8 février 2023
Cour d’appel de Toulouse RG n° 23/00144 COUR D’APPEL DE TOULOUSE Minute 2023/146 N° RG 23/00144 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PHR2 O R D O N N A N C E L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 08 février à 11H15 Nous E. VET Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Vu l’ordonnance rendue le 04 Février 2023 à 18H10 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de : [D] X SE DISANT [S] né le 04 Mars 2004 à [Localité 1] (TUNISIE) de nationalité Tunisienne Vu l’appel formé le 06/02/2023 à 14 h 47 par courriel, par Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE; A l’audience publique du 07/02/2023 à 14h30, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu : [D] X SE DISANT [S] assisté de Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE qui a eu la parole en dernier ; avec le concours de [Z] [X], interprète, qui a prêté serment, En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé; En présence de Mme [V] représentant de la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE régulièrement avisée ; avons rendu l’ordonnance suivante : M. X se disant [D] [S], de nationalité tunisienne, a fait l’objet le 13 janvier 2021 d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire émanant de la préfecture de Haute-Garonne. Par jugement du 13 septembre 2021, le tribunal correctionnel de Toulouse a prononcé à son encontre une interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans. Par décision du 2 février 2023, l’administration a fixé le pays de renvoi. Par décision du même jour, M. X se disant [S] a fait l’objet d’un placement en rétention administrative par la préfecture de Haute-Garonne. Par requête du 3 février 2023, le préfet de Haute-Garonne a sollicité la prolongation de la rétention de M. X se disant [S] pour une durée de 28 jours. Par requête du même jour, M. X se disant [S] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative. Aux termes d’une ordonnance prononcée le 4 février 2023 18h10, le juge des liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné la jonction des deux requêtes, déclaré la procédure régulière et ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours. M. X se disant [S] a interjeté appel de cette décision par courrier de son conseil adressé par voie électronique au greffe de la cour, le 6 février 2023 14h47. À l’appui de sa demande en constat de l’irrégularité de la procédure et de demande de remise en liberté il soutient que : ‘ les fichiers de police ont été consultés sans mention de l’habilitation des consultants, ‘ le contrôle d’identité a été effectué sur le fondement de réquisition irrégulière, ‘ il a été retenu administrativement pendant le temps qui n’était pas exigé par l’examen de sa situation, ‘ plusieurs notifications lui ont été faites avec interprète dans le même trait de temps, ‘ la requête est irrégulière en ce que ne sont pas joints les justificatifs des diligences réalisées dans le cadre d’un précédent placement en rétention, ‘ le placement en rétention est irrégulier au regard des conditions de sa notification etdécorner sa motivation est insuffisante alors qu’il a formé une demande d’asile qui n’a pas été évoquée par la préfecture, ‘ son placement en rétention n’est pas justifié alors qu’une assignation à résidence était possible d’autant plus qu’après deux mois passés au centre de rétention de [Localité 3] il n’a été reconnu par aucun consulat et qu’il n’y a donc pas de perspective raisonnable d’éloignement, ‘ l’insuffisance des diligences de l’administration. M. X se disant [S] a déclaré à l’audience qu’il avait subi une opération et qu’il avait déjà fait deux mois de rétention à [Localité 3]. Le préfet de Haute-Garonne, représenté, a sollicité la confirmation de la décision déférée. Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations. MOTIFS: Sur la recevabilité de l’appel L’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux. Sur la procédure : Le procès-verbal de renseignements dressé le 1er février 2023 à 17h15 mentionne la consultation du fichier des personnes recherchées, sans qu’il soit précisé que cette recherche a été effectuée par un agent spécialement habilité. Cependant, il résulte l’article 15-5 du code de procédure pénale dispose que si seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction , l’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. Dès lors, ce moyen ne peut être retenu. Sur les opérations de contrôle d’identité: L’article 78-2 du code de procédure pénale dispose : «Les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : -qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; -ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; -ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ; -ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines ; -ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire. Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. L’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens. Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté et aux abords de ces gares, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l’identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d’un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont désignés par arrêté ministériel. Lorsqu’il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu’à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d’identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l’application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n’excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa. ». En l’espèce, les réquisitions du procureur aux fins de contrôle d’identité en application de ce texte concernent 11 stations de la ligne A du métro, 10 stations de la ligne B et la gare SNCF [2]. Il est donc limité dans l’espace, puisqu’il concerne 21 stations de métro qui en a 36. Ce contrôle était prévu pour la seule journée du 1er février de 14 à 17 heures et de 18 à 21 heures il était donc parfaitement limité dans le temps. Enfin, les réquisitions sont motivées par les découvertes régulières quasiment hebdomadaires d’armes, les interpellations récurrentes portant sur les trafics de stupéfiants et le nombre d’atteintes aux biens et aux personnes dans les secteurs concernés. Les réquisitions sont donc parfaitement motivées au regard de la situation pénale dans ces stations du métro et la gare qu’il dessert. En conséquence, ce moyen ne peut être retenu. Sur la retenue administrative : L’intéressé a été retenu administrativement du 1er février 2023 à 15h20 au 2 février à 15h15. En conséquence, cette retenue ne dépasse pas la durée légale et le moyen tiré de sa durée excessive ne peut être retenu. Sur la notification de ses droits: La notification de la fin de la retenue, celle de l’arrêté de pays de renvoi et celle de placement en rétention par le truchement d’un interprète ont été réalisées en une minute. Cependant, outre que la notification de la fin de retenue et de l’arrêté portant pays de renvoi n’ont nécessité que quelques secondes, celles de l’arrêté portant placement en rétention et des droits du retenu au centre de rétention ont nécessité plus de temps, toujours dans la limite d’une minute, ces derniers lui ont au surplus été rappelés lorsqu’il est arrivé au centre à 15h35 alors que l’exercice des droits ne peut être effectif qu’à l’arrivée au centre de rétention. En conséquence, ce moyen ne sera pas retenu. Sur la recevabilité de la requête : L’article R743-2 du CESEDA dispose : « A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2. Lorsque la requête est formée par l’étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l’administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre. ». L’appelant soutient que la requête de l’autorité administrative a été présentée irrégulièrement puisque n’y étaient pas jointes les pièces relatives à son placement en rétention antérieur à [Localité 3]. Cependant, les pièces relatives à de précédents placements en rétention administrative ne sont pas des pièces utiles dès lors que les placements en rétention sont indépendants les uns des autres et qu’une même décision administrative ou judiciaire d’éloignement peut donner lieu à plusieurs placements en rétention. Sur le placement en rétention : L’article L 741-6 du CESEDA prévoit : « La décision de placement en rétention est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. ». Il est constant que le préfet n’est pas tenu de mentionner, de manière exhaustive, tous les éléments de fait relatifs à la situation personnelle du retenu. Au regard de ce qui a été répondu aucun manquement n’est démontré dans la notification de l’arrêté de placement en rétention . M. X se disant [S] fait valoir qu’il a déclaré avoir formé une demande d’asile qui n’a pas été évoqué par la préfecture de même que son précédent placement au centre de rétention de [Localité 3]. Il souligne que dans le cadre de son placement en rétention précédent il n’a été reconnu par aucun consulat, qu’il n’y a donc aucune perspective d’éloignement. L’arrêté portant placement en rétention est motivé par : ‘ l’absence d’exécution volontaire de la mesure d’éloignement prononcé par le tribunal correctionnel le 13 septembre 2021 par l’intéressé qui ne justifie ni de ressources ni d’un billet de transport pour exécuter la mesure, ‘ l’absence de vulnérabilité ou de handicap, ‘ la soustraction de l’intéressé à une précédente mesure d’éloignement, ‘ l’absence de garanties de représentation suffisantes en l’absence de documents d’identité, d’une adresse effective et permanente dans un local affecté à son habitation. Si cet arrêté ne fait pas référence à la demande d’asile évoquée par l’intéressé, celui-ci n’en a pas justifié et indiqué ne même pas se rappeler sa date. En tout état de cause, le placement en rétention est destiné à assurer l’exécution d’une décision pénale. De plus, ainsi qu’il a été dit, les différents placement en rétention sont indépendants les uns des autres et le préfet n’avait pas à évoquer un précédent placement en rétention dans son arrêté. Au regard de ces éléments, les moyens de contestation de l’arrêté de placement en rétention ne peuvent être retenus. Sur le défaut de diligence : L’article L 741-3 du CESEDA dispose : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. ». M. X se disant [S] souligne que l’administration ne justifie pas des pièces accompagnants sa lettre de saisine du consulat de Tunisie alors que l’accord franco-tunisien prévoit que lorsqu’un ressortissant tunisien n’est pas en possession de documents d’identité il doit être remis en original les empreintes décadactylaires obligeant les autorités tunisiennes à délivrer un laissez-passer dans le délai de cinq jours. Or, la préfecture qui n’a pas respecté les termes de cet accord a nécessairement retardé son éloignement. L’accord franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations prévoit que la nationalité de la personne est considérée comme présumée sur la base des déclarations de l’intéressé recueillies par les autorités administratives ou judiciaires. Dans cette hypothèse, l’État requérant transmet à l’autorité consulaire de l’État requis l’original exploitable du relevé des empreintes décadactylaires ainsi que trois photographies d’identité de la personne concernée. L’autorité consulaire saisie dispose alors d’un délai de cinq jours à compter de la réception de l’un des documents mentionnés pour examiner ce document et délivrer le laissez-passer si la nationalité de l’intéressé est établie. En l’espèce, M. X se disant [S] s’est déclaré de nationalité tunisienne lors de son audition selon procès-verbal de vérification de son droit de circulation ou de séjour. La préfecture justifie avoir saisi le consul de Tunisie le 2 février 2023, jour du placement en rétention de l’intéressé , le courrier portant saisine précisant que sont joints les documents nécessaires à son identification. De plus, l’accord franco-tunisien prévoit que s’il subsiste un doute sérieux quant à la nationalité de l’intéressé, il est procédé à son audition dans un délai de 72 heures à compter de la réception par l’autorité consulaire de ces éléments. Or, le courrier saisissant le consul de Tunisie le sollicite aux fins de procéder à l’audition du retenu. Et l’accord poursuit en prévoyant qu’à l’issue de l’audition si la nationalité de la personne est établie, le laissez-passer consulaire est délivré dans un délai de 48 heures. Or l’espèce, l’identité du retenu n’est pas établie avec certitude en l’absence de pièces d’identité et la consultation des fichiers ayant révélé qu’il était connu sous divers alias. En conséquence, il ne peut être prétendu que l’éventuelle absence de transmission des empreintes et de photographies de l’intéressé a entraîné un retard dans la réponse du consulat tunisien caractérisant un manquement de l’administration de son obligation de diligence. Enfin, M. X se disant [S], qui s’est déclaré SDF, n’a pas remis de passeport et n’a pas spontanément déféré à son obligation de quitter le territoire. En conséquence, aucune assignation à résidence n’était envisageable il convient de faire droit à la demande de prolongation de sa rétention par confirmation de l’ordonnance déférée. PAR CES MOTIFS Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ; REÇOIT l’appel ; CONFIRME l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 4 février 2023, Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de Haute-Garonne, service des étrangers, à M. X se disant [D] [S], ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public. LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE K. MOKHTARI E. VET Conseiller
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