4 juillet 2022
Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00329 COUR D’APPEL DE TOULOUSE Minute 2022/330 N° RG 22/00329 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O33F O R D O N N A N C E L’an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 04 juillet à 15h00 Nous A. MAFFRE délégué par ordonnance du premier président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Vu l’ordonnance rendue le 30 Juin 2022 à 17H12 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de : [N] [X] né le 16 Décembre 1993 à [Localité 4] (MAROC) (50000) de nationalité Marocaine Vu l’appel formé, par télécopie, le 02/07/2022 à 17H02 par [N] [X] A l’audience publique du 04/07/2022 à 09h30, assisté de K. MOKHTARI avons entendu [N] [X] assisté de Me Amadou NJIMBAM, avocat au barreau de TOULOUSE qui a eu la parole en dernier En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé; En présence de M.[H] représentant la PREFECTURE DU [Localité 3] ; avons rendu l’ordonnance suivante : M. [N] [X], âgé de 28 ans et de nationalité marocaine, a été interpellé le 28 juin 2022 à 9h30 à la préfecture à l’occasion d’une convocation faisant suite à sa demande de titre de séjour et a été placé en retenue à 9h50. M. [X] avait fait l’objet d’une peine d’interdiction du territoire français pendant une durée de 3 ans prononcée le 18 mai 2021 par le tribunal correctionnel de Tarascon. Le 28 juin 2022, la préfète du [Localité 3] a pris à son encontre une décision de placement en rétention administrative, notifiée le même jour à 16h35. M. [X] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 2] en exécution de cette décision. 1) M. [N] [X] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 29 juin 2022 à 10h07 pour contester la régularité de la procédure et de l’arrêté en placement en rétention. 2) Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, la préfète du [Localité 3] a sollicité pour sa part du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [N] [X] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 29 juin 2022 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 18h12. Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, rejeté l’exception de procédure, déclaré régulier l’arrêté de placement en rétention administrative et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 30 juin à 17h12. M. [N] [X] a interjeté appel de cette décision, par courriel adressé au greffe de la cour le 1er juillet 2022 à 17h02. A l’appui de sa demande de mise en liberté, M. [X] a principalement soutenu que : – son interpellation est déloyale puisqu’il était convoqué pour l’examen de sa demande de titre de séjour en tant que père d’un enfant français et venait apporter pièces justificatives et documents d’identité, et a été placé en rétention administrative sans examen de sa situation, – l’arrêté de placement en rétention administrative ne répond pas aux exigences de motivation posées par le code des relations entre le public et l’administration (notamment L211-2 et suivants) alors que c’est exigé par l’article L741-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, – l’arrêté de placement en rétention administrative est entaché d’une erreur de droit et ne respecte pas l’article 8 de la CEDH : sa situation n’a pas été examinée et il a été placé en rétention administrative sur la base d’une interdiction du territoire de 3 ans dont il a demandé à être relevé, et l’arrêté de placement en rétention administrative ne prend pas en compte l’intérêt supérieur de son enfant alors qu’ils sont convoqués le 22 septembre 2022 suite à ses démarches, portant une atteinte disproportionnée au respect de l’article 8 de la CEDH et de l’article 3.1 de la CIDE, – les conditions d’un placement en rétention administrative ne sont pas remplies, l’administration n’ayant pas pris en compte sa situation personnelle ni examiné la possibilité d’une assignation à résidence alors qu’il dispose d’un passeport et de garanties de représentation. Par courriel reçu au greffe le 3 juillet 2022 à 09h14 dont la teneur a été rapportée à l’audience par la présidente, la préfecture oppose au soutien de sa demande de confirmation de l’ordonnance déférée : . sur le caractère déloyal de l’interpellation, il est apparu à l’étude préalable de son dossier, lors de la consultation du fichier des personnes recherchées que l’intéressé. fait l’objet d’une mesure judiciaire d’interdiction temporaire du territoire national et il est spécifié sur la fiche de recherche que : » Si l’intéressé se présente à la frontière pour entrer en France, l’interpeller, aviser le parquet territorialement compétent, pour instructions. Si l’intéressé est découvert sur le territoire, l’interpeller et aviser le parquet territorialement compétent pour instructions. « , . sur l’arrêté portant placement en rétention, il est motivé : bien que muni d’un passeport marocain en cours de validité, ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente dans un local affecté à son habitation principale (article L. 731-1-III), il déclare une adresse de domiciliation chez un ami et le degré de confiance envers lui est limité puisqu’il refuse explicitement de retourner dans son pays d’origine. . sur l’erreur de droit et l’atteinte à l’article 8 de la CEDH, M. [X] n’a pas la garde de son enfant et ne s’en occupe pas financièrement, . sur les conditions du placement en rétention, il fait l’objet d’une mesure judiciaire d’interdiction temporaire du territoire national et refuse explicitement de retourner dans son pays d’origine, de sorte qu’il ne peut être assigné à résidence. À l’audience, M. [X] qui a demandé à comparaître a insisté sur les cinq années passées en France, et ses démarches pour voir sa fille et être relevé de l’interdiction du territoire de 3 ans prononcée à son encontre : il veut une solution avant de partir. Interrogé, il indique ne pas avoir profité du droit de visite mensuel accordé avec lequel il n’est pas d’accord, et ajoute que la mère de l’enfant ne s’est pas présenté pour la médiation contrairement à lui. Maître Njimbam a repris oralement les termes du recours de M. [X] et souligné notamment que la situation familiale de l’appelant n’a pas été prise en compte et qu’il dispose d’une attestation d’hébergement de la part d’une personne de sa famille. La préfète du [Localité 3], régulièrement représentée à l’audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en s’en remettant à la motivation de celle-ci, en rappelant l’interdiction du territoire de 3 ans dont fait l’objet l’appelant et en soulignant qu’un éloignement n’aurait pas d’incidence immédiate en l’absence de droit de visite en cours. Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la procédure antérieure au placement en rétention administrative M. [X] soutient que son interpellation est déloyale puisqu’il était convoqué pour l’examen de sa demande de titre de séjour et que celle-ci n’a pas été examinée avant son placement. Il ne prétend pas ne pas avoir été informé du risque de placement en rétention administrative ou sous assignation à résidence à l’occasion de cette convocation et au demeurant, cet avertissement figure bien sur la convocation qu’il produit et qui est également jointe à la requête préfectorale. Or, que sa demande de titre de séjour n’ait pas été examinée pourrait éventuellement avoir des conséquences sur la validité d’un refus de ce titre, mais aucune sur la régularité de l’interpellation, laquelle résulte uniquement sur les informations dûment et loyalement données la concernant. L’exception de nullité soulevée doit donc être rejetée, la décision déférée étant confirmée sur ce point. Sur l’arrêté de placement en rétention administrative Aux termes de l’article L741-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la décision de placement en rétention est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification. Et selon l’article L741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. Au cas d’espèce, M. [X] affirme en premier lieu que l’arrêté de placement en rétention administrative ne répond pas aux exigences légales en matière de motivation. L’arrêté critiqué rappelle à titre liminaire l’interpellation à la suite d’une convocation pour le dépôt de sa demande de titre de séjour comme parent d’un enfant françaiset l’interdiction du territoire de 3 ans. Il est ensuite motivé comme suit : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d’audition que M. [X], bien que muni d’un passeport en cours de validité déclare sans le justifier être domicilié chez un ami à [Localité 1]. Considérant que l’intéressé ne présente donc pas de garanties de présentation effectives propres à prévenir le risque mentionné à l’article L731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui justifieraient qu’il soit assigné à résidence dans l’attente de l’exécution effective de son interdiction du territoire national. Considérant qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’intéressé présenterait un état de vulnérabilité qui s’opposerait à un placement en rétention. Considérant qu’il y a lieu dès lors à ordonner son placement en rétention… » Or, M. [X] étant précisément muni de tout un dossier détaillant les démarches accomplies, tant amiables que judiciaires, pour conserver un lien avec sa fille, reconnue avant sa naissance, malgré la séparation et le conflit persistant avec la mère de l’enfant, la préfète disposait de tous les éléments pour apprécier la force de ce lien familial et, le cas échéant, en discuter la portée. Dans ces conditions, et même si l’exigence légale de motivation n’est pas celle de l’exhaustivité, il ne être considéré que les garanties de représentation de l’appelant ont été sérieusement examinées fut-ce pour écarter l’efficacité des liens familiaux revendiqués pour prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement : cette absence totale de discussion de la portée de ces attaches équivaut à une absence de motivation. Dès lors, la nécessité du placement en rétention de M. [X] est insuffisamment motivée et proportionnée au regard des exigences de l’article L741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des dispositions des conventions internationales.
En conséquence, la décision du premier juge sera infirmée et la demande de prolongation rejetée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés. PAR CES MOTIFS Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties, Confirme l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 30 juin en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité soulevée, L’infirme pour le surplus, Ordonne la mainlevée de la mesure de maintien en rétention sans délai de M. [N] [X], Rappelle à M. [N] [X] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français, Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture du [Localité 3], service des étrangers, à M. [N] [X], ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public. LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ K. MOKHTARI A. MAFFRE
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