«’il ressort du dernier décompte produit par la caisse qu’en sus des retenues opérées par la CAF de la Réunion, cette dernière s’est abstenue de verser certaines échéances portant sur des prestations dues’», ajoutant que l’indu d’un montant de 5’798 euros doit être ramené à 4’876, 37 euros pour tenir compte d’une somme de 921, 63 euros abusivement retenue ; Attendu que faute par Mme [P] de préciser les échéances et les prestations donc s’agit, auxquelles elle aurait eu droit et qui auraient été retenues, elle ne peut qu’être déboutée de cette demande ; PAR CES MOTIFS : La cour, Statuant publiquement, contradictoirement, Infirme le jugement rendu le 27 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis-de-la-Réunion ; Statuant à nouveau, Dit que Mme [P] est débitrice envers la caisse d’allocations familiales de la Réunion de la somme de 5’589, 75 euros au titre d’un indu de prestations familiales la période d’octobre 2014 à septembre 2016 ; Dit que la caisse d’allocations familiales de la Réunion devra restituer à Mme [P] les sommes qu’elle a retenues en excédent par compensation’; Déboute la caisse d’allocations familiales de la Réunion du surplus de ses demandes ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, Condamne la caisse d’allocations familiales de la Réunion à payer à Mme [P] la somme de 1’500 euros à titre d’indemnité pour frais non répétibles d’instance ; Rejette le surplus des demandes de Mme [P] ; Condamne la caisse d’allocations familiales aux dépens de première instance et d’appel. Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière,le président,  

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