4 avril 2023
Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01015 ARRET N° N° RG 22/01015 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GQZM [E] [E] [E] C/ Société MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAI F) RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE POITIERS 1ère Chambre Civile ARRÊT DU 04 AVRIL 2023 Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01015 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GQZM Décision déférée à la Cour : jugement du 17 février 2022 rendu(e) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de la rochelle. APPELANTES : Madame [G] [E] née le 24 Août 1981 à [Localité 7] [Adresse 3] [Localité 1] Mademoiselle [L] [E] née le 21 Mai 2007 à [Localité 1] [Adresse 3] [Localité 1] Mademoiselle [J] [E] née le 18 Août 2012 à [Localité 6] [Adresse 3] [Localité 1] ayant pour avocat Me Camille VAN ROBAIS de la SELARL ACTES ET CONSEILS AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substitué par Me Aurélien BLANCHARD, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT INTIMEE : Société MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAI F) [Adresse 2] [Localité 4] ayant pour avocat Me Charles-emmanuel ANDRAULT de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substitué par Me Florence GUEDOUE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller Madame Anne VERRIER, Conseiller qui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD, ARRÊT : – Contradictoire – Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, – Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ : Les époux [G] et [B] [E] avaient souscrit auprès de la MAIF plusieurs contrats d’assurance. Le mari, [B] [E], est décédé le 23 décembre 2016 vers 18h40 dans un accident de la circulation, lorsque le véhicule automobile qu’il conduisait pour se rendre en région parisienne après être venu déposer à [Localité 5] les deux enfants du couple, séparé, afin qu’ils passent les fêtes chez la mère, a percuté frontalement un ensemble routier qui roulait dans l’autre sens de circulation. [G] [E] a réclamé à la MAIF paiement des indemnités prévues en cas de décès de l’assuré par les contrats ‘VAM’ et ‘PACS’ que les époux avaient souscrits auprès d’elle. La compagnie lui ayant opposé un refus au motif que l’assuré s’était suicidé, [G] [E] agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de ses filles mineures [L] [E] et [J] [E], a fait assigner devant le tribunal judiciaire de La Rochelle, par acte du 20 juillet 2020, la SA Filia MAIF pour l’entendre condamner à verser à Mme [E] les sommes contractuellement dues au titre des contrats PACS et VAM, au besoin à chiffrer par voie d’expertise judiciaire et qu’elle chiffrait elle-même plus subsidiairement, et à les indemniser toutes trois de leur préjudice moral causé par l’absence de soutien de la compagnie dans cette épreuve. La mutuelle MAIF, intervenue volontairement à l’instance, a conclu au rejet de ces demandes tandis que la SA Filia MAIF sollicitait sa mise hors de cause. L’assureur faisait valoir que seul le contrat PACS serait susceptible d’être mobilisé, les garanties ne se cumulant pas pour un même risque, et qu’il ne pouvait pas l’être car les conditions contractuelles de la garantie n’étaient pas vérifiées, le dommage n’étant pas accidentel au sens des clauses du contrat. Par jugement du 17 février 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a rejeté l’ensemble des demandes formulées par Mme [E] agissant tant en son nom personnel qu’ès qualités et l’a condamnée aux dépens de l’instance. Pour statuer ainsi, il a retenu : .qu’il appartenait à la demanderesse, qui réclame le bénéfice des contrats d’assurance, d’établir qu’étaient réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie et, à ce titre, de démontrer le caractère accidentel du décès au sens du contrat .qu’elle n’établissait pas l’existence d’un fait non intentionnel de la part de M. [B] [E] et provenant de l’action soudaine d’une cause extérieure au sens de l’un ou l’autre des deux contrats invoqués .qu’au contraire, le caractère intentionnel du dommage subi par celui-ci ressortait des éléments de la cause et notamment de l’enquête de gendarmerie .que l’assureur n’avait pas commis de faute au préjudice des demanderesses. [G] [E] agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de ses filles mineures [L] [E] et [J] [E] a relevé appel le 20 avril 2022 en intimant la SA MAIF intervenant en lieu et place de la SA Filia MAIFGaston18% Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique : * le 19 juillet 2022 par Mme [E] tant en son nom personnel qu’ès qualités de représentantes légales de ses filles mineures * le 12 octobre 2022 par la société d’assurances mutuelles MAIF. [G] [E] agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de ses filles mineures [L] [E] et [J] [E], demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau de les dire bien fondées en leurs prétentions, de juger la MAIF défaillante dans l’administration de la preuve lui incombant s’agissant de la cause du décès de [B] [E], de juger que la clause d’exclusion de la garantie prévue pour cause de suicide dans chacun des contrats leur est inopposable, en conséquence de dire que les primes dues au titre des contrats PACS et VAM sont contractuellement dues, et ¿ à titre principal : de dire que la MAIF devra chiffrer les sommes contractuellement dues au titre de ces deux contrats, et les leur verser ¿ subsidiairement : de désigner un expert avec pour mission de chiffrer le montant des prestations contractuellement dues par la MAIF en vertu de ces deux contrats ¿ infiniment subsidiairement : de condamner la MAIF à payer .au titre du contrat PACS : -à [G] [E] : .5.000 euros au titre du capital décès du contrat PACS .3.300 euros à titre de participation aux frais funéraires .15.000 euros au titre de son préjudice patrimonial -à [L] [E] : 5.000 euros à titre d’indemnisation de son préjudice financier -à [J] [E] : 5.000 euros à titre d’indemnisation de son préjudice financier .au titre du contrat VAM : -à [G] [E] : 5.500 euros au titre du capital décès -à [L] [E] : 4.700 euros au titre du capital décès -à [J] [E] : 4.700 euros au titre du capital décès ¿ en tout état de cause : de condamner la MAIF -à payer 5.000 euros à chacune à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral -aux dépens et au paiement par application de l’article 700 du code de procédure civile d’une indemnité de procédure de 2.000 euros pour la première instance et de 3.000 euros pour la procédure d’appel. L’appelante soutient que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve, en considérant qu’il lui incombait de prouver que [B] [E] ne s’était pas suicidé, alors que s’agissant d’une clause d’exclusion, c’est à la MAIF qu’il incombait d’établir la réalité du prétendu suicide. Elle soutient que les enquêteurs n’ont fait état que de simples suppositions sur les causes de l’accident ; que les circonstances du choc laissent davantage penser à un dépassement mal évalué ; qu’il ne peut être tiré argument d’éléments éminemment subjectifs et interprétables ; que le couple rencontrait certes des problèmes, mais que le sms adressé par [B] [E] une demi heure avant l’accident s’apparente davantage à une ultime tentative désespérée qu’à une annonce sérieuse ; qu’il n’est pas plausible qu’un homme aussi responsable qu’il l’était ait décidé de mettre fin à ses jours en provoquant un accident qui risquait de blesser d’autres personnes ; que l’intention suicidaire n’est pas démontrée avec certitude ; et que le doute profite à la victime et à ses ayants droit. Elle affirme que la garantie prévue en cas de décès par les contrats PACS et VAM est cumulable. La MAIF demande à la cour de confirmer le jugement, de juger en conséquence que la preuve des conditions de mise en oeuvre des garanties invoquées n’est pas rapportée ; de juger qu’elle est en tout état de cause bien fondée à opposer une exclusion de garantie ; de débouter en conséquence Mme [E] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner aux dépens. Elle soutient que la demanderesse confond la charge de la preuve des conditions de mise en oeuvre de la garantie dont il est demandé l’application, qui incombe à celui qui revendique l’indemnité d’assurance, et la charge de la preuve de l’exclusion, qui incombe à l’assureur. Elle maintient qu’ainsi que l’a dit le tribunal, c’est d’abord à Mme [E] d’établir en application de l’article 1353 du code civil que les conditions d’application de la garantie qu’elle invoque sont vérifiées, avant dans un second temps, si tel est le cas, d’examiner alors si l’assureur démontre lui-même que les conditions de l’exclusion qu’il invoque sont vérifiées. Rappelant que les contrats PACS et VAM sont l’un et l’autre mis en oeuvre en cas d »accident’ et que le lexique figurant dans les conditions générales des deux contrats définit l’accident comme tout fait dommageable non intentionnel de la part de l’assuré provenant de l’action soudaine d’un événement extérieur, elle affirme qu’il ressort clairement des constatations des enquêteurs, du témoignage du conducteur du camion percuté et de l’automobile qui précédait la voiture de [B] [E], ainsi que des termes du message envoyé par celui-ci à sa femme peu avant l’accident, mis en perspective avec la séparation du couple, que le décès n’est pas accidentel, et qu’à l’inverse, M. [E] a volontairement provoqué la collision avec le poids-lourd pour mettre fin à ses jours. Elle conteste que les garanties PACS et VAM soient cumulables, au vu de l’article 14 des conditions générales. Subsidiairement, la compagnie se prévaut de la clause d’exclusion de garantie figurant aux conditions générales du chef des dommages que l’assuré se cause intentionnellement ou résultant d’un suicide ou d’une tentative de suicide, en indiquant rapporter la preuve que [B] [E] a volontairement provoqué l’accident pour mettre fin à ses jours. Très subsidiairement, la MAIF s’oppose à la mesure d’expertise suggérée, en objectant qu’elle ne saurait être instituée pour suppléer la carence des parties, et que la mission proposée n’est pas technique mais juridique, et relève donc de l’appréciation du juge. Elle réfute toute faute de sa part, et s’oppose à la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formulée en tout état de cause. L’ordonnance de clôture est en date du 5 décembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION : Mme [E] réclame à la MAIF le capital stipulé en cas de décès de l’assuré dans le contrat ‘VAM’ et le contrat ‘PACS’ souscrits auprès de cette mutuelle par son mari et elle. Le contrat ‘PACS’, qui couvre les accidents découlant de l’utilisation d’un véhicule terrestre à moteur soumis à l’obligation d’assurance, définit l’accident comme ‘tout fait dommageable, non intentionnel de la part de l’assuré, provenant de l’action soudaine d’une cause extérieure’ (cf pièce n°3 de l’appelante, page 48). Le contrat ‘VAM’, qui couvre les dommages corporels et matériels et garantit les droits et responsabilité lors d’accidents découlant de la propriété ou l’utilisation des véhicules terrestres à moteur assurés, définit l’accident comme ‘tout fait dommageable, non intentionnel de la part de l’assuré, normalement imprévisible, et provenant de l’action soudaine d’une cause extérieure’ (cf pièce n°4 page 61). Aux termes de l’article 1353 du code civil en sa rédaction applicable en la cause issue de l’ordonnance du 10 février 2016, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie, et contrairement à ce que soutient l’appelante, c’est ainsi sans inverser la charge de la preuve que le premier juge a retenu qu’il appartenait aux ayants droits de l’assuré, [B] [E], d’établir que son décès revêtait un caractère accidentel, circonstance qui constitue une condition de la garantie (cf Cass. 2° civ. 07.03.2019 P n°18-13347). Il ressort des productions, et particulièrement des certificats médicaux et procès-verbaux d’enquête de la gendarmerie, que [B] [E] est décédé dans une collision frontale de son automobile Citroën C4 avec un camion qui circulait en sens inverse sur le RD 611. Il est allé percuter le camion dans une ligne droite, après avoir déboîté de sa file et doublé un véhicule dont le conducteur a déclaré aux enquêteurs (cf PV n°9) que la voiture qui l’avait ainsi dépassé aurait eu le temps de se rabattre, qu’il n’avait constaté de la part du conducteur aucune action de freinage et qu’il ‘avait ressenti le fait que le conducteur de ce véhicule cherchait à rentrer dans le poids-lourd’. Les gendarmes ont consigné dans leur procès-verbal de constatations n’avoir pas relevé de traces de freinage de la part de la C4 (cf annexe n°1 au procès-verbal n°1). Ils ont constaté (PV n°12) que le chauffeur du camion avait quant à lui ‘effectué un freinage important avant le choc, …survenu pour le tracteur routier à une vitesse de 42 km/h’. Ils n’ont relevé ni élément, ni indice, accréditant une défaillance technique de la C4. Le chauffeur du poids-lourd a déclaré (PV n°14) qu’un véhicule avait déboîté en face de lui, doublé très rapidement deux autres véhicules en roulant largement à plus de 90 km/h, et était venu le heurter, indiquant : ‘il est venu délibérément sur moi alors qu’il avait le temps de se rabattre. Il n’a aucunement freiné. Il n’a fait aucun mouvement avant il roulait parfaitement droit vers moi. C’était évident qu’il voulait me percuter. J’ai immédiatement cherché à freiner et donc à ralentir. J’ai fait des appels de phare et j’ai klaxonné.’. Ces données, qui ne sont ni des interprétations ni des suppositions, ne sont pas compatibles avec le caractère accidentel de l’accident. Ce caractère accidentel, qu’il incombe à Mme [E] de démontrer, n’est pas non plus compatible avec l’attitude de M. [B] [E] juste avant les faits, puisqu’il venait de lui adresser à 18h02 un sms d’adieu lui indiquant qu’il allait mettre fin à ses jours, message dont l’appelante n’est pas fondée à prétendre relativiser aujourd’hui la portée, qui est explicite (‘chère [G], j’ai décidé de mettre fin à mes jours. J’y ai beaucoup réfléchi et je suis en paix avec ma décision…je ne sais pas où je vais atterrir mais j’espère pouvoir veiller sur vous là-bas..Je vous aime de tout mon coeur’) et sur laquelle elle ne s’est pas trompée au moment de sa réception, s’en alarmant tellement qu’elle a aussitôt alerté les gendarmes, lesquels l’ont eux-mêmes prise au sérieux au point de lancer sur le champ des recherches par géolocalisation du portable de M. [E], avis donné au magistrat du parquet de permanence qui prescrivait de recourir à la procédure de disparition inquiétante, avec inscription au fichier des personnes recherchées et instructions à la brigade du lieu de localisation d’envoyer immédiat d’une patrouille sur le secteur (PV d’investigations et PV de synthèse). Ainsi Madame [E], pas plus en cause d’appel qu’en première instance, n’établit ni l’existence d’un fait dommageable, non intentionnel de la part de l’assuré, provenant de l’action soudaine d’une cause extérieure au sens du contrat ‘PACS’, ni celle d’un fait dommageable, non intentionnel de la part de l’assuré, normalement imprévisible, et provenant de l’action soudaine d’une cause extérieure au sens du contrat ‘VAM’. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement du capital décès qu’elle réclame. Il le sera également en ce qu’il a débouté Mme [E] tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de ses filles mineures [L] [E] et [J] [E] de sa demande de dommages et intérêts, la preuve n’étant pas davantage rapportée d’une faute commise par la MAIF, dont le refus de paiement n’est ni abusif ni fautif mais au contraire fondé, et qui n’a pas commis non plus de faute avérée dans sa gestion du dossier, ayant répondu en termes adaptés aux demandes de Mme [E] et lui ayant même proposé à titre exceptionnel et dérogatoire une somme forfaitaire de 10.000 euros au titre de la solidarité mutualiste (cf pièces n°11 et 14 de l’appelante). Le jugement sera aussi confirmé en ses chefs de décision, pertinents, relatifs au sort des dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile. Mme [E] succombe en son appel et en supportera les dépens. PAR CES MOTIFS la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: CONFIRME le jugement déféré ajoutant : REJETTE toutes demandes autres ou contraires CONDAMNE Mme [E] tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de ses filles mineures [L] [E] et [J] [E] aux dépens d’appel. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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