Fichier des personnes recherchées : 6 mai 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/01696

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6 mai 2022
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/01696

COUR D’APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)

N° RG 22/01696 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H2NB

N° de minute : 107/2022

ORDONNANCE

Nous, Anne GALLIATH, Conseillère à la Cour d’Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Nadine FRICKERT, greffier ;

Dans l’affaire concernant :

M. [X] [V], né le 3 février 1986 à TOUBA (SENEGAL), de nationalité sénégalaise

Actuellement retenu au centre de rétention de Geispolsheim

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) ;

VU l’arrêté pris le 1er mai 2022 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN faisant obligation à M. [X] [V] de quitter le territoire français ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 1er mai 2022 par le préfet du Bas-Rhin à l’encontre de M. [X] [V], notifiée à l’intéressé le même jour à 22 h 00 ;

VU le recours de M. [X] [V] daté du 3 mai 2022, reçu et enregistré le même jour à 17 h 52 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d’annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;

VU la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN  datée du 2 mai 2022, reçue et enregistrée le même jour à 15 h 41 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. [X] [V] ;

VU l’ordonnance rendue le 04 Mai 2022 à 12 h 25 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, ordonnant la jonction de la procédure introduite par le recours de M. [X] [V] et celle introduite par la requête Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN , déclarant le recours de M. [X] [V] recevable et constatons l’irrecevabilité de la requête de l’autorité préfectorale et ordonnant la la remise en liberté de M. [X] [V] à l’issue des formalités administratives au centre de rétention de Geispolsheim permettant à l’intéressé de récupérer ses affaires personnelles et à l’expiration du délai de dix heures à compter de la notification de la décision au procureur de la République par application de l’article L.743-19 du CESEDA ;

VU l’appel de cette ordonnance interjeté par LE. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE STRASBOURG par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 04 Mai 2022 à 16 h 54 et la demande aux fins de déclarer cet appel suspensif conformément à l’article L552-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)

VU la notification de la déclaration d’appel dont s’agit, faite respectivement à l’autorité administrative à la personne retenue et à l’avocat de celle-ci, qui en ont accusé réception ;

Vu les observations de Maître Myriam HENTZ, conseil de la personne retenue réceptionnées le 4 mai 2022 à 17 h 35 ;

Vu l’ordonnance rendue le 4 mai 2022 faisant droit à la demande du Procureur de la République de Strasbourg aux fins de voir déclarer son appel suspensif ;

Vu l’appel de l’ordonnance du 4 mai 2022 interjeté par MME LA PREFETE DU BAS-RHIN par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 05 Mai 2022 à 11 h 21 ;

Vu la proposition de la préfecture du Bas-Rhin reçue par voie électronique le 5 mai 2022 afin que l’audience se tienne par visioconférence ;

Vu les nouvelles pièces déposées par Maître [U] et la préfecture du Bas-Rhin avant l’audience ;

Le représentant de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN, dûment informé de l’heure et de l’audience par ordonnance rendue le 4 mai 2022 et transmise par voie électronique a comparu.

Après avoir entendu M. [X] [V] en ses déclarations par visioconférence, Maître Myriam HENTZ, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat choisi, en ses observations pour le retenu, et à nouveau M. [X] [V] qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

[X] [V] fait l’objet d’un arrêté préfectoral du 13 avril 2021 portant obligation de quitter le territoire français, puis d’une nouvelle décision similaire le 1 er mai 2022.

Il a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral du 1er mai 2022.

Le 2 mai 2022, la préfète du Bas-Rhin a saisi le juge des libertés et de la détention d’une requête tendant à la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé pour une durée de vingt-huit jours.

Le 3 mai 2022, M. [X] [V] a saisi le juge des libertés et de la détention d’une demande tendant à l’annulation de la décision de placement en rétention administrative prise à son encontre.

Par ordonnance du 4 mai 2022, le juge des libertés et de la détention de Strasbourg a ordonné la jonction de la procédure introduite par le recours de M. [X] [V] et celle introduite par la requête de Mme. la préfète du Bas-Rhin, a déclaré le recours de M. [X] [V] recevable et a constaté l’irrecevabilité de la requête de l’autorité préfectorale et a ordonné la remise en liberté de M. [X] [V] au motif que la procédure était irrégulière, le contrôle de l’intéressé étant irrégulier car il n’était pas démontré que le gardien de la paix ayant consulté le fichier des personnes recherchées était habilité à le faire.

Le procureur de la République de Strasbourg a interjeté appel suspensif de cette ordonnance le 4 mai 2022. Sur le fond, la déclaration d’appel mentionne ‘que les agents de police judiciaire sont habilités pour consulter le fichier des personnes recherchées dès lors qu’ils reçoivent leur nomination en tant que fonctionnaires de police’.

Par ordonnance en date du 4 mai 2022, la cour d’appel de Colmar a déclaré l’appel suspensif du procureur de la République recevable et y a fait droit.

La préfecture a interjeté appel le 5 mai 2022 de cette même décision. Elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, le constat de la régularité du placement en rétention et la prolongation de la rétention. Elle estime que l’étranger devait démontrer l’existence d’un grief causé par le défaut d’habilitation du fonctionnaire de police ayant consulté le fichier des personnes recherchées et que la consultation est intervenue au stade de l’interpellation et non durant la retenue. En outre, elle soutient que l’intéressé ne remplit pas les conditions d’une assignation à résidence.

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par le procureur de la République de Strasbourg le 4 mai 2022 (16h54) et l’appel interjeté par la préfet du Bas-Rhin le 5 mai 2022 (11h21) , par déclarations écrites et motivées, à l’encontre de l’ordonnance rendue le 4 mai 2022 (12h25) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg dans le délai prévu à l’article R. 743-10 du CESEDA sont recevables.

Sur le respect de l’article L743-8 du CESEDA

Le conseil de l’intéressé sollicite qu’il soit vérifié que les dispositions de l’article L743-8 du CESEDA aient été respectées.

En application de l’article L743-8 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut décider sur proposition de l’autorité administrative que les audiences prévues à la présente section se déroulent avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans les deux salles d’audience ouvertes au public un procès verbal des opérations effectuées.

En l’espèce le 5 mai 2022, la préfète a sollicité le recours à la visioconférence dans la présente procédure.

Il a été décidé d’y recourir en application des dispositions de l’article L743-8 du CESEDA. Un procès-verbal a été dressé à la Cour d’appel de Colmar ainsi qu’au Centre de rétention administrative de Geispolsheim.

En conséquence, le texte a été respecté et le moyen est infondé.

Sur l’exception de procédure soulevée in limine litis concerant la régularité de la procédure antérieure au placement en rétention

Au regard de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent au sens de l’article 8 de la convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales, la conservation des données dans un fichier automatisé d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents à le consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

Il en va ainsi de la consultation du fichier des personnes recherchées.

L’article 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 dispose que ‘ peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs actifs à la préfecture de police, ou le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de police nationale ou le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent’.

En l’espèce, l’agent de police judiciaire signataire du procès-verbal de saisine n°2022/012306 dressé le 30 avril 2022 à 23h45, Mme. [L] [G], a, selon ses propres indications, procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées. Or, il ne résulte pas des pièces du dossier (ni du procès-verbal d’interpellation, ni de l’extrait du fichier des personnes recherchées) qu’elle était expressément individuellement désignée et spécialement habilitée à le faire. Dès lors, la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que la personne qui l’invoque n’ait à démontrer l’existence d’une atteinte portée à ses droits.

Cette nullité ne saurait être couverte par une présomption d’habilitation alors que les textes précités évoquent une désignation et une habilitation supposant que le dossier comporte des mentions suffisantes permettant au juge de pouvoir vérifier, a minima par le biais d’une mention spécifique, l’existence d’une désignation nominative et d’une habilitation par l’autorité compétente préalablement à l’acte de recherche sur ces fichiers. C’est d’ailleurs ce qu’avait rappelé la première chambre civile de la cour de cassation dans un arrêt du 17 octobre 2018 concernant la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales et la chambre criminelle de la cour de cassation dans un arrêt du 19 février 2019 concernant la consultation du fichier de lecture automatisé des plaques d’immatriculation.

Cette irrégularité commise dans la cadre de la procédure de retenue de l’étranger pour vérification du droit au séjour entache la régularité du placement en rétention qui s’en est suivie.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer l’ordonnance déférée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés.

Le conseil de M. [X] [V] sollicite la condamnation de l’état à verser à ce dernier 1 200 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de débouter l’intéressé de cette demande.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS les appels du PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE STRASBOURG et de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN recevables en la forme ;

au fond,

CONFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge de la liberté et de la détention du tribunal de grande instance de STRASBOURG le 4 mai 2022 ;

DISONS avoir informé M. [X] [V] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant, et lui avoir rappelé qu’il a l’obligation de quitter le territoire français.

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 06 Mai 2022 à 10 h 05, en présence de

– l’intéressé par visio-conférence

– Maître Myriam HENTZ, conseil de M. [X] [V] présente au Centre de rétention par visio-conférence

– Maître Beril MOREL, conseil de MME LA PREFETE DU BAS-RHIN

Le greffier,Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 06 Mai 2022 à 10 h 05

l’avocat de l’intéressé

Maître Myriam HENTZ

Présente au CRA

l’intéressé

M. [X] [V]

né le 3 décembre 1986 à TOUBA (SENEGAL)

Comparant par visioconférence

l’interprète

l’avocat de la préfecture

comparant

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

– pour information : l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition,

– le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou en rétention et au ministère public,

– le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l’auteur du pourvoi demeure à l’étranger,

– le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation,

– l’auteur d’un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

– ledit pourvoi n’est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

– au CRA de GEISPOLSHEIM pour notification à M. [X] [V]

– à Maître [I] [U]

– à MME LA PREFETE DU BAS-RHIN

– à la SELARL CENTAURE AVOCATS

– à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. [X] [V] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l’intéressé

 

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