Fichier des personnes recherchées : 30 septembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 23/07396

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30 septembre 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
23/07396

N° RG 23/07396 N° Portalis DBVX-V-B7H-PG3A

Nom du ressortissant :

[W] [F]

PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

C/

[F]

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 30 SEPTEMBRE 2023

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Antoine-Pierre D’USSEL, conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégué par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 30 août 2023 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assisté de Rémi HUMBERT, greffier,

En présence du ministère public, représenté par Laure LEHUGEUR, avocat général près la cour d’appel de Lyon,

En audience publique du 30 Septembre 2023 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon, en la personne de Laure LEHUGEUR, avocat général

ET

INTIME :

M. [W] [F]

né le 28 Octobre 1995 à [Localité 4] (ALGÉRIE)

de nationalité algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [2]

comparant, assisté de Maître Camille DACHARY, avocat au barreau de LYON, commis d’office

MME LA PREFETE DU RHÔNE

non comparante, régulièrement avisée, représentée par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, substituée par Maître CAMACHO, avocats au barreau de l’AIN

Avons mis l’affaire en délibéré au 30 Septembre 2023 à 17 heures 00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [W] [F], né le 28 octobre 1995 à [Localité 4] (ALGERIE), de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative à compter du 26 septembre 2023 par arrêté de la préfecture du Rhône, et conduit en centre de rétention administrative de [2] afin de permettre l’exécution de l’arrêté du préfet du Rhône du 14 avril 2023, notifié ce même jour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et portant interdiction de retour sur le territoire national pendant une durée de 36 mois, décision confirmée par le tribunal administratif de LYON le 18 avril 2023.

Saisi par requête de Monsieur [W] [F] reçue par télécopie le 27 septembre 2023 à 12h09 d’une contestation de la régularité de la décision ordonnant son placement en rétention administrative, et d’une demande du préfet du Rhône que soit prolongée la mesure de rétention mise en ‘uvre, par requête déposée le 27 septembre 2023 à 15h00, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, par ordonnance du 28 septembre 2023 à 16h43, a notamment déclaré recevables les requêtes précitées mais irrégulière la décision de placement en rétention administrative prononcée à l’encontre du requérant tout comme la requête en prolongation, et ordonné la remise en liberté de l’intéressé.

Pour déclarer irrégulière la décision de placement en rétention, ce magistrat a retenu que la décision de placement en rétention était entachée d’une erreur de fait quant à l’appréciation de l’absence de domiciliation stable de l’intéressé ; qu’en outre, il a relevé d’office, sur le fondement de l’article L 743-12 du CESEDA, l’absence d’avis immédiat au procureur de la République du placement en rétention de l’intéressé.

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon a relevé appel de cette ordonnance par télécopie reçue au greffe de la présente juridiction le 28 septembre 2023 à 18h15, et sollicité qu’effet suspensif soit conféré à son appel.

Par ordonnance du 29 septembre 2023, le conseiller délégué a déclaré recevable l’appel du parquet et lui a conféré effet suspensif.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 30 septembre 2023 à 10h30.

A l’audience, le ministère public et la préfète du Rhône, représentée par son conseil, sollicitent la réformation de l’ordonnance et la prolongation de la mesure de rétention de l’intéressé pour une durée de 28 jours.

Monsieur [W] [F], assisté de son conseil, sollicite la confirmation de l’ordonnance déférée et sa mise en liberté immédiate.

MOTIVATION

Sur la régularité du placement en rétention :

Sur le moyen tiré de l’irrégularité du placement en garde à vue.

Aux termes de l’article 62-2 du code de procédure pénale « la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne (‘) ».

L’article L 824-3 du CESEDA dispose qu’est « puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende le fait, pour un étranger, de se maintenir irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement en exécution d’une interdiction administrative du territoire français, d’une obligation de quitter le territoire français, d’une décision de mise en ‘uvre une décision prise par un autre État, d’une décision d’expulsion ou d’une peine d’interdiction du territoire français.

L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français ».

En l’espèce, il ressort de la procédure que Monsieur [F] a été interpellé en flagrant délit de vol par les policiers du commissariat de [Localité 1] le 25 septembre 203 à 16h45 ; que, des vérifications opérées dans le cadre de cette interpellation, il est ressorti que l’intéressé était inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR) portant sur une reconduite à la frontière ainsi qu’une interdiction administrative de retour sur le territoire national d’une durée de trois ans, mesure qui lui a été notifiée le 14 avril 2023.

Le même jour à 17h20, Monsieur [F] a été placé en garde à vue au motif qu’il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre (‘) un délit, en l’espèce l’infraction de maintien irrégulier sur le territoire français d’un étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire (‘) ».

Monsieur [F] conteste son placement en garde à vue soutenant que la mention du FPR ne permettait pas aux policiers de déterminer qu’il avait fait l’objet d’une précédente mesure de rétention administrative ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement.

Néanmoins, l’article 62-2 du code de procédure pénale précité ne conditionne pas le placement en garde à vue à la certitude pour les enquêteurs de la commission d’une infraction, mais à l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission de cette infraction ; en l’espèce, l’inscription au FPR de Monsieur [F] au titre d’une obligation de quitter le territoire français notifiée constitue cette raison plausible, permettant le placement en garde à vue pour vérifier la matérialité de l’infraction reprochée, en l’espèce la violation de l’article L 824-3 du CESEDA.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé et sera écarté.

Sur le moyen tiré de la tardiveté de l’avis au parquet du placement en rétention.

Aux termes de l’article L 741-8 du CESEDA, « le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention ».

Le premier juge, et Monsieur [F] après lui, considèrent qu’aucune mention de l’avis ne figure dans les pièces communiquées par l’administration au soutien de sa demande de prolongation de la mesure de rétention ; que cette carence fait nécessairement grief, s’agissant d’une nullité reconnue d’ordre public. Ils estiment que l’avis parquet réalisé lors de l’arrivée de l’intéressée au centre de rétention administrative le 26 septembre 2023 à 12h30 est insuffisant.

A ce sujet, il résulte de la procédure que le 26 septembre 2023 à 10h51, les policiers sont avisés par la préfecture de sa décision de placement de l’intéressé en rétention ; qu’aux termes d’un procès-verbal du même jour à 11h01, ils précisent avoir contacté le service du traitement direct du parquet de Lyon et « qu’après relation des faits, la magistrate nous demande de lui transmettre la procédure en CSS 61 », c’est-à-dire que cette dernière a décidé d’un classement sans suite au vu d’autres poursuites non pénales. La garde à vue est ensuite levée à 11h40, et l’avis d’admission au centre de rétention est transmis au parquet à 12h30, pour une heure d’arrivée à 12h25.

Aucun élément ne permettant de remettre en cause la fiabilité des procès-verbaux versés en procédure, il doit être considéré que le parquet de Lyon a été avisé, téléphoniquement, du placement en rétention de Monsieur [F] aux environs de 11h00 ; qu’en conséquence de cette orientation, a été décidé un classement sans suite ; que la confirmation de l’arrivée en rétention de l’intéressé a été adressée au parquet 5 mn après son arrivée.

Dès lors, aucun élément ne permet de considérer que l’information du placement en rétention de Monsieur [F] n’aurait pas été faite, ou aurait été tardive. En outre, ces éléments figurent en procédure, de sorte que le grief de l’absence de production au soutien de la requête, présenté par l’intéressé sur le fondement de l’article R 743-2 du CESEDA, doit être écarté.

En conséquence, ce moyen sera également écarté, et l’ordonnance déférée infirmée sur ce point.

Sur les moyens tirés de l’erreur de fait et du défaut d’examen réel et sérieux, et l’erreur manifeste d’appréciation.

Monsieur [F] et le premier juge estiment que la préfecture n’a pas sérieusement examiné la situation personnelle de l’intéressé et a commis de ce fait une erreur de fait, en ne prenant pas en compte la reprise de vie commune survenue entre lui et sa compagne, Madame [B], depuis les faits de violences conjugales pour lesquels il a été placé en garde à vue en avril 2023.

Dans le cadre de sa comparution en première instance, il a produit notamment trois courriers de sa compagne : dans le premier du 26 avril 2023 adressé au procureur de la République, elle indique souhaiter retirer sa plainte, mentionnant un projet de mariage et la naissance à venir de leur fille, pour 2023, ainsi que les regrets exprimés par Monsieur [F] lors des parloirs. Aux termes d’un courrier du 23 juin 2023, elle indique souhaiter qu’il soit présent à ses côtés, et mentionne qu’il contribue financièrement à la vie de famille ; dans un troisième, daté du 26 juin 2023, elle atteste l’héberger « depuis le 19 août 2022 ». Sont encore produits des compte-rendu et échographies de grossesse.

L’arrêté de placement en rétention du 26 septembre 2023 précise à ce sujet que Monsieur [F] déclare être en couple avec Madame [B] [I] enceinte de ses ‘uvres de 8 mois et avoir déclaré la naissance auprès de la mairie de [Localité 5] et [Localité 3] sans justifier de la stabilité et de la durée de cette relation ; qu’il convient de relever que l’intéressé a été placé en garde à vue le 14 avril 2023 pour des faits de violence sur Madame [B] qui avait déclaré à ce moment vouloir mettre fin à leur relation et ne plus vouloir habiter avec lui ; qu’il ne peut dès lors être considéré qu’il justifie d’un hébergement stable.

Au surplus, le même arrêté précise que l’intéressé a fait l’objet de deux assignations à résidence prises et notifiées le 13 janvier 2022 et le 28 juin 2023 qu’il n’a pas respectées suivant les procès-verbaux de carence des 25 janvier 2022 et 11 juillet 2023 ; qu’en outre, il est dépourvu de document d’identité et de voyage, et qu’il n’a pas été décelé de vulnérabilité particulière s’opposant à son placement en rétention.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient, en ce qui concerne tout d’abord la situation familiale de l’intéressé, de relever qu’il n’a pas justifié de sa situation dans le temps de sa garde à vue, alors qu’il a été mis en mesure de téléphoner à un proche, droit dont il n’a pas souhaité faire usage. La régularité d’un acte administratif devant être appréciée au regard des éléments dont disposait l’administration au moment où elle a pris sa décision, il ne peut lui être fait grief d’avoir ignoré ces éléments postérieurs.

Au surplus, il est légitime que la préfecture, sans occulter les dires de Monsieur [F] quant à la reprise de la vie commune avec Madame [B], ait pu les remettre en cause au vu des antécédents de violences conjugales récents (avril 2023), et considérer qu’elle ne pouvait avoir de certitude sur la reprise de cette vie commune. En outre, les éléments relevés dans l’ordonnance de première instance ‘ grossesse de Madame [B], reconnaissance unilatérale de l’enfant et attestation d’hébergement manifestement erronée en ce qu’elle ne mentionne pas la période de séparation ‘ ne peuvent être considérés comme établissant de manière certaine la stabilité de la résidence de l’intéressé, ce d’autant que les faits de violences conjugales ont eu lieu alors que Madame [B] était déjà enceinte, et qu’elle a déclaré postérieurement vouloir se séparer de lui.

Dès lors, il ne peut être considéré que la préfecture a commis une erreur de fait ou un défaut d’examen réel et sérieux de la situation de Monsieur [F].

A titre complémentaire, les mentions de l’arrêté relatives au non-respect de deux précédentes obligations de quitter le territoire français, de deux mesures d’assignation à résidence, de l’absence de possession de document de voyage de Monsieur [F] établissent le risque de soustraction à la mesure d’éloignement, et n’auraient pas permis de considérer qu’une erreur de fait sur la situation familiale de l’intéressé, si elle avait été caractérisée, aurait suffi à elle seule à caractériser une atteinte aux droits de l’étranger.

Ces mêmes éléments ‘ violences conjugales, absence de certitude quant au principe et aux dates de reprise d’une vie conjugale postérieure, non-respect des mesures d’assignation à résidence, absence de documents de voyage, absence de démarche de régularisation ‘ conduisent à écarter toute erreur manifeste d’appréciation de la part de la préfecture quant à l’absence de garanties de représentation suffisantes, et à l’existence d’un risque de fuite.

S’agissant plus spécifiquement de la critique du caractère disproportionné de la mesure au regard de la situation familiale et de l’atteinte à la vie familiale de Monsieur [F] protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ce grief doit être écarté s’agissant de l’appréciation de la validité de la décision de placement en rétention au regard, des antécédents de violences conjugales ayant conduit Madame [B] à manifester son désir de séparation conjugale, mais également du caractère tardif de la production des éléments contraires, par rapport à la date de la décision de la préfecture.

Ce moyen sera également écarté.

En conséquence, l’ordonnance déférée sera réformée, et la mesure de rétention prolongée pour une durée de 28 jours.

PAR CES MOTIFS

Vu l’ordonnance du conseiller délégué du 29 septembre 2023 ayant déclaré recevable l’appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon le 28 septembre 2023 ;

Confirmons la jonction des procédures enregistrées au greffe sous les numéros de RG 23/03508 (N° Portalis DB2H-W-B7H-YNNU et RG n°23/03508 (N° Portalis DB2H-W-B7H-YNNU) ;

Confirmons la recevabilité de la requête de Monsieur [W] [F] ;

Pour le surplus, infirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de LYON en date du 28 septembre 2023 (n° 23/03508) et statuant à nouveau,

Déclarons recevable la requête déposée le 27 septembre 2023 par la préfète du Rhône ;

Déclarons régulière la procédure diligentée à l’égard de Monsieur [W] [F] ;

Ordonnons la prolongation de la mesure de rétention administrative de Monsieur [W] [F] pour une durée de 28 jours.

Le greffier,

Rémi HUMBERT

Le magistrat délégué,

Antoine-Pierre d’USSEL

 

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